Capital sympathie - Pharmacien Manager n° 135 du 20/02/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 135 du 20/02/2014
 

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Auteur(s) : Myriam Loriol

Incroyable… mais vrai ! En l’espace de cinq ans, la Pharmacie du Temple est passée de 180 000 euros à plus de 2,5 millions d’euros de chiffres d’affaires. Et ce, sans transférer. Ce coup de maître est signé Michael Angel et Sébastien Khenkine, deux jeunes titulaires qui carburent au relationnel.

Madame S., vous êtes formidable ! » Sébastien Khenkine n’est pas avare de compliments lorsqu’il s’adresse à l’une de ses clientes, une fois qu’elle lui a traduit les notes qu’elle avait inscrites sur son ordonnance. A peine lui a-t-il remis ses médicaments qu’il accueille une jeune femme venue acheter du lait pour son bébé… en lui faisant la bise. Comme tous les matins, le facteur passe… boire un café dans le back-office. Et discute bande dessinée avec l’équipe. Pendant qu’une mamie arrive au comptoir en lançant un « Bonjour mon chéri ! » à l’apprenti. Les titulaires, lorsqu’ils ne papotent pas avec leurs clients, sont pendus à leur téléphone portable… Bienvenue à la Pharmacie du Temple, en plein cœur historique de Paris, à quelques encablures de l’hôtel de ville et de Beaubourg. « Ici, il y a une ambiance du tonnerre, qu’on ne retrouve pas dans les autres officines », n’hésite pas à affirmer Michael Angel, cotitulaire de la Pharmacie du Temple.

A ambiance exceptionnelle, histoire exceptionnelle. L’aventure des titulaires commence en juillet 2008. « Nous avons racheté la plus petite officine parisienne : 5 m2 de surface et 180 000 euros de chiffre d’affaires. Personne n’en voulait ! », raconte Michael Angel. Fous ? Inconscients ? Que nenni. Les jeunes pharmaciens ont surtout eu du flair. Et un projet. « Je connaissais bien le quartier, j’ai tout de suite senti le potentiel, poursuit Michael. Nous voulions créer un concept de “petite officine experte”, à l’image médicale, toute blanche, centrée sur le médicament. » Le hasard en a décidé autrement. Au moment de signer le rachat, Michael et Sébastien Khenkine, son associé, s’aperçoivent que le commerce qui jouxte la pharmacie est en vente. Une aubaine ! Ils deviennent alors propriétaires d’un local qui leur permet d’agrandir la surface de vente à 50 m2, l’endettement restant limité. Et pour cause, ils ont payé « quasiment cash » la pharmacie à hdiv de 130 000 euros.

Mission référencement

Septembre 2008,. Après seulement un mois de travaux, la « nouvelle » Pharmacie du Temple éclôt. Seule la vieille horloge face à l’entrée est restée dans son jus. Etagères en Plexi rehaussées de gris, parquet en bois…, le décor est simple et chaleureux. Au niveau de l’ancienne pharmacie (« couloir » de 5 mètres devant la porte), la hdiv impressionnante du plafond donne une sensation d’espace. Les imposantes suspensions lumineuses type loft apportent une touche originale et moderne à l’officine. Mais, surtout, la superficie client est optimisée pour pouvoir présenter un maximum de produits. Deux gondoles basses trônent dans la partie gauche dévolue à la cosmétique. Et les comptoirs de délivrance (deux en tout et pour tout) ont été relégués au fond à droite dans une configuration aux allures de bar, convivialité oblige. Le rayon libre accès forme un U face au comptoir de façon à laisser en son centre une petite place pour l’unique chaise de l’officine. Les poussettes disposent juste de l’espace suffisant pour pouvoir passer. Si la zone marchande reste malgré tout limitée, le moindre recoin est utilisé. Ainsi, des bacs soldeurs jouent des coudes sur les poteaux, les couches pour bébé se retrouvent au sol près des comptoirs…

En gagnant des mètres carrés, les titulaires ont aussi gagné en référencement. Dans ce quartier du Marais ultraconcurrentiel (une pharmacie tous les 100 à 200 mètres, dont une presque en face), le challenge, pour pouvoir se développer, est de se différentier. Qu’à cela ne tienne, les pharmaciens commencent par miser sur le bio et le naturel, en créant notamment leur propre marque de tisanes. Un flop. Qu’à cela ne tienne, ils revoient rapidement leur tir. Dès janvier 2009, ils visent les prix bas en para. Ils font donc entrer une quantité impressionnante de marques dans leurs 50 m2. Rien qu’en cosmétique, ils proposent Avène, La Roche-Posay, Bioderma, Vichy, Eucerin, Nuxe, Caudalie, Lierac, Filorga, Weleda, Roger & Gallet et Sanoflore. Sans compter les capillaires.

Opération prix

Comme tout le monde le sait, pour mener une politique de prix agressive et rentable, il faut pouvoir négocier des remises importantes auprès des laboratoires. Et donc commander un max. Or Michael et Sébastien partaient d’une feuille blanche et ne pouvaient assurer une visibilité sur leurs futures ventes. Comment ont-ils fait plier les labos ? « Par sympathie envers les commerciaux, explique Michael. On était jeunes et hypermotivés, et on a lié des liens amicaux avec les représentants qui nous ont fait confiance. Et puis nous pouvions nous permettre de rogner un peu sur nos marges car nous n’étions pas pris à la gorge par le remboursement d’un prêt élevé. »

Les promos et tarifs avantageux sont signalés par des étiquettes orange : « Nos meilleures ventes », « Lot de 2 », etc. En vitrine, on annonce haut et fort la couleur à coup de « Prix exceptionnels ». Bingo ! Au premier bilan, le chiffre d’affaires frisait le million d’euros. Un an après, il grimpait à 1,7 million et, en 2011 il atteignait 2,3 millions. Avec une répartition du chiffre d’affaires loin d’être conventionnelle. En effet, le hors-ordonnances représente 50 % des ventes. « Ce qui est cohérent avec notre clientèle touristique. Nous ne recherchons pas forcément les prescriptions, d’autant que nous avons un confrère proche spécialisé en trithérapie », confie Michael. Quant à prendre le tournant de la prévention, le sujet paraît loin des préoccupations des titulaires, faute de place… et de motivation. Les médicaments remboursés n’occupent que quatre colonnes-tiroirs dans le back-office. Il n’empêche, les titulaires ont souhaité intégrer un groupement, en l’occurrence Excel Pharma, pour optimiser leurs remises génériques. En revanche, pour la para et l’OTC, ils se chargent eux-mêmes de négocier directement avec les laboratoires. « Nous réalisons désormais en parapharmacie le même chiffre qu’une officine traditionnelle de 5/6 millions d’euros », précise Michael.

Séquence séduction

Un conte de fée, à ceci près qu’il n’y a pas de baguette magique, mais l’huile de coude de deux titulaires qui ont conscience d’être installés dans un périmètre qui draine beaucoup de passage. Mais pas seulement. « Nous avons aussi une clientèle de quartier. » Fort de ce constat, ils jouent à fond la carte du relationnel et de la proximité. Comment ? Attirer par le prix, fidéliser par la sympathie. Sans se forcer ! Les deux pharmaciens n’étaient pas forcément « potes » au départ, mais partagent depuis toujours la même notion du commerce. Ce qui passe par insuffler la bonne humeur, se positionner au service du client. Et savoir vendre. La première année de leur installation, ils se retroussent les manches et bossent uniquement à deux tous les jours de la semaine. En toute logique, la pharmacie est ouverte le dimanche (comme de nombreux musées et commerces alentour). A dix mille lieues du pharmacien traditionnel, leur allure jeune et décontractée – mais néanmoins professionnelle – plaît. Leur sens de la relation séduit les jeunes mères de famille comme les grand-mères. Ici, on n’hésite pas à livrer à domicile, à rechercher une adresse,et à tutoyer ses clients pour créer une atmosphère familiale. Pendant que Radio Nova diffuse des airs de jazz. Ici, on connaît bien sa clientèle… qui le rend bien. « Comment vont les jumeaux ? » En l’espace d’une matinée, cette question a été posée à cinq reprises à Michael Angel à propos de ses enfants. « J’ai une clientèle formidable, je côtoie des collectionneurs d’art, des réalisateurs… », se félicite le titulaire, qui sait très bien s’adapter à son interlocuteur. Aussi à l’aise face à un artiste peintre que face au facteur. « Notre officine a la particularité de recevoir beaucoup de clients de passage et de s’adresser à un noyau dur d’habitués », analyse-t-il. Et l’équipe a appris à s’adapter à cette clientèle à deux facettes. Le matin règne une ambiance bon enfant type « café du Commerce », où l’on appelle les gens par leur nom voire leur prénom. L’après-midi, la fréquentation augmente, le ton devient moins familier. Le matin, on tourne à deux ou trois, l’après-midi l’équipe passe à quatre ou cinq En semaine, les collaborateurs s’appliquent à ranger les commandes et veiller au facing des produits. Un soin particulier est apporté à la présentation en rayon afin que toutes les marques de parapharmacie cohabitent dans un esprit de clarté pour le consommateur. Alors on « rempote » régulièrement. Même si cela n’est pas pratique ! Car il faut monter à la mezzanine ou descendre à la cave où le stock est entreposé, en empruntant de vieilles marches en bois.

Changement de rythme le week-end, avec 50 clients supplémentaires par jour. « Tous les linéaires doivent être bien remplis, et les prix parfaitement affichés car les gens se promènent et comparent les tarifs entre les pharmacies. Ils sont très exigeants », raconte Teddy, l’apprenti préparateur. La fréquentation est montée en puissance au fil des années, l’équipe aussi. Après le temps des copains « pour filer un coup de main » vint le temps du recrutement. Les critères des titulaires ? « Nous recherchons des gens qui parlent anglais pour satisfaire aux attentes de la clientèle étrangère, et qui savent vendre. » Aujourd’hui, les deux associés se partagent l’emploi du temps de la semaine et se font remplacer le week-end. Sébastien a la charge de toutes les taches administratives en back-office et Michael surveille le front-office (rangement en linéaires, etc.). A la Pharmacie du Temple, si l’on peut tutoyer les clients, le vouvoiement est de mise vis-à-vis du personnel. Si les titulaires sont « cool » au comptoir, ils savent se faire respecter de leurs employés. L’ambiance avec les collaborateurs n’est pas à la rigolade. Le mot d’ordre ? Un rangement parfait. Il faut dire que cela est utile dans cette officine dénuée de signalétique. L’objectif ? Vendre plus. D’ailleurs, des challenges internes sont régulièrement organisés pour motiver l’équipe, et reverser une prime aux meilleurs vendeurs. « Nous limitons les challenges proposés par les laboratoires car nous souhaitons rester maîtres dans notre officine », estime Mickaël.

Recrutement ethnique

Aujourd’hui, la réputation de la Pharmacie du Temple n’est plus à faire. Le bouche-à-oreille fonctionne ! Mais il a des limites. Cette dernière année, le chiffre d’affaires de l’officine a à peine progressé de 0,66 %. Serait-il arrivé à maturité ? Les titulaires ont du coup affiné leur offre en faisant entrer Ahava, la marque israélienne de cosmétiques à base d’actifs de la mer Morte. L’idée étant de se démarquer pour passer d’une pharmacie de destination prix à une pharmacie de destination produit. Dans cette optique, ils proposent aussi aux mamans les petits pots pour bébé de la marque allemande Hipp, labellisée AB et habituellement vendue en supermarché bio. Côté compléments alimentaires, la volonté, là encore, est de monter en gamme avec des marques comme Solgar, Pileje ou Legan (voir encadré page 20). Parallèlement, les associés ont identifié de nouveaux leviers de croissance. « Nous avons toujours la possibilité de gagner de la surface de vente en grignotant sur le back-office, avance Michael, mais, surtout, nous pourrions faire du recrutement ethnique. » Entendez par là l’emploi d’un collaborateur asiatique pour attirer la population chinoise, fortement implantée dans les commerces alentours.

Ou comment – encore et toujours – exploiter le créneau de la convivialité.

Pharmacie du Temple Paris (4e)

→ Equipe : 8 personnes : 2 cotitulaires, 2 adjoints à temps partiel (travaillant le week-end), 3 préparatrices, 1 apprenti préparateur.

→ Chiffre d’affaires HT (à juin 2013) : 2,51 M€ ( +0,66 %).

→ Marge remise génériques incluse (à juin 2013) : 28 %.

→ Marge un an auparavant : 28,4 %.

→ Coût des travaux en 2008 : 120 000 €.

→ Surface de vente : 50 m2.

→ Surface totale : 190 m2 (dont mezzanine et cave de 50 m2).

→ Fréquentation : 250 clients/jour en semaine, 300 le samedi et dimanche.

→ Panier moyen :

• Tiers payant : 80 euros,

• Ordonnances payées cash : 50 euros,

• Hors ordonnances : 19 euros.

→ Répartition :

• Médicaments remboursables : 50 %,

• Médication familiale : 25 %,

• Parapharmacie : 25 %.

→ Groupement : Excel Pharma.

Marché

Miser sur les compléments alimentaires

Entrepreneur dans l’âme, Michael Angel a créé une gamme de compléments alimentaires « sans être victime du marketing à outrance ». Passionné de plantes et passé par le collège naturopathique de Toronto, le titulaire ne cache pas son ras-le-bol des fausses innovations. Motivé par l’envie de simplicité et d’efficacité, il fonde le laboratoire Legan avec l’aide d’un client de la pharmacie ! « J’ai sympathisé avec un ingénieur qui y venait souvent . Il m’a aidé à réaliser les formules naturelles que je mets au point », détaille Michael. Résultat : une gamme de 10 références (Sérénité7, FlexO2 pour les articulations, Hyaluro120+ pour la peau…) présentée à l’américaine en pilulier de 60 gélules (de 15 à 30 €). Le tout made in France. Jusqu’alors, c’est Michael Angel qui assurait la commercialisation et la formation auprès des dix premiers clients pharmaciens. Désormais, une force commerciale est sur le terrain pour recruter les 400 comptes visés fin 2014.

M.L.

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