Ça roule pour le troc - Pharmacien Manager n° 135 du 22/02/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 135 du 22/02/2014
 

Tendances

Auteur(s) : Claire Frangi

Le procédé est vieux comme le monde, mais Internet l’a complètement revisité : le troc est en vogue aujourd’hui, tant pour les objets que l’échange de services. Tour d’horizon.

Finie l’image peu valorisante de la récupération. Signe de l’évolution des mentalités, être en quête de « bonnes affaires », redonner vie à des objets de seconde main est désormais monnaie courante et fait passer pour un « consomm’acteur » malin. Le troc fait partie de ces nouvelles pratiques qualifiées de collaboratives ou alternatives, dont l’émergence a été accélérée par l’envol d’Internet et l’arrivée du haut débit. « Le troc répond à un moteur économique – la crise et la baisse du pouvoir d’achat – et à un moteur sociétal – consommer plus responsable –, avec une volonté de partage, de solidarité et de respect de l’environnement pour éviter le gaspillage », analyse Flavien Neuvy, responsable de l’Observatoire Cetelem, qui décrypte les modes de consommation des ménages en France et en Europe. 32 % des consommateurs disent avoir déjà eu recours au troc, selon l’Observatoire. Et les pronostics annoncent 56 % qui le feront dans les prochaines années. Ces chiffres ne sont pas spécifiques à la France puisqu’on les retrouve dans toute l’Europe. Les pays les plus enclins à en faire usage sont les plus touchés par la crise : France, Portugal, Espagne, Italie et Hongrie.

Motivés par le souci de redistribuer ses biens à d’autres particuliers, les troqueurs sont surreprésentés parmi les 15-45 ans, actifs, employés du secteur privé, vivant en couple avec enfants, d’après une étude Ipsos de janvier 2013 intitulée « Les Français et les pratiques collaboratives ». Guidés par leur volonté de trouver la bonne affaire, ils investissent du temps dans la recherche de bons plans. Préparer leur achat fait partie de leurs habitudes : ils s’informent, comparent les prix, parcourent les sites de vente discount, se rendent à des vide-greniers… Leurs motivations sont de faire durer les objets, mais aussi de toucher à tout, expérimenter, faire des rencontres. On retrouve ces usagers dans les magasins d’usine ou les magasins de produits bio. D’après Arnaud Guirouvet, fondateur de troc-services.com, les membres inscrits sur son site sont essentiellement des célibataires qui arrivent dans une ville et n’y connaissent personne, ou des personnes qui cherchent à donner de leur temps : « On pourrait penser qu’en temps de crise les gens cherchent surtout à recevoir. Mais en fait, j’observe l’inverse », témoigne Arnaud Guirouvet.

Nouveau lien social

Selon l’Observatoire Cetelem, le troc incite les consommateurs à se détourner des circuits traditionnels et à s’affranchir de tous les intermédiaires, y compris monétaires, pour, au final, se rapprocher entre consommateurs. Le consommateur veut recréer du lien social et redonner du sens à la consommation, tout en prenant ses distances avec des distributeurs en lesquels sa confiance s’est érodée au fil de la crise. Et, de fait, ce sont 87 % des consommateurs qui souhaitaient en 2013 limiter leurs dépenses, notamment sur l’équipement de loisirs, les vacances, le matériel de bricolage ou la décoration/ameublement. En revanche, ils ne prévoient pas de restrictions dans le domaine de l’alimentaire, de la santé ou de leurs abonnements en matière de télécommunications. Aujourd’hui tout se troque, ou presque (voir encadré ci-dessus) !

Si l’échange de compétences a toujours existé dans le cercle familial ou amical, « la nouveauté c’est qu’il est désormais organisé entre particuliers qui ne se connaissent pas », précise Flavien Neuvy. Grâce aux sites de vente en ligne, les consommateurs peuvent évaluer eux-mêmes en euros la valeur de leurs biens. Une possibilité non négligeable car, « en temps de crise, les gens sont méfiants. Or le fait de pouvoir donner une valeur objective est rassurant, renforce le sentiment de ne pas se faire avoir ! Et cela contribue au développement du phénomène ».

Monnaie d’échange

Mais qu’en est-il dans le cas du troc de services, plus difficile à évaluer ? Arnaud Guirouvet a mis en place une monnaie d’échange, le « sol », qui représente une heure de temps quelle que soit la compétence offerte : ainsi, une heure de soutien scolaire équivaut à une heure de montage de meuble. Arnaud Guirouvet estime qu’« à la différence des autres sites de troc où il faut pouvoir assurer un dépannage en plomberie au même moment que quelqu’un qui propose un cours de clarinette, ce système permet à l’utilisateur de réparer une canalisation et de gagner 10 sols qu’il pourra “dépenser” bien plus tard contre n’importe quel service ». Dans ce type d’échanges, l’instauration d’une charte est primordiale. Troc-services recommande notamment de rencontrer la personne dans un lieu public avant de la faire venir chez soi. Il faut également vérifier que la personne a effectivement la compétence qu’elle offre. Par ailleurs, la législation encadre strictement le troc de compétence : il faut que ce soit un coup de main ponctuel, non récurrent.En clair, que ce ne soit pas l’équivalent d’un travail. La Cour de cassation a également interdit des échanges comme une réparation de toit contre un échange de légumes. Reste un point faible : la question du modèle économique des sites de troc. « Lorsqu’ils sont basés sur la fréquentation publicitaire, ils ne sont pas rentables. Il faut donc un modèle payant. Or, par définition, le troc est gratuit : pour que les sites puissent s’en sortir, une possibilité est de prendre une commission », commente Flavien Neuvy. Arnaud Guirouvet confirme : « Il est vrai que la rémunération avec la publicité ne nous apporte rien. L’inscription sur la plupart des sites de trocs et l’accès aux offres et demandes sont gratuits. Certains sites ont mis en place un abonnement. »

Bientôt entre pharmaciens ?

Le troc est-il promis à un avenir exceptionnel ? « Non, estime Flavien Neuvy. Ce mode de consommation restera toujours freiné par une partie de la population qui manque d’envie d’avoir des produits de seconde main, exception faite de la voiture. » Quant à l’échange de services, Arnaud Guirouvet note des freins pour faire venir chez soi un inconnu, encore plus en ville qu’à la campagne. Il conclut toutefois : « Qu’est-ce qui empêcherait aux pharmaciens de se mettre au troc ? Demander un coup d’œil à un confrère sur l’organisation des produits en vitrine contre un coup de main sur sa comptabilité ? »

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