Pourquoi il faut légaliser la rétrocession - Le Moniteur des Pharmacies n° 3153 du 01/12/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3153 du 01/12/2016
 
ACHATS GROUPÉS

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Enjeux

Auteur(s) : FRANÇOIS POUZAUD 

Alors que les centrales d’achats pharmaceutiques et les structures de regroupement à l’achat sont, dans l’ensemble, un échec, les groupements et syndicats sont divisés sur les mesures à prendre concernant la rétrocession.

La rétrocession, dans le cadre des travaux de la profession sur les conditions d’achat des officines, est au cœur d’une vive polémique entre syndicats et groupements. Deux positions s’affrontent. D’un côté, les partisans de la légalisation des rétrocessions (les deux syndicats FSPF et UNPF ainsi que les 16 adhérents du collectif de groupements UDGPO), de l’autre Federgy (16 groupements nationaux) qui prône leur interdiction pure et simple. Dans ce débat, le syndicat USPO est plutôt au centre, même s’il n’est pas favorable à la légalisation de la rétrocession. «   Il ne faut pas y toucher tant qu’une alternative efficace ne s’est pas mise en place du côté des centrales d’achats pharmaceutiques et structures de regroupement à l’achat, mais quand ce sera le cas, la rétrocession reprendra naturellement une place très marginale dans la façon dont les pharmaciens achètent   », estime Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Depuis leur création en 2009, il faut se rendre à l’évidence. «   Ces structures ne marchent pas   », constate Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). Les raisons sont connues : les laboratoires ne jouent pas le jeu, faute de reconnaissance des groupements par l’industrie. Par conséquent, il refuse de suivre Federgy, la chambre syndicale des groupements, dans ce qui n’est pour lui «   qu’une manœuvre, à peine voilée, pour prêcher pour leur paroisse et leurs plateformes ». Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF, dénonce également «   un stratagème qui vise à défendre le business de groupements et non pas la liberté des pharmaciens de travailler en dehors de ces structures.   »

Aider les petites officines et se défendre contre la GMS

« Il serait aujourd’hui déraisonnable de ne pas autoriser la rétrocession, cela reviendrait à laisser des officines de petite taille sans possibilité d’accéder à des prix bas et à ne pas pouvoir répondre aux attaques qui nous sont faites sur les écarts de prix entre pharmacies   », lance de son côté Philippe Gaertner, président de la FSPF. Pour Jean-Luc Fournival, l’encadrement de la rétrocession répond à une attente forte de la profession. «   70   % des pharmaciens la souhaitent pour améliorer leurs conditions commerciales   », estime-t-il.

Cette situation est due aussi à la stratégie de certains laboratoires qui font monter leurs prix catalogue, pour ne travailler ensuite sur de bonnes remises qu’avec certaines officines. «   En cinq ans, les prix industriels ont augmenté de 30   % sur des médicaments OTC majeurs, alors que les prix publics n’ont progressé que de 12   %, ce qui signifie que la modération tarifaire est supportée exclusivement par la marge des pharmaciens   », dénonce Laurent Filoche, qui demande l’arrêt des hausses de prix sauvages des fournisseurs. Un message directement adressé à Boehringer qui, au 1er décembre 2016, a augmenté ses tarifs de 8 à 10 % sur les références leaders de son catalogue (Lysopaïne, Dulcolax…). «   Ces hausses mettent en danger le réseau car, sans la rétrocession, toutes les officines ne sont pas en capacité de les absorber   », fustige à son tour Philippe Gaertner.

Une arme de négociation contre les laboratoires

Autre argument développé par Laurent Filoche : « Une fois légalisée, la rétrocession deviendra une arme supplémentaire pour contraindre les laboratoires à ne pas appliquer des conditions générales de vente différenciée. Car avec la rétrocession, ils n’ont aucune visibilité sur la distribution numérique de leurs produits, peuvent perdre en volumes entre le moment où une pharmacie a tout vendu et la prochaine commande groupée, tout en accordant aux pharmaciens les remises maximales.   »

Indépendamment de la politique tarifaire discriminante menée par les laboratoires à l’égard des centrales d’achats pharmaceutiques (CAP) et des pharmacies individuelles, «   les officines ont besoin de pouvoir pratiquer la rétrocession sur-le-champ des produits ou des gammes qui ne relèvent pas du référencement de leur groupement   », ajoute Philippe Gaertner. Or, pour décrocher de meilleures remises, les groupements se montrent de plus en plus sélectifs dans leurs choix de référencement et de partenaires. De fait, la rétrocession est appelée à se développer pour les achats à des laboratoires avec lesquels la CAP ne travaille pas.

Pour une rétrocession encadrée

S’il faut effectivement un recadrage de la loi pour éviter que des pharmaciens ne soient poursuivis pour exercice illégal de la distribution en gros, un encadrement est également nécessaire pour éviter les dérives commerciales de pharmaciens se livrant à de la rétrocession industrielle. «   Elle est organisée aujourd’hui à un niveau tel qu’elle entraîne une dérégulation du marché   », alerte Christian Grenier, président de Federgy. Le représentant des groupements considère que le niveau de la rétrocession actuelle entraînera la fin du monopole. C’est pourquoi ses partisans veulent la limiter à 5 % du chiffre d’affaires global d’une officine (FSPF), voire 10 % (UNPF). Alain Delgutte, président du conseil central A de l’Ordre des pharmaciens, indique que les services de l’Etat réalisent actuellement, au niveau régional, des contrôles sur des officines faisant de la rétrocession massive et de l’exportation de médicaments. Pour Gilles Bonnefond, la légalisation de la rétrocession ne peut être une solution pérenne. «   C’est prendre le risque d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur des pratiques que l’on ne rencontre dans aucun autre secteur du commerce et de pénaliser l’officine, si elle est incapable d’organiser autrement ses achats pour avoir des prix, car d’autres sauront le faire à notre place   », prévient-il.

Sur le plan de la santé publique, le danger de perdre la traçabilité via les factures de rétrocession peut être contourné par une adaptation des systèmes informatiques dans le cadre d’un travail en réseau. Pour leur part, les grossistes n’ont rien à perdre dans cette affaire puisque, à côté de leurs CAP, ils apportent déjà depuis plusieurs années leur appui logistique en proposant des solutions de transport sécurisé, adaptées aux besoins de la rétrocession (par exemple Viacolis proposé par Alliance Healthcare).

POURQUOI LES INDUSTRIELS BOUDENT-ILS LES CENTRALES D’ACHATS PHARMACEUTIQUES ?

Sur le mauvais fonctionnement des CAP de groupements, Gilles Unglik, directeur commercial des opérations GSK santé Grand Public, fait le même constat que l’ensemble des industriels. « Ce n’est pas l’outil logistique qui est en cause, mais la façon dont les groupements l’utilisent. Ils ont cru créer la poule aux œufs d’or avec les CAP, mais si derrière, ils ne fédèrent pas leurs adhérents sur la revente de nos produits et ne les incitent pas à être proactifs sur nos marques, cela décrédibilise la structure ». Les laboratoires ne voient donc pas l’intérêt de donner plus de remises à un groupement, si celui-ci ne leur apporte pas des parts de marché supplémentaires en contrepartie.

À RETENIR


•  Syndicats et groupements s’affrontent sur la question de la légalisation de la rétrocession.

•  La légalisation de cette pratique permettrait d’aider les petites officines, à se défendre contre les GMS et de contraindre les laboratoires à ne pas appliquer les conditions tarifaires différenciées.

•  Elle devrait néanmoins être encadrée pour éviter la rétrocession industrielle.

REPÈRES 

ACHATS GROUPÉS : CE QUI EST AUTORISÉ, CE QUI EST INTERDIT

Loan Tranthimy - Infographie : Franck Lhermitte

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