Veut-on écraser l’officine ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3144 du 24/09/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3144 du 24/09/2016
 
MAÎTRISE DES DÉPENSES DE SANTÉ

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : LOAN TRANTHIMY 

Pour la cinquième année consécutive, les officinaux devront faire face à des économies drastiques prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2017. Au grand dam des représentants des pharmaciens qui réclament au gouvernement un signal fort qui tarde à venir.

le miracle n’a pas eu lieu. Malgré les alertes répétées adressées par les syndicats de pharmaciens depuis plusieurs mois, Marisol Touraine n’a pas changé ses habitudes. Comme en 2016, les efforts d’économies contenus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2017 (PLFSS) vont peser sur le secteur pharmaceutique, dont l’officine. Sur les 4,4 milliards d’économies que devra réaliser l’assurance maladie, 940 millions d’euros proviennent directement des produits de santé. Cette somme comprend la baisse du prix des médicaments princeps et des dispositifs médicaux, la promotion et le développement des génériques ou encore les biosimilaires. Quels médicaments sont concernés par ces baisses de prix ? Si la ministre de la Santé reste silencieuse sur cette question, elle charge néanmoins le Comité économique des produits de santé (CEPS), dans sa lettre de cadrage envoyée le 17 août, de cibler «   les médicaments disponibles dans le panier des soins, de réfléchir à des niveaux de décote plus importants sur les génériques et intervenant plus rapidement qu'aujourd'hui, de prévoir une convergence des prix entre princeps et génériques   ». S’y ajoutent des mesures indirectes comme la maîtrise des volumes et de la structure de prescription des médicaments et dispositifs médicaux, ou encore la taxe sur les remises pour les industriels, qui ne feront pas l’affaire de l’officine. Même si les médecins libéraux ne se sont pas engagés à prescrire moins dans la nouvelle convention médicale, «   on sait que l’Assurance maladie a des moyens appelés “délits statistiques” pour contrôler les prescripteurs sur les territoires. Cela n’est pas sans conséquence sur le nombre de prescriptions   », commente Luc Duquesnel, président du syndicat Les Généralistes de la CSMF. Par ailleurs, «   la taxation des laboratoires pharmaceutiques a des répercussions sous la forme de baisse des remises pour l’officine, ou encore de durcissement des conditions commerciales   », avertit Philippe Besset. Le vice-président de la FSPF rappelle que : «   le PLFSS a fait perdre environ 220   millions d’euros au réseau en 2015, soit environ 10 000   euros par officine   ». En 2016, la note serait encore alourdie : «   De 220 à 250   millions d’euros. Pour 2017, ce serait 300   millions d’euros   », prévient-il.

Les écarts entre les pharmacies se creusent

Conséquences immédiates sur l’économie officinale : perte de marge, baisse des remises sur les génériques, baisse des chiffres d’affaires… Depuis quatre ans, la situation économique des officinaux continue à se dégrader : la réforme de la rémunération avec mise en place des honoraires en 2015 ne parvient pas à limiter la casse et les relais de croissance du côté des dispositifs médicaux et de la parapharmacie restent limités. Selon l’ordre des pharmaciens, les fermetures de pharmacie s’accélèrent : une pharmacie tous les deux jours en 2016, contre une tous les trois jours en 2015. La situation est d’autant plus inquiétante que les écarts entre les pharmacies continuent à se creuser entre les mieux loties (grandes pharmacies, pharmacies de centre commercial) et les plus affectées (petites officines…). «   Ce sont les mêmes officines qui sont touchées depuis plusieurs années, celles qui ont des patients chroniques   », ajoute Philippe Gaertner, président de la FSPF. «   Aujourd’hui, on sait que la pharmacie est la profession de santé la plus fragilisée. A l’exception de mauvaises gestions, je ne connais pas d’autres professionnels de santé qui licencient du personnel pour cause de faillite. Ce div va encore aggraver leur situation   », reconnaît Luc Duquesnel. Pour Stéphane Billon, économiste de la santé, l’objectif affiché du virage ambulatoire n’apparaît pas du tout dans ce div budgétaire. Au contraire, il va mettre à mal l’offre des soins ambulatoires, et provoquer la disparition des pharmacies. «   Le premier artisan des génériques c’est le pharmacien d’officine et non le médecin. Or le budget de la Sécurité sociale réduit la marge des officinaux à travers les baisses de prix. Il n’y a rien dans ce div en faveur du réseau officinal qui reste pourtant le dernier rempart face au désert médical. Rien n’est prévu pour que la pharmacie développe des services   », regrette l’expert.

Un plan pour la pharmacie

Face à la situation, les deux syndicats représentatifs de pharmaciens (FSPF et USPO) tentent d’alerter de nouveau la ministre de la Santé. Pour sortir la profession de cette ornière, ils demandent d’une seule voix l’évolution plus rapide du mode de rémunération de l’officine pour la rendre indépendante du prix et du volume des médicaments. «   La FSPF n’accompagnera pas la campagne de promotion des génériques, si nous n’avons pas de visibilité économique pour le réseau officinal, si nous n’avons pas de réponse sur le plan d’accompagnement pour la rémunération de l’officine   », déclare, déterminé, Philippe Gaertner. Le changement du mode de rémunération suffira-t-il pour sauver le réseau officinal ? Pas si sûr. Pour Frédéric Bizard, économiste de la santé, «   la pharmacie doit faire face à une rupture tellement forte de son modèle économique qu’il n’est plus possible de procéder par petites touches, comme la mise en place des nouvelles missions, ou encore le changement du mode de rémunération. Du distributeur de médicaments, le pharmacien doit devenir un prestataire de services, grâce à son expertise   », analyse-t-il. Pour cela, il est inutile d’attendre que l’Etat apporte des solutions. «   Il en est incapable. La profession doit se mobiliser pour élaborer un plan stratégique global et cohérent qui permette au pharmacien d’avoir de nouvelles ressources de rémunération   », reconnaît Frédéric Bizard. Le besoin est là. 

À RETENIR


•Les mesures du PLFSS 2017 fragilisent encore le réseau officinal.

•Les syndicats représentatifs réclament une évolution rapide du mode de rémunération. Ce qui reste insuffisant aux yeux des économistes de la santé qui plaident pour une réforme globale du métier de pharmacien.

REPÈRES 

L’ONDAM EN SIX QUESTIONS


1 QU’EST-CE QUE L’ONDAM ?

L’ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance maladie) est un montant prévisionnel établi annuellement pour les dépenses de l’Assurance maladie en France. Non limitatif, il est voté chaque année par le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Il englobe les soins de ville, les soins d’hospitalisation dispensés dans les hôpitaux privés ou publics, mais aussi dans les centres médicosociaux.


2 DE QUOI EST-IL COMPOSÉ ?

L’ONDAM est divisé en six enveloppes budgétaires : dépenses de soins de ville (honoraires et prescriptions), dépenses relatives aux établissements tarifés à l’activité, autres dépenses des établissements de santé, contribution aux dépenses des établissements et services pour personnes âgées, contribution aux dépenses des établissements et services pour personnes handicapées, dépenses relatives aux autres modes de prise en charge.


3 COMMENT SONT RÉPARTIES LES ENVELOPPES ?

Pour les soins de ville, les caisses de sécurité sociale négocient avec les professionnels de santé la répartition de l’enveloppe dans le cadre d’annexes aux conventions. Quant à l’hôpital, l’objectif est décliné par régions et donne lieu à une négociation entre les établissements et les agences régionales de santé créés à cette occasion.


4 Y A-T-IL UN ONDAM MÉDICAMENTS ?

Non. Malgré les demandes des acteurs du secteur pharmaceutique, les lois de financements successives de la Sécurité sociale (LFSS) ne comportent pas d’ONDAM pour le médicament. La régulation des dépenses des médicaments passe par des mécanismes bien connus que sont les baisses de prix, la promotion des génériques ou encore la rationalisation des prescriptions.


5 QUEL EST LE MÉCANISME PRÉVU EN CAS DE DÉPASSEMENT DE L’ONDAM ?

Créé par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie est chargé « d’alerter le Parlement, le gouvernement, les caisses nationales d’assurance maladie et l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaires en cas d’évolution des dépenses d’assurance maladie incompatible avec le respect de l’objectif national voté par le Parlement ». Ainsi, en cas de dépassement de l’ONDAM de plus de 0,5 % (ou de risque sérieux de dépassement), il peut prendre toute mesure nécessaire pour contenir ce dépassement.


6 COMMENT EST ADOPTÉ L’ONDAM ?

Le parlement adopte tous les ans la LFSS dont l’ONDAM, en même temps que la loi de finances. Il dispose d’un droit de regard sur l’équilibre financier de la Sécurité sociale, même si son contrôle reste limité. En effet, le parlement ne fait que se prononcer sur les grandes orientations des politiques de santé et de Sécurité sociale, et sur leur mode de financement. Il n’a pas le droit de fixer lui-même les recettes, contrairement à ses prérogatives sur le budget voté dans le cadre de la loi de finances. De même, il évalue les objectifs de dépense, mais ne les limite pas. La Cour des comptes est chargée de contrôler l’application de la LFSS.
François Pouzaud .

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