La livraison à domicile en quête des bons relais - Le Moniteur des Pharmacies n° 3200 du 25/11/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3200 du 25/11/2017
 
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Auteur(s) : PAR CHLOÉ DEVIS 

Alors qu’Amazon lorgne de plus en plus sur le secteur de la santé, les pharmaciens français cherchent encore leurs marques dans la livraison à domicile. Pousser plus loin la logique de service pass e - t - il par des alliances ? C’est le pari fait par les groupements qui ont choisi de travailler avec La Poste. Et l’émergence des prestataires rémunérés pourrait inciter les pharmaciens à faire payer ce service.

Si la livraison à domicile est entrée dans les mœurs des Français, elle reste pratiquée de façon encore largement artisanale par les officines. Les besoins vont pourtant s’accentuer en matière de santé sous les effets du vieillissement de la population et de la désertification médicale. Et la demande est là, comme le confirme une enquête Avenir Pharmacie réalisée par Satispharma et OpinionWay à l’occasion de la dernière édition de PharmagoraPlus : plus de la moitié (54 %) des personnes interrogées sont intéressées par la livraison de leurs traitements chez elles. Mais l’incitation à développer ce service au niveau des pharmacies vient aussi d’une concurrence qui s’aiguise sur les marchés hors monopole : la GMS, et, plus redoutable encore, les plates-formes de e-commerce. La plus puissante d’entre elles, Amazon, a d’ores et déjà commencé à démarcher les officines françaises pour la vente de parapharmacie, tout en étudiant rien de moins que la possibilité de se lancer dans la distribution de médicaments aux Etats-Unis. Face à ces appétits de taille, la résistance s’organise dans l’Hexagone… sous les traits d’une entreprise de services emblématique qui se pose en « tiers de confiance » pour les officines : La Poste teste actuellement deux modèles de livraison de médicaments à domicile adossés à des groupements. En partenariat avec Giphar, mais aussi Medissimo et MeSoigner.fr, le groupe a amorcé la deuxième phase de l’expérimentation « Mes médicaments chez moi », aujourd’hui déployée dans les officines Giphar de Gironde et de Loire-Atlantique. Le patient transmet son ordonnance en ligne à la pharmacie de son choix via une plate-forme web et se voit remettre les médicaments par son facteur. Le coût de la livraison, pris en charge par Giphar, varie selon le type de commande. La seconde initiative repose sur la mise en place d’un site et d’une appli en marque blanche pour le réseau PharmaBest, qui regroupe 60 des plus importantes officines françaises. L’ordonnance du patient est transmise directement à l’officine sous forme numérique et la prescription peut être livrée par le facteur dans la journée. Le service prenant en charge le tiers-payant, seul le coût de la livraison, d’un montant de 7,90 euros, est facturé au client. Baptisée Pharmabest@home, la démarche a été lancée début juillet au sein de la pharmacie Prado-Mermoz, à Marseille (Bouches-du-Rhône), et sera élargie à toutes les pharmacies du réseau à partir de janvier 2018. « La mise sur pied d’un service structuré et dédié devait s’adosser à un professionnel de la livraison, fait-on valoir chez PharmaBest, en précisant que c’est le facteur habituel, formé à ce nouveau process, qui, lors de sa tournée, assure la livraison du colis contre signature du patient. Ce dernier n’ouvre pas la porte à un inconnu ».

Des questions éthiques et entrepreneuriales

Sur le fond, l’Ordre des pharmaciens ne trouve rien à redire : « Si La Poste respecte les divs en vigueur dans le domaine de la livraison de médicaments à domicile, rien ne l’empêche de proposer cette prestation, à l’image d’autres acteurs existants tels que les infirmières libérales et les entreprises de portage spécialisées », avait ainsi rappelé il y a quelque temps Alain Delgutte, président du conseil central A de l’Ordre national des pharmaciens. Les arguments ont pourtant du mal à porter dans la profession. Un sondage en ligne sur le site du Moniteur des pharmacies indique que 70 % des pharmaciens ne sont pas prêts à confier cette livraison à un prestataire (292 votants). Philippe Rousseau, titulaire à Angers (Maine-et-Loire) et adhérent Giphar, assure cette prestation depuis quelques années, en toute autonomie, et penche pour continuer ainsi plutôt que de faire appel à La Poste. « Alors que l’isolement touche un nombre croissant de personnes et que les médecins ne consultent plus que rarement à domicile, il est de mon devoir de pharmacien de me rendre chez mes patients. C’est la seule occasion d’identifier certaines problématiques, et c’est aussi un moyen de me démarquer de mes confrères, plaide-t-il, mais il accepte tout à fait l’idée de déléguer ce service dans des zones rurales où les distances à parcourir sont trop importantes. » Pour l’économiste indépendant Stéphane Rapelli, l’enjeu est à la fois entrepreneurial et qualitatif. « L’externalisation de la livraison à domicile se justifie dans la mesure où la gestion du dernier kilomètre est un vrai métier nécessitant une organisation, des moyens… que le pharmacien ne peut pas forcément assumer. Mais ce dernier doit garder le contrôle sur la qualité de la prestation, le médicament étant un produit sensible. » Or, s’interroge-t-il, quid d’une éventuelle sous-traitance en cascade ? Pour l’expert, « le recours à des prestataires de messagerie locaux pourrait être une solution pour avoir une meilleure visibilité sur les conditions de livraison ». Il met cependant en garde contre un autre risque, que la notion de conseil s’estompe. A ces préventions, La Poste apporte déjà certaines réponses : traçabilité des commandes, dialogue à distance possible avec le pharmacien, emballage sécurisé des produits conformément aux prescriptions réglementaires… La sécurité, c’est aussi le credo des acteurs privés qui ont éclos récemment sur le créneau de la livraison à domicile pour les pharmacies. Si Pharma Express ou Digital Officine misent sur l’ordonnance numérique, Minute Pharma s’est axée sur la parapharmacie et l’OTC. Issu du monde de la répartition, son directeur général Samy Layouni revendique une expertise à la fois officinale et logistique : « Nous formons nos conducteurs et possédons notre propre flotte avec une image à la hdiv des valeurs du métier », fait-il valoir. Les pharmaciens ont le choix de facturer ou non à leur client les frais de livraison de 7,90 euros. Là réside aussi un autre enjeu essentiel des modèles à échafauder concernant la livraison à domicile, comme d’autres types de services : la profession est-elle prête à faire payer les patients ? Stéphane Rapelli en doute : « La population ciblée n’est pas forcément la plus argentée qui soit ». « Peu à peu, les blocages se lèvent, réplique Samy Layouni. La nouvelle génération d’officinaux, plus digitalisée, va réagir face aux pressions de toutes sortes, tandis que les clients, eux, sont prêts à payer pour économiser des déplacements. » Ou presque. Selon l’enquête Avenir Pharma, seulement 43 % des Français accepteraient de payer 5 euros pour se faire livrer des médicaments à domicile. 

À RETENIR


•   Nombreux sont les pharmaciens qui restent réticents à confier à un tiers la livraison de médicaments au domicile de leurs patients. La Poste et d’autres prestataires revendiquent leur expertise logistique et veulent apparaître comme des partenaires fiables.

•   La multiplication des prestataires rémunérés pour la livraison à domicile pourrait inciter les pharmaciens à faire payer les services rendus à leurs patients et clients.

REPÈRES 

DISPENSER OU LIVRER À DOMICILE

Par Matthieu Vandendriessche - Infographie : Franck L'Hermitte

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