Franchir le pas du Web - Pharmacien Manager n° 133HS du 06/12/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 133HS du 06/12/2013
 
L’ INTERNET

Cahier spécial

Marquer sa différence

Auteur(s) : Yves Rivoal

Nouvelle donne pour les enseignes de pharmacie, l’e-commerce pourrait leur assurer une belle visibilité sur le Net. C’est sans compter sur la réglementation… Du coup, comment se positionnent-elles ?

Pas facile pour un réseau d’appréhender le marché de la vente en ligne de médicaments. Et pour cause : l’arrêté du 20 juin 2013 encadrant les bonnes pratiques impose l’adossement de la e-pharmacie à une seule pharmacie physique et restreint la préparation des commandes au local de cette officine. C’est donc avec cette contrainte de taille que les groupements sont en train d’affiner leur stratégie e-commerce, d’y réfléchir encore, ou de laisser passer le train. Tour des attitudes choisies.

Une longueur d’avance
PHR, PHARMACTIV ET UNIVERS PHARMACIE

Le groupe PHR a été le premier à dégainer en lançant dès le mois de mai dernier avec mapharmacieservices.com, une plateforme marchande web-to-store. Ce qui permet de commander en ligne les médicaments dans la pharmacie du réseau PHR la plus proche, puis de se rendre à l’officine pour les retirer, chaque pharmacien étant libre de pratiquer sa propre politique de prix. Pour l’heure, la livraison à domicile n’est pas à l’ordre du jour. « Toutes les études montrent qu’il n’y a pas de business model, assure Willy Hodin, DG du groupe PHR. Aujourd’hui, il n’y a pas une confiance suffisante dans la vente de médicaments sur Internet ni les volumes nécessaires pour couvrir des frais de port qui diminuent fortement l’intérêt d’acheter sur la Toile. »

Chez Pharmactiv (groupe OCP/Celesio), les 500 pharmaciens qui disposent déjà d’un site vitrine entièrement personnalisable, mais avec un cadre commun proposé par le groupement, peuvent depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté du 20 juin vendre en ligne de l’OTC. « Il leur suffit pour cela d’ajouter un module supplémentaire incluant le catalogue des 4 000 médicaments autorisés à la vente en ligne, une solution de paiement en ligne sécurisée et l’hébergement sur un serveur agréé par le ministère de la Santé », précise Serge Carrier, DG de Pharmactiv.

Parmi les pionniers, on retrouve aussi Univers Pharmacie qui a mis en ligne en septembre dernier son site de vente de médicaments et de produits de parapharmacie universpharmacie.fr. Pour respecter les exigences du décret, ce site aux couleurs de l’enseigne est en fait adossé à l’officine pilote du groupement à Colmar dont le titulaire n’est autre que Daniel Buchinger, le PDG d’Univers Pharmacie. Les internautes ont le choix entre la livraison à domicile et le retrait dans l’officine la plus proche, cette dernière étant rémunérée en tant que point relais. « Ce mode de fonctionnement a été plébiscité par les pharmaciens du réseau car la vente sur Internet constitue un investissement beaucoup trop lourd pour une pharmacie indépendante, précise le dirigeant. Mais tous ceux qui voudront se lancer dans l’aventure pourront bénéficier de la technologie qui a été développée pour universpharmacie.fr »

Au galop
ALPHEGA PHARMACIE, GIPHAR, PHARMADOM et PLUS PHARMACIE

Derrière les trois avant-gardistes, quatre autres enseignes sont sur le point de se lancer dans la course. Les pharmaciens Giphar se verront proposer à partir de ce mois-ci une application e-commerce multicanal comme l’explique Hubert Carpentier, le directeur des systèmes d’information (DSI) : « Notre offre comprendra la mise à disposition d’un site e-pharmacie, avec un catalogue de 400 références en parapharmacie et en médicaments gérés en centrale par Sogiphar, et dans lequel les pharmaciens pourront sélectionner les produits qu’ils souhaitent vendre. » Les adhérents auront toute latitude en matière de politique de prix puisqu’ils pourront exporter les tarifs qui figurent déjà dans leur logiciel de pharmacie ou pratiquer des prix spécifiques à Internet.

Chez Pharmadom, le feu vert sera donné le 1er janvier prochain, mais uniquement pour les pharmaciens adhérents de l’enseigne. Ceux-ci pourront vendre de la parapharmacie et des médicaments via le portail de l’enseigne. « En arrivant sur le site, qui sera aussi disponible sous forme d’application smartphone, l’internaute se verra d’abord proposer 150 références sur la parapharmacie, avec des prix communs à toutes les officines, explique Didier Maarek, PDG de Pharmadom. Il pourra aussi accéder via le moteur de recherche à l’intégralité du catalogue de médicaments et de parapharmacie, avec des prix qui seront fixés cette fois par chaque officine, comme sur Amazon. Un outil de géolocalisation orientera ensuite le client vers la pharmacie la plus proche. »

En ce qui concerne Plus Pharmacie (Phoenix Pharma), les adhérents pourront dès le mois de janvier prochain se doter d’un site de vente managé par l’enseigne et accessible via les portails PharmaVie et Familyprix. « Sur ces deux sites, les internautes accéderont à 5 000 références en parapharmacie et à 500 médicaments OTC, l’objectif étant d’atteindre rapidement les 1 000 références car nous avons pour ambition d’être agressif sur la largeur du portefeuille, précise Philippe Besnard, directeur général de Plus Pharmacie. Avant de commander, l’internaute se verra proposer une liste des pharmacies les plus proches via le “store locator”. Et ce n’est que lorsqu’il aura choisi une pharmacie qu’il pourra commander et se faire livrer à domicile ou aller retirer sa commande à la pharmacie. »

Le réseau Alphega Pharmacie (Alliance Healthcare) apportera des outils à ses adhérents puisque la législation interdit aux enseignes de se positionner directement. Une situation que regrette Laurence Bouton, directrice d’Alphega Pharmacie France. « Avoir un site aux couleurs de l’enseigne ne veut pas dire que le business échappera aux pharmaciens. En Angleterre, nous avons déjà une plateforme, avec un catalogue commun, qui réoriente vers la pharmacie Alphega la plus proche, avec un paiement qui s’effectue à l’officine. »

Au trot
EVOLUPHARM, PARIS PHARMA, PHARMODEL et NÉPENTHÈS

D’autres enseignes préfèrent adopter une attitude plus prudente. C’est le cas de Pharmodel qui a lancé un workshop dédié au commerce en ligne. « Sur notre plateforme Internet, nous gérons déjà plus de 400 sites d’officine, rappelle Rafaël Grosjean, le PDG. Les rendre marchands n’aurait rien de très compliqué. La question qui se pose est de savoir de quelle manière il faut le faire et pour qui. » La première étape est déjà programmée puisque à la demande des adhérents, la vente en ligne des produits de para­pharmacie en MDD devrait être opérationnelle début 2014.

Du côté d’EvoluPharm, le « step by step » est aussi de mise, même si des négociations ont été engagées avec un prestataire de services pour développer une solution qui permettrait aux pharmaciens de disposer d’un site de vente en ligne rattaché à leur officine. « Nous sommes tout sauf un groupement de pharmaciens bling-bling qui réagit dès qu’un nouveau sujet d’actualité se présente, souligne Jean-Pierre Juguet, directeur marketing et communication. Nous irons donc sur Internet mais sans nous précipiter et en respectant la logique du guide des bonnes pratiques qui interdit les portails aux couleurs des enseignes. »

Même tonalité chez Népenthès où toutes les pistes sont explorées comme le confirme Alexandre Aunis, directeur des opérations. « Lorsque l’on regarde ce qui s’est passé en Allemagne, 3 000 sites se sont lancés sur ce marché. Mais aujourd’hui, ils ne sont qu’une quarantaine à être rentables. Et, parmi eux, plus de la moitié sont des sites d’enseigne. Or, en France, les enseignes n’ont pour l’instant pas le droit de se positionner. Nous avons beaucoup de mal à voir comment va se structurer ce marché… »

Chez Paris Pharma, où toutes les pharmacies sous enseigne disposent déjà d’un site Internet d’information et d’échanges avec les patients, la question de la vente en ligne a été confiée à un comité de réflexion qui n’a pris pour l’heure aucune décision. Là encore, toutes les options sont à l’étude, y compris celle de ne pas aller sur ce marché. « Nous sommes aujourd’hui dans une phase de construction de notre groupe, et de dynamisation commerciale autour d’un vrai concept d’enseigne, précise Stéphane Delouya, responsable communication et marketing de Paris Pharma. Ces deux sujets mobilisent actuellement toute notre énergie. »

Cabrés
DIRECTLABO, FORUM SANTÉ, GIROPHARM et GALIEN DÉVELOPPEMENT

Rares sont finalement les enseignes qui affichent leur opposition à la vente de médicaments sur Internet. Parmi elles, on retrouve Galien Développement, qui ne bougera pas sur le sujet tant que son enseigne ne sera pas en mesure d’adresser une promesse claire aux clients sur le plan national. Même déni chez Giropharm. « Nous ne développerons la vente de médicaments sur Internet que s’il y a une véritable demande de nos pharmaciens, en les alertant sur les contraintes d’une telle démarche, annonce Jean-Christophe Lauzeral, le DG opérationnel. Nous n’avons en effet pas envie d’être moteur sur l’e-commerce qui est la dernière étape avant la grande distribution. Nous inciterons plutôt nos adhérents à favoriser le « click & collect », traduisez la commande sur Internet et la dispensation en officine afin de favoriser le conseil. » En revanche, Giropharm lancera avant la fin de l’année une plateforme de vente en ligne de produits de parapharmacie qui s’appuiera sur une base de produits nationale que les pharmaciens pourront compléter.

Forum Santé ne cache pas non plus son hostilité. « La vente de médicaments sur Internet nous a été imposée, mais personne de sensé ne peut affirmer qu’il s’agit d’une amélioration pour la santé publique, estime Pierre-François Charvillat, directeur général adjoint de l’enseigne. Il nous paraît aussi illusoire de croire qu’une pharmacie individuelle pourra prospérer sur ce marché sans être adossée à d’autres structures. Alors, tant que la législation n’autorisera pas des solutions mutualisées, il nous paraît prématuré de prendre une position majeure. »

Chez Directlabo, on se montre encore plus circonspect. « D’autres enjeux nous animent pour l’année 2014. Nous n’avons pas encore réfléchi à la forme que pourrait prendre un éventuel accompagnement de nos adhérents sous enseigne qui souhaiteraient se lancer dans la vente sur Internet. D’autant que nous ne sommes pas convaincus à ce jour d’un développement pérenne de ce type de distribution », conclut Yves Morvan, PDG de Directlabo.

Et aussi…

L’intranet

Les réflexions engagées sur Internet par les enseignes ne se limitent pas à la vente. Giphar a ainsi lancé en juin 2013 « Genius », un portail applicatif qui a remplacé l’intranet en place depuis plusieurs années. Développé en Java, cette nouvelle plateforme a pour ambition d’améliorer la communication montante et descendante entre l’enseigne et les adhérents. « En plus de la publication d’informations et d’un forum, les pharmaciens disposeront aussi d’un large éventail de services et de ressources qu’ils pourront personnaliser comme des indicateurs de performances sur le CA ou sur le pilotage de la marge et des stocks, confie Hubert Carpentier, le DSI. Ils pourront également programmer des alertes sur des tâches à réaliser, sur les ruptures ou retards de livraison, sur des points réglementaires… » La plateforme permettra aussi de déployer des fonctionnalités de réseau social. « Grâce à cet outil, nous allons entrer dans l’ère du travail collaboratif, avec des communautés de pharmaciens qui se constitueront pour échanger et travailler ensemble », assure Hubert Carpentier.

Et aussi…

La digitalisation du parcours client

Népenthès proposera début 2014 à ses pharmacies sous enseigne d’installer dans la zone d’attente une borne avec une tablette tactile qui diffusera des spots en boucle. « Lorsque le client touchera l’écran, un menu apparaîtra en proposant un certain nombre de choix, précise Alexandre Aunis, le directeur des opérations. Il pourra par exemple remplir un questionnaire de satisfaction sur l’accueil dans la pharmacie. » Tous les contenus seront drivés à distance via le serveur central géré par les équipes informatiques de Népenthès, « mais chaque pharmacien pourra personnaliser ses boucles », précise Alexandre Aunis. Chez Pharmodel, la réflexion est engagée sur le croos canal. « Lorsque l’on regarde les modèles qui marchent, le parcours client est envisagé sans démarcation entre les points de vente physique et le Net, observe Rafaël Grosjean, PDG de Pharmodel Group. Nous sommes donc en train de travailler avec des experts de la distribution pour voir comment tout cela pourrait s’orchestrer. »

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