Ces innovations qui traversent le temps - Le Moniteur des Pharmacies n° 3183 du 24/06/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3183 du 24/06/2017
 

Expertise

Autour du médicament

Auteur(s) : YOLANDE GAUTHIER, ANNE DROUADAINE ET ANNE-HÉLÈNE COLLIN 

Les progrès réalisés en médecine depuis 70 ans sont spectaculaires. Les thérapeutiques, de plus en plus ciblées, traitent de plus en plus de maladies. Mais au départ, rien n’a changé ou presque : les découvertes se font toujours sur une paillasse de laboratoire, au milieu de tubes, d’éprouvettes… et d’ordinateurs !

ANTIBIOTIQUES PLUS AUTOMATIQUES

Depuis le début de leur production industrielle au cours de la Seconde Guerre mondiale, les antibiotiques ont évité des millions de morts, participant indiscutablement à l’augmentation de l’espérance de vie. Les découvertes se sont enchaînées entre les années 1940 et 1960 : sulfamides, pénicilline, streptomycine, tétracycline, érythromycine, acide nalidixique, triméthoprime… A partir des années 1970, la mise sur le marché de nouveaux antibiotiques ralentit. Leur utilisation en masse tant chez l’homme que chez l’animal conduit au développement de résistances croissantes. Au point que, si rien ne change à la situation actuelle, plus de dix millions de personnes pourraient mourir chaque année du fait de l’antibiorésistance d’ici à 2050. Cette lutte est ainsi devenue un enjeu de santé publique, au même titre que la découverte de nouveaux antibiotiques.

INTERFÉRONS : 60 ANS D’AVANCÉES

C’est en 1957 que deux scientifiques Alick Isaac et Jean Lindenmann décrivent pour la première fois les interférons, sorte d’interférences induites par le virus influenza sur des membranes chorio-allantoïdiennes d’œufs de poule embryonnés. Plus tard, l’effet antiviral est mis en évidence pour un nombre important de virus et la production est lancée au début des années 1960. En 1983, le potentiel thérapeutique des interférons est envisagé au vu du large spectre antiviral et de l’absence de toxicité majeure. L’utilisation est un succès dans le cadre d’un essai sur la leucémie à tricholeucocytes. Plus tard, en 1985, une AMM sera délivrée pour cette indication. L’usage des interférons se répand ensuite dans le traitement des tumeurs solides, condylomes puis dans le traitement des hépatites. En 1996, la technique de pégylation est développée. Elle permet de modifier la pharmacocinétique de l’interféron en diminuant son élimination. Aujourd’hui, les interférons sont encore utilisés dans le traitement des leucémies, myélomes, lymphomes, mélanomes, sclérose en plaques, maladie de Behçet et des hépatites (B, principalement).

CONTRÔLE DES NAISSANCES

La première pilule estroprogestative a été commercialisée en 1957 aux Etats-Unis, sous le nom d’Enovid (noréthynodrel et mestranol). Portée par Lucien Neuwirth, la contraception est légalisée en France en 1967. Les années 1980 signent l’apparition des pilules microdosées et des pilules bi ou triphasiques, les années 1990 celle des contraceptifs de troisième génération. En 1999, nouvelle révolution : le premier contraceptif d’urgence Norlevo (improprement appelé « pilule du lendemain ») est accessible en pharmacie sans prescription médicale. Le début des années 2010 place les pilules de 3e et 4e générations sur la sellette en raison d’un risque de thrombose veineuse accru. Les femmes se tournent vers les contraceptifs de deuxième génération contenant du lévonorgestrel ou, surtout, vers les DIU au cuivre. Quatre générations de progestatifs plus tard et 50 ans après sa légalisation, la contraception hormonale n’a plus aussi bonne presse…

L’INSULINE TOUJOURS EN PIQÛRES

La première injection d’insuline, réalisée en 1922, a changé la vie des diabétiques. Extraite à ses débuts de pancréas de boeuf ou de porc, la protéine voit son processus de fabrication s’améliorer rapidement après la description de sa structure chimique en 1955. Huit ans plus tard, la première insuline synthétique est produite en Allemagne et aux Etats-Unis, en faible quantité. La production industrielle démarre réellement dans les années 1980, grâce à deux technologies : le génie génétique, qui permet de transférer le gène de l’insuline humaine dans l’ADN d’Escherichia coli ou de Sacccharomyces cerevisiae ; et l’humanisation de l’insuline de porc par modification de l’acide aminé qui la différencie de l’insuline humaine. La décennie voit également l’arrivée des premières pompes à insuline. A la fin du XXe siècle, de nouvelles insulines apparaissent, dont la structure moléculaire a été modifiée pour changer leur durée d’action : analogues rapides (insuline asparte, glulisine, lispro) et analogues lents (insuline détémir, glargine, dégludec). L’avenir passe par de nouvelles voies d’administration permettant de s’affranchir des injections quotidiennes. L’insuline inhalée n’a pas rencontré le succès commercial espéré aux Etats-Unis. Mais l’arrivée de pancréas artificiels délivrant automatiquement la bonne quantité d’insuline ouvre des perspectives encourageantes aux diabétiques de type 1.

ANTIRÉTROVIRAUX : UNE HISTOIRE RÉCENTE


Les premiers cas de SIDA ont été décrits en juin 1981, et le terme utilisé pour la première fois en 1982. Le virus est décrit un an plus tard et l’activité du premier antirétroviral, la zidovudine (Retrovir) est démontrée. Mis à disposition en 1986, il est encore commercialisé aujourd’hui.
Le premier test de dépistage arrive en 1987. En 1996, la première trithérapie est mise sur le marché. Le marché des antirétroviraux est en pleine expansion. Parallèlement, en 1996, le premier autotest de dépistage est commercialisé aux Etats-Unis. En France, il sera mis à disposition en septembre 2015.
Depuis 1998, le traitement post-exposition ou traitement d’urgence peut être prescrit à toute personne potentiellement exposée à un risque de transmission du VIH, qu’il s’agisse d’un accident d’exposition par voie sexuelle, par partage de matériel d’injection ou dans un condiv professionnel. Il était déjà utilisé depuis plusieurs années chez les personnels de santé à la suite d’un accident d’exposition au sang.
En 2012, aux Etats-Unis, puis en janvier 2016 en France, la prophylaxie pré-exposition, consistant à proposer de façon préventive un traitement antirétroviral à une personne séronégative fréquemment exposée au risque VIH, constitue une nouvelle avancée thérapeutique.
La stabilisation de l’espérance de vie des patients atteints du VIH a transformé la pathologie en maladie chronique. En mettant en place un accès élargi au traitement dans les différentes régions du monde, l’Organisation mondiale de la santé espère mettre fin à l’épidémie d’ici à 2030.

ANTICORPS MONOCLONAUX :

UN SIÈCLE D’HISTOIRE

Si la découverte des anticorps monoclonaux remonte à la fin du XIXe siècle, la mise au point de leur technique d’obtention se situe en 1975. Mais ce n’est qu’en 1986 que le premier anticorps monoclonal, le thuromombab (Orthodone) est mis sur le marché pour limiter les réactions inflammatoires à l’origine de rejets lors de transplantations d’organes. Depuis, les molécules se sont succédées dans des domaines thérapeutiques variés : rhumatologie, dermatologie, oncologie… En officine, seules 6 spécialités sont actuellement disponibles : l’ustékinumab (Stelara), l’omalizumab (Xolair), le tocilizumab (Roactemra), le certolizumab (Cimzia), le golimumab (Simponi) et l’adalimumab (Humira). Le marché est en pleine expansion avec plus de 350 anticorps monoclonaux en développement. Leur mode d’action en fait des médicaments incontournables, le nombre d’antigènes pouvant être ciblé étant potentiellement infini. Les applications en cancérologie sont en plein essor, la génétique des cancers devenant progressivement une cible de choix de recherche et de traitement. Les chercheurs travaillent également désormais au développement d’anticorps monoclonaux « armés », des vecteurs qui permettront une délivrance ciblée d’autres molécules.

PHYTO-AROMATHÉRAPIE ET HOMÉOPATHIE : DANS LA TENDANCE DU « RETOUR AU NATUREL »

Au fil des ans, le pharmacien a assisté à la sortie du monopole de plantes, subi la nouvelle réglementation des teintures-mère et s’est vu limité dans la réalisation de préparations de phytothérapie. Mais l’obtention du totum des plantes par cryobroyage, suspensions intégrales de plantes fraîches, extraits de plantes standardisés, offre de nouvelles perspectives, principalement dans le domaine des compléments alimentaires. L’aromathérapie n’est pas en reste. Après la mise à disposition de flacons unitaires d’huiles essentielles, les laboratoires proposent un vaste choix de mélanges prêts à l’emploi, sans toujours éviter les excès. Aujourd’hui, ce qui inquiète, ce sont les risques toxicologiques dont le grand public peine à prendre conscience. Finalement, pendant toute ces années, l’évolution de l’homéopathie paraît bien plus sage et l’éternel débat persiste : « efficace ou pas ? ».

COMPRESSION VEINEUSE : TOUT POUR PLAIRE

Les bas de compression sont apparus au milieu du siècle dernier à l’initiative de fabricants de textiles élastiques. Plutôt épais et loin d’être sexy à leur début, les « bas à varices » n’auront de cesse de se moderniser, tant dans le domaine de la technologie que de l’esthétisme, en empruntant les codes de la lingerie : de la transparence à la fin des années 1970, des bas « antiglisse » dans les années 1990, de nouvelles fibres (microfibre, soie, bambou, coton, lin…) depuis les années 2000. Les patientes peuvent désormais choisir couleurs et motifs, tissus spécifiques (thermorégulateur, pour peau sensible…), pied ouvert ou non. Les modèles pour hommes font également leur entrée aux catalogues. Ces dernières années, les fabricants ont flairé un autre marché : celui de la compression pour sportifs.

VACCINATION : SUJET À POLÉMIQUE

Au même titre que les antibiotiques, les vaccins ont contribué à la réduction spectaculaire du nombre de décès. Des maladies infectieuses, telles que la diphtérie, ont ainsi quasiment disparu de certains pays. La variole a été déclarée éradiquée en 1980, la poliomyélite pourrait l’être prochainement (37 cas notifiés en 2016). De grands progrès ont été accomplis dans les années 1970-80, avec la mise au point des vaccins contre l’hépatite B, le méningocoque C ou les pneumocoques. Le premier vaccin contre les infections à papillomavirus humains responsables de cancers du col de l’utérus apparaît en 2006. Mais, en parallèle de ces avancées, l’opposition à la vaccination augmente : suspicion d’effets indésirables, mise en cause des adjuvants, rejet des vaccins penta ou hexavalents… Des controverses qui ont conduit le ministère de la Santé à mener en 2016 une consultation auprès du grand public.

PROBIOTIQUES :DE L’IMPORTANCE DE L’INTESTIN

L'intérêt pour le microbiote intestinal (ou flore intestinale) et les probiotiques remonte au début du XXe siècle lorsque Metchnikoff fait un lien entre la longévité des paysans bulgares et leur consommation importante de lait fermenté, riche en bactéries lactiques. Dès lors, les yaourts ont la cote, ils seront même vendus en pharmacie. Tous les micro-organismes ne sont pas nocifs pour l’homme, certains se montrent même bénéfiques pour sa santé : ce sont les probiotiques, dont le terme – conçu en opposition à « antibiotique » –, apparaît pour la première fois en 1954. Certains seront utilisés en thérapeutique, telle Saccharomyces boulardii, commercialisée comme médicament depuis les années 1950. D'autres levures et bactéries suivront. Aujourd’hui, on apprend que le microbiote intestinal a un rôle à jouer dans des domaines aussi variés que les troubles digestifs, cutanés ou neurologiques, et que les probiotiques améliorent certains de ces troubles. Et ce n’est qu'un début.

ANXIÉTÉ, DÉPRESSION : DEPUIS 70 ANS, ÇA NE VA PAS MIEUX

Les années 1950 ont marqué le début des traitements médicamenteux des grandes maladies mentales jusqu’alors soignées à l’aide de chocs « insuliniques » puis « électriques ». En 1952, la découverte de la chlorpromazine est le premier médicament à exercer un effet sur les agitations et les hallucinations. La psychopharmacologie est née. Cinq ans plus tard, les antidépresseurs tricycliques sont découverts, puis les benzodiazépines. Sont ensuite progressivement commercialisés des tranquillisants, des neuroleptiques, des psychotropes, des hypnotiques. En 1989, un futur best-seller de la dépression est mis à disposition : la fluoxétine (Prozac).
Près de 70 ans après cette révolution thérapeutique, la consommation de médicaments psychotropes a explosé : en 2015, 64,6 millions de boîtes de benzodiazépines anxiolytiques et 46,1 millions d’hypnotiques ont été vendues en France. Depuis une vingtaine d’années, l’heure de la régulation est venue avec la mise en place de délivrance sécurisée afin d’éviter les abus, les usages détournés voire les trafics de ces substances (flunitrazépam-Rohypnol en 2001 arrêté en 2013, clonazépam-Rivotril depuis 2011, zolpidem-Stilnox depuis avril 2017).

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