Des relations qui ont du chien - Pharmacien Manager n° 133HS du 06/12/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 133HS du 06/12/2013
 
LES COULISSES
GROUPEMENTS / LABORATOIRES

Cahier spécial

Marquer sa différence

Auteur(s) : Fabienne Colin

Les temps changent. Les relations entre les laboratoires et les groupements d’officines ne se cantonnent plus aux seules négociations des achats. Dans un climat économique tendu, se montent des opérations commerciales clés en main pour le titulaire. Avec un objectif commun : booster les ventes. De quoi motiver les adhérents pour jouer le jeu du groupement – voire de l’enseigne – à 100 %.

« Une adhérente m’a récemment fait remarquer qu’elle avait réalisé une bonne affaire en achetant des sérums physiologiques à 1,12 euro au lieu de 1,15 euro. Mais elle a dû acheter 1 200 boîtes, passer au minimum 1 h 30 à négocier, traiter une facture, peut-être faire un peu de rétrocession à une copine… pour décrocher une remise d’un peu plus de 30 euros. Certes, elle a obtenu un meilleur prix, mais à quel prix ! », explique Serge Carrier, directeur général du groupement Pharmactiv. Les exemples de ce genre sont légion. D’un côté, le groupement négocie des prix auprès des laboratoires dans le but de rationaliser le temps que les pharmaciens consacrent aux achats. De l’autre, les titulaires achètent en direct pour grappiller quelques centimes. Ça coince quelque part. Mais la donne est en train de changer. Aujourd’hui les groupements s’attellent à négocier le prix d’achat (le sell-in) et — c’est nouveau — à développer des outils pour booster les ventes (le sell-out).

Partenariat solide

Ce qui frappe en ce moment, c’est le nombre d’initiatives prises par les groupements pour être en mesure de démontrer leur capacité à vendre un volume donné de produits. Ainsi pour la première fois, Pharmactiv avait planifié son programme d’opérations commerciales de l’année dès l’automne précédent et 900 de ses adhérents s’étaient engagés à mettre en place ces promotions en achetant les produits à la centrale. En contrepartie de ces promesses, à chaque campagne, les laboratoires fournissent des outils d’aide à la vente. Ce package comprend les traditionnels leaflets, PLV et affiches. Mais désormais il peut aussi inclure de la formation pour les équipes, du merchandising, etc. « Les groupements ont travaillé et les plus pointus d’entre eux ont su proposer une aide pour augmenter la distribution numérique des produits. Du coup, le laboratoire ne voit pus la relation avec le groupement, uniquement basée sur le prix d’achat mais sur un partenariat solide… et met de la fluidité dans la relation commerciale », explique Laurent Dubois, un ancien de Sanofi, aujourd’hui consultant auprès des laboratoires au sein du cabinet Arkose.

Engagement sur l’année

Jusqu’ici, l’industrie pharmaceutique refuse d’accorder aux groupements des conditions tarifaires égales à la vente en direct, au motif que ces entreprises ne parviennent pas à fédérer leurs adhérents. Et diviser permet de mieux régner. Aujourd’hui, chaque titulaire achète ce qu’il veut où il veut, sans être forcément fidèle à son groupement. Du coup, comme chez Pharmactiv, chez DirectLabo et PHR, on a créé une sorte de groupe dans le groupe pour inciter à la discipline. En cette fin d’année, les adhérents volontaires ont planifié leurs achats pour l’an prochain, en contrepartie d’une remise négociée par le groupement. Chez DirectLabo, un « noyau dur » composé de quelques dizaines de pharmaciens va, pour la première fois, déléguer une partie de ses achats au siège. « En contrepartie des volumes garantis, les laboratoires vont assurer le sell-out », explique Valérie Lousse, directrice des réseaux de DirectLabo, une ancienne de Sigvaris recrutée pour « structurer les achats du groupe pour les enseignes Pharm&Price et Pharm€co ».

Elle négocie avec les marques des campagnes promotionnelles qui incluent un prix d’achat intéressant, du matériel (PLV, affichage…) voire de la formation. Concrètement, c’est quand une marque passera à la télé que le pharmacien averti proposera à ses clients une offre spéciale, qui aura été programmée à l’avance et marketée. De quoi encourager les laboratoires à investir et les pharmaciens à s’approprier des campagnes bien ficelées. Pour convaincre les laboratoires, PHR a identifié 300 de ses adhérents, les « PHR Star », prêts à jouer le jeu de l’engagement. Le procédé ? Faire rencontrer ce groupe, un acheteur PHR et une sélection de laboratoires pour négocier des prix. « La méthode consiste à procéder à des enchères à l’envers. Nous achetons 150 000 boîtes de tel produit, nous allons en acheter 160 000 l’an prochain, quel est votre prix ? », résume Lucien Bennatan, le président du groupe PHR.

De la discipline !

PharmaGroupSanté s’engage également. Il implante chez chacun de ses adhérents (environ 450 à fin septembre) un présentoir de comptoir dont il gère entièrement le contenu. Il maîtrise ainsi cette partie du sell-in. Preuve que les relations entre groupements et laboratoires évoluent à grands pas, le géant Pierre Fabre, réputé pour refuser les négociations avec les groupements aurait été convaincu. « Nous avons un accord sur Nicopatch, Drill… » égrène Jean-Philippe Besse, directeur général de PharmaGroupSanté. Signe que les groupements de petite taille, y compris les régionaux, ne sont plus snobés a priori par les laboratoires. Au contraire. « Aujourd’hui, on y trouve davantage de discipline. Ils sont capables de mettre en place des opérations et de bien les relayer. Mais cela durera-t-il ? », s’interroge Gilles Unglick, directeur commercial pharmacie de GSK Santé Grand public.

Au-delà de la discipline, les laboratoires cherchent de plus en plus à avoir une visibilité sur les ventes. Car s’ils savent ce qu’ils vendent aux groupements, ils ne savent pas quelle officine écoule réellement les produits ni à quel prix. PHR, DirectLabo, PharmaGroupSanté… ont ainsi mis en place des logiciels pour suivre les ventes (le nombre de produits, l’évolution, le prix moyen, etc.) L’objectif est double. Le suivi des statistiques permet d’aider le titulaire dans la gestion de son officine. Et certains chiffres peuvent être communiqués aux marques pour les aider à mieux connaître et travailler leur marché. Les laboratoires vont même plus loin. « Nous souhaitons réfléchir avec les groupements sur la façon de faire croître la catégorie. Pour cela il faut que le pharmacien connaisse le profil de ses clients, leur nombre, ses chiffres de vente par catégorie… », explique Gilles Unglik de GSK.

Les laboratoires attendent en fait des groupements d’être davantage commerçants. « Ils nous demandent, et c’est légitime, de prouver que nous sommes capables de développer des outils pour les aider à recruter de nouveaux patients et à développer des ventes avec ces nouveaux clients », explique Jean-Philippe Besse.

In et out

Pour mettre en place des opérations où les outils de sell-out sont négociés en même temps que les conditions d’achat, les compétences des collaborateurs se transforment de chaque côté. « Les laboratoires doivent faire évoluer le métier des commerciaux. Du gestionnaire de commandes, on passe au gestionnaire du point de vente », résume Philippe Lebas, le fondateur du cabinet de coaching Evok Agence Pédagogique. « Nous préparons nos commerciaux à transmettre plus de compétences sell-out : merchandising, visibilité produit… », explique Gilles Unglik, de GSK qui inclut désormais des formations, du e-learning… dans les opérations. Chez Lafayette, c’est un ancien de Intersport qui a pris la direction commerciale. Chez Pharmactiv, la responsable des achats, Naura Beulné (lire son portrait page 32) a vu son poste s’élargir au marketing point de vente depuis le début de l’année. La boucle est bouclée.

Génériqueurs

Liaisons dangereuses

Les génériqueurs misent eux aussi sur un accompagnement toujours plus poussé du pharmacien. Objectif : s’assurer un bon niveau de référencement. Biogaran, réputé pour sa culture de marque et ses investissements en marketing, a par exemple mis en place une formation avec l’ESSEC. « Nous avons trouvé dans les groupements un moyen de relayer notre communication. Nous achetons des services auprès des groupements capables de déployer auprès de leurs adhérents des opérations point de vente concernant le bon usage du médicament. Plus nous faisons grandir nos clients, plus nous aurons une chance que nos produits soient bien dispensés », explique Florence Birochau, qui en 2008 a monté la direction grands comptes de Biogaran. Et, quand un titulaire souhaite passer sous enseigne, certains génériqueurs iraient jusqu’à financer la nouvelle signalétique pour gagner les faveurs d’une pharmacie et de son groupement.

Mais gare aux relations trop intimes. « Ces apports soutiennent beaucoup l’économie de l’officine mais ils ne sont pas pérennes pour le groupement qui ne doit pas s’habituer à cela. Les pouvoirs publics modifieront forcément le système à court terme… » avertit Olivier Lauriol, le consultant fondateur d’Arkose. La dépendance aux génériqueurs pourrait in fine coûter cher aux groupements.

Serge Carrier Directeur général du groupement Pharmactiv

« Les laboratoires ont compris que la stratégie de mettre du stock dans les pharmacies n’est plus d’actualité »

Valérie Lousse Directrice des réseaux de DirectLabo

« Il faut que le pharmacien devienne commerçant. Le sell-out, c’est une mission commune au groupement et au laboratoire »

Gilles Unglik Directeur commercial pharmacie de GSK Santé Grand public

« Nous préparons nos commerciaux à transmettre plus de compétences sell-out, merchandising, visibilité produit, information à l’équipe. »

Florence Birochau Directrice grands comptes de Biogaran

« Nous nous appuyons sur les groupements pour qu’ils re-décodent à l’adhérent en quoi nos services ont du sens. »

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !