« Instaurer la confiance dans l’équipe » - Pharmacien Manager n° 139 du 30/06/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 139 du 30/06/2014
 

Pratiques management

Face à face

Auteur(s) : Myriam Loriol

Le stress en entreprise. Le sujet est (malheureusement) à la mode. Mais peu étudié dans les petites entreprises comme les pharmacies. Or comment s’y manifeste-t-il ? Comment le prévenir ? Réponses de Deede Sall, co-auteur de l’étude « TPE : salariés heureux ? »

« Pharmacien Manager » : La taille d’une entreprise influe-t-elle sur le niveau de stress des salariés ?

Deede Sall : Globalement, on peut dire que dans les TPE il existe une protection informelle contre le stress. Du fait de la proximité entre les salariés, une entraide spontanée se crée. Aussi, dans les petites entreprises, on n’utilise pas le mot stress. Alors qu’il est exploité – souvent à mauvais escient – dans les grosses structures. Chez Orange par exemple, on a vu se créer des entités pour gérer le stress. Au lieu de résoudre un problème, on le médicalise. Et pour certains salariés, le stress est brandi à tort et à travers et devient même une excuse pour ne plus avancer.

P.M. : Alors il fait bon travailler dans une TPE comme une pharmacie ?

D.S. : Les choses ne sont pas si simples ! La proximité sociale a ses revers. Par exemple, elle favorise de la part du « patron » le développement d’un comportement paternaliste, souvent infantilisant pour les collaborateurs. Des collaborateurs qui sont souvent beaucoup plus impliqués en TPE que dans les grandes entreprises. Mais cette implication peut aussi leur paraître excessive lorsqu’ils n’ont pas de reconnaissance escomptée. D’où l’apparition d’un stress…

P.M. : Mais ne dit-on pas que le stress peut aussi être un booster ?

D.S. : Il ne faut surtout pas parler de bon et de mauvais stress ! En revanche, il existe des stimulations positives pour les salariés, comme celle de les impliquer dans un projet ambitieux, ou de valoriser un challenge. Quand une équipe prend à son compte les enjeux d’une mission et n’a pas l’impression d’être subordonnée, là elle se sent motivée… et boostée ! A contrario, mettre les gens sous pression et leur demander de faire toujours plus avec moins les démobilise. Et génère du stress au sens propre du terme, qui se définit par le sentiment de ne pas avoir les moyens de faire le travail tel qu’il devrait l’être. Et du coup, le travail peut rendre malade. Mais dès qu’on a le sentiment de pouvoir maîtriser la situation, on ne ressent pas de contraintes subies… donc de stress.

P.M. : Comment reconnaît-on un collaborateur stressé ?

D.S. : Ce n’est pas toujours facile car les gens stressés n’en parlent pas, prennent sur eux et surtout ne font pas spontanément le lien avec leur travail. De plus, ils n’emploient pas le mot stress et se plaignent plus facilement d’être fatigués. L’employeur doit cependant être vigilant quand un de ses employés a du mal à s’organiser, se sent perdu, rumine toujours, développe une angoisse excessive par rapport aux tâches accomplies… En pharmacie, il s’agira par exemple d’une préparatrice à temps partiel qui appelle les jours où elle ne travaille pas pour savoir si elle a bien donné tel médicament à M. Untel, si le produit promis à une patiente a bien été mis en sac, etc. Au stade ultime du stress, la personne n’a plus goût au travail et se met en retrait.

P.M. : Que faire alors ?

D.S. : Si un manager sent l’un de ses collaborateurs stressé, il faut qu’il lui en parle sans en faire un cas particulier. Et sans prononcer le mot stress. Il faudra évoquer « des difficultés dans le travail », « une fatigue chronique »… L’idée est d’évoquer une organisation à améliorer. La meilleure solution reste collective : réfléchir en équipe quelles initiatives mettre en œuvre pour le confort de tous. Attention à ne pas donner l’impression de faire du favoritisme en protégeant le salarié stressé ! Les autres pourront se sentir jaloux.

P.M. : Comment prévenir le mal-être de son équipe ?

D.S. : S’il n’y a pas d’outils formels de prévention du stress en entreprise, on peut affirmer que cette prévention repose sur la confiance entre salariés et patron. L’intérêt de cette confiance ? Faire en sorte que le collaborateur se confie à ses collègues ou à son manager dès qu’il ressent un problème. Pour autant, résoudre un à un le problème – c’est-à-dire éteindre les incendies au fur et à mesure qu’ils se déclenchent – ne sert à rien. Il faut consolider la confiance dans l’équipe en proposant des rencontres pour échanger, discuter de la vie de l’entreprise. Attention à ne pas présenter ces moments comme des réunions formelles. Mieux vaut parler de « discussions », qui peuvent par exemple prendre la forme de petits-déjeuners. L’objectif de tout cela est de faire partager à toute une équipe une vision commune d’un projet. Et de donner du sens au métier.

P.M. : Concrètement, comment procéder en pharmacie ?

D.S. : Il faut que tout le monde connaisse les valeurs de l’entreprise et les objectifs du titulaire. Améliorer la relation client à long terme, ce n’est pas la même chose que d’augmenter le chiffre d’affaires en parapharmacie à court terme ! Le projet doit être clairement énoncé. Sinon les gens vont vouloir agir sur tous les tableaux et avoir l’impression de ne pas y arriver. Il faut courir un seul lièvre à la fois et chacun doit se ­sentir impliqué et valorisé en fonction de ses compétences. L’implication doit concerner tout le monde, même le dirigeant ! Un titulaire au comptoir sera mieux compris qu’un titulaire derrière son bureau. Je vais vous donner un exemple : j’ai connu une société où les salariés faisaient volontiers des heures supplémentaires avec leur patron et ne réclamaient même pas d’être payés pour cela. Quand le dirigeant a été remplacé par quelqu’un « en retrait », les gens ont commencé à se plaindre de leur charge de travail alors qu’elle n’avait pas augmenté.

P.M. : Un titulaire stressé fait-il des salariés stressés ?

D.S. : Pas forcément ! A condition qu’il expose en toute transparence les difficultés que rencontre son entreprise, sans pour autant faire transpirer son stress. Les salariés attendent d’un manager qu’il ne flanche pas. Pour autant, il ne peut pas donner l’impression que « tout est parfait ». Pour décharger son stress personnel et son angoisse, le titulaire a intérêt à en discuter entre pairs, par l’intermédiaire de son groupement ou de son syndicat.

P.M. : Plus les clients sont malades et agressifs et plus cela nuit-il au mental de l’équipe ?

D.S. : Ce n’est pas la difficulté du travail qui crée le stress mais la manière dont cette difficulté est gérée.

P.M. : Faire régner la bonne humeur suffit-il comme parade antistress ?

D.S. : La bonne ambiance n’est pas la panacée antistress mais la « cerise sur le gâteau ». Ce n’est pas la « rigolade » qui va créer la confiance entre tous, élément moteur d’une entreprise qui fonctionne sans heurts.

Deede Sall

doctorante en sociologie

Diplômée d’un master en sociologie et d’un autre en ressources humaines, Deede Sall prépare actuellement sa thèse « Prévention des risques psychosociaux : une comparaison entre grandes entreprises et TPE » à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle a réalisé, avec son directeur de thèse, le sociologue du travail Marc Loriol, l’étude qualitative « TPE : salariés heureux ». Fruit d’observations en entreprises, cette étude a été menée pour le compte du groupe d’assurances et de prévoyance Alptis. Parution prévue en septembre.

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