« Je voudrais un produit pour les yeux rouges et collés »
Expertise
Dialogue
Auteur(s) : NATHALIE BELIN
1 Quels sont vos symptômes ?
Une femme de 50 ans : Bonjour, mes yeux sont irrités en ce moment… Vous auriez quelque chose ?
Le pharmacien : Pourriez-vous être plus précise ? Ça vous pique ? Avez-vous des douleurs ? La vue baisse ?
- Oui, j’ai l’impression de voir trouble et mes yeux sont douloureux.
Certains symptômes sont à rechercher systématiquement car ils évoquent une pathologie plus grave, type glaucome ou kératite, nécessitant une consultation ophtalmologique rapide (urgences ophtalmiques, si nécessaire) : toute baisse, même modérée, de l’acuité visuelle, des douleurs oculaires ou une photophobie, des sécrétions purulentes, un larmoiement ou un œdème palpébral importants, un œil dur, des nausées ou céphalées associées à un œil rouge.
2 Quel est le condiv ?
Un homme d’une trentaine d’années : J’ai l’œil rouge et irrité depuis hier, et ce matin ma paupière était complètement collée. Vous pourriez m’indiquer un traitement ?
Le pharmacien : Portez-vous des lentilles ?
- D’habitude oui, mais aujourd’hui, je ne les supporte pas.
Les lentilles de contact constituent le facteur de risque principal des conjonctivites et kératites microbiennes graves. C’est pourquoi un avis ophtalmologique doit être systématiquement recommandé dans les plus brefs délais chez les porteurs de lentilles. En attendant, des lavages oculaires peuvent être effectués. Dans tous les cas, les lentilles doivent être retirées immédiatement et jetées ou désinfectées, en fonction du type de lentilles. Ne plus en porter avant la guérison complète.
3Avez-vous une pathologie particulière ?
Mme André, 52 ans : Bonjour, pourriez-vous me donner un collyre ? Mes yeux coulent et me gênent… Et ils sont tout rouges !
Le pharmacien : En effet ! rappelez-moi, vous prenez bien des médicaments contre le diabète ?
Certaines pathologies exposent à un risque d’évolution grave d’une conjonctivite et imposent une consultation médicale : immunodépression, diabète mal équilibré, syndrome sec… Il en est de même si les symptômes apparaissent chez un patient sous corticothérapie locale au niveau de l’œil. Tout antécédent de chirurgie oculaire datant de moins d’1 mois nécessite également un avis ophtalmique urgent.
4Prenez-vous d’autres médicaments ?
Mme Dupont : je voudrais du Dacryoserum pour mon mari. Ses yeux sont rouges et irrités depuis quelques jours…
Le pharmacien : il me semble que votre mari prend un médicament pour son cancer du poumon ?
- Oui, Tarceva.
Les anti-EGFR (erlotinib, afatinib, géfitinib) ou encore l’isotrétinoïne sont à l’origine d’une sécheresse oculaire nécessitant l’emploi systématique de substituts lacrymaux et pouvant parfois entraîner des troubles plus sévères (conjonctivite, kératite…). D’autres médicaments peuvent être à l’origine de troubles oculaires : abatacept, nicorandil (impliqué dans des ulcérations oculaires), chloroquine… Des irritations peuvent également être liées au conservateur (notamment au chlorure de benzalkonium) présent dans certaines formes « flacon » de collyres indiqués en traitement de fond (glaucome notamment). Toutes ces situations requièrent un avis médical.
5Savez-vous comment utiliser le collyre ?
Une femme de 35 ans posant une boîte de Dacryum sur le comptoir : Mon fils de 8 ans commence à se frotter les yeux… il a dû attraper la conjonctivite de son petit frère ! J’ai un flacon de Vitabact ouvert il y a 15 jours… je peux lui en mettre ?
Le pharmacien : Le flacon se conserve un mois après l’ouverture, mais il serait plus prudent de le changer. Prenez plutôt les unidoses, plus hygiéniques.
Un flacon ne doit pas être utilisé par plusieurs patients (risque de contamination s’il a été en contact avec l’œil ou les cils de l’utilisateur précédent). Les unidoses permettent de traiter les 2 yeux, si besoin, et se jettent après utilisation. Rappeler les règles d’instillation du collyre : lavage des mains, instillation en regardant vers le haut et en tirant doucement la paupière inférieure vers le bas sans toucher les cils ni l’œil. Les flacons de collyres antiseptiques se conservent 15 à 30 jours après ouverture. Recommander, dans tous les cas, de jeter le flacon à la fin du traitement (généralement 5 à 10 jours).
L’ESSENTIEL SUR LES TRAITEMENTS
Ammoniums quaternaires (cétylpyridinium, céthexonium…) : Sédacollyre, Biocidan, Monosept, Novoptine ; amidines (hexamidine, picloxydine…) : Désomédine, Vitabact…
Pour qui ? En cas de conjonctivite bactérienne notamment, ou virale. Traitement de 5 à 7 jours sans excéder 15 jours en automédication.
Des effets indésirables ? Gêne visuelle passagère voire irritations en cas de traitement prolongé. Les ammoniums quaternaires sont incompatibles avec les lentilles de contact souples hydrophiles.
Des interactions ? En cas de traitement concomitant par un autre collyre, espacer les instillations de 10 à 15 minutes.
Antiseptiques et vasoconstricteurs
Association chlorhexidine et phényléphrine (Visiodose) non recommandée en raison du risque de glaucome par fermeture de l’angle.
Pour qui ? À partir de 12 ans en cas de conjonctivite infectieuse. Traitement limité à 3 jours.
Des effets indésirables ? Irritations transitoires, risque de glaucome à angle fermé et, en cas d’instillations répétées, de mydriase, d’élévation de la pression artérielle, de céphalées…
Quand l’éviter ? Patients hypertendus, affection cardiaque. Contre-indiquée si risque de glaucome par fermeture de l’angle, au 1e trimestre de la grossesse, en cas d’allaitement.
Des interactions ? Contre-indiquée avec les sympathomimétiques indirects (pseudo-éphédrine, éphédrine, méthylphénidate, bupropion…), risque de vasoconstriction ou crises hypertensives. Attendre 10 à 15 minutes avant d’instiller un autre collyre.
Collyres « anti-irritation »
Acide salicylique (Antalyre, Sophtal) ; à base d’euphrasia (Vidisan), de plantain (Sensivision) ; collyre homéopathique (Homéoptic).
Pour qui ? En cas de conjonctivite irritative. Maximum 8 à 10 jours de traitement.
Des effets indésirables ? Gêne visuelle passagère, irritations si présence de conservateur dans les formes multidoses.
Des interactions ? Respecter un intervalle de 10 à 15 minutes entre plusieurs collyres et terminer toujours par le plus visqueux.
Autres
Lavage oculaire pluriquotidien, et éventuellement substituts lacrymaux pour le confort.
Mesures d’hygiène
Ne pas se frotter les yeux, se laver souvent les mains, éviter les contacts rapprochés, utiliser un linge de toilette personnel et le changer régulièrement, ne pas se maquiller les yeux pendant le traitement. En cas de port de lentilles, les retirer jusqu'à la complète guérison.
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