Les richesses cachées du médicament - Le Moniteur des Pharmacies n° 3183 du 24/06/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3183 du 24/06/2017
 
ÉCONOMIE

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : FRANÇOIS POUZAUD 

Vu sous l’angle des services et des nouvelles missions qui y sont attachés, et non plus de la seule marge de dispensation, le médicament reste un axe intéressant pour le renforcement économique de l’officine. Explications.

Faut-il jouer les Cassandre à la veille d’une réunion capitale ? Pour le 12 juillet prochain, l’Assurance maladie et les syndicats pharmaceutiques devront avoir posé les bases de nouveaux honoraires pour continuer à dégager la pharmacie de l’ornière des baisses de prix sur les médicaments remboursables. L’ambition de la nouvelle convention est de favoriser un exercice plus serein pour le pharmacien reconnu comme un professionnel de santé, spécialiste du médicament. « Une autoroute s’ouvre devant les pharmaciens. Ils continueront à vivre du médicament, à condition qu’ils rendent les services de santé qu’on leur demande : bilans de médication, vaccinations, coordination des soins… », lâche Christian Grenier, président de Federgy (syndicat des groupements). Selon lui, mettre le cap sur les services à valeur ajoutée est d’autant plus nécessaire que les rémunérations complémentaires sur le générique vont baisser. Et comme le fait remarquer Philippe Gaertner, président de la FSPF : « Un entretien pharmaceutique, c’est 100 % de marge, alors que la vente d’un médicament remboursable, c’est en moyenne cinq fois moins. »

Miser dès maintenant sur les services

Les experts-comptables de la pharmacie saluent cette nouvelle vision stratégique du métier de pharmacien, bien que jusqu’ici l’officine moyenne soit parvenue à stabiliser sa marge et son résultat, grâce aux ventes sur le hors TVA 2,1 %, aux avantages liés à la dispensation des génériques et aux honoraires de dispensation. « Les mécanismes de régulation mis en place ont permis de limiter le délitement de la marge. S’ils continuent de fonctionner au sein du nouvel accord conventionnel, il n’y aurapas de danger immédiat pour l’économie officinale », explique Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise. Face à l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché de la santé (Google, Apple, Amazon…), et des services à domicile (La Poste, notamment), la profession n’aura guère le choix. « Elle devra se mettre en phase avec les changements de l’environnement et les nouveaux besoins des patients intéressés par des services destinés à leur faciliter le quotidien : préparation de piluliers, organisation de leur retour après hospitalisation, livraison de médicaments à domicile… », analyse Olivier Desplats, expert-comptable et président de CGP. Tous ces services accompagnés de conseils du pharmacien peuvent être d’ores et déjà payants, et participent de plus à la fidélisation de la clientèle. Selon l’enquête « La pharmacie demain : les clients sont prêts... et vous ? » réalisée en 2016 par l’association Pharma Système Qualité, entre un tiers et la moitié des clients sont prêts à mettre la main à la poche pour de nombreux services comme des tests de dépistage, des rendez-vous personnalisés de prévention ou de suivi de leur traitement. Rien n’empêche par ailleurs de proposer des entretiens pharmaceutiques payants en dehors du champ conventionnel, pris en charge par les complémentaires santé ou les patients eux-mêmes. Mais comment avoir une démarche proactive si on n’est pas capable de s’émanciper du « tout gratuit » ?

Se soucier davantage de la LPPR

Se positionner sur les services ne signifie pas renoncer aux activités connexes au médicament, et rentables. « Le pharmacien doit s’occuper de tous les champs d’activité, sans en mettre aucun de côté », invite Philippe Gaertner. Il n’y a en effet aucune raison de délaisser des secteurs où la pharmacie est en croissance régulière, tels que les produits de la LPPR. Selon des données de la FSPF, ce marché est passé de 1,8 Md € à 2,6 Mds € en dix ans. Philippe Gaertner estime que les pharmaciens peuvent beaucoup mieux faire sur la LPPR et qu’il y a des gisements à capter du côté de la prise en charge des patients RPNI (respiratoire, perfusion, nutrition, insulinothérapie). « La profession a fait des erreurs sur ce secteur, elle va devoir maintenant s’en soucier davantage, car le raccourcissement des hospitalisations et le développement de l’ambulatoire sont des éléments majeurs du futur », prévient-il.

Les nouveaux services pourraient peser 10 % du CA

Dans ce nouveau modèle économique qui se dessine, la taille de l’officine restera un critère déterminant, les grandes pharmacies parvenant mieux que les petites à trouver des relais de croissance et à élargir leur offre de services. Cependant, Philippe Gaertner pense que toutes les officines, petites ou grandes, pourront tirer leur épingle du jeu. Pour cela, « le pharmacien aura besoin de dégager du temps pour se consacrer pleinement à son rôle de professionnel de santé, les outils numériques des groupements l’y aideront, souligne Christian Grenier. Il faudra aussi que le nouveau code de déontologie soit enfin validé pour autoriser la communication ». Selon une enquête des Echos Etudes, publiée en 2014, l’ensemble de ces nouveaux services pourrait représenter jusqu’à 10 % du CA de l’officine. Les experts-comptables ne valident pas cette projection de 10 % et ne tirent aucun plan sur la comète sur les surplus financiers tant que la convention n’est pas signée. Il faut en effet être réaliste. La mutation des services sera lente et progressive. Les nouvelles missions ne modifieront pas substantiellement le modèle économique de l’officine, qui restera dépendant de la dispensation du médicament remboursable. Les rémunérations additives afférentes aux nouvelles missions resteront faibles au début mais, « l’extension des entretiens pharmaceutiques à d’autres pathologies chroniques ouvrira des perspectives intéressantes », promet Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Cette évolution sera séquencée et rythmée par la vie conventionnelle. Cependant, les premières actions d’accompagnement des patients, tout comme l’expérimentation de la vaccination antigrippale, nécessiteront en retour des études d’évaluation et d’impact économique avant de changer le périmètre de ces entretiens ou encore de généraliser la vaccination en officine. Honoraires à l’ordonnance, interventions pharmaceutiques, coordination des soins, services, conseils, génériques, PDA… C’est tout cet ensemble d’ingrédients qui gravitent autour du médicament, et la diversité des sources de revenus de l’officine, qui permettront de la ramener sur le chemin de la croissance. Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Ça, ça ne change pas.

À RETENIR


•  Confronté à une baisse du chiffre d’affaires lié aux médicaments remboursables, le pharmacien peut miser sur les services et les conseils en prolongement du médicament.

•  L’ensemble de ces nouveaux services pourrait représenter jusqu’à 10 % du CA de l’officine.

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