Ces médicaments listés qui pourraient être conseillés - Le Moniteur des Pharmacies n° 3204 du 16/12/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3204 du 16/12/2017
 
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Auteur(s) : PAR MAGALI CLAUSENER 

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, l’a évoqué à l’Assemblée nationale le 12 décembre : les pharmaciens pourraient prendre en charge eux-mêmes certaines pathologies courantes sur la base d’arbres décisionnels. L’ordre national des pharmaciens et les syndicats poussent à cette délivrance sous conditions de médicaments listés. Un nouvel acte dans l’intérêt des patients.

Des pharmaciens d’officine qui « prennent en charge des pathologies courantes sur la base d’arbres décisionnels fondés sur des données prouvées. Avec une évolution de la rémunération en cohérence ». Vous en rêviez ? La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le fait. Ou tout au moins a-t-elle envisagé une réflexion à ce sujet, mardi 12 décembre à l’Assemblée nationale, au décours d’une question sur le nouveau statut des médicaments à base de codéine. L’idée vient de la profession. Le 20 novembre, lors de la 30e Journée de l’ordre national des pharmaciens, sa présidente Carine Wolf-Thal, a abordé lors de son discours, un sujet novateur : la « prescription pharmaceutique » ou possibilité pour les pharmaciens de prescrire des médicaments de prescription médicale obligatoire (PMO). « Comme cela se pratique sous différentes formes à l’étranger, notamment en Suisse, au Canada ou aux Etats-Unis, les pharmaciens pourraient à l’avenir dispenser de manière responsable ce type de médicaments, que l’on pourrait appeler “médicaments de prescription pharmaceutique” », a-t-elle déclaré. Et d’ajouter : « Nul doute que pour les affections mineures, le pharmacien dispose de toutes les compétences pour conseiller les traitements les plus appropriés. » L’ordre des pharmaciens refuse d’aller plus loin pour le moment, estimant qu’il est prématuré de s’engager davantage sur le sujet, la réflexion avec la profession en étant aux prémices. Du côté des syndicats, elle n’est pas nouvelle. Depuis plusieurs années, l’USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine) et la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France) souhaitent une mise en œuvre de ce type d’acte. « Nous avons proposé il y a trois ans au ministère la création d’une “classe intermédiaire” entre la PMO et la PMF – prescription médicale facultative –, explique Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Il s’agirait de médicaments à risques de mésusage dont la PMO serait ouverte à la délivrance pharmaceutique sous certaines conditions de conseil. » Selon Philippe Gaertner, président de la FSPF, « le pharmacien a besoin de pouvoir dispenser certains médicaments afin de répondre aux patients sans engorger les urgences ». Les deux représentants syndicaux soulignent, en effet, les difficultés pour les patients de consulter ou joindre un médecin durant le week-end alors qu’ils souffrent d’affections bénignes. Le principe est de ne pas pénaliser le patient tout en lui laissant le choix de consulter un praticien.

Des traitements de courte durée

Mais quels seraient les médicaments concernés par cette prescription pharmaceutique ? Philippe Gaertner évoque des médicaments qui devraient être délistés ou exonérés : produits codéinés dans le cas d’une rage de dents par exemple, et antibiotiques comme la fosfomycine face à une cystite non récurrente de la femme. Gilles Bonnefond liste une série d’affections : rhume et infections de la sphère ORL, gastro-entérite, pathologies dermatologiques bénignes, infections urinaires, œil rouge, maux d’estomac et reflux gastriques. Les deux syndicats s’accordent à dire que les pathologies concernées ne devraient pas nécessiter un diagnostic et que les traitements prescrits par les pharmaciens seraient de courte durée, de 3 à 4 jours pour la FSPF et jusqu’à 7 ou 14 jours du point de vue de l’USPO. Pour Gilles Bonnefond, le choix des molécules ne devraient pas être laissé aux seuls laboratoires : « La mesure 30 du contrat de filière pour l’industrie pharmaceutique concerne le développement de l’automédication. Or, les différents ministères ne veulent pas une augmentation de la consommation de médicaments. La prise en charge de ces médicaments de PMO ouverte au conseil pharmaceutique devrait donc être faite avant tout par les pharmaciens, un peu par les laboratoires et éventuellement par les médecins. » Quant aux modalités pratiques, elles devraient bien entendu être protocolisées. « On peut imaginer un arbre décisionnel proposé par la profession validé par la Haute Autorité de santé, précise Philippe Gaertner. Dans le cas d’une cystite, le pharmacien devrait s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une infection récurrente. Après, nous pouvons très bien faire des mini-tests. Nous avons les solutions pour traiter le problème dans l’intérêt du patient. » La traçabilité serait au cœur de l’acte, la dispensation inscrite au dossier pharmaceutique (DP), voire au dossier médical partagé (DMP) lorsque celui-ci sera généralisé.

L’influence du modèle québécois

La réflexion des pharmaciens français peut s’inspirer des exemples étrangers, notamment celui du Québec. Parmi les nouvelles missions du pharmacien, figure la prescription pour douze « conditions mineures », pour reprendre l’expression québécoise. Il s’agit des aphtes buccaux, de la conjonctivite allergique, des douleurs menstruelles, de l’acné mineure, de l’eczéma, de l’érythème fessier, des hémorroïdes, de l’herpès labial, de l’infection urinaire récente chez la femme, d’une mycose consécutive à l’utilisation d’inhalateur corticostéroïde, de la rhinite allergique et de la vaginite à levures. L’ordre des pharmaciens de la province canadienne a travaillé avec l’ordre des médecins afin de protocoliser cette prescription pharmaceutique. Toutefois, elle ne peut pas être effectuée sans une ordonnance ultérieure. « Pour la majorité des conditions, si l’ordonnance médicale remonte à plus de quatre ans, votre pharmacien vous invitera à consulter à nouveau un médecin. Pour les douleurs menstruelles et les hémorroïdes, la durée a été établie à deux ans et pour l’infection urinaire à un an », précise l’ordre des pharmaciens à l’intention des Québécois.

CONVAINCRE LES MÉDECINS

Reste à convaincre les médecins de l’utilité d’une prescription pharmaceutique. « Les pharmaciens ne sont pas des prescripteurs, déclare le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF (Fédération des médecins de France). Je me bats pour que le pharmacien de proximité soit maintenu pour assurer la sécurité sanitaire, mais il ne faut pas qu’il change de métier. Je suis plutôt favorable à un forfait pour un “pharmacien traitant”, mais opposé à une pharmacien prescripteur. » La prescription pharmaceutique verra-t-elle le jour ? Pas sous cet intitulé, affirme la ministre de la Santé. Lors de son intervention à l’Assemblée nationale, Agnès Buzyn a annoncé une autre réflexion, plus globale, qui s’ouvrirait en parallèle. Elle portera sur « les leviers à mettre en œuvre pour rendre plus homogène la qualité de la dispensation en officine pour les médicaments à prescription médicale obligatoire et facultative ». Autrement dit, faites d’abord bien votre boulot, et on verra après pour aller plus loin.

À RETENIR


•   L’ordre des pharmaciens a proposé de créer une catégorie de médicaments de « prescription pharmaceutique ».

•   Les syndicats sont favorables à cette idée pour certains médicaments répondant à des besoins spécifiques des patients ne pouvant joindre un médecin.

•   La ministre de la Santé annonce deux réflexions à venir : sur la « qualité homogène » du conseil en officine et sur cette dispensation élargie sur la base d’arbres décisionnels.

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