Le PRADO vous ouvre ses portes - Le Moniteur des Pharmacies n° 3149 du 03/11/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3149 du 03/11/2016
 
RETOUR AU DOMICILE

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : ÉMILIE BOLLINGER 

Les programmes d’accompagnement par l’Assurance maladie des patients après une hospitalisation font encore globalement l’impasse sur l’officine. Les pharmaciens y ont pourtant toute leur place. Mais si ces dispositifs sont facteurs d’économies pour la collectivité, ils ne génèrent pour le moment pas de ressources supplémentaires pour l’officine.

Le sujet sera sûrement au menu de la négociation conventionnelle qui va s’ouvrir en janvier prochain entre les syndicats et l’Assurance maladie. Car, lorsqu’en 2010, celle-ci a lancé ses premières expérimentations de programmes d’accompagnement du retour à domicile (PRADO) par les professionnels de santé libéraux, elle semble avoir zappé les pharmaciens. Ces programmes, qui prennent un grand essor, visent à organiser, sous la houlette d’un conseiller de l’Assurance maladie, la prise en charge en ville du patient dans le cadre d’un protocole précisant l’intervention de chacun. Une demi-douzaine de situations sont aujourd’hui concernées, depuis les premières expériences sur les retours de maternité à la chirurgie orthopédique. «   Pendant longtemps, les pharmaciens n’étaient même pas représentés au comité de pilotage général des PRADO à l’Assurance maladie, déplore Philippe Gaertner, président de la FSPF. C’est chose réparée désormais, car nous avons obtenu, via l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS) un poste pour un pharmacien dans ce comité, il y a environ un an. Nous espérons que cela permettra d’envisager dorénavant, chaque fois qu’elle sera nécessaire, l’intervention du pharmacien dans ce type de prise en charge   ».

L’Assurance maladie rappelle que, désormais, les pharmaciens sont mentionnés dans le carnet de suivi identifiant les professionnels de santé qui accompagnent le patient dans le cas des nouveaux programmes sur l’insuffisance cardiaque, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et les plaies chroniques. Plus spécifiquement pour la BPCO, un mémo est remis aux pharmaciens lors de la visite du pharmacien-conseil au lancement du programme dans chaque département. Il récapitule les conseils de base à donner aux patients lors de la première délivrance et des renouvellements des traitements et rappelle les moyens de repérage et de prévention du risque d’effets indésirables.

L’expérimentation d’un PRADO sur le suivi des plaies chroniques a été lancée cette année sur dix territoires. En Haute-Garonne, le conseiller de l’Assurance maladie contacte la pharmacie choisie par le patient et lui adresse l’ordonnance de sortie d’hospitalisation. La Lorraine fait également partie des territoires d’expérimentation. «   Nous avons expressément demandé à être intégrés dans les programmes PRADO, explique Christophe Wilcke, président de l’URPS des pharmaciens dans le Grand Est. J’ai notamment échangé avec le médecin-conseil de la CPAM sur ce que nous pourrions faire concernant le suivi des patients ostéoporotiques   ». Un changement culturel, selon lui, s’opère au sein de l’Assurance maladie dont les services sont dirigés par des médecins.

Des premières données contradictoires

«   Le pharmacien fait partie, avec le généraliste et l’infirmière, des trois acteurs de base de la prise en charge en ville à la sortie des hospitalisations, rappelle Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Il était incompréhensible que les pharmaciens ne soient pas dans la boucle. Nous voulons particulièrement pouvoir anticiper la sortie d’hôpital pour ne pas nous retrouver dans une situation permanente d’urgence avec des besoins de matériel médical notamment   ».

L’objectif des PRADO peut-il déjà se voir sur les ordonnances ? Il est encore un peu tôt pour en tirer des conclusions, d’autant que les premières données peuvent sembler contradictoires. Concernant les PRADO « orthopédie » expérimentés à partir de 2012 et généralisés en octobre 2013, la dépense pour un patient après pose d’une prothèse du genou et orienté en service de soins de suite et de rééducation (SSR) était de 6 478 € en moyenne. Elle était de 2 410 € pour un patient dans un programme PRADO et 2 202 € pour un patient à domicile hors PRADO. «   Cela n’est pas étonnant car le PRADO prend en charge des patients plus lourds qui auraient été orientés vers un SSR voire une hospitalisation à domicile, analyse Gilles Bonnefond. La coordination permet de ne pas passer à côté d’un matériel médical ou d’un produit utile pour une bonne prise en charge en ville   ». Les dépenses de pharmacie sont ainsi de 379 € pour les « patients PRADO », 461 € pour les patients orientés en SSR et 466 € pour les hospitalisés à domicile. L’Assurance maladie estime que «   les séjours SSR évités grâce à l’accompagnement des patients dans leur rééducation en ville généreront une économie de 7   millions d’euros en 2016, et lorsque la généralisation complète sera atteinte, cette économie pourrait atteindre 22   millions d’euros   ».

Une prise en charge médicamenteuse globalement améliorée

L’accompagnement des patients après un épisode d’hospitalisation pour décompensation cardiaque par un PRADO se traduit par une moindre dépense de pharmacie : 775 € au total, six mois après la sortie d’hôpital, contre 921 € pour les autres. Mais surtout, la «   prise en charge médicamenteuse est globalement améliorée pour les patients PRADO, notamment concernant les taux de trithérapie et de bithérapie   » souligne l’Assurance maladie. Deux mois après l’hospitalisation, 47 % des insuffisants cardiaques intégrés au PRADO bénéficient d’une association bêtabloquant + IEC, contre 35 % pour les autres, et 45 % des patients PRADO sont traités par l’association bêtabloquant + IEC + diurétique, conformément aux recommandations de la Société française de cardiologie, contre 33 % des autres patients.

Pour les PRADO « maternité », la différence de dépenses en pharmacie des jeunes mères est minime, selon les premières estimations de la Sécu : 87 € pour celles qui sont dans le PRADO, contre 92 € pour les autres. «   Il faudra être attentif à ces évolutions économiques, note Philippe Gaertner. Et quand ce type d’accompagnement du patient sera plus avancé, il faudra réfléchir à un mode de rémunération approprié aux pharmaciens   ». Dans tous les cas, ces programmes illustrent le début du « virage ambulatoire » promu par les pouvoirs publics. 

À RETENIR


•  Une demi-douzaine de situations concernent aujourd’hui les programmes d’accompagnement du retour au domicile.

•  Les pharmaciens ne sont actuellement cités que dans le cas de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).

•  La mise en place de ces programmes a permis une économie de 7 millions d’euros en 2016 pour la collectivité.

REPÈRES 

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1 QUELS SONT LES OBJECTIFS DES PRADO ?

Pour ces programmes d’accompagnement du retour à domicile (PRADO), les conditions médicales de suivi par des professionnels de santé de ville sont définies dans le cadre d’un protocole de prise en charge validé par la Haute Autorité de santé. Ces programmes, dont certains sont encore en expérimentation, ont pour objectifs de réduire les durées de séjour à l’hôpital, d’éviter les recours « inappropriés » aux établissements de rééducation et de convalescence, et de prévenir les ré-hospitalisations.


2 QUELS SONT LES PATIENTS CONCERNÉS ?

Le programme est proposé par les équipes hospitalières aux patients majeurs, notamment en présence d’une insuffisance cardiaque ou d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Le PRADO « maternité » est proposé à toutes les femmes ayant accouché d’un seul enfant par voie basse et sans complication. Le PRADO « orthopédie » est destiné aux personnes ayant subi une opération sur une liste des 23 interventions les plus fréquentes, pose de prothèses de hanche ou de genou notamment.


3 QUELS PROFESSIONNELS DE SANTÉ Y SONT INTÉGRÉS ?

C’est un conseiller de l’Assurance maladie (CAM) qui s’occupe de prendre rendez-vous pour le patient avec les professionnels libéraux qu’il a choisi. Le CAM doit aussi accompagner l’assuré dans ses démarches administratives et sociales. Actuellement, 440 maternités publiques et privées proposent le programme aux femmes. De plus, 430 établissements adhèrent au programme « chirurgie orthopédique », 76 expérimentent un PRADO suite à une décompensation cardiaque, et 12 suite à une exacerbation de BPCO. En ville, les professionnels libéraux concernés sont essentiellement les médecins et les infirmières, ainsi que les sages-femmes pour la maternité, et les masseurs-kinésithérapeutes pour le PRADO « orthopédie ». Les pharmaciens ne sont cités explicitement que dans le programme en cours d’expérimentation sur la BPCO.


4 QUEL EST L’IMPACT DE CES PROGRAMMES ?

Selon les premières évaluations de l’Assurance maladie, les PRADO permettent une très légère diminution des durées d’hospitalisation : en maternité, 3,97 jours pour les femmes, contre 4,08 pour les autres. Plus intéressant, le délai d’intervention des professionnels de ville est beaucoup plus rapide. Par exemple, un patient intégré au dispositif est vu par un kinésithérapeute 2,7 jours après sa sortie d’hôpital suite à une pose de prothèse de hanche, contre 5,7 jours pour les autres. Et globalement, les patients sont davantage suivis en ville quand ils participent à un programme PRADO. Ainsi, après une hospitalisation pour décompensation cardiaque, 96 % ont reçu une visite d’infirmière à domicile, 99 % ont consulté leur médecin traitant et 58 % leur cardiologue, contre 75 %, 90 % et 36 % pour les autres.


5 D’AUTRES PROGRAMMES SONT-ILS PRÉVUS ?

Oui, le PRADO qui suit une hospitalisation pour décompensation cardiaque, expérimenté depuis 2014, va être généralisé au début de l’année prochaine. De même, le PRADO pour les patients ayant été hospitalisés après une exacerbation de BPCO, expérimenté sur 32 sites depuis mi-2015 a été poursuivi sur une quarantaine de sites cette année. Des expérimentations sont aussi en cours concernant l’amélioration du traitement des plaies chroniques après une hospitalisation, ainsi qu’en post-AVC. L’objectif de l’Assurance maladie est d’inclure au PRADO 650 000 assurés, tous programmes confondus, d’ici à la fin de l’année 2017. 
Émilie Bollinger

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