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Temps Forts
Enquête
Auteur(s) : ELISE HARO-BRUNET
Pour les chercheurs, c’est indiscutable : le nombre de personnes présentant des troubles en lien avec l’ingestion de gluten est en constante augmentation dans les pays industrialisés. De 0,03 % dans les années 1970, la prévalence européenne de la maladie cœliaque, ou intolérance au gluten, est estimée aujourd’hui entre 0,56 et 1,26 %. La maladie toucherait 1 % de la population française. En Europe, jusqu’à 1 % des adultes et 9 % des enfants présentent une allergie au blé, conduisant à des réactions anaphylactiques dans sa forme la plus sévère. Et depuis 2010, une nouvelle entité fait exploser les compteurs : l’hypersensibilité au gluten non cœliaque ou HSGNC, parfois appelée à tort intolérance au gluten, dont la prévalence frôle les 13 % dans certains pays.
Ces chiffres sont toutefois à nuancer. En effet, en dépit de techniques diagnostiques améliorées, la prévalence de la maladie cœliaque, pathologie auto-immune entraînant une destruction des villosités intestinales, serait sous-estimée en France. Un phénomène qui inquiète l’Association française des intolérants au gluten (AFDIAG). Celle-ci a lancé en automne une campagne d’information, en collaboration avec le Cespharm et à destination des pharmaciens notamment, dans le but de sensibiliser les professionnels et les patients sur des pratiques actuelles inadaptées.
Sont pointés du doigt des résultats diagnostiques faussés par la mise en route par les patients, de leur propre chef et avant toute consultation médicale, d’un régime « sans gluten ». La détection d’anticorps fabriqués au contact de cette substance, à un taux suffisant permettant de déceler la pathologie, devient de ce fait impossible. Le risque est alors de passer à côté de la maladie, réelle et sérieuse, source de malabsorption et aux complications parfois redoutables, et qui ne tolère pas la moindre trace de gluten dans l’alimentation.
La maladie cœliaque a en outre changé de visage. Auparavant étiquetée comme maladie infantile, elle se développe désormais à tout âge de la vie, sous des formes variables, frustes, voire asymptomatiques. Des symptômes possiblement peu caractéristiques, parfois mal identifiés par des professionnels de santé insuffisamment formés. Les patients, en errance diagnostique éventuelle, mettent alors d’eux-mêmes leurs désagréments sur le compte d’une HSGNC. Un autodiagnostic potentiellement dangereux et certainement surestimé.
L’HSGNC fait en effet débat au sein de la communauté scientifique. Aucun mécanisme physiopathogénique n’est établi, aucun marqueur diagnostique n’est identifié : tout repose sur des hypothèses. Pour établir sa définition actuelle, trois conférences de consensus en six ans auront été nécessaires. Certains y voient une sous-catégorie du syndrome de l’intestin irritable, d’autres une maladie cœliaque silencieuse ou latente. Aujourd’hui, l’HSGNC doit rester un diagnostic d’exclusion, après des tests appropriés de détection de maladie cœliaque ou d’allergie au blé chronique.
Le rôle même du gluten dans l’apparition de cette entité est contesté, bien que les patients s’identifiant comme hypersensibles disent se sentir mieux à l’arrêt de cette substance. Des chercheurs ont mis en avant le possible rôle des FODMAPs, ces sucres fermentescibles par l’intestin contenus dans de nombreux aliments, y compris dans les céréales sources de gluten. D’autres prétendent que l’HSGNC pourrait être liée à la présence d’ATI ou « inhibiteurs amylase-trypsine du blé », des pesticides naturels retrouvés en quantité toujours plus importante dans cette céréale et qui pourraient avoir un rôle dans les réponses inflammatoires et immunitaires.
Les chercheurs s’orientent aussi vers une digestibilité modifiée du blé pour expliquer l’émergence d’une possible HSGNC. Même si la consommation de gluten reste relativement stable depuis 1900, aujourd’hui le blé consommé est sélectionné génétiquement pour son utilisation et son rendement. Son profil protéique a été modifié au cours des cinquante dernières années par l’utilisation d’engrais azotés. Sa teneur en protéines génératrices de gluten est également influencée par le réchauffement climatique. Se sont ajoutées à cela des modifications dans les procédés agroalimentaires de transformation du blé (temps de cuisson, de pétrissage…), ainsi que de nouveaux modes de consommation (pains divers et variés, plats industriels…). Actuellement, les conséquences de tous ces changements ne sont pas connues. Des recherches sont en cours à l’INRA (Institut national de la recherche agronomique).
Devant ces phénomènes largement médiatisés, la tendance est aujourd’hui au « no glu ». D’après le Dr Jean-Michel Chardigny de l’INRA, jusqu’à 26 % de la population européenne suivrait un régime sans gluten sans aucune justification médicale. L’ESPGHAN (Société européenne d’hépatogastroentérologie et de nutrition pédiatriques) a fait part lors de son dernier congrès d’une étude montrant que les produits sans gluten sont plus gras. Ils peuvent aussi être plus pauvres nutritionnellement et plus concentrés en additifs. Il n’empêche que l’offre « sans gluten » est désormais largement diversifiée, y compris chez certains pâtissiers ou restaurateurs. Cette mode est loin d’être passée inaperçue pour les industriels de l’agroalimentaire. En France, en 2015, le total des ventes de produits sans gluten a augmenté de 44,5 % en un an, avec plus de 16 millions d’unités vendues. Les achats de ces produits aux Etats-Unis et en Europe devraient atteindre 6,6 milliards de dollars en 2017.
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