Fidéliser : oui, mais… - Pharmacien Manager n° 134 du 23/01/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 134 du 23/01/2014
 

Pratiques management

Auteur(s) : Yves Rivoal

Considérée comme un must dans les politiques de ressources humaines, la fidélisation des collaborateurs est garante d’un bon esprit d’équipe. En officine, c’est un levier de recrutement de clientèle. Mais attention, comme toute bonne chose, il ne faut pas en abuser !

Faut-il fidéliser ses collaborateurs ? A cette question qui, de prime abord, peut sembler saugrenue, Laurence Ledreney-Grosjean, dirigeante de Paraphie, une société spécialisée dans le développement des pharmacies d’officine, répond sans ambages : « Oui, à 200 %, car l’équipe reste le principal élément différenciateur d’une officine, que ce soit par rapport aux autres concurrents ou aux autres circuits de distribution. Il faut donc tout faire pour la fidéliser, en s’assurant que tout le monde regarde dans la même direction. » Mieux, il faut, selon Delphine Nédaud, gérante d’AilesRH, un cabinet de conseil qui a développé une plate-forme RH pour les titulaires, considérer la fidélisation comme un investissement : « Lorsque vous payez une formation en dermatologie à l’un de vos adjoints parce que vous avez envie de développer cette spécialité, vous ne le faites pas pour qu’il vous quitte six mois plus tard. Vous aurez envie de capitaliser sur cette nouvelle expertise, et donc de fidéliser l’adjoint en question. » Et Jean-François Chabanaud, gérant d’Argos Conseil, une société spécialisée dans l’organisation et la gestion des ressources humaines, d’assurer : « Une équipe fidélisée qui connaît bien l’entreprise et sa culture est toujours plus forte, notamment face à l’adversité. » Pour le consultant, la fidélisation de l’équipe participe aussi de l’image véhiculée par la pharmacie. « Lorsqu’ils pénètrent dans une officine, les patients aiment bien retrouver des visages familiers à qui ils vont pouvoir se confier. Autrement dit, une équipe qui parvient au fil du temps à nouer des liens privilégiés avec les clients est toujours plus efficace qu’une équipe où les visages changent tous les trois mois. »

Faire évoluer

La cause serait donc entendue. Fidéliser constituerait une espèce de fil conducteur auquel nul titulaire ne pourrait déroger. Quoique… Florian Mantione, fondateur de Florian Mantione Institut, spécialiste du management, et interrogé le mois dernier dans Pharmacien Manager, s’interrogeait « Chacun rêve du collaborateur idéal qui va rester toute sa vie dans l’entreprise. Mais ne vaut-il pas mieux recruter une personne curieuse et ambitieuse qui va bien travailler pendant cinq ans, quitte à se servir de votre officine comme tremplin, plutôt que conserver vingt ans un salarié qui va s’ennuyer au travail ? »

Certains titulaires ont donc choisi de faire évoluer leurs salariés, quitte à les perdre à terme. C’est le cas de Vincent Duménil, cotitulaire avec David Thierry de la Pharmacie Martin Pinel à Pont-de-Chéruy dans l’Isère. « Nous avons la chance d’avoir une équipe fidèle, mais en même temps nous n’avons pas envie qu’elle le soit trop. Nous encourageons pour cela nos préparateurs à se former et à s’interroger sur leur avenir, car il y a aujourd’hui beaucoup plus de possibilités d’évolution qu’il y a dix ans, que ce soit dans l’industrie ou dans les réseaux qui se mettent en place. Nous les aidons aussi à exercer leur métier de manière différente. Nous avons par exemple deux préparatrices qui se sont spécialisées dans l’orthopédie et les prothèses mammaires, et qui bénéficient d’une grande autonomie pour gérer leur activité. » Si, pour Vincent Duménil, l’objectif d’une fidélisation de ses employés est de motiver ces derniers et d’apporter un service de qualité à la clientèle, sa démarche est encore plus affirmée avec les pharmaciens adjoints. « Lorsque nous les recrutons, c’est presque un contrat moral que nous signons avec eux, explique Vincent Duménil. Ils ont trois ans pour découvrir le métier à nos côtés et s’installer. Et, s’ils le souhaitent, nous pouvons les aider en montant au capital de leur pharmacie sous forme de SELARL afin de leur permettre d’acheter une pharmacie plus grande. » Depuis leur installation en 2000, Vincent Duménil et David Thierry ont ainsi accompagné une dizaine de leurs anciens adjoints, avec qui ils ont d’ailleurs créé le groupement Rhône Vallée Pharmacie.

Sortir de la routine

« Dans les entreprises comme dans la vie, il y a des cycles. Conserver un collaborateur pendant vingt-cinq ans, ce n’est pas bon, ni pour le salarié ni pour l’entreprise. Car, derrière ce confort apparent, peuvent s’installer une routine et une absence de prise de risque. Or, lorsque l’on est chef d’entreprise, il faut prendre des risques au quotidien, les mesurer et les maîtriser. Le problème, c’est que ce genre de posture bouscule la culture française de l’officine, et je ne suis pas sûr que tous les collaborateurs soient prêts à entendre un tel discours, même s’il est clair et positif », analyse Jean-François Chabanaud. La stratégie déployée par Vincent Duménil et David Thierry serait-elle une exception ?

Tout le problème consiste à bien interpréter le terme fidélisation. « Il ne faudrait pas laisser à penser que fidéliser signifie “train-train quotidien”. C’est le contraire. Fidéliser, c’est s’interroger en permanence sur l’organisation de l’officine, développer les compétences des collaborateurs, proposer de nouveaux services aux patients… », assure Delphine Nédaud. Et dans un univers en pleine mutation, avec de nouveaux métiers qui sont en train d’apparaître en matière d’éducation thérapeutique et de conseil personnalisé, les titulaires disposent aujourd’hui de nouveaux leviers pour éviter que leur équipe ne s’endorme !

Témoignage
Arnaud Sabourin, titulaire à Vouillé (Vienne)

Former pour pouvoir déléguer

Arnaud Sabourin se voit mal adopter une politique RH qui inviterait ses collaborateurs à la mobilité. « Dans un condiv économique difficile pour les officines en milieu rural, ce serait mentir que de dire à un préparateur qu’il va travailler trois ou cinq ans avec moi, pour ensuite aller voir ailleurs. Nous sommes en effet confrontés actuellement à une pénurie des offres d’emploi pour les préparateurs. Et c’est la même chose avec les pharmaciens puisque je reçois régulièrement des candidatures spontanées de confrères qui ne trouvent pas de travail. »

Arnaud Sabourin préfère donc fidéliser son équipe, constituée de sept collaborateurs, en faisant appel à la reconnaissance du travail effectué, à la formation et à la délégation. Des gammes comme l’orthopédie, le matériel médical, le bébé, la phytothérapie ou l’aromathérapie sont gérées de manière autonome par des préparateurs et des pharmaciens. « En sachant que j’investis en priorité sur les trois personnes ressources sur lesquelles je sais que je peux compter », précise Arnaud Sabourin. Mais cette politique de fidélisation n’est pas non plus figée. Arnaud Sabourin s’apprête en effet à aider l’une de ses adjointes à s’installer. « Elle va reprendre ma pharmacie en rachetant la moitié de mes parts, ce qui va me permettre d’acheter une pharmacie plus grande à Neuville, une commune située à 8 kilomètres de Vouillé. »

Propos recueillis par Y.R.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !