« Comme le prix, la musique affecte la consommation » - Pharmacien Manager n° 118 du 01/06/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 118 du 01/06/2012
 
LAURENT DELASSUS DIRECTEUR DE SONATE AGENCY

Face à face

Auteur(s) : Claire Frangi

Pourquoi diffuser de la musique dans sa pharmacie ? Le geste a plus de conséquences qu’on ne l’imagine. Explications de Laurent Delassus, auteur de « La Musique au service du marketing » qui vient de paraître aux Editions d’Organisation.

« Pharmacien Manager » : Quels sont réellement les effets de la musique sur le consommateur ?

Laurent Delassus : Certaines caractéristiques de la musique influencent son comportement. Une mélodie peut provoquer des effets physiologiques : plus un tempo est soutenu, plus les personnes qui l’écoutent bougeront rapidement. Ainsi, un restaurateur qui a besoin que les tables se libèrent mettra une musique rythmée. Le volume sonore produit également des effets, variables selon les personnes, puisqu’il peut indisposer les plus âgés. Si vous vous trouvez dans un lieu où la musique vous rappelle un bon souvenir ou bien vous met de bonne humeur, vous serez plus enclin à acheter ou, à l’inverse, à fuir. Les premières études qui ont mis en lumière ces phénomènes datent des années 1970.

P.M. : Quoi de neuf alors ?

L.D. : On peut maintenant déterminer quelle caractéristique musicale est la plus pertinente afin d’atteindre l’objectif que se fixe le commerçant. C’est ce que je détaille notamment dans mon livre. Le choix de la musique est un aspect primordial puisqu’il affecte une partie de la consommation, au même titre que les prix. Or, c’est un point souvent négligé, ou abordé de manière instinctive.

P.M. : A qui s’adresse votre livre ?

L.D. : J’ai écrit ce livre pour tous les professionnels de la communication et du marketing, les étudiants et les commerçants qui ont besoin de vendre un produit ou un service. Mon livre leur apporte de nouvelles solutions. Il s’inscrit dans le champ du marketing sensoriel : un client sera mieux disposé si on lui offre un assortiment sensoriel de qualité, comme une belle lumière qui fait ressortir le brillant de diamants ou de pommes. Il en est de même avec la musique.

P.M. : Les clients prêtent-ils attention à la « musicalisation » d’un petit espace ?

L.D. : Oui, mais de façon indirecte. Ils vont surtout remarquer si la musique les dérange. Les clients ne remarqueront pas une musique bien choisie et diffusée, cohérente avec l’environnement et le décor. Ils vont plutôt ressentir qu’ils sont dans une atmosphère agréable qui les met de bonne humeur et leur fait passer un bon moment.

P.M. : Pensez-vous que la musique puisse convenir à toute pharmacie ?

L.D. : A mon sens oui, parce que la pharmacie est un lieu anxiogène, de passage, où le client attend. La musique est un vrai moyen d’améliorer l’expérience du consommateur, en le relaxant et en faisant passer le temps plus vite. Les pharmaciens qui se lanceront joueront sur un aspect précurseur et original qui ne pourra pas leur nuire ! Mais il ne s’agit pas pour autant de musicaliser à tout prix. Tout dépend de ce que vise le pharmacien. Il faut que la musique corresponde aux objectifs de vente, à la personnalité du titulaire, à sa cible, et aux valeurs de son enseigne.

P.M. : Dans ce condiv, comment faire exactement ?

L.D. : Celui qui veut musicaliser son point de vente ne peut pas se contenter d’une approche en amateur. Il lui faudra dans un premier temps s’entourer d’un professionnel parce qu’il est essentiel de s’assurer de la qualité de la diffusion, d’adapter le volume sonore à la clientèle. Se contenter d’allumer la radio n’a pas de sens, à moins de vouloir masquer le silence ou un vide. Placer un poste dans un coin ne suffit pas plus car l’impact sera faible. A l’inverse, un haut-parleur qui crache peut faire fuir la clientèle, tout particulièrement les personnes âgées. Il est ensuite indispensable de définir l’objectif à atteindre : par exemple, est-ce que je veux que les gens déambulent dans les rayons de parapharmacie ? Il faut savoir qu’une musique marque un lieu sociologiquement. Une officine qui cherche un positionnement haut de gamme choisira plutôt du classique ou du jazz.

P.M. : Au final, le pharmacien doit-il choisir une musique d’ambiance en fonction de ses clients ou de sa personnalité ?

L.D. : Le titulaire de l’officine devra observer ses clients tout au long de la journée, les habitués et les consommateurs ponctuels. Cela lui permettra de déterminer une programmation par plage horaire, afin d’accompagner le rythme de vie des acheteurs. Si à midi et le soir la pharmacie est fréquentée plutôt par des consommateurs actifs, la musique pourra être rapide. Si matin et après-midi sont consacrés aux seniors, la musique sera plus douce, plus lente. Si l’attention au client prime, la musique doit aussi refléter les valeurs que le titulaire de l’officine veut représenter. Mais ce n’est pas parce qu’il est fan d’opéra qu’il doit en faire écouter à sa clientèle à longueur de journée ! Il ne faut pas juste une musique d’ambiance, mais une musique avec des caractéristiques qui vont faire agir le consommateur.

P.M. : La démarche est donc uniquement opportuniste et commerciale…

L.D. : Pas tout à fait. Je pense que la dimension de plaisir pour tous doit rester présente dans la démarche. Mais lorsqu’on veut se faire du bien, il faut être attentif à l’effet produit sur l’acheteur, qui peut être différent de celui que l’on souhaiterait. Dès lors qu’il y a un public, écouter de la musique ne peut plus être un plaisir égoïste.

P.M. : Une enseigne en pharmacie peut-elle se constituer une identité musicale propre ( jingle, etc.) ?

L.D. : Ce n’est pas spécialement approprié car les officines ne sont pas associées, dans l’esprit des consommateurs, à une marque ou un grand groupe visible. Elles n’ont pas encore de nom à défendre.

P.M. : En matière de musique sur le point de vente, y a-t-il des règles à respecter ?

L.D. : Les règles qui s’appliquent sont celles du droit de la propriété intellectuelle. Toute musique diffusée en publique doit être déclarée à la SACEM, qui demande une redevance annuelle en fonction de la surface de vente.

P.M. : La France est-elle retard dans le domaine du marketing musical ?

L.D. : Pas spécialement. Si vous prenez Nature & Découverte par exemple, l’enseigne a bien compris le principe du marketing musical et l’applique depuis longtemps. Mais les Etats-Unis restent à la pointe.

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