L’hépatite C - Le Moniteur des Pharmacies n° 3162 du 05/02/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3162 du 05/02/2017
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

Auteur(s) : CAHIER COORDONNÉ PAR  NATHALIE BELIN  ET  ALEXANDRA BLANC , PHARMACIENNES, SOUS LA RESPONSABILITÉ DE  FLORENCE BONTEMPS , DIRECTRICE SCIENTIFIQUE  

ANALYSE D’ORDONNANCE 

HÉLÈNE R., 42 ANS, SOUS BITHÉRAPIE ANTIVIRALE, EST TRÈS FATIGUÉE

Le cas : Hélène R. est une patiente connue de la pharmacie prenant, de temps en temps, de l’oméprazole pour soulager un reflux gastro-œsophagien et du paracétamol contre des maux de tête. Elle a également plusieurs fois demandé conseil pour des cures « antifatigue ». Il y a quelques semaines, des examens ont révélé qu’elle souffrait d’une hépatite chronique C. Mme R. avait alors indiqué au pharmacien qu’elle allait démarrer un traitement antiviral délivré par la pharmacie de l’hôpital. Elle vient aujourd’hui renouveler une prescription du médecin généraliste et en profite pour vous montrer son ordonnance hospitalière.

RÉCEPTION DES ORDONNANCES


POUR QUI ?

Hélène R., 42 ans.


PAR QUELS MÉDECINS ?

Le médecin généraliste et, concernant le traitement de l’hépatite C délivré à l’hôpital, un hépatologue hospitalier.


LES ORDONNANCES SONT-ELLES CONFORMES À LA RÉGLEMENTATION ?

Oui.


QUEL EST LE CONdiv ?


QUE SAVEZ-VOUS DE LA PATIENTE ?

Mme R. exerce la profession de visiteuse commerciale et sillonne la région pour son travail. Elle a eu plusieurs arrêts de travail suite à un « surmenage ». Mme R. traverse, en effet, régulièrement des périodes de fatigue avec maux de tête soulagés par la prise de paracétamol, car elle ne supporte pas les anti-inflammatoires sur le plan digestif. Elle prend aussi, de temps en temps, de l’oméprazole, car elle soufre d’un reflux gastro-œsophagien, favorisé par des repas professionnels.
Il y a 1 mois environ, un bilan de routine effectué par la médecine du travail a révélé un taux de transaminases légèrement supérieur à la normale. Les examens complémentaires réalisés (recherche des anticorps anti-VHC, de l’ARN viral, tests non invasifs de fibrose hépatique) ont alors révélé une hépatite chronique C avec fibrose modérée (score F2 ; voir page 7). Le dépistage du VHC proposé à son entourage proche, son mari et ses 2 enfants, s’est révélé négatif.


QUE LUI A DIT LE MÉDECIN ?

L’hépatologue a expliqué que la contamination a probablement eu lieu il y a plus de 25 ans, lorsque Mme R. a subi une transfusion de culots sanguins suite à un accident de la route. Il a précisé que la maladie évoluait très lentement, de manière souvent asymptomatique, ou avec des symptômes peu spécifiques, comme par exemple, une fatigue chronique.
Le médecin s’est montré rassurant : l’hépatite C est désormais une maladie curable et les lésions hépatiques dont souffre la patiente sont à un stade encore réversible, sous réserve d’éradiquer le virus. Il a proposé la mise en route d’un traitement antiviral sur 3 mois en expliquant qu’il s’agissait d’un traitement très bien toléré. Il a demandé à Mme R. de cesser toute consommation d’alcool, nocive pour le foie.


QUEL EST LE MOTIF DE LA VISITE ?

Mme R. a débuté le traitement antiviral il y a 15 jours. Malgré l’assurance du médecin, elle est inquiète sur la réussite du traitement et ses possibles effets indésirables. Elle se sent fatiguée en ce moment, mais a refusé un arrêt de travail que lui proposait le médecin, car poursuivre son activité lui fait moralement du bien. Ayant plusieurs repas professionnels à venir, elle vient renouveler l’ordonnance d’oméprazole et souhaite aussi du paracétamol pour soulager ses maux de tête, fréquents en ce moment.


VÉRIFICATION DE L’HISTORIQUE

Le dossier pharmaceutique indique des délivrances occasionnelles d’oméprazole et de paracétamol, ainsi que la prise d’une contraception œstroprogestative.


LES PRESCRIPTIONS SONT-ELLES COHÉRENTES ?


QUE COMPORTENT LES PRESCRIPTIONS ?

La prescription hospitalière comporte une bithérapie fixe composée de 2 antiviraux d’action directe, le sofosbuvir et le lédipasvir, qui inhibent 2 protéines essentielles à la réplication du VHC.
La prescription du médecin généraliste comprend du paracétamol, antalgique antipyrétique de palier 1, et un inhibiteur de la pompe à protons (IPP), l’oméprazole, indiqué dans le traitement du reflux gastro-œsophagien.


LA PRESCRIPTION HOSPITALIÈRE EST-ELLE CONFORME À LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE ?

Oui. Les nouveaux antiviraux d’action directe constituent les traitements de première intention de l’hépatite chronique C. Le sofosbuvir en particulier, en association à d’autres antiviraux, est considéré comme le traitement de référence de la maladie.
L’éradication du virus permet la stabilisation, puis la régression des lésions hépatiques au stade de fibrose (voire de cirrhose) avec également la guérison des manifestations extra-hépatiques, dont la fatigue.


Y A-T-IL DES MÉDICAMENTS À MARGE THÉRAPEUTIQUE ÉTROITE ?

Non.


Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS POUR CETTE PATIENTE ?

Non. Une insuffisance hépatique sévère contre-indiquerait l’emploi du paracétamol, mais ce n’est pas le cas de Mme R.


LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Oui. Les posologies sont conformes aux recommandations. Harvoni se prend à raison d’une prise par jour. Selon les patients (présence ou non d’une cirrhose, génotype viral…), le traitement peut être poursuivi jusqu’à 24 semaines.
Concernant le paracétamol, en raison de son hépatite C chronique, il faut recommander à Mme R. de ne pas dépasser la posologie de 3 g par jour.


Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?

Oui. Les IPP, en augmentant le pH gastrique, sont susceptibles de diminuer la solubilité du lédipasvir et son absorption. Pour éviter toute interaction, il est recommandé de prendre l’IPP en même temps qu’Harvoni (pH gastrique de l’oméprazole supérieur à 3 durant 17 heures). En cas d’utilisation complémentaire d’un topique antiacide, il est conseillé de respecter un intervalle de 4 heures entre la prise de l’antiacide et celle d’Harvoni.


LES PRESCRIPTIONS POSENT-ELLES D’AUTRES PROBLÈMES ?

Non, hormis une observance rigoureuse pour le traitement antiviral.


LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE BIOLOGIQUE PARTICULIÈRE ?

Oui. Les tests de fonction hépatique en particulier sont mesurés 4 semaines après le début du traitement. La charge virale, mesurée avant le début du traitement, n’est ensuite contrôlée que 12 semaines après l’arrêt du traitement pour vérifier son efficacité (sauf doute sur l’observance, échec d’un précédent traitement, auxquels cas des contrôles sont réalisés en cours de traitement).


QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?


CONCERNANT HARVONI

Le traitement est délivré à l’hôpital, mais le pharmacien peut rappeler certaines informations importantes.

UTILISATION

Les comprimés se prennent avec ou sans nourriture, une fois par jour, toujours à peu près à la même heure. Eviter de les croquer et de les écraser en raison du goût amer des principes actifs.

QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

En cas d’oubli dans les 18 heures suivant la prise habituelle, un rattrapage est possible.
Le patient doit ensuite prendre la dose suivante comme prévu. Un oubli de plus de 18 heures ne doit pas être rattrapé.
En cas de vomissements survenant dans les 5 heures suivant la prise, un autre comprimé doit être pris.

LA PATIENTE POURRA-T-ELLE JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?

Non. Seuls les dosages de la charge virale permettront de juger de l’efficacité du traitement. La persistance de la fatigue est normale jusqu’à plusieurs mois après la guérison.

QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?

Ils sont le plus souvent légers à modérés : fatigue, céphalées, parfois rash cutané bénin.

QUELS SONT CEUX GÉRABLES À L’OFFICINE ?

La fatigue, liée aussi à la maladie, peut être améliorée par le repos et la pratique d’une activité physique adaptée (marche quotidienne…) qui a une action bénéfique sur le bien-être général et favorise un meilleur sommeil. La prise de complexes multivitamines et minéraux est possible en cures ponctuelles.
Les céphalées peuvent être soulagées par la prise ponctuelle de paracétamol, sans dépasser 3 g/jour.


CONCERNANT L’IPP

En cas de besoin, l’IPP doit être pris au même moment qu’Harvoni pour ne pas altérer l’absorption et l’efficacité de l’antiviral.


CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

Il faut rassurer Mme R. sur ses chances de guérison : les traitements actuels permettent de guérir l’hépatite C, mais une observance rigoureuse est essentielle pour limiter le risque d’apparition de résistances qui rendraient la prise en charge nettement plus compliquée.
Préciser qu’aucun régime alimentaire particulier n’est préconisé en cas de fibrose, en dehors de la correction d’un excès de poids le cas échéant (facteur de risque de progression de la fibrose hépatique), ce qui ne concerne pas Mme R. La consommation d’alcool est fortement déconseillée, car ce dernier aggrave la fibrose et entrave le processus de « réparation du foie ». Mme R. indique qu’elle a stoppé toute consommation depuis l’annonce du diagnostic et qu’elle ne boit plus que des jus de fruits lors de ses déplacements.
Concernant l’entourage, le risque de transmission de l’hépatite C est très faible et pour preuve, ni le mari, ni les enfants de Mme R. ne sont séropositifs pour le VHC. De plus, sous traitement, la charge virale devient rapidement indétectable, ce qui limite encore le risque de contagion. 
Par Anne Drouadaine, pharmacienne, avec la collaboration du Pr Victor de Lédinghen, service d’hépato-gastroentérologie du CHU de Bordeaux (33)

qu’en pensez-vous ?

Mme R. peut-elle prendre – sans risque – du paracétamol ?

1) oui, sans dépasser 4 g/jour.

2) non, le paracétamol est hépatotoxique.

3) oui, mais de façon ponctuelle sans dépasser 3 g/jour.

Réponse : En cas d’hépatite virale chronique, il est recommandé d’utiliser la dose minimale efficace de paracétamol sans dépasser 3 g par jour. Mme R. peut donc recourir au paracétamol de façon ponctuelle pour soulager ses maux de tête, mais il faut la sensibiliser à l’importance d’utiliser la dose efficace la plus faible possible (500 mg par prise, si c’est suffisant), sans excéder 3 g/jour dans tous les cas, et en espaçant les prises de 4 heures au minimum. La bonne réponse est donc la troisième.

qu’en pensez-vous ?

Mme R. est fatiguée malgré une alimentation équilibrée, riche en fruits et légumes (elle prend un jus de fruit orange et pamplemousse tous les matins) et n’a pas le moral. Une amie lui a parlé du millepertuis qui pourrait lui faire du bien…

Quelle est votre réaction ?

1) Une cure de multivitamines est préférable à la prise du jus pamplemousse et orange du matin.

2) Le jus de fruit pressé du matin est parfait, et une cure d’un à deux mois de millepertuis est possible.

3) Surtout pas de millepertuis !

Réponse : Le millepertuis est un puissant inducteur enzymatique, contre-indiqué avec les traitements actuels de l’hépatite C : il peut, en effet, diminuer les concentrations plasmatiques des antiviraux avec risque de perte d’efficacité du traitement. Il est préférable d’orienter la patiente vers son médecin généraliste qui jugera de la nécessité de prescrire un traitement antidépresseur. Par ailleurs, l’AFEF* déconseille la prise concomitante de pamplemousse ou d’orange sanguine avec les antiviraux d’action directe : leur effet inhibiteur enzymatique peut augmenter la biodisponibilité des traitements, donc leurs effets indésirables. La prise de multivitamines et minéraux est possible en cure courte et ponctuelle (maximum 3 à 4 semaines). Les réponses 1 et 3 sont donc les bonnes.

* AFEF : Association française pour l’étude du foie

L’HÉPATITE C EN 5 QUESTIONS

L’infection par le virus de l’hépatite C évolue vers la chronicité chez environ 80 % des patients. Souvent silencieuse, l’hépatite chronique C expose, après plusieurs années d’évolution, au risque de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire.

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ? INFECTION AIGUË

La durée d’incubation est très variable, le plus souvent entre 7 et 8 semaines (parfois davantage). L’infection est souvent asymptomatique. Lorsque des symptômes sont présents (20 % des cas environ), ils sont peu spécifiques : asthénie, syndrome pseudogrippal, arthralgies, nausées… L’ictère, bien qu’inconstant, est souvent le seul signe clinique faisant penser à une atteinte hépatique. Les hépatites fulminantes sont rares (moins de 1 % des cas) ; des signes d’encéphalopathie hépatique (somnolence, troubles de la conscience…) doivent néanmoins alerter.
10 à 20 % des personnes infectées éliminent spontanément le virus (notamment celles chez qui l’hépatite C aiguë a provoqué des symptômes bruyants) et guérissent de l’infection. Cependant, l’immunité acquise n’étant pas protectrice, une ré-infection, notamment par un autre génotype, est alors possible.

FORME CHRONIQUE

Une hépatite chronique se définit par la persistance de la virémie (ARN viral) au-delà de 6 mois. L’évolution de l’hépatite chronique C est généralement lente (en l’absence de facteurs de comorbidités ; voir question 5, p. 7) et associée, à des degrés divers, à des lésions inflammatoires et à une nécrose du foie.
Les symptômes sont souvent absents ou peu évocateurs (asthénie, myalgies, arthralgies, prurit…). Toutefois, une relation claire est démontrée entre l’hépatite C et la présence d’une cryoglobulinémie mixte de type II. Celle-ci est caractérisée par la triade clinique purpura cutané-arthralgies-asthénie. Des manifestations neurologiques (polyneuropathie périphérique) ou rénales (glomérulonéphrite) sont également parfois observées.


2 COMMENT SE TRANSMET L’INFECTION ?

L’hépatite C se transmet principalement par voie sanguine. La toxicomanie intraveineuse ou nasale (partage de seringues et/ou du matériel pour sniffer) représente le mode de contamination le plus fréquent. Avant 1992, les principales sources de contamination étaient les transfusions sanguines.
Une transmission par le biais d’objets contaminés suite à une effraction cutanée est possible (tatouage, piercing…). La contamination entre personnes vivant sous le même toit est rare (éventuellement possible par le partage d’objet pouvant être en contact avec du sang : rasoir, brosse à dents…).
La transmission mère-enfant (principalement à l’accouchement) est rare, tout comme la transmission sexuelle. Cette dernière est toutefois accrue lors de lésions cutanées ou muqueuses : rapport traumatique (homosexuels masculins par exemple, ayant des pratiques à risque), rapport pendant les règles chez une femme porteuse du virus.


3 QUELS SONT LES PATIENTS À RISQUE ? OUTRE LES COMPORTEMENTS À RISQUE CITÉS CI-DESSUS, IL S’AGIT NOTAMMENT DES PERSONNES ORIGINAIRES DE PAYS À FORTE PRÉVALENCE DU VHC (AFRIQUE SUBSAHARIENNE, ASIE DU SUD-EST, AMÉRIQUE DU SUD, MOYEN-ORIENT), DE CELLES SÉROPOSITIVES POUR LE VIH, ET DES PERSONNES EN PRÉCARITÉ SOCIALE.



4 COMMENT EST ÉTABLI LE DIAGNOSTIC ? IL EST LE PLUS SOUVENT POSÉ À L’OCCASION D’UN BILAN BIOLOGIQUE DE ROUTINE QUI RÉVÈLE UNE HÉPATITE CHRONIQUE C. PEU DE PATIENTS SONT DIAGNOSTIQUÉS À LA PHASE AIGUË DE L’INFECTION.


HÉPATITE C AIGUË

Le bilan hépatique retrouve une élévation souvent importante des transaminases ALAT (10 fois supérieure aux valeurs normales), même en l’absence d’ictère.
La suspicion d’une hépatite C aiguë fait rechercher l’ARN viral et les anticorps anti-VHC.
La recherche du génome viral par PCR peut être réalisée rapidement en cas de suspicion d’exposition au VHC (détectable dès la première semaine de la contamination). Les anticorps (Ac) anti-VHC (recherchés par un test ELISA sur sang veineux) apparaissent plus tardivement dans les semaines suivant le contage. La présence d’ARN viral sans anticorps est donc évocatrice d’une hépatite C aiguë en début d’infection.

HÉPATITE CHRONIQUE C

Dépistage : il est basé sur la recherche des Ac anti-VHC. On estime que 3 mois après une prise de risque, l’absence d’anticorps anti-VHC permet d’éliminer le risque d’infection par le VHC. En présence d’Ac anti-VHC, la recherche d’ARN viral permet de vérifier la présence du virus dans le sang. Outre sa quantification, la détermination du génotype du VHC est alors indispensable ; celui-ci pouvant jouer un rôle sur l’évolution de la maladie et la réponse au traitement. Si l’ARN viral est indétectable en présence d’Ac anti-VHC, il s’agit d’une infection guérie.
Interrogatoire : il fait le bilan des conduites addictives, évalue la consommation d’alcool et les comorbidités (diabète, surpoids ou obésité, HTA…), liste les médicaments pris par le patient. L’examen clinique recherche des manifestations extra-hépatiques de l’infection et des signes de cirrhose (asthénie, œdèmes des membres inférieurs, arthralgies, myalgies, signes cutanés, ictère, dysmorphie hépatique, hépatomégalie à la palpation…).
Bilan biologique : il comporte notamment un dosage de l’alfa-fœtoprotéine et peut montrer une élévation modérée et fluctuante des transaminases. Une sérologie VHB et VIH est proposée.
Evaluation du degré de fibrose : elle est essentielle pour déterminer la sévérité de l’atteinte hépatique et poser l’indication de traitement. Les méthodes non invasives (élastométrie– Fibroscan – et tests sanguins) sont recommandées. La réalisation d’une biopsie hépatique est réservée à des cas particuliers (discordance entre ces tests ou présence d’une autre hépatopathie associée). Le score Metavir rend compte de l’importance des lésions (F0, pas de fibrose ; F1, fibrose minime ; F2, fibrose modérée ; F3, fibrose extensive ; F4, cirrhose) et de l’activité nécrotico-inflammatoire (A0, absence d’activité ; A1, activité minime ; A2, activité modérée ; A3, activité sévère).
Imagerie : l’échographie abdominale recherche des signes d’hypertension portale. En cas de cirrhose, elle est recommandée 2 fois par an pour dépister un carcinome hépatocellulaire.
TROD Test Rapide d’Orientation Diagnostique : réalisé dans des structures de soins spécifiques (type CAARUD) ou dans des structures associatives, il offre un résultat rapide en 15 minutes (détection des Ac anti-VHC sur un prélèvement de sang capillaire au bout du doigt) ce qui limite le risque de « perdus de vue » associés au délai d’attente du dépistage classique. En cas de positivité, la réalisation d’une sérologie du VHC sur sang veineux doit être réalisée.


5 QUELLE EST L’ÉVOLUTION ?

Les manifestations extra-hépatiques, dont la fatigue et le retentissement physico-psychique de l’infection peuvent être au premier plan. Outre la présence d’une cryoglobulinémie mixte, d’autres manifestations extra-hépatiques semblent associées à l’infection chronique par le VHC : syndrome sec buccal et/ou oculaire, atteintes cardiovasculaires (HTA…), dysthyroïdie, risque accru de diabète non insulino-dépendant, risque d’apparition d’un lymphome en cas de cryoglobulinémie concomitante.
La progression de l’atteinte hépatique est très variable d’un patient à l’autre. Le risque de cirrhose concerne entre 15 et 30 % des patients après 20 ans d’évolution de la maladie. Plusieurs facteurs favorisent la progression de la fibrose : l’âge avancé (plus de 40 ans) au moment de l’infection, le sexe masculin, la consommation d’alcool, les coïnfections virales VHB, VIH, le syndrome métabolique (surpoids ou obésité, diabète, HTA, dyslipidémie).
La cirrhose expose notamment à des hémorragies digestives (rupture de varices œsophagiennes), à une ascite, à une encéphalopathie hépatique et à un risque important d’hépatocarcinome (1 à 3 % des patients cirrhotiques chaque année).
Cryo-globulinémie mixte de type II
Une cryoglobulinémie se caractérise par la présence dans le sang d’immunoglobulines anormales (Ig G ou Ig M). Dans les cryoglobulinémies mixtes, elles forment des complexes immuns circulants en association à d’autres composants : auto-anticorps, auto-antigènes…
Alfa-fœtoprotéine (ou AFP)
Protéine fabriquée par le fœtus, non présente normalement chez l’adulte. Au cours de l’infection chronique par le VHC, sa détection peut témoigner d’une évolution vers un carcinome hépatocellulaire. L’AFP n’est cependant pas spécifique de ce dernier.
Élastométrie
Examen non douloureux mesurant le degré d’« élasticité » du foie grâce à une sonde appliquée sur la paroi thoracique à hdiv du foie, et émettant une onde de choc de faible amplitude. La vitesse de propagation de cette onde est d’autant plus importante que le foie est dur.
CAARUD
Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue.
  Par Nathalie Robert-Cunrath , pharmacienne, avec la collaboration du D r Vanessa Juif , hépato-gastro-entérologue à Strasbourg (Bas-rhin)

en chiffres

En 2011, en France, environ 193 000 personnes atteintes d’hépatite chronique C. A ce jour, environ 75 000 personnes seraient infectées par le VHC, mais non dépistées*.

Près de 65 % des usagers de drogues par voie injectable seraient infectés par le VHC*.

Prévalence de l’hépatite chronique C chez les patients atteints du VIH : 16 à 18 %*.

L’évolution vers la cirrhose hépatique concerne 10 à 20 % des patients.

En Europe la majorité des patients sont infectés par un virus de génotype 1, 2 ou 3.

 * D’après le Rapport de recommandations 2016 sous la direction du Pr Daniel Dhumeaux : « Prise en charge thérapeutique et suivi de l’ensemble des personnes infectées par le virus de l’hépatite C ».

Physiopathologie de l’hépatite C

Le virus de l’hépatite C (VHC) présente une grande variabilité génétique et un fort potentiel de mutation spontanée. On distingue 6 génotypes majeurs, numérotés de 1 à 6, et plusieurs sous-types. Le génotype 3 est aujourd’hui le plus difficile à éradiquer. Le génotype 1 est le plus fréquent en France (60 % des cas), mais est celui qui, avec le géntoype 4, répond actuellement le mieux au traitement.

L’ARN viral code pour une polyprotéine unique qui sera clivée en plusieurs protéines fonctionnelles qui interviennent dans la réplication du virus (protéase NS3/4A, ARN polymérase NS5B, protéine NS5A) et constituent des cibles thérapeutiques.

Après l’infection aiguë par le VHC, environ 80 % des patients évoluent vers la chronicité. La persistance des particules virales dans l’organisme s’explique notamment par la réplication rapide et la forte variabilité du virus. Il s’ensuit une réponse immunitaire spécifique avec production de cytokines et de médiateurs inflammatoires qui, associés à la réplication virale, sont à l’origine de la fibrose hépatique et des manifestations extra-hépatiques.

THÉRAPEUTIQUE 

COMMENT TRAITER L’HÉPATITE C ?

Depuis 2014, de nouveaux antiviraux du VHC sont disponibles à l’hôpital. Combinés entre eux, ils permettent de guérir la plus grande partie des patients atteints d’hépatite chronique C.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Contrairement à d’autres infections virales chroniques (VIH, hépatite B), l’infection par le VHC est curable. En effet, le virus de l’hépatite C n’est pas capable de synthétiser de l’ADN susceptible de s’intégrer dans le génome de l’hôte ; or, ceci expose, même après « guérison virologique » (génome viral indétectable), à un risque de réactivation de l’infection, par exemple en cas d’immunosuppression.
L’objectif est l’obtention d’une réponse virologique soutenue (RVS), définie par l’indétectabilité de l’ARN du VHC, permettant une diminution des lésions inflammatoires, de la fibrose hépatique, de la cirrhose (s’il s’agit de lésions précoces) et par conséquent, une diminution du risque de carcinome hépatocellulaire à condition que ne persistent pas d’autres agresseurs du foie (alcool, diabète, dyslipidémie…). La guérison permet aussi une disparition des manifestations extra-hépatiques à condition que celles-ci soient liées au virus.
Les mesures d’accompagnement du patient sont essentielles : observance rigoureuse pour limiter l’émergence de virus résistants, arrêt ou réduction de la consommation d’alcool, lutte contre l’excès de poids, etc.


INDICATIONS DU TRAITEMENT

Il doit prochainement être élargi à l’ensemble des patients. Actuellement, sont pris en charge, les patients ayant une hépatite modérée à sévère (score de fibrose Métavir F2 ou F3 ; voir page 7), ou une cirrhose (stade F4 ; même décompensée, sauf en cas d’espérance de vie limitée à court terme), et certains patients indépendamment du stade de fibrose : co-infection VIH ou VHB, infection par le génotype 3, facteurs de risque d’aggravation de la maladie (alcool, syndrome métabolique), manifestations extra-hépatiques (voir page 6) ou fatigue invalidante.
En raison du risque de transmission de l’infection, le traitement est aussi indiqué chez les usagers de drogues, les homosexuels masculins, les femmes ayant un désir de grossesse, les détenus ou personnes vivant en institution et les professionnels de santé.
Le traitement d’une femme enceinte n’est pas recommandé (la ribavirine est formellement contre-indiquée ; les antiviraux d’action directe ne sont pas recommandés par précaution).


CHOIX DU SCHÉMA THÉRAPEUTIQUE

Le traitement repose sur l’utilisation d’un ou plusieurs antiviraux à action directe éventuellement associés à la ribavirine (Copegus…) dans les cas les plus difficiles à traiter (résistance au traitement...). Les combinaisons de traitement sont choisies en fonction de nombreux critères, dont le génotype du virus en cause et le statut naïf ou déjà traité du patient. Leur efficacité et leur tolérance sont bien supérieures à celles de l’association interféron pégylé/ribavirine qui était la référence jusqu’alors. La durée du traitement (fonction du génotype, de l’échec à un précédent traitement, de la présence d’une cirrhose…) va de 8 à 24 semaines.


SUIVI

Les tests de fonction hépatique sont réalisés après 4 semaines de traitement, puis le rythme ultérieur est discuté en fonction du stade clinique de la maladie. La charge virale est mesurée avant le traitement puis, sauf cas particuliers (échecs de traitement précédents…), 12 semaines après l’arrêt. L’absence d’ARN viral détectable signe alors une réponse virologique soutenue. Une nouvelle recherche de l’ARN viral 48 semaines après l’arrêt détecte une rechute tardive. Si l’ARN viral est indétectable, l’éradication est considérée comme définitive.
Chez les patients ayant une fibrose sévère (stade F3) et chez les patients cirrhotiques, une surveillance semestrielle (échographie abdominale et dosage de l’alfafœtoprotéine ; doit être poursuivie pour détecter un carcinome hépatocellulaire. Les patients ayant des comorbidités (consommation d’alcool, diabète, syndrome métabolique) doivent aussi bénéficier d’un suivi régulier.


HÉPATITE C AIGUË

Le traitement par antiviraux d’action directe est recommandé pendant 8 semaines. Il diminue le risque de transmission de la maladie et prévient le passage à la chronicité de l’infection.


TRAITEMENTS


ANTIVIRAUX D’ACTION DIRECTE

Dispensés à l’hôpital, ils devraient être prochainement disponibles en pharmacie de ville. Ils sont indiqués par voie orale, en association entre eux, voire à la ribavirine. Ils se répartissent, à ce jour, en 3 familles.
Inhibiteurs de l’ARN polymérase NS5B
Dénomination se terminant par « –buvir ».
Le sofosbuvir (Sovaldi et dans Harvoni) est un inhibiteur pangénotypique (actif sur tous les génotypes). La HAS considère que, quel que soit le génotype du VHC ou la sévérité de l’atteinte hépatique, et du fait d’un profil de tolérance paraissant satisfaisant, le sofosbuvir représente le nouveau traitement de référence des patients atteints d’hépatite C chronique.
Le dasabuvir (Exviera) est toujours prescrit en association à Viekirax (ombitasvir, paritaprévir, ritonavir). Sa coadministration avec d’autres antiviraux n’est pas recommandée. Cette association présente une bonne efficacité et une bonne tolérance chez les patients de génotype 1 (sauf ceux en échec d’un traitement par interféron pégylé, ribavirine). Elle est aussi utilisée chez ceux infectés par le génotype 4.
Inhibiteurs de la protéine NS5A
Dénomination se terminant par « –asvir ».
Le daclatasvir (Daklinza) est également actif sur plusieurs génotypes et notamment prescrit en association avec le sofosbuvir.
Harvoni(lédipasvir, sofosbuvir) est intéressant chez les patients infectés par le génotype 1. Elle n’est pas recommandée chez les patients ayant un génotype 3.
Viekirax (ombitasvir, paritaprévir, ritonavir) est toujours combinée au dasabuvir (voir encadré ci-dessus).
Zepatier(elbasvir, grazoprévir) est aussi indiquée chez les patients infectés par les génotypes 1 et 4.
Inhibiteurs de protéase NS3/4A
Dénomination se terminant par « –prévir ».
Le siméprévir (Olysio) exerce une action antivirale sur les génotypes 1 et 4. Son utilisation n’est cependant pas recommandée chez les patients de génotype 1 en échec d’un traitement par interféron pégylé et ribavirine.
Le paritaprévir (dans Viekirax) est associé à l’ombitasvir et au ritonavir. Ce dernier, inhibiteur du CYP3A4, est employé en tant que « booster » pour augmenter l’exposition systémique au paritaprévir.
Le grazoprévir est associé à l’elbasvir.


EFFETS INDÉSIRABLES

Ils sont globalement bien tolérés. Les effets indésirables les plus fréquents sont bénins et souvent modérés : fatigue, maux de tête, nausées, insomnie. Des cas de réactivation du virus de l’hépatite B chez les patients co-infectés VHC et VHB sont rapportés.
Des troubles cutanés sont fréquemment rapportés avec les inhibiteurs NS3/4A. Des réactions de photosensibilité sont possibles sous siméprévir.
Des cas d’atteinte hépatique sévère ont été rapportés sous dasabuvir/Viekirax.
Des arythmies cardiaques sont rapportées sous sofosbuvir, notamment chez des patients ayant déjà des troubles cardiaques, ainsi que des cas d’hypertension artérielle pulmonaire.


PRINCIPALES INTERACTIONS

Sofosbuvir : c’est un substrat de la glycoprotéine P (P-gp). Son association aux inducteurs puissants de la P-gp est contre-indiquée (risque de diminution de l’effet de l’antiviral). La coadministration d’amiodarone est déconseillée, car elle peut conduire à des troubles de la conduction et à une bradycardie sévère.
Daclatasvir : substrat du CYP3A4 et de la protéine P-gp, son association à de puissants inducteurs du CYP3A4 ou de la P-gp est contre-indiquée. Sa dose doit être réduite en cas d’association à des inhibiteurs puissants du CYP 3A4 (clarithromycine, télithromycine, azolés…).
Lédipasvir-sofosbuvir : comme le sofosbuvir, le lédipasvir est transporté par la P-gp. Aux contre-indications déjà citées pour le sofosbuvir, s’ajoute l’association à la rosuvastatine (risque accru de myopathie). L’association à d’autres statines doit se faire sous surveillance clinique étroite et en diminuant si besoin la dose de la statine. Les IPP doivent être pris en même temps que le lédipasvir et les antiacides à au moins 4 heures de distance.
Siméprévir : sa coadministration avec des inhibiteurs ou inducteurs du CYP3A4 est déconseillée ou non recommandée. Son association au lédipasvir/sofosbuvir est déconseillée (augmentation des concentrations des 3 molécules).
Association dasabuvir /Viekirax : le ritonavir étant un inhibiteur du CYP3A4, de nombreuses interactions son attendues (voir tableau page 10). L’utilisation d’éthinylestradiol (y compris l’anneau vaginal), qui augmente le risque d’élévation des ALAT, est contre-indiquée.
Association elbasvir/ grazoprévir : les inducteurs du CYP3A4 ou de la P-gp sont contre-indiqués. L’association à des inhibiteurs puissants du CYP3A4 n’est pas recommandée. L’association aux inhibiteurs de protéases boostés par le ritonavir est contre-indiquée. En cas d’utilisation concomitante d’une statine, un ajustement de leur dose est nécessaire (augmentation de leur effet indésirable).
Par ailleurs, l’association des antiviraux d’action directe aux AVK nécessite une surveillance accrue de l’INR.


RIBAVIRINE

Elle est de moins en moins utilisée.


PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES

Anémie hémolytique au cours des premières semaines de traitement (pâleur, fatigue, essoufflement et tachycardie) pouvant justifier un traitement par un agent stimulant l’érythropoïèse, fatigue, troubles cutanés, myalgies. La ribavirine étant tératogène, une contraception efficace doit être utilisée jusqu’à 4 mois après la fin du traitement pour les femmes, et jusqu’à 7 mois pour les partenaires féminines des patients masculins sous ribavirine. Pour les femmes traitées, un test de grossesse doit être réalisé mensuellement pendant le traitement.


INTERACTIONS

L’association à la didanosine, à l’azathioprine ou à la mercaptopurine est déconseillée (augmentation de leur toxicité).


PEGINTERFÉRON ALFA

Il n’est pratiquement plus utilisé, sauf cas particuliers (patients de génotype 3 en échec thérapeutique, par exemple). La pégylation (Pegasys) réduit la vitesse d’élimination de l’interféron alfa, d’où des injections hebdomadaires au lieu de quotidiennes sous interféron alfa. La prescription initiale réservée à certains spécialistes (hépatologie…) est valable 6 mois ; renouvellement non restreint durant cette période.


EFFETS INDÉSIRABLES

Nombreux et souvent mal supportés : syndrome pseudo-grippal atténué par la prise de paracétamol, troubles psychiatriques (dépression…), insomnie, dyspnée, toux, affections dentaires et parodontales, anomalies thyroïdiennes, alopécie, sécheresse cutanée, myalgies, arthralgies. Les troubles hématologiques (neutropénie, thrombopénie) imposent une surveillance de l’hémogramme.


PERSPECTIVES

Epclusa, association de velpatasvir, inhibiteur NS5A, et de sofosbuvir, fait l’objet d’une ATU nominative. 
Glyco-protéine P (P-gp)
Protéine de transport présente au niveau intestinal et qui expulse des substrats hors de la cellule. Les médicaments substrats de la P-gp sont souvent aussi substrats de l’isoenzyme 3A4. Les inhibiteurs de la P-gp (azolés, certains macrolides…) augmentent l’absorption intestinale des médicaments substrats. A l’inverse, les inducteurs (millepertuis, rifampicine, carbamazépine…) diminuent les concentrations plasmatiques des médicaments substrats.
ATU nominative
Les autorisations temporaires d’utilisation (ATU) sont délivrées par l’ANSM pour l’utilisation exceptionnelle de spécialités ne disposant pas d’AMM et destinées à traiter des maladies rares ou graves pour lesquelles il n’existe pas de traitement approprié. Les ATU de cohorte s’adressent à un groupe de patients ; les ATU nominatives, à un seul patient ne pouvant participer à une recherche biomédicale.
Par Anne Drouadaine, pharmacienne, avec la collaboration du Pr Victor de Lédinghen

CE QUI A CHANGÉ

Apparus


•  Depuis 2014, commercialisation d’antiviraux d’action directe du VHC, disponibles en rétrocession à l’hôpital. Ils ont remplacé le traitement utilisé jusqu’alors : interféron pégylé + ribavirine +/- inhibiteurs de protéases de 1re génération (télaprévir, bocéprévir qui ne sont plus commercialisés).


•  Octobre 2015, commercialisation de Ribavox 600 mg (ribavirine) pour les patients de plus de 75 kg.

Disparus

Avril et décembre 2015, arrêt de commercialisation du télaprévir (Incivo) puis du bocéprévir (Victrelis), inhibiteurs de protéases de 1re génération à l’origine d’effets indésirables importants (rashs cutanés sévères, anémie).

vigilance !

Certaines contre-indications sont à connaître :


•  Ombitasvir/paritaprévir/ritonavir (Viekirax) et dasabuvir (Exviera) : insuffisance hépatique sévère.


•  Elbasvir/grazoprévir : insuffisance hépatique modérée ou sévère.


•  Peginterféron alfa : insuffisance hépatique sévère ou cirrhose décompensée, pathologie cardiaque sévère préexistante, enfants présentant des troubles psychiatriques sévères ou antécédents.


•  Ribavirine : femme enceinte, allaitement, pathologie cardiaque sévère préexistante.

Pointdevue

Pr Victor de Lédinghen, service d’hépato-gastro-entérologie du CHU de Bordeaux

« Les échecs au traitement devraient devenir exceptionnels »

Quels sont les patients les plus difficiles à traiter ?

Ce sont actuellement les patients cirrhotiques de génotype 3. Les antiviraux actuels permettent de guérir plus de 95 % des patients, mais l’arrivée prochaine de nouveaux antiviraux (Epclusa) permettra des taux de guérison encore plus élevés et les échecs au traitement devraient devenir exceptionnels. Sous réserve, bien sûr, d’une bonne observance du traitement qui reste essentielle pour garantir la guérison.

Quelle est la stratégie chez la femme enceinte ?

Les antiviraux étant contre-indiqués chez la femme enceinte, il est recommandé d’instaurer un traitement chez toute femme ayant un désir de grossesse et de différer le projet de grossesse de quelques mois, en attendant la guérison. Si une grossesse est en cours chez une patiente séropositive pour le VHC, il faut la rassurer. D’abord, ni la grossesse ni le développement de l’enfant ne sont affectés par l’infection. Ensuite, le risque de transmettre le virus in utero est faible, estimé à moins de 5 % (il augmente en cas de co-infection par le VIH). Enfin, même si l’enfant est contaminé, le risque de développer une maladie hépatique évoluant en cirrhose dans l’enfance est très faible (ce risque est d’autant plus important que l’âge est avancé au moment de la contamination). Et à l’âge de 15 ans, il peut bénéficier d’un traitement et guérir de la maladie, car les antiviraux d’action directe sont actuellement utilisés avec succès au cours d’essais cliniques chez des enfants atteints d’hépatite C.

ACCOMPAGNER LE PATIENT 

ANNIE, 60 ANS, EN INVALIDITÉ

J’ai ressenti les premiers symptômes en 1994, une grande fatigue avec perte d’appétit, mais le diagnostic n’a été porté qu’en 1996. J’ai probablement été infectée lors de séances d’acupuncture. Mon mari et mes enfants, dépistés négatifs, m’ont beaucoup soutenue. J’ai suivi 5 bithérapies sans succès, avec de nombreux effets indésirables liés à l’interféron : hypothyroïdie, alopécie, hypertension, sécheresse des muqueuses, insomnie. J’ai du arrêter mon activité en 2000. Lorsque les nouveaux traitements sont apparus, avec ma fibrose stade 3, j’ai repris espoir. Le premier traitement a échoué. J’ai accepté de refaire une tentative… et ça a été la bonne. Depuis un an, je suis guérie, même si je suis toujours suivie car ma fibrose n’a pas disparu.

L’HÉPATITE C VUE PAR LES PATIENTS


IMPACT PSYCHOLOGIQUE

L’hépatite C reste dans l’esprit des patients une maladie « honteuse », liée à la toxicomanie. Certains patients n’osent pas se faire dépister alors que dans le même temps, l’inquiétude de contaminer leurs proches est présente.
Des patients contaminés depuis de nombreuses années ont parfois subi plusieurs traitements antiviraux et n’ont plus d’activité professionnelle. Pour certains d’entre eux, la guérison permise par les nouveaux traitements a généré un « syndrome de Lazare ». Déstabilisés par des années de lutte contre la maladie, ils ne retrouvent leur place ni dans leur famille ni dans la société.


IMPACT SUR LA VIE QUOTIDIENNE

La fatigue et les manifestations extra-hépatiques (cutanées, articulaires…) peuvent avoir des répercussions importantes, de même que le stress généré par le/les traitements, l’attente des résultats ou des examens de suivi.
La cirrhose génère des troubles hormonaux et sexuels. 60 % des hommes cirrhotiques sont impuissants ; les femmes souffrent de sécheresse vaginale et d’une baisse de libido.


À DIRE AUX PATIENTS


A PROPOS DE LA PATHOLOGIE

Rassurer : on peut désormais guérir de l’hépatite C et les lésions hépatiques sont généralement réversibles.
S’enquérir du stade de la maladie. Certains facteurs aggravent l’atteinte hépatique. Il faut d’autant plus sensibiliser le patient à leur correction ou suppression que la contamination est ancienne et le foie déjà endommagé. A tous les stades, l’alcool est à proscrire. Le tabac et le cannabis pourraient aussi avoir des effets délétères sur les lésions hépatiques et la fibrose. Le tabac constitue un facteur de risque du carcinome hépatocellulaire. Le surpoids et l’obésité aggravent également la fibrose, de même que le diabète, l’HTA ou une dyslipidémie. La prise en charge et le bon équilibre de ces pathologies sont nécessaires. Au stade pré-cirrhotique ou cirrhotique, les médicaments hépatotoxiques, surtout pris au long cours, doivent être, si possible, évités (statines, AINS, corticoïdes, inhibiteurs calciques, paracétamol à forte dose…).
Encourager la participation aux programmes d’éducation thérapeutique : ils permettent de lever des craintes vis-à-vis du traitement, de la contamination de l’entourage (voir Prévention), etc. Une prise en charge psychologique peut aussi être proposée.


A PROPOS DES TRAITEMENTS

Pour ceux qui ont déjà suivi plusieurs traitements, il s’agit de lever leur incrédulité sur l’efficacité d’un traitement court avec peu d’effets indésirables. Paradoxalement, pour ces patients en particulier, la discrétion des effets indésirables peut nuire à la bonne observance.
Effets indésirables : une fatigue est fréquente (voir page 5) : attention au risque de somnolence en cas de conduite automobile. Les maux de tête peuvent être soulagés par la prise ponctuelle de paracétamol (maximum 3 g par jour). Le siméprévir peut induire des réactions de photosensibilité. Les femmes sous ribavirine ou celles dont le partenaire est traité par ribavirine doivent utiliser une contraception efficace les 4 à 7 mois suivant l’arrêt du traitement.
Interactions : elles sont nombreuses (consulter systématiquement les RCP). Proscrire les inducteurs enzymatiques (millepertuis…) et les jus de pamplemousse ou orange sanguine (inhibiteurs enzymatiques). La prise d’IPP sous Harvoni doit se faire en même temps que l’antiviral et non de façon décalée. Pas de contraceptifs à base d’éthinylestradiol sous la combinaison Viekirax/Exviera.
D’une manière générale, les propriétés hépatotoxiques des plantes sont mal connues de même que leurs risques d’interactions avec les antiviraux d’action directe. Le chardon-Marie, hépatoprotecteur et fréquemment utilisé chez les patients atteints d’hépatopathie, n’est pas recommandé en association au siméprévir (Olysio, dont il augmente la concentration plasmatique). La ballote, la valériane ou encore le thé vert pourraient être hépatotoxiques au long cours. Eviter des prises excessives ou sur de longues périodes.


PRÉVENTION

La transmission de l’infection se fait par le sang, essentiellement dans le cadre d’une toxicomanie intraveineuse ou nasale. Le risque de contamination de l’entourage étant très faible, aucune précaution n’est à prendre pour les objets usuels (couverts…). Il ne faut pas en revanche partager les objets qui pourraient faciliter la transmission sanguine : brosse à dents, coupe-ongles, rasoirs, épilateurs... et, pour les toxicomanes, le matériel d’injection ou de prise nasale (cuillère, cupule, pailles pour les produits à sniffer…). Recouvrir par un pansement toute lésion ou plaie qui saigne. En cas d’objet ou de support souillé par du sang infecté, décontaminer la surface à l’eau de Javel diluée au 1/10e.
La transmission sexuelle est rare mais possible en présence de sang : l’utilisation du préservatif est recommandé en cas de rapports sexuels pendant les règles (chez une femme infectée) ou de rapports sexuels masculins.
Le dépistage est notamment recommandé à l’entourage, aux usagers de drogues injectables ou nasale (même occasionnels), aux personnes ayant pratiqué tatouage, piercing, aux patients ayant une infection par le VIH ou une hépatite B. Après guérison, une recontamination par le virus est possible. L’évoquer en particulier pour les toxicomanes. Les « salles de consommation à moindre risque » ont permis de réduire la transmission de l’hépatite C en Suisse et au Pays-Bas. 
Syndrome de Lazare
Encore appelé « syndrome du survivant », il s’agit d’un traumatisme psychique pouvant atteindre les patients en rémission d’une maladie grave ou rescapés d’une situation potentiellement mortelle.
Par Marjolaine Labertonière , pharmacienne d’officine, avec la collaboration du D r Marion Lagneau , gastro-entérologue, hôpital d’Antony (Hauts-de-Seine)

question de patient Je dois me faire vacciner contre le pneumocoque… pourquoi ?

«Toute hépatopathie chronique fragilise l’organisme et prédispose à certaines infections. Ainsi, la vaccination contre les infections invasives à pneumocoque et la vaccination antigrippale sont recommandées en cas d’hépatite chronique C. Les vaccins contre l’hépatite B, et en cas de voyage contre l’hépatite A, sont aussi recommandés. »

question de patient Faut-il faire attention à son alimentation ?

«Une alimentation équilibrée limite tout excès de poids et aide à mieux gérer la fatigue. En cas de cirrhose du foie, voire de stade précirrhotique, des troubles de la régulation glycémique (hyper ou hypoglycémies) sont possibles. Pour les minimiser, il est recommandé de fractionner l’alimentation et de limiter les sucres rapides. Sous antiviraux, on peut encourager une alimentation riche en protéines pour pallier une possible fonte musculaire.»

EN SAVOIR PLUS

soshepatites.org

Tél : 0 800 004 372

hepatites-info-service.org

Tél : 0 800 845 800

afef.asso.fr

Association française pour l’étude du foie. Les rapports et recommandations de prise en charge sont disponibles.

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES   ? 

MÉMO DÉLIVRANCE

non A la suite de signalements de cas de bradycardie sévère et de troubles de la conduction, l’association du sofosbuvir (dans Harvoni) avec l’amiodarone est déconseillée, sauf intolérance ou contre-indications des autres antiarythmiques (et dans ce cas, une surveillance étroite du patient est nécessaire). Il convient donc d’alerter le cardiologue.

SOUS ANTIVIRAUX D’ACTION DIRECTE (AAD)
Le patient est-il sensibilisé à l’observance ?
L’observance est essentielle sous peine de compromettre l’efficacité et d’exposer à l’émergence de virus résistants. L’administration des antiviraux est quotidienne (biquotidienne pour Exviera), pendant 8 à 24 semaines.
Le traitement est-il bien toléré ?
Les effets indésirables sont bénins et le plus souvent légers ou modérés : maux de tête soulagés par la prise ponctuelle de paracétamol sans dépasser 3 g par jour ; fatigue (recommander un repos suffisant, une alimentation équilibrée et une activité physique adaptée régulière) ; le siméprévir expose à des réactions de photosensibilité.
Y a t-il des risques d’interactions ?
L’association aux inducteurs enzymatiques (carbamazépine, millepertuis…) est déconseillée ou contre-indiquée. L’association aux inhibiteurs enzymatiques est contre-indiquée sous Viekirax (ombitasvir, paritaprévir, ritonavir ; la présence du ritonavir entraîne par ailleurs de nombreuses interactions !). La prise de jus de pamplemousse et d’orange sanguine est déconseillée avec tous les antiviraux. L’amiodarone doit être évitée lors de bithérapies incluant le sofosbuvir.
Les contraceptifs renfermant de l’éthinylestradiol sont contre-indiqués chez les patientes prenant la combinaison Viekirax (ombitasvir, paritaprévir, ritonavir) et dasabuvir (Exviera) : risque d’élévation des ALAT (et de diminution de l’efficacité contraceptive).

sous RIBAVIRINE
La prescription émane-t-elle d’un spécialiste ?
La prescription initiale de ribavirine est réservée à certains spécialistes (en gastro-entérologie infectiologie, médecine interne). Renouvellement non restreint sous réserve de présentation de la prescription initiale valable 6 mois.
Le patient sait-il que ce médicament est tératogène ?
Une contraception efficace est nécessaire jusqu’à 4 mois après l’arrêt du traitement pour les femmes traitées par ribavirine et jusqu’à 7 mois si leur partenaire masculin est traité par ribavirine. Chez la femme traitée, un test de grossesse doit être effectué chaque mois et l’ordonnance doit mentionner que celui-ci a bien été effectué.

QUELS CONSEILS COMPLéMENTAIRES DONNER ?
Proscrire la prise d’alcool. Un sevrage tabagique et cannabique est recommandé (effets délétères possibles sur le foie). Le surpoids, l’obésité, le diabète, l’HTA et une dyslipidémie sont des facteurs aggravant la fibrose hépatique. Ne pas partager le matériel susceptible de favoriser une transmission par le sang (rasoirs, brosse à dents…). La transmission sexuelle est rare (port du préservatif recommandé uniquement pendant les règles chez une femme atteinte du VHC, et chez les hommes homosexuels).
Sensibiliser les toxicomanes à ne pas échanger leur matériel d’injection ou de prise nasale (paille pour sniffer…).

oui Mais en vérifiant que le patient a bien été alerté à l’hôpital de l’effet tératogène de la ribavirine. Une contraception efficace est nécessaire chez une patiente ou la partenaire d’un patient traité par ribavirine. Si une grossesse est en cours comme ici, l’usage du préservatif est de rigueur car on ignore si, présente dans le sperme, la ribavirine peut exercer des effets tératogènes sur l’ovule fécondé.

Source : Thesaurus ANSM septembre 2016 et medicaments.gouv.fr

Source : medicaments.gouv.fr H : disponible en rétrocession à l’hôpital s : substituable. Liste non exhaustive.

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