Les anticorps monoclonaux, ce nouvel eldorado - Le Moniteur des Pharmacies n° 3140 du 27/08/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3140 du 27/08/2016
 
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Enquête

Auteur(s) : AFSANÉ SABOUHI 

Au début des années 2000, ils étaient réservés à des indications tumorales et développés par des petites entreprises de biotechnologie. Aujourd’hui, les anticorps monoclonaux intéressent les poids lourds de l’industrie pharmaceutique, et leurs indications sont de plus en plus variées, de l’asthme à l’hypercholestérolémie.

En 2015, huit nouveaux anticorps monoclonaux ont obtenu l’approbation des autorités européennes du médicament. Et 53 de ces molécules sont en cours d’essai de phase 3 aux Etats-Unis, autrement dit, devraient présenter une AMM à un horizon de 2 ans. Pour l’industrie pharmaceutique, l’immunothérapie ciblée est un secteur en plein essor en oncologie et dans les maladies inflammatoires, mais aussi désormais dans les sphères infectieuse, cardiovasculaire et dermatologique. «   La tendance dure depuis des années et va se poursuivre. Les blockbusters actuels et à venir sur le marché du médicament sont en grande partie des anticorps monoclonaux », analyse Volker Bischoff, consultant pour la société de conseil Alcimed.

Ces molécules sont naturellement produites par le système immunitaire. Elles reconnaissent un antigène présent dans l’organisme et recrutent ainsi les cellules immunitaires nécessaires à la destruction de cet élément étranger. Les anticorps sont dits monoclonaux car ils sont produits in vitro à partir d’une seule cellule clonée en milliers d’exemplaires. «   Il y a plusieurs différences entre ces biomédicaments et des molécules produites chimiquement, explique Christophe Passot, pharmacien du laboratoire de pharmacologie et toxicologie du CHU de Tours et chercheur au sein de l’unité CNRS 7292 Génétique immunologie chimie et cancer (GICC). Leur taille d’abord : un anticorps est 1 000 fois plus gros qu’une molécule d’aspirine. Leur mode de production par le vivant soulève des problématiques spécifiques de variabilité entre les lots, et leur pharmacocinétique est très différente. Alors qu’un médicament chimique a une demi-vie d’élimination de l’ordre de quelques minutes à quelques heures, un anticorps a une demi-vie de 2 à 3 semaines, ce qui explique des prises de traitement très espacées   ».

Evolution, étendue et diversification

La technique de production des anticorps monoclonaux murins a été mise au point en 1975 par le biologiste allemand Georges Köhler et le biochimiste argentin César Milstein. Elle leur vaudra le Prix Nobel en 1984. En 1988, le biologiste moléculaire américain Greg Winter élabore les premiers anticorps humanisés, c’est-à-dire dont toutes les séquences d’acides aminés provenant de la souris ont été remplacées par des séquences humaines, à l’exception des régions de reconnaissance de l’antigène. C’est le trastuzumab (Herceptin) puis le bevacizumab (Avastin) et le début de l’utilisation thérapeutique des anticorps monoclonaux. On doit à ce biologiste la conception des premiers anticorps monoclonaux complètement humains, dont l’adalimumab (Humira) qui fut le premier à obtenir une AMM en France en 2003.

Historiquement, les maladies tumorales et immuno- inflammatoires représentent le premier terreau de développement de ces biomédicaments. Mais aujourd’hui, de nombreuses autres spécialités sont concernées par cette forme d’immunothérapie ciblée. «   Le basiliximab (Simulect) est utilisé comme antirejet dans les greffes rénales, l’abciximab (Reopro) est indiqué en hématologie en prévention de complications ischémiques après un infarctus ou une angioplastie, le palivizumab (Synagis) est prescrit en prophylaxie aux nourrissons à risque contre le virus respiratoire syncytial. En allergologie, on utilise l’omalizumab (Xolair) et le mépolizumab (Nucala) contre l’asthme   », énumère Christophe Passot. Dernière nouveauté : les anti-PSK9 dans le domaine cardiovasculaire. L’alirocumab (Praluent) et l’évolocumab (Repatha) sont les premiers représentants d’une nouvelle classe de médicaments ciblant les enzymes chargées de dégrader les récepteurs cellulaires du LDL-cholestérol. Ils sont indiqués dans le traitement des hypercholestérolémies familiales et/ou résistantes aux statines et les dyslipidémies. De nouveaux anticorps sont attendus contre le psoriasis, la migraine ou encore les infections à Clostridium difficile.

Une manne commerciale imminente

Le marché français de ce type de traitements est estimé à 7,9 milliards de dollars en 2018, selon Les Echos. D’où le vif intérêt des big pharma pour les biotechnologies. En 2009, Roche rachète Genentech, qui compte Herceptin, Avastin et Mabthera dans son portefeuille. La même année, BMS met la main sur Medarex et sur deux pépites de son pipeline, l’ipilimumab et le nivolumab, qui ont depuis, transformé la prise en charge du mélanome. En 2011, c’est au tour de Sanofi d’avaler Genzyme. «   Les anticorps monoclonaux sont un des domaines de développement les plus importants pour les laboratoires pharmaceutiques qui rachètent des biotechs, collaborent avec d'autres laboratoires et investissent dans leur propre R&D. Roche par exemple, a plus de 30 anticorps monoclonaux dans son pipeline, des phases de recherche aux essais de phase 3   », indique Volker Bischoff.

Une ombre au tableau concerne la tolérance des anticorps monoclonaux. «   Ils sont plutôt bien tolérés, mais leurs effets indésirables rares peuvent être graves   », souligne Christophe Passot. En 2006, un essai clinique a brutalement été interrompu au Royaume-Uni, l’anticorps TGN1412 ayant provoqué une tempête cytokinique chez les 6 premiers volontaires humains. Parmi les médicaments arrivés sur le marché, la pharmacovigilance recense des cas de réactivation de tuberculose, de lymphomes et de mélanomes sous anti-TNFou encore des leuco-encéphalites multifocales progressives pour le natalizumab utilisé dans la sclérose en plaques. La question de la balance bénéfice/risque de ces médicaments prometteurs risque donc de se poser de façon pressante à mesure que leurs indications s’élargissent à des pathologies moins graves et plus fréquentes. 

UN NOM QUI EN DIT LONG

Bevacizumab, adalimumab, ranibizumab… les DCI des anticorps monoclonaux sont imprononçables. Pourtant, derrière ces noms se cachent une nomenclature logique et des indices sur l’origine et la cible du médicament. Le suffixe « mab » est l’acronyme anglais de « monoclonal antibody », il est donc commun à cette classe de molécules.
Suffixe (exemple de DCI) Origine

• omab (catumaxomab) Anticorps murin

• ximab (rituximab) Anticorps chimérique

• zumab (natalizumab) Anticorps humanisé

• mumab (adalimumab) Anticorps humain

Préfixe (exemple de DCI) Cible
ci-xxx-mab (bevacizumab) cardiovasculaire
li-xxx-mab (omalizumab) immunité
ki-xxx-mab (ixekizumab) interleukine
vi-xxx-mab (palivizumab) virus
tu-xxx-mab (trastuzumab) tumeur

À RETENIR


• Les anticorps monoclonaux, naturellement produits par le système immunitaire, reconnaissent de façon spécifique un antigène présent dans l’organisme et recrutent les cellules immunitaires nécessaires à la description de cet élément étranger.

• Après les maladies tumorales et immuno-inflammatoires, l’immunothérapie ciblée se développe en infectiologie, dermatologie ou dans le domaine cardiovasculaire.

• Le suffixe « mab » est l’acronyme anglais de « monoclonal antibody ».

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