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Temps Forts
Enquête
Auteur(s) : ELISE HARO-BRUNET
Au 19 août 2017, elle recueillait pas loin de 58 000 signatures. 157 000 le 28 août. La pétition « Contre le nouveau Levothyrox dangereux pour les patients ! », sur le site MesOpinions.com, fait mouche. Et reflète l’avalanche de commentaires et témoignages postés sur différents forums et réseaux sociaux depuis plusieurs mois, par des patients visiblement en peine après la prise de la nouvelle formule de Levothyrox. Avec des symptômes généralement subjectifs, difficilement mesurables. De la bouche sèche à la fatigue ou à l’hospitalisation en urgence pour démence, tout y passe : le nouveau Levothyrox semble être à l’origine d’un déséquilibre thyroïdien plus ou moins sévère chez un bon nombre de patients.
La cause de tous ces maux : un changement d’excipient. La formule de Levothyrox a en effet été modifiée suite à une demande faite en 2012 par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) aux laboratoires Merck et Biogaran, exploitants des spécialités à base de lévothyroxine en France. Le lactose, identifié comme à l’origine de fluctuations en teneur et en stabilité du principe actif, a été remplacé par du mannitol. La France, plus important marché européen pour Merck, a été le premier pays à franchir le pas fin mars 2017. La nouvelle formule sera introduite dans les autres pays européens courant 2018. Un changement contesté aujourd’hui par des patients déstabilisés, qui dénoncent une prise d’otages : Levothyrox est actuellement l’unique spécialité à base de lévothyroxine en comprimé disponible dans l’Hexagone puisque le seul générique commercialisé par Biogaran est en cours de reformulation pour les mêmes raisons. Des patients qui se définissent comme des victimes et qui parlent de véritable « scandale sanitaire ». Pour eux, pas de doute, le nouveau Levothyrox est bien différent de l’ancien. Il faut reconnaître que les études de bioéquivalence effectuées par Merck entre ancienne et nouvelle formule laissent perplexe. Bien que conformes aux normes européennes et américaines, les deux essais de pharmacocinétique réalisés en 2016 sont bien éloignés des conditions en vie réelle : ils concernent un faible nombre de patients, jeunes, sans pathologie ou traitement susceptible d’interférer avec les résultats des tests, restant à jeun dans les 4 heures suivant une prise unique de 600 µg de lévothyroxine. Une source d’incompréhension et de scepticisme pour endocrinologues et associations de patients. Devant les troubles rencontrés par certains malades, Chantal L’Hoir, co-présidente de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), va même jusqu’à affirmer que le laboratoire Merck aurait mis des lots défectueux de Levothyrox sur le marché en début d’année. De quoi alimenter les interrogations… ainsi que forums et réseaux sociaux. « Nous recevons environ une cinquantaine de témoignages par semaine depuis le mois de juin », rapporte-t-elle.
Sur le terrain, la réalité est pourtant tout autre. Au 15 juillet 2017, 800 notifications de pharmacovigilance avaient été rapportées au laboratoire Merck via différentes sources (service interne, ANSM…). 746 patients avaient contacté directement le service information médicale sur le numéro vert de Merck spécialement dédié, soit 0,02 % des 3 millions de patients traités par lévothyroxine en France. Une polémique injustifiée ? « Un événement hystérisé », selon Jean-Marc Comas, endocrinologue et conseiller scientifique de l’AFMT. Il compare ce phénomène à la panique de « l’effet Fukushima » et dénonce une « sorte d’hystérie collective, la lévothyroxine agissant sur tout. Tout symptôme dans le corps peut s’expliquer par un problème thyroïdien ». Et ajoute que l’angoisse disproportionnée autour de ce changement de formule s’explique par « la dépendance complète à une molécule. Pour certains patients, la prise de lévothyroxine est une question de vie ou de mort ». Sans nier pour autant les propos de Beate Bartès, présidente de l’association Vivre sans thyroïde, pour qui « un certain nombre de patients présente des symptômes réels, importants et inquiétants, et des variations de TSH vraiment frappantes après le changement de formule ». Mais une information qui reste à modérer selon lui : « Il est difficile de se référer uniquement au taux de TSH puisque les normes changent d’un laboratoire d’analyses à l’autre ». Même analyse pour Jacques Guillet, pédiatre, biologiste et médecin nucléaire, également conseiller scientifique de l’AFMT. D’après lui, les conditions de prise de Levothyrox sont le point de départ du problème. « Les patients ne nous disent pas tout et les bénévoles de l’AFMT, qui ne sont pas forcément des professionnels de santé, ne posent pas toutes les questions. Or en réalité, on s’aperçoit que le Levothyrox est mal pris, au mauvais moment ou avec des médicaments en vente libre qui interfèrent. » S’y ajoutent les fluctuations intrinsèques des pathologies thyroïdiennes liées à un virus, un stress, ou encore simplement l’évolution naturelle de la maladie, certaines thyroïdites auto-immunes évoluant par poussées. Pour lui, il faut une cause à tout mal, et la nouvelle formule de Levothyrox est une explication toute trouvée. Devant la grogne des patients sur la Toile, « il ne s’agit plus de faire de la science mais de la communication, dans un milieu qui n’est pas toujours rationnel ».
La communication, serait-ce là où le bât blesse ? Possible. Le Dr Comas voit des patients qui vont bien mais qui sont angoissés par les propos relatés sur les forums. Mais aussi par le conseil du pharmacien. Les recommandations du laboratoire et de l’ANSM, visant à accompagner la prise de la nouvelle formule, les interpellent. « Pour eux, une molécule, c’est une molécule. Ils ne comprennent pas pourquoi on leur conseille de faire une mesure de contrôle de la TSH si ça ne va pas », rapporte le Dr Comas. L’excès de prudence et de communication seraient à l’origine d’un « effet nocebo », selon Beate Bartès. Rassurer les patients, combattre les détracteurs du nouveau Levothyrox, elle s’y emploie « jour et nuit depuis 3 mois ». Le laboratoire Merck et l’ANSM travaillent eux aussi en étroite collaboration avec les associations de patients « pour suivre l’évolution des inquiétudes » , selon l’agence. Une première réunion a eu lieu avec cette dernière en juillet. Et le 23 août, l’ANSM a annoncé l’ouverture d’un numéro vert, pris d’assaut.
L’ANSM a par ailleurs confié au centre de pharmacovigilance de Rennes une enquête nationale afin d’accompagner la transition et analyser les effets indésirables éventuels avec la nouvelle formule. Les résultats lui seront présentés au Comité technique de pharmacovigilance du 10 octobre 2017. Pour un nouvel épisode de la « saga Levothyrox ».
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