Dépister et prévenir le VIH, la solution d’éradication - Le Moniteur des Pharmacies n° 3153 du 01/12/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3153 du 01/12/2016
 
JOURNÉE MONDIALE CONTRE LE SIDA

Temps Forts

Enquête

Auteur(s) : MATHIEU NOCENT  

Chaque 1 er  décembre fait le point sur l’évolution des techniques de lutte contre le sida. TasP, PreP, TPE, voici la synthèse des dispositifs préventifs.

L’épidémie est-elle aujourd’hui jugulée en France ?

Les dernières données épidémiologiques ont été publiées par l’agence Santé publique France le 29 novembre 2016 et portent sur l’année 2015. Près de 6 000 personnes ont découvert leur séropositivité en France en 2015, le même chiffre qu’en 2007. 54 % sont des hétérosexuels (dont 38 % nés à l’étranger, principalement en Afrique subsaharienne et 16 % en France). 43 % sont des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). «   Ces chiffres montrent une double tendance : une stabilisation chez les hétérosexuels, et une forte augmentation chez les jeunes HSH de 18 à 25 ans   », explique France Lert, épidémiologiste et dive d’un rapport « Vers un Paris sans sida » remis à Anne Hidalgo le 1er février 2016.

Comment diminuer la transmission ?

L’OMS et l’ONUSIDA recommandent d’agir de façon concomitante sur deux axes : améliorer le dépistage afin de réduire le nombre de séropositifs qui s’ignorent et qui transmettent le virus ; et améliorer la prévention. «   C’est la combinaison du dépistage et de la prévention qui permettra de casser l’épidémie. L’effort doit être concentré sur les populations les plus touchées : les HSH et les immigrés d’origine subsaharienne, insiste France Lert. Il faut mobiliser les acteurs de terrain pour amener à elles le dépistage et les messages de prévention. C’est en cela que les associations ont un rôle majeur à jouer.   »

Quels sont les outils de dépistage actuellement disponibles ?

«   Il y a, en France, 5   millions de dépistages par an. Il reste pourtant encore 25 000   à 30 000 personnes séropositives qui ne le savent pas   », explique Franck Barbier, responsable du secteur Nouvelles stratégies de santé de l’association Aides. Les autotests distribués en pharmacie sans ordonnance permettent de détecter en 15 minutes dans une goutte de sang les anticorps produits après une infection par VIH. «   On touche ainsi un plus large public, et notamment ceux qui ne se sentent pas à l’aise à l’idée d’aller à l’hôpital pour se faire dépister   », poursuit Franck Barbier. AAZ, le fabricant du premier autotest commercialisé en France, annonçait, le 21 novembre 2016, qu’un peu plus de la moitié des pharmacies françaises référence ce produit, et que près de 2 000 autotests sont achetés par semaine. Selon IllicoPharma, 42 % des patients ayant acheté un autotest l’ont utilisé pour un premier dépistage du VIH. Et parmi eux, 55 % affirment qu'ils ne se seraient pas fait dépister si l'autotest n'avait pas été disponible en pharmacie. «   Ce sont des chiffres encourageants, se félicite France Lert. Il serait utile que l’autotest soit facilement accessible, mis à disposition à côté des préservatifs et des tests de grossesse par exemple, mais la réglementation actuelle l’interdit. On pourrait souhaiter que les pharmaciens affichent clairement dans leur officine la disponibilité des autotests, et ainsi en faciliter la demande.   »

Quels traitements préventifs existent aujourd’hui ?

«   On a aujourd’hui une palette de prévention très diversifiée. Il faut que le plus de personnes possible disposent des informations nécessaires sur cette palette de prévention. Chacun définira alors ce qui convient à sa situation personnelle du moment   », explique Franck Barbier.

Il s’agira, par exemple, pour des personnes séropositives, de prendre un traitement antirétroviral à vie et de conserver une charge virale indétectable dès le diagnostic posé. C’est ce que l’on appelle le TasP (Treatment as Prevention). «   Il y a 96   % de séroconversion en moins chez les partenaires de personnes séropositives traitées, que chez les partenaires des personnes séropositives non traitées   », justifie France Lert. «   Il faut cependant que l’observance du traitement soit suffisamment élevée pour que le patient conserve, de manière constante, une charge virale indétectable. Le rôle du pharmacien est primordial : il doit soutenir cette observance et expliquer sa nécessité   », souligne Franck Barbier. Il peut s’agir aussi, pour les personnes séronégatives les plus exposées au VIH, de prendre un antirétroviral à titre préventif pour éviter d’être infectées par le virus : c’est ce qu’on appelle la PreP (Pre-exposure prophylaxis). Le 1er janvier 2016, Truvada a ainsi obtenu une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour son administration à titre préventif, suite à des études cliniques positives. «   La PreP n’est pas juste un comprimé à prendre, c’est un dispositif. En même temps que le traitement obligatoirement prescrit par un médecin spécialiste du VIH, les personnes doivent être accompagnées et soutenues dans leur observance du traitement. De plus, un dépistage régulier du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles doit être effectué   », insiste Franck Barbier.

Lorsqu’une personne pense avoir couru un risque qui l’expose à l’infection, elle peut également se rendre aux urgences de l’hôpital et demander un traitement antirétroviral à mettre en place entre 4 et 48 heures après la prise de risque et pendant un mois : c’est le TPE (traitement post-exposition).

Enfin et surtout, le préservatif est le moyen essentiel de cette palette préventive. «   L’effort réalisé par les pharmaciens pour mettre à disposition et de façon visible les préservatifs dans leur officine est fondamental. Il faut qu’ils continuent   », insiste France Lert.

Quelle évolution des modes de prévention est envisageable à court terme ?

L’Agence européenne du médicament (EMEA) a accordé une extension d’AMM à Truvada dans la PreP au mois d’août 2016. L’ANSM devrait décider incessamment l’application de cette extension d’AMM qui sortirait ce mode de prévention de la RTU. Selon Franck Barbier «   des essais cliniques sont en cours pour prouver l’efficacité d’autres antirétroviraux que Truvada en PreP orale. Les laboratoires pharmaceutiques cherchent aussi à faciliter l’observance en réduisant la fréquence d’administration. Des formulations injectables à base de nanotechnologies réduiraient le nombre de prises à une injection par mois.   »

La mise à disposition d’un vaccin contre le VIH/SIDA est-elle envisageable dans les années qui viennent ?

Pour Franck Barbier, «   la stratégie actuelle qui consiste à combiner prévention diversifiée et dépistage est beaucoup plus prometteuse que le vaccin lui-même à l’horizon 2030-2040. De nombreuses pistes vaccinales ont été explorées depuis 25 ans, mais aucune n’est encore satisfaisante. La recherche vaccinale reste pourtant primordiale et nécessaire.   »

NOS EXPERTS

Franck Barbier, responsable du secteur Nouvelles stratégies de santé (association Aides)

NOS EXPERTS

France Lert, épidémiologiste

À RETENIR


• Le TasP (Treatment as Prevention) se prend à vie. Il permet, dès que le diagnostic de séropositivité est posé, d’obtenir et de conserver une charge virale indétectable. Mais le patient doit être observant.

• La PreP (Pre-exposure prophylaxis) permet aux personnes séropositives les plus exposées au VIH de prendre un antiviral à titre préventif pour éviter d’être infectées par le virus.

• Le TPE (traitement post-exposition) se met en place 4 à 48 heures après la prise de risque supposée, pendant un mois.

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