La dermatite atopique - Le Moniteur des Pharmacies n° 3150 du 10/11/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3150 du 10/11/2016
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

Auteur(s) : CAHIER COORDONNÉ PAR  NATHALIE BELIN  ET  ALEXANDRA BLANC,  PHARMACIENNES, SOUS LA RESPONSABILITÉ DE  FLORENCE BONTEMPS , DIRECTRICE SCIENTIFIQUE  

ANALYSE D’ORDONNANCE 

Le cas : Jérémy présente des lésions de dermatite atopique depuis l'âge de 6 mois. Mais malgré l'application des dermocorticoïdes prescrits par le médecin généraliste, les plaques d'eczéma se sont étendues. Sa maman a consulté aujourd'hui le dermatologue et présente l'ordonnance suivante.

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE


POUR QUI ?

Jérémy, âgé de 1 an.


PAR QUEL MÉDECIN ?

Un dermatologue de ville.


L’ORDONNANCE EST-ELLE RECEVABLE ?

Oui.


QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?


QUE SAVEZ-VOUS DU PATIENT ?

Jérémy est suivi pour une dermatite atopique depuis l'âge de 6 mois. Sa maman, qui a elle-même souffert d’eczéma petite, vient de temps en temps chercher Locapred et Dexeryl prescrits par le médecin généraliste. Malgré ce traitement, les lésions présentes sur les joues de Jérémy se sont étendues au front, et des plaques rouges sont progressivement apparues sur le haut de ses bras et sur ses cuisses. Le médecin généraliste a alors intensifié le traitement et a prescrit Nérisone sur les lésions du corps, en plus de Locapred, à poursuivre au niveau du visage. Parallèlement, il a proposé à Mme N. de prendre un rendez-vous avec un dermatologue.


QUEL ÉTAIT LE MOTIF DE LA CONSULTATION ?

L'application de Nérisone et Locapred prescrits par le médecin généraliste depuis deux mois a permis une amélioration des lésions, mais pas leur disparition complète : des plaques rouges et rugueuses persistent au niveau des joues et des bras. Il était donc logique de prendre un avis dermatologique.


QU’A DIT LE DERMATOLOGUE ?

Il a confirmé le diagnostic et a demandé à Mme N. de lui montrer comment elle appliquait les dermocorticoïdes. La maman de Jérémy a expliqué qu’elle préférait en mettre « le moins possible » et prendre rapidement le relais par l’émollient qu'elle trouvait « moins dangereux ».
Le dermatologue a alors expliqué à la maman qu'elle ne mettait pas suffisamment de dermocorticoïdes, d'où l'insuffisance d'action sur les lésions d'eczéma. Il a montré quelle quantité appliquer et a précisé qu’il fallait vraiment traiter toutes les plaques jusqu’à leur disparition complète avant de prendre le relais par l’émollient. Il a expliqué que, bien utilisé, le traitement prescrit par le généraliste était tout à fait adapté et qu’il n’y avait pas lieu d’en changer. Il a également précisé que toute nouvelle plaque devait être traitée sans attendre par les dermocorticoïdes : la guérison serait ainsi plus rapide.


VÉRIFICATION DE L’HISTORIQUE DU PATIENT

Le mois dernier, Jérémy a utilisé un tube de Locapred et un tube de Nérisone.


LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?


QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?

Désonide (Locapred) et diflucortolone (Nérisone) : les dermocorticorticoïdes sont prescrits dans la dermatite atopique pour leur action anti-inflammatoire et antiprurigineuse. Ils sont classés selon leur niveau d’activité (voir pages 9 et 13). Locapred est un dermocorticoïde à activité modérée ; Nérisone, à activité forte.
Un produit lavant et un émollient, parmi des gammes pour « peaux atopiques », sont également prescrits. Ils font partie intégrante de la prise en charge en aidant à restaurer la barrière cutanée fragilisée.


EST-ELLE CONFORME À LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE ?

Oui. Les dermocorticoïdes sont le traitement de référence des poussées de la dermatite atopique. Le choix du niveau d’activité de la molécule dépend notamment de l’âge et de la localisation des plaques. Les dermocorticoïdes d’activité modérée sont utilisés en première intention chez le nourrisson et l’enfant ; ceux d’activité forte conviennent en deuxième intention ou sur les lésions très inflammatoires du corps. La forme galénique est choisie en fonction de la localisation et de l’aspect des plaques. La forme crème, facile à étaler et la plus fréquemment utilisée, peut être appliquée sur tous les types de lésions.
Les émollients sont recommandés en traitement de fond sur la peau saine non atteinte et en relais des dermocorticoïdes sur les zones concernées par l’eczéma et guéries. Leur application au long cours semble contribuer à diminuer l’utilisation des dermocorticoïdes. Idéalement, ils ne doivent pas contenir de substances potentiellement allergisantes, d’où le recours à des gammes adaptées.


Y A-T-IL DES MÉDICAMENTS À MARGE THÉRAPEUTIQUE ÉTROITE ?

Non.


Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS POUR CE PATIENT ?

Non, Jérémy ne présente pas d’infections cutanées, ni de lésions ulcérées qui contre-indiqueraient l’utilisation des dermocorticoïdes.


LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Il est recommandé d’appliquer les dermocorticoïdes une fois par jour. Une application biquotidienne n’est pas associée à une meilleure efficacité et semble, de plus, compromettre l’observance.


Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?

Non.


LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?

Non.


QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?


CONCERNANT LES DERMOCORTICOÏDES

Le traitement a déjà été prescrit, mais les modalités d’applications n’étant pas bien comprises par la maman, le pharmacien doit les repréciser en complétant, le cas échéant, celles déjà données par le dermatologue.


UTILISATION

L’application se fait en couche fine mais suffisante pour recouvrir complètement la plaque et en débordant légèrement. Une application le soir après la douche, sur la peau encore humide peut être recommandée pour favoriser la pénétration des actifs.
Il n’y a pas de quantité ni de durée « limites » à respecter pour soigner une poussée : les applications doivent se faire en quantité suffisante jusqu’à guérison complète, ce qui peut être plus ou moins long.

QUAND COMMENCER LE TRAITEMENT ?

Le soir même.

QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

Le dermocorticoïde pourra être appliqué le lendemain matin. Néanmoins, pour une guérison plus rapide, recommander une bonne observance.


LE PATIENT POURRA-T-IL JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?

Oui. L’amélioration des lésions peut survenir dès le 2e ou 3e jour, mais peut parfois prendre beaucoup plus de temps selon la sévérité des symptômes.


QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?

Les effets indésirables sont locaux et rares aux doses recommandées : atrophie cutanée (rare chez l’enfant), télangiectasies, vergetures ; très rarement : hypertrichose, rosacée, acné. Ils dépendent de la puissance de la molécule, de la durée du traitement, de la surface traitée et sont favorisés par une occlusion.
Les effets systémiques, syndrome cushingoïde et ralentissement de la croissance sont décrits, mais non observés aux doses thérapeutiques.


QUELS SONT CEUX GÉRABLES À L’OFFICINE ?

La plupart des effets indésirables sont réversibles.
Pour les limiter dans tous les cas, expliquer qu’il ne faut pas appliquer les dermocorticoïdes sur la peau saine ni, sauf avis médical contraire, à proximité des yeux et des paupières ou sous les couches.


QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’APPELER LE MÉDECIN ?

Des signes d'une surinfection (lésions vésiculeuses…), que pourrait aggraver le dermo-corticoïde, imposent un avis médical.


CONCERNANT L’ÉMOLLIENT

Mme N. vous indique qu’elle utilise déjà Dexeryl prescrit par le médecin généraliste, mais qu’il n’a pas l’air de bien convenir à Jérémy, car de temps en temps il pleure et refuse qu’elle lui en applique.
Vérifier d’abord les modalités d’application : l’émollient ne doit pas être appliqué sur les plaques d’eczéma (il peut « piquer »), mais uniquement sur la peau saine, et une fois les plaques guéries (rougeurs disparues). Si le problème d’intolérance persiste, essayer avec un autre émollient.
Rappeler son intérêt : les applications quotidiennes sont à poursuivre au long cours chez le patient atteint de dermatite atopique pour permettre à la peau de retrouver son rôle barrière et limiter le risque de nouvelles poussées d’eczéma.


CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

En cas de récidive, il faut reprendre les applications du dermocorticoïde dès l’apparition des premiers signes (rougeurs, prurit) car un traitement précoce assure une guérison plus rapide : cette stratégie permet en effet de traiter plus efficacement les poussées d'eczéma et limite finalement les applications de dermocorticoïdes au long cours.
Concernant l’hygiène, un produit sans savon et sans parfum, type gel nettoyant surgras ou huile lavante, comme ceux indiqués par le dermatologue, est recommandé pour ne pas aggraver l’irritation et pallier l’effet desséchant de l’eau. Pour la même raison, préférer les douches aux bains et limiter leur durée ainsi que la température de l’eau (34 à 35 °C maximum). Sécher en tamponnant. Couper les ongles à ras afin d’éviter les lésions de grattage.
Les contraintes étant déjà importantes, rassurer la mère quant à l’exposition à des allergènes potentiels. Les mesures drastiques sont inutiles. Privilégier des mesures de bon sens : pas de moquettes, ni de tapis dans la chambre de l’enfant atopique ; aérer tous les jours 15 minutes au moins ; passer l’aspirateur et laver les doudous régulièrement. 

qu’en pensez-vous ?

La maman de Jérémy est surprise par l’arrêt brutal du dermocorticoïde indiqué par le dermatologue, une fois les plaques d’eczéma guéries. Le médecin généraliste lui avait dit, au contraire, qu’il fallait diminuer progressivement les applications. Ce qu’elle faisait dès l’amélioration obtenue.

Que lui répondre ?

1) Il est effectivement préférable de diminuer progressivement les applications, une fois l’amélioration obtenue.

2) Il faut appliquer le dermocorticoïde jusqu’à disparition des plaques rouges et du prurit sans diminution de la posologie.

Réponse : il n’y a pas d’intérêt à diminuer progressivement les applications car en pratique aucun effet rebond n’est observé. De plus, cette stratégie semble perturber l’observance (les patients ayant tendance à diminuer trop vite les applications, comme Mme N.) ce qui ne fait que prolonger la poussée. Il fallait donc choisir la deuxième proposition.

En revanche, si malgré une application correcte, les poussées, sur une même localisation, sont très rapprochées, le médecin peut proposer la mise en place d’un traitement d’entretien par dermocorticoïde d’activité forte, deux fois par semaine.

qu’en pensez-vous ?

Vous revoyez Mme N. trois semaines plus tard. Jérémy a la varicelle et sa maman vient chercher les soins locaux prescrits par le médecin. Elle vous explique qu’elle a consciencieusement appliqué les dermocorticoïdes et que cela va effectivement mieux, mais qu’il reste quelques plaques au niveau des joues. Quelle est votre réaction ?

1) Il faut arrêter l’application des dermocorticoïdes pour le moment.

2) Le dermocorticoïde peut être poursuivi à condition de ne pas en mettre sur les boutons de varicelle.

Réponse : l’application de dermocorticoïdes est contre-indiquée en cas de dermatose virale, comme la varicelle, en raison du risque d’aggravation de la pathologie infectieuse. Il faut recommander à la maman de Jérémy d’interrompre provisoirement les applications jusqu’à guérison des boutons de varicelle. La bonne réponse est donc la première.

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Syndrome cushingoïde

Ensemble de manifestations résultant d’un excès durable d’hormones à action glucocorticoïde ; les manifestations les plus caractéristiques sont la prise de poids et l’anomalie de répartition des graisses.

Eczéma nummulaire

Lésions rondes, inflammatoires, résistantes au traitement.

Erythro-dermie

Erythème généralisé, s’accompagnant d’une desquamation, d’un prurit, et d’une altération de l’état général.

Anamnèse

Exploration des antécédents du patient, grâce à l’interrogatoire.

Impéti- ginisation

Surinfection bactérienne (staphylocoques ou streptocoques) d’une lésion, qui prend un aspect d’impétigo (suintement puis croûtes jaunâtres).

Syndrome de Kaposi-Juliusberg

Se traduit par une aggravation brutale de la maladie avec apparition de lésions nécrotiques et hémorragiques, avec altération de l’état général mettant en jeu le pronostic vital (risque d’extension viscérale de l’infection).

PATHOLOGIE 

LA DERMATITE ATOPIQUE EN 6 QUESTIONS

Complexe et multifactorielle, la dermatite atopique, ou eczéma constitutionnel, est une dermatose inflammatoire prurigineuse chronique évoluant par poussées. Elle touche surtout le jeune enfant.

1 COMMENT SE MANIFESTE LA MALADIE ?

La lésion élémentaire classiquement observée au cours des poussées est une plaque érythémateuse, mal délimitée (à bords émiettés) qui évolue en quatre stades : érythémateux (placards rouges), vésiculeux (microvésicules imperceptibles à l’œil nu), suintant (rupture des vésicules, spontanément ou après grattage) et croûteux (desquamation puis guérison sans cicatrice). Lorsque l’eczéma se chronicise, le grattage entraîne un épaississement de la peau qui devient quadrillée et pigmentée : elle est dite « lichénifiée ».
Les autres symptômes majeurs sont la xérose (ou sécheresse cutanée) et le prurit, parfois intense, et qui domine le tableau clinique à tout âge. Ceci conduit à des plaques rouges, rugueuses et qui démangent.


2 OÙ SIÈGENT LES LÉSIONS ?

Avant 2 ans : la maladie débute en général dans les premiers mois de vie avec une atteinte symétrique des convexités du visage. Le tronc et les membres peuvent être aussi touchés. Les lésions aiguës sont souvent très inflammatoires. La région du siège et le nez sont traditionnellement respectés. Des frottements contre les draps et des trémoussements attestent de la présence d’un prurit. La xérose, d’abord inexistante ou peu marquée, devient plus nette entre 1 et 2 ans.
Chez l’enfant après 2 ans : les lésions se localisent aux plis de flexion (cou, coudes, genoux, plis sous-auriculaires) et dans plusieurs « zones bastion » (mains, poignets, chevilles, mamelons, paupières, lèvres). La lichénification prend le pas sur l’érythème et l’œdème, mais les lésions sont parfois mises à vif lorsque l’enfant se gratte. La xérose devient incontournable. L’été, les enfants présentent souvent des dartres, plaques sèches hypopigmentées sur le visage et/ou le corps qui ne bronzent pas, contrairement au reste du tégument.
Chez l’adolescent et l’adulte : les zones atteintes dans l’enfance peuvent de nouveau être le siège des lésions, avec une tendance à la lichénification, à la xérose et au prurit. Deux formes localisées de la maladie sont souvent observées chez l’adulte : l’atteinte prédominante « tête et cou » (Head and Neck Dermatitis) et l’eczéma chronique des mains, vestige d’une dermatite atopique autrefois plus diffuse.
A tous les âges, des formes particulières et plus ou moins graves de dermatite atopique existent, par exemple sous forme d’eczéma nummulaire ou d’érythrodermie.


3 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

Le diagnostic est clinique et s’appuie sur l’anamnèse, même si le patient n’a aucune lésion au cours de la consultation. Le prurit, critère obligatoire, doit être accompagné d’au moins trois des critères suivants : antécédents personnels d’eczéma des plis et/ou des joues chez les moins de 10 ans ; antécédents personnels d’asthme ou de rhinite allergique ou antécédents d’atopie chez les apparentés du premier degré pour les moins de 4 ans ; antécédents de xérose généralisée au cours de la dernière année ; eczéma des grands plis ou eczéma des joues, du front et des convexités des membres chez les moins de 4 ans ; début des signes cutanés avant 2 ans (critère utilisable chez les plus de 4 ans seulement).
Le diagnostic est souvent évident, mais ne doit pas faire oublier quelques diagnostics différentiels : chez le nourrisson, dermatite séborrhéique (certains enfants atopiques présentent des squames grasses et jaunâtres sur le cuir chevelu) et gale ; chez l’adulte : lymphome cutané ; autres dermatoses : psoriasis, eczéma de contact (aux métaux -nickel, chrome… -, aux parfums ou encore à certains conservateurs des cosmétiques). Un eczéma de contact est notamment recherché chez l’adulte (patch-tests) en cas de lésions très localisées.
Etant donné la diversité des allergènes impliqués, un bilan allergologique (notamment alimentaire) n'est proposé que dans des cas particuliers (cassure de la courbe staturo-pondérale, troubles digestifs, échec de traitement bien conduit).
Des grilles standardisées évaluent la gravité de la maladie (ex : SCORAD pour SCORing-Atopic Dermatitis) mais elles sont peu employées en pratique.


4 QUELS SONT LES FACTEURS DÉCLENCHANTS ?

Les agents qui initient, pérennisent ou aggravent l’eczéma sont nombreux, parfois controversés ou difficiles à identifier, mais toujours multiples chez un patient donné. Ils sont irritatifs (froid, vent, laine, stress, transpiration, détergents, matières synthétiques…), allergiques (allergènes cutanés, ingérés ou inhalés) ou infectieux (le staphylocoque doré colonise fréquemment l’atopique en dehors de toute impétiginisation des lésions, et serait responsable de certaines poussées ; des levures du genre Malassezia interviendraient dans les formes « tête et cou »).


5 QUELLE EST L’ÉVOLUTION ?

La maladie évolue par poussées qui alternent avec des périodes de rémission. Elle régresse souvent spontanément dans l’enfance, mais peut persister à l’âge adulte voire débuter à l’âge adulte.
L’atopie se manifeste le plus souvent de façon séquencée, selon une « marche atopique » : allergie alimentaire chez le nourrisson, eczéma puis asthme chez l’enfant et l’adolescent, rhino-conjonctivite allergique chez l’adulte. Cependant, ces symptômes ne sont pas retrouvés chez tous les patients, et n’ont pas ou peu de lien avec la sévérité ou la qualité de la prise en charge de la dermatite atopique dans l’enfance.
Le retentissement sur la qualité de vie, évalué au moyen de différentes échelles (ex. : DLQI pour Dermatology Life Quality Index) peut être important : troubles du sommeil du fait des démangeaisons, troubles de l’humeur du fait du caractère affichant de la maladie. Les enfants atopiques ne présentent pas de troubles psychologiques particuliers mais peuvent être anxieux, voire agressifs en période de poussée, avec un retentissement sur la scolarité parfois important. La famille du patient vit également au rythme des poussées : insomnie, fatigue, peur et lassitude vis-à-vis des traitements, coût financier, non-pratique de certaines activités et sentiment de culpabilité sont fréquemment évoqués.


6 QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

La surinfection des lésions constitue la principale complication : l’eczéma et le grattage conduisent à la suppression locale de la fonction barrière de la peau et créent un milieu favorable aux agents pathogènes, surtout des bactéries (impétiginisation des lésions) et des virus. La surinfection à Herpes simplex virus est à l’origine du syndrome de Kaposi-Juliusberg.
Un eczéma de contact peut apparaître suite à l’application répétée de nombreux topiques sur une peau déjà altérée et perméable.
Les retards de croissance sont très rares et pourraient être dus aux allergies alimentaires associées ou à des régimes alimentaires trop restrictifs pouvant perturber la croissance de l’enfant dans les cas les plus sévères. 
 Par Florence Leandro , pharmacienne d’officine, avec la collaboration du D r Stéphanie Mallet, dermatologue à l’Hôpital de la Timone à Marseille

en chiffres

Prévalence en France : 15 à 20 % chez l’enfant ; 2 à 10 % chez l’adulte.

Incidence multipliée par 2 ou 3 ces 30  dernières années ; expliquée en partie par la théorie « hygiéniste » : la baisse de l’exposition aux agents infectieux entraînerait le dérèglement du système immunitaire.

Environ 30 % des nourrissons porteurs de dermatite atopique présentent un asthme à partir de deux ans.

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Topographie des lésions de dermatite atopique

1 - Lésions des plis (coudes, cou, aisselles) chez un enfant.

2 - Lésions du visage et du cuir chevelu chez un nourrisson.

Physiopathologie de la dermatite atopique

La dermatite atopique est l’expression cutanée de l’atopie définie comme une prédisposition héréditaire du système immunitaire à privilégier des réactions d’hypersensibilité retardée, médiées par les immunoglobulines E (Ig E) vis-à-vis d’antigènes environnementaux.

Un premier contact avec l’allergène constitue la phase de sensibilisation asymptomatique, tandis que le second contact conduit à l’expression de l’eczéma.

La dermatite atopique résulte également d’anomalies épidermiques déterminées génétiquement : certains éléments protéiques (notamment la filaggrine, protéine-clé pour la fonction barrière de l’épiderme), lipidiques ou encore enzymatiques sont défectueux voire inexistants, de sorte que la peau devient plus fragile et poreuse, laissant s’échapper trop d’eau et pénétrer trop d’allergènes.

THÉRAPEUTIQUE 

COMMENT TRAITER LA DERMATITE ATOPIQUE ?

Le traitement de la dermatite atopique de l’enfant et de l’adulte repose principalement sur l’application de dermocorticoïdes et d’émollients. En cas d’échec, et après avoir éliminé un défaut d’observance, des alternatives locales, voire systémiques, sont disponibles.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Il n’existe pas de traitement définitif ou étiologique de la dermatite atopique. Le traitement de base est local et symptomatique et implique une prise en charge au long cours. La résolution de l’épisode inflammatoire soulage le patient et limite le risque de surinfection. Une fois la poussée traitée, le traitement de la xérose prévient le risque de rechutes.


PRINCIPE

Au cours des poussées, les plaques d’eczéma sont traitées par des topiques anti-inflammatoires et notamment des dermocorticoïdes qui constituent le traitement de référence de la maladie.
Entre les poussées, les émollients permettent de restaurer la fonction barrière de la peau et de prévenir les récidives. Leur application doit être quotidienne sur l’ensemble de la surface cutanée non atteinte, quelle que soit la gravité de la dermatite atopique, et en relais des dermocorticoïdes, sur les plaques d’eczéma guéries. Des soins d’hygiène adaptés sont également préconisés.
La corticothérapie générale n’a pas de place dans le traitement de la dermatite atopique. Les antihistaminiques sont parfois prescrits en cas de prurit important pour faciliter l’endormissement, sans preuve d’efficacité en prévention des poussées.
En cas de surinfection des lésions, des anti-infectieux locaux ou systémiques adaptés aux germes en cause sont prescrits.


DERMOCORTICOÏDES


CRITÈRES DE CHOIX

Le choix du dermocorticoïde dépend de l’aspect et du siège des lésions, de la surface à traiter et de l’âge du patient.
Chez le nourrisson et l’enfant, on a recours à des dermocorticoïdes d’activité modérée en première intention sur le corps et le visage. Les dermocorticoïdes d’activité forte sont prescrits sur les lésions résistantes ou très inflammatoires du corps. Ils ne sont pas recommandés avant 3 mois.
Chez l’adulte, les dermocorticoïdes d’activité modérée à forte sont utilisés sur le visage ; ceux d’activité forte à très forte sont employés sur le corps.

EN PRATIQUE

Une seule application par jour est recommandée, y compris en phase d’attaque pour améliorer l’observance.
Traitement d’attaque : le traitement est appliqué sur les zones atteintes jusqu’à disparition complète des lésions sans décroissance progressive de posologie. La décroissance 1 jour sur 2, puis 1 jour sur 3 est possible et reste souvent pratiquée mais semble perturber l’observance et l’éducation thérapeutique. Il n’y a pas de quantité maximale de dermocorticoïde recommandée en phase d’attaque. Tout dépend de la sévérité des lésions, de leur aspect et de leur étendue : le traitement d’attaque peut ainsi aller de quelques jours à plusieurs semaines.
Traitement d’entretien : les émollients sont appliqués en relais. En cas de nouvelle poussée, le dermocorticoïde est repris dès les premiers signes d’apparition de la maladie (rougeurs, démangeaisons). Un traitement réactif précoce permet de traiter plus rapidement la poussée.
Un traitement d’entretien reposant sur l’application d’un dermocorticoïde d’activité forte 2 fois par semaine (AMM pour la fluticasone) sur les zones habituellement atteintes est également possible. Ce traitement dit « proactif » est indiqué en cas de poussées rapprochées.


EN CAS D’ÉCHEC

L’adhésion au traitement et l’observance sont particulièrement difficiles à obtenir : coût des émollients, oublis, lassitude, manque de temps, corticophobie… Cette dernière constitue la principale source d’échecs thérapeutiques et doit être explorée devant toute persistance ou aggravation des lésions d’eczéma : l’éducation thérapeutique doit être renforcée et le traitement de première intention doit être repris.
En cas d’échec du traitement dermocorticoïde bien conduit, des traitements de 2e intention sont prescrits après avis spécialisé et élimination de facteurs aggravants (allergies alimentaires, eczéma de contact aux dermocorticoïdes…).

TACROLIMUS TOPIQUE

Il est indiqué à partir de 2 ans dans les poussées modérées à sévères en cas d’échec des dermocorticoïdes, ainsi qu’en traitement d’entretien chez des patients ayant des poussées d’eczéma fréquentes (au moins 4 par an). Il n’est pas remboursé chez l’enfant avant 16 ans. Selon la HAS, il peut être utilisé chez l'adulte et l'adolescent de plus de 16 ans en cas de dermatite atopique sévère après échec des dermocorticoïdes. En pratique, de nombreux experts considèrent qu’il présente un intérêt en cas de lésions du visage et des paupières, zones où l’on peut craindre des répercussions de la corticothérapie locale répétée et/ou prolongée (atrophie cutanée).

TRAITEMENT SYSTÉMIQUE

La ciclosporine a une AMM dans le traitement de la dermatite atopique sévère de l’adulte. Elle est parfois employée hors AMM chez l’enfant. Le traitement n’est que suspensif : il permet surtout de passer un cap inflammatoire avant de reprendre les traitements locaux seuls. D’autres immunosuppresseurs sont parfois utilisés hors AMM (méthotrexate, azathioprine, mycophénolate mofétil).
La photothérapie est un traitement proposé à l’adulte, voire aux enfants dès 8-10 ans, qui présentent des formes chroniques sévères de la maladie (ce n’est pas un traitement des poussées). Le risque carcinogène en limite les indications.

TRAITEMENTS


DERMOCORTICOÏDES

Ils sont classés en fonction de leur puissance d’action, de la classe I (activité faible) à la classe IV (activité très forte), selon la classification internationale ; la classification française (AMM) étant en sens inverse. Le niveau d'activité du dermocorticoïde (DC) dépend de la molécule active elle-même, mais aussi de ses sels, de sa concentration et/ou de la nature des excipients (voir tableau p. 13).
Les DC d’activité faible ne sont pas utilisés dans la dermatite atopique, du fait d’une efficacité insuffisante.
Les DC d’activité modérée sont surtout utilisés chez le nourrisson (corps et visage) ainsi que sur le visage chez l’adulte.
Les DC d’activité forte le sont sur des lésions résistantes aux précédentes, principalement sur le corps, voire le visage chez l’adulte.
Les DC d’activité très forte sont parfois prescrits chez l’adulte en cas de plaques d’eczéma rebelles. Ils sont généralement contre-indiqués chez le nourrisson et le jeune enfant.
Les dilutions de dermocorticoïdes sous forme de préparations magistrales ne sont plus recommandées, y compris chez l’enfant (des spécialités étant adaptées aux jeunes patients).

CHOIX DE LA GALÉNIQUE

Les formes crème peuvent être appliquées sur tous types de lésions ; elles sont bien adaptées aux plaques suintantes et aux plis. Les formes pommade, plus grasses, sont prescrites sur les plaques lichénifiées : leur effet occlusif augmente l’hydratation et la pénétration. Les formes émulsion (plus légères qu’une crème) sont adaptées aux régions pileuses et les lotions, au cuir chevelu.

MODALITÉS D’APPLICATION

Les dermocorticoïdes s’appliquent une fois par jour, le soir après la toilette, de préférence lorsque la peau est encore un peu humide. L’application est poursuivie jusqu’à complète disparition des lésions, sans arrêt progressif (pas de risque d’effet rebond, contrairement à un traitement systémique).
La quantité de dermocorticoïde nécessaire à la disparition des lésions est très variable d’un patient à un autre. L’unité phalangette est quelquefois utilisée pour aider le patient à évaluer la dose à appliquer.

EFFETS INDÉSIRABLES

Locaux. Rares chez l’enfant et aux posologies usuelles : atrophie cutanée, télangiectasies, dépigmentation, retard de cicatrisation, voire vergetures, hypertrichose, aggravation d’une rosacée, acné, infections cutanées (essentiellement aggravation d’infections virales) ; exceptionnellement cataracte, glaucome en cas d’application sur les paupières. Ces effets indésirables s’observent principalement avec des dermocorticoïdes d’activité forte à très forte, en application prolongée et/ou sur de grandes étendues. Ils sont le plus souvent réversibles à l’arrêt du traitement.
Systémiques. Décrits mais non observés aux doses recommandées, y compris chez l’enfant : insuffisance surrénalienne, prise de poids, troubles de la croissance (par analogie avec les corticoïdes systémiques).
Allergie de contact. La résistance au traitement bien conduit et/ou à l’apparition de nouvelles lésions doivent faire suspecter une sensibilisation au dermocorticoïde prescrit et peuvent conduire à des explorations allergologiques.


TACROLIMUS TOPIQUE

C’est un traitement de seconde intention qui n’induit pas d’atrophie cutanée, ce qui le fait parfois privilégier en cas d’atteinte du visage et/ou des paupières ou encore des plis axillaires et inguinaux.

EFFETS INDÉSIRABLES

Très fréquents et bénins : sensation de chaleur voire de brûlure associée à un prurit intense régressant au bout de quelques jours, intolérance à l’alcool (rougeur du visage, irritations de la peau). L’exposition au soleil doit être réduite durant le traitement et nécessite une protection adaptée (vêtements couvrants, crème solaire très haute protection).
Rares et graves : infections sévères notamment herpétiques ; à long terme, risque potentiel d'infections ou de cancers cutanés liés à une immunosuppression locale (à ce jour, aucune étude ne montre un sur-risque de cancers cutanés ou de lymphomes).

LÉGISLATION

Prescription réservée aux dermatologues et aux pédiatres. Remboursement dans certains cas sur une ordonnance d'exception.


CICLOSPORINE

La ciclosporine (Néoral) s’utilise dans la dermatite atopique chez l’adulte à la dose de 2,5 à 5 mg/kg/j (doses très inférieures à celles des patients greffés). L’efficacité s’obtient au bout d’un mois environ, l’effet maximal au bout de 3 à 4 mois. Durant le traitement (généralement 6 à 12 mois), les traitements locaux, dermocorticoïdes et émollients sont maintenus. Une surveillance régulière de la fonction rénale et de la pression artérielle est nécessaire durant le traitement ainsi que de la fonction hépatique.

EFFETS INDÉSIRABLES

Beaucoup sont dose-dépendants donc relativement limités dans la dermatite atopique : néphrotoxicité, HTA, hirsutisme, hyperplasie gingivale, troubles digestifs, fatigue, céphalées, myalgies, tremblements, paresthésies, hépatotoxicité, hyperglycémie, perturbations biologiques (hyperlipidémie, hyperglycémie…), augmentation du risque infectieux. Augmentation potentielle du risque de lymphomes et autres cancers.

INTERACTIONS

Elles sont nombreuses, car la ciclosporine est à la fois substrat et inhibiteur du CYP3A4 et de la glycoprotéine P (voir encadré page 10). Parmi les associations déconseillées : amiodarone, colchicine, diurétiques épargneurs de potassium, répaglinide, jus de pamplemousse, ritonavir, certains macrolides (ex. : clarithromycine, érythromycine) et antifongiques azolés (ex. : kétoconazole). L’association à des molécules comme la nifédipine ou la phénytoïne augmente le risque d’hyperplasie gingivale.

LÉGISLATION

Prescription initiale hospitalière semestrielle.


EMOLLIENTS

Outre les cosmétiques (gammes « peaux atopiques »), des formules remboursées peuvent être intéressantes pour les patients : l’association glycérol/vaseline/paraffine liquide ; le dispositif médical Atopiclair (remboursé à 60 % sur la base de la LPPR soit 2,04 €) ; des préparations magistrales (notamment le glycérolé d’amidon, apaisant et anti-prurigineux, mélangé à une base grasse) remboursables si l’ordonnance comporte la mention « prescription à but thérapeutique en l’absence de spécialités équivalentes disponibles ».
Galéniques. Les formes lait et émulsion (textures très légères) conviennent en cas de xérose légère à modérée et sont plus agréables l’été ; les formes crème conviennent toute l’année sur des peaux sèches ; les formes baume et cérat (textures très riches) sont intéressantes en hiver ou en cas de xérose sévère.
En cas d’irritation ou d’intolérance. S’assurer que le produit n’a pas été appliqué sur les plaques d’eczéma. Proposer un autre émollient.
A noter : certains émollients revendiquent une application au début d'une poussée (symptômes légers), seuls ou en association à des dermocorticoïdes.

AUTRES

Antihistaminiques. Le prurit ne semble que partiellement dû à l’histamine, d’où une efficacité relative et variable des anti-H1 d’un patient à un autre.
Les molécules les plus sédatives comme l’hydroxyzine sont surtout employées pour l’insomnie induite par le prurit.
Anti-infectieux. En cas de surinfection bactérienne, on fait appel à des antibiotiques locaux (acide fusidique, mupirocine) ou généraux (amoxicilline/acide clavulanique, pristinamycine…). Les surinfections herpétiques sont potentiellement graves : des antiviraux sont indispensables, parfois par voie injectable (aciclovir).
Les traitements anti-inflammatoires locaux sont généralement suspendus jusqu’à guérison de l’épisode infectieux.


PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

Des essais cliniques ont récemment été mis en place afin de tester un anticorps monoclonal anti-IL31 appelé dupilumab. Celui-ci pourrait faire basculer la prise en charge des dermatites atopiques rebelles dans le champ des biothérapies. 
 Par Florence Leandro, pharmacienne d’officine, avec la collaboration du D r Stéphanie Mallet

CE QUI A CHANGÉ


•  Dexeryl : déremboursement en juillet 2016 ; les génériques restent remboursés.


•  Tacrolimus topique : dans un avis de 2013, la HAS considère que le tacrolimus n’a pas de place dans le traitement de la dermatite atopique de l’enfant (de moins de 16 ans), ni en traitement d’entretien chez l’enfant ou chez l’adulte (dans cette indication les applications sont bihebdomadaires et non quotidiennes).

vigilance !!!

Les contre-indications que le pharmacien doit connaître :


•  Dermocorticoïdes : dermatoses infectieuses (varicelle, herpès…), lésions ulcérées, acné, rosacée.

A noter : certains RCP contre-indiquent l’application sur les paupières ou sous occlusion. En pratique, de telles applications sont toutefois prescrites, si nécessaire, sur de courtes périodes.


•  Tacrolimus topique : enfant de moins de 2 ans.

Pointdevue

Dr Stéphanie Mallet, dermatologue à l’Hôpital de la Timone à Marseille

Chez un grand enfant, en entretien, un eczéma modéré nécessite 1 à 2 tubes par mois en moyenne

Faut-il s’inquiéter lorsqu’un patient a recours à un nombre élevé de tube de dermocorticoïdes ?

Il est impossible de donner une limite. C’est extrêmement variable selon l’âge, la corpulence, le type de peau, l’extension des lésions, leur localisation et le caractère suintant ou lichénifié. De plus, cette notion de limite entretient la corticophobie aussi bien chez le patient que chez les professionnels de santé. Demander au patient de compter ses tubes entre deux visites est davantage un critère indirect d’évaluation de la sévérité de l’atteinte pour le médecin. A titre indicatif, un grand enfant (6 à 7 ans en moyenne) atteint d’un eczéma modéré au long cours, utilise de un à deux tubes par mois en moyenne. En poussées, cela peut aller jusqu’à un tube par jour, ou même plus !

A qui s’adressent les « écoles de l’atopie »* ?

Pas seulement aux patients qui ont un eczéma sévère, mais à tous ceux (parents, enfants…) qui vivent mal la maladie : poussées affichantes, démangeaisons insomniantes, corticophobie, mamans qui culpabilisent, ados mal dans leur peau, ou encore, pour les enfants notamment : des ateliers « anti-grattage » ou « technique de crémage ».

Quel est l’intérêt des pansements humides ?

Cette technique est parfois proposée à l’hôpital avec, si besoin, l’application sous le pansement d’un dermocorticoïde en cas de lésions lichénifiées (peau très épaisse) : le but étant d’intensifier la chaleur et l’humidité locale pour augmenter la pénétration des dermocorticoïdes. Cela génère également un effet apaisant, et protège la peau des coups d’ongles.

* Liste non exhaustive des programmes d’éducation thérapeutique sur fondation-dermatite-atopique.org ou renseignement auprès des CHU.

ACCOMPAGNER LE PATIENT 

CÉCILE, 26 ANS, TECHNICIENNE

« Mes souvenirs commencent vers 10 ans : j’avais régulièrement des poussées d'eczéma au niveau des plis, surtout en été avec la transpiration. Je "jonglais" entre dermocorticoïdes et émollients. Et puis j’ai passé une période où les plaques ne disparaissaient jamais totalement. Je me suis décidée à consulter un spécialiste à l’hôpital qui m'a bien expliqué comment appliquer les traitements. Du coup, les plaques sont parties rapidement en une semaine ! En fait, je ne mettais pas assez de cortisone ou j'arrêtais trop vite. »

LA DERMATITE ATOPIQUE VUE PAR LES PARENTS


IMPACT PSYCHOLOGIQUE

Les parents sont souvent las et culpabilisent. L’histoire de leur enfant est généralement typique : diagnostic posé par le généraliste ou le pédiatre ; consultations chez plusieurs dermatologues, « par manque d’efficacité des traitements » (liée à une mauvaise compréhension du maniement des corticoïdes le plus souvent), voire pour certains chez un allergologue pour des explorations multiples et pas toujours justifiées.
Chez le nourrisson, les lésions sont souvent impressionnantes. Le nourrisson se tortille dans son lit ou la poussette, pleure souvent et se réveille la nuit à cause du prurit, d’où un retentissement important sur la vie familiale.
Chez les enfants, adolescents et adultes, l’impact esthétique peut être important (cou, mains…) : phobie sociale, dépression, retentissement sur la scolarité…


IMPACT SUR LA VIE QUOTIDIENNE

Le prurit est notamment à l’origine de troubles du sommeil. De nombreux patients limitent leurs activités (baignades, sport…) par crainte d’aggravation des lésions.


À DIRE AUX PATIENTS


A PROPOS DE LA PATHOLOGIE

Comprendre : la dermatite atopique est une pathologie chronique. Quelques applications de dermocorticoïdes ne suffisent pas à la faire disparaître. Toutefois, même s’il n’y a pas de règles, dans environ 80 % des cas, elle a disparu à l’adolescence.
Environnement et alimentation :comme dans toute maladie atopique, le déclenchement des poussées est lié à des allergènes. Toutefois ceux-ci sont potentiellement très nombreux et rarement identifiés. Il n’y a donc pas lieu de retarder la diversification alimentaire chez des enfants atopiques ou à risque. L’allaitement au biberon ne semble pas non plus jouer de rôle dans l’apparition de la maladie. Aucun régime alimentaire d’éviction ne doit être mis en place sans un bilan allergologique préalable (entrepris en cas de résistance à un traitement bien conduit ou devant des manifestations évocatrices : urticaire dans les minutes suivant l’ingestion d’un aliment, troubles digestifs, stagnation pondérale). Il n’y a pas lieu non plus de remettre en cause la présence d’animaux (chats, chiens ; sauf eczéma sévère en présence d’un chat). Concernant, l’habitat, il est recommandé de ne pas surchauffer (ni de « surcouvrir » le patient) en raison d’une mauvaise tolérance à la chaleur et à la transpiration qui favorise parfois les poussées. Concernant les acariens, des mesures de bon sens suffisent (voir page 5). Le tabagisme est à proscrire, a fortiori en cas d’asthme associé.
Sports et activités : bien se rincer après les baignades en mer ou en piscine, car le chlore ou le sel irritent et dessèchent la peau. L’application d’une crème barrière sur les plaques avant la baignade, permet d’isoler la peau (Bariéderm, Exomega Crème barrière…). Après la baignade, penser à appliquer une crème émolliente. Concernant les activités sportives, la transpiration favorisant les démangeaisons, il est conseillé d’appliquer ou réappliquer suffisamment d’émollient avant le sport (rôle protecteur). Une crème solaire haute protection est recommandée en cas d’exposition au soleil. Aucun filtre solaire n’est à privilégier en particulier (les plus allergisants ont quasiment disparu des formulations), mais il faut veiller à choisir une formule sans parfum ni conservateurs à risque (gammes enfants ou pour peaux atopiques généralement).
Hygiène, soins et vêtements : éviter les matières synthétiques et la laine, irritantes, et préférer les matières naturelles (coton, lin…). L’achat de lessives spéciales est inutile ; une machine assurant un bon rinçage du linge suffit ; déconseiller les adoucissants. Concernant les produits d’hygiène et de soins, éviter dans tous les cas ceux renfermant des substances potentiellement allergisantes : lanoline, parfums, huiles essentielles, huile d’amande douce, certains conservateurs (type parabens)… Vaporiser parfum ou eau de toilette sur un vêtement, jamais sur la peau.
Dermatoses : pas de contact rapproché avec une personne ayant une poussée d’herpès (surtout en cas de lésions inflammatoires d’eczéma).


A PROPOS DU TRAITEMENT

Lutter contre la corticophobie : limiter la quantité ou la durée d’application du traitement est source d’échecs thérapeutiques. Il faut expliquer que traiter tôt et jusqu’à guérison complète permet de moins « consommer » de dermocorticoïde au long cours. Rassurer sur les effets indésirables qui sont rares, locaux et réversibles dans la grande majorité des cas. Pour les limiter, pas plus d’une application par jour et pas sur le visage ni sous occlusion (y compris couches) sans l’avis du médecin. A noter : l’occlusion est une aide thérapeutique dans certains cas (lésions lichénifiées…).
Rappeler la stratégie :application du dermocorticoïde une fois par jour en couche fine mais suffisante jusqu’à disparition complète des rougeurs et du prurit. Puis, relais par l'émollient quotidiennement. Reprise du dermocorticoïde précocement en cas de nouvelles poussées.
Tacrolimus : une sensation de chaleur et de prurit est fréquente à l’application la première semaine de traitement. La consommation d’alcool peut provoquer des rougeurs et des irritations de la peau. Limiter les expositions solaires ou prévoir des vêtements couvrants, une crème solaire haute protection, voire suspendre le traitement sur avis médical.
Signes d’alerte : consulter rapidement devant toute aggravation des lésions sous topique anti-inflammatoire. Une dermatose cutanée (herpès, varicelle, Molluscum contagiosum…) nécessite d’interrompre le traitement jusqu’à guérison.
Cures thermales : leur efficacité est variable, mais elles permettent de faire un point sur l’éducation thérapeutique. 

question de patient

Les probiotiques sont-ils utiles ? « Il n’y a pas actuellement de niveaux de preuve assez forts pour leur reconnaître une efficacité, même si certaines études chez la femme enceinte ou allaitante sont encourageantes. De même, homéopathie, phytothérapie et compléments alimentaires, acupuncture, hypnose ou encore ostéopathie restent des méthodes insuffisamment évaluées. »

question de paTIEnt

Que faire, il n’arrête pas de se gratter ? « Le grattage entretient les lésions, favorise l’épaississement de la peau et expose au risque de surinfection. Les écoles de l’atopie proposent des alternatives au grattage : hydratation cutanée suffisante, pulvérisations d’eau thermale froide (la mettre au réfrigérateur éventuellement) ou application de poches de froid avant l’émollient. »

EN SAVOIR PLUS

associationeczema.fr (Association française de l’eczéma)

cespharm.fr

Onglet Espace thématique/ Dermatologie : 2 brochures pour les patients élaborées en collaboration avec l’Association française de l’eczéma.

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES   ? 

MÉMO-DÉLIVRANCE

UN DERMOCORTICOÏDE (DC) EST PRESCRIT
Le patient sait-il où l’appliquer ?
Chez le nourrisson : DC d'activité modérée voire d'activité forte sur le corps en cas de lésions résistantes ou très inflammatoires. Chez l'adulte : DC d'activité modéré ou forte voire d'activité très forte sur des plaques rebelles sur une courte durée.
Les DC d'activité faible ne sont pas utilisés (efficacité insuffisante).
Comment ?
1 fois par jour le soir en couche fine mais suffisante (sinon la guérison sera plus difficile et longue à obtenir) jusqu’à disparition des rougeurs et démangeaisons, sans réduction progressive de posologie pouvant compliquer l’observance.
A-t-il « peur » des effets indésirables (corticophobie) ?
Ils sont rares – essentiellement locaux (effets systémiques décrits, mais non constatés en pratique) à type d’atrophie cutanée, télangiectasies – et le plus souvent réversibles à l’arrêt du traitement. Pour les limiter, pas d’application à proximité des yeux ou sous occlusion sans avis médical.

LE TACROLIMUS (PROTOPIC) EST PRESCRIT
Peut-il faire l’objet d’une prise en charge ?
Oui, si prescription chez l’adulte (plus de 16 ans ; dosage à 0,1 % ou 0,03 %) sur une ordonnance d’exception en traitement des poussées (application quotidienne ou biquotidienne). Prescription réservée aux dermatologues et pédiatres.
Le patient en connait-il les effets indésirables ?
Sensation de brûlure et prurit possible après l’application la 1re semaine de traitement. Risque d’intolérance à l’alcool (rougeur du visage, irritations cutanées). Exposition au soleil déconseillée.

CONCERNANT L’ÉMOLLIENT
Rappeler au patient qu'il constitue un véritable traitement de fond à poursuivre au long cours pour limiter de nouvelles poussées. Proscrire les ingrédients potentiellement allergisants : parfums, parabens, huile d’amande douce, lanoline.

LE PATIENT-PARENT A-T-IL COMPRIS LA STRATÉGIE DE TRAITEMENT ?
Le traitement n’est que symptomatique et doit être mené au long cours.
Le topique anti-inflammatoire (dermocorticoïdes ou tacrolimus) s’applique sur les plaques d’eczéma jusqu’à guérison complète. Plus on le commence tôt dès les premiers signes d’une nouvelle poussée (rougeurs, démangeaisons), plus la guérison est rapide et, moins on utilise de cortisone au long cours. Parfois, un traitement d’entretien (2 fois par semaine) est proposé.
L’émollient est appliqué au moins 1 fois par jour sur toute la peau saine et sur les zones d’eczéma guéries (risque de brûlure sur des lésions inflammatoires).
A savoir : stopper les applications du topique anti-inflammatoire en cas de dermatose cutanée (varicelle, herpès, Molluscum contagiosum…).
oui Le tacrolimus peut bien être prescrit sur des lésions d’eczéma du visage, y compris les paupières. La prescription sur une ordonnance d’exception conditionne le remboursement chez l’adulte et l’enfant de plus de 16 ans (non remboursé avant cet âge). Il s’agit ici du traitement d’une poussée (application quotidienne ou biquotidienne). Le traitement d’entretien (application bihebdomadaire) n’est pas remboursé.

 Par Delphine Guilloux, pharmacienne d’officine, avec la collaboration du D r Hélène Aubert

* antiamarile, tuberculose, rougeole, oreillons, rubéole, varicelle-zona. Sources : medicaments.gouv.fr ; Thesaurus ANSM septembre   2016.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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