La profession s’unit pour l’avenir de la pharmacie - Le Moniteur des Pharmacies n° 3136 du 02/07/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3136 du 02/07/2016
 

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : LOAN TRANTHIMY 

Manifeste, affiches, consultation… Près de deux ans après la mobilisation historique de la profession pour s’opposer au projet Macron, les pharmaciens sont de nouveau appelés à faire pression sur le gouvernement et les élus.

L’instant est assez rare pour le marquer d’une pierre blanche. Après leur désunion ces dernières années, notamment autour de la réforme des honoraires, les représentants des trois syndicats (FSPF, USPO et UNPF), de l’Ordre (section A, D et E), de l’Association de pharmacie rurale (APR), des groupements (Federgy, CNGPO et UDGPO) et des étudiants (ANEPF) étaient tous présents le mardi 5 juillet à Paris dans les locaux de l’USPO. Côte à côte, ils ont affiché l’unité à l’aube de trois échéances cruciales pour l’avenir de la profession : l’élaboration du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) en septembre 2016, les négociations conventionnelles qui s’étendront de décembre 2016 à avril 2017, et les élections présidentielles. «   Nous entendons parler des autres professions, mais jamais de la pharmacie. Or, nous avons besoin de savoir ce que la ministre de la Santé veut faire de notre profession. A-t-elle besoin de la pharmacie pour organiser l’offre de soins sur le territoire ? Si c’est le cas, elle devra donner les moyens et un calendrier de réforme   », déclare Gilles Bonnefond, président de l’USPO. «   Aujourd’hui, nous devons lutter contre l’inaction et l’indifférence politique   », ajoute Philippe Gaertner, président de la FSPF. C’est pour lutter contre cette indifférence que tous les acteurs de la profession ont élaboré un plan de communication qui durera tout l’été. Et en premier lieu, un « Manifeste pour la pharmacie française » qui alerte le gouvernement et les élus sur la situation économique jugée catastrophique pour le réseau.

L’économie, le nerf de la guerre

Malgré une réforme de la rémunération censée limiter les impacts des baisses de prix des médicaments remboursables programmées par les lois de financement de la Sécurité sociale successives, la dégradation économique des officines s’accélère. En 2015, les baisses de prix et la maîtrise médicalisée influent négativement sur la marge réglementée qui a perdu 147 millions d’euros. L’année 2016 ne s’annonce pas meilleure. Selon le dernier bilan d’IMS Health, la rémunération totale hors taxes des pharmaciens est en diminution pour la deuxième année consécutive : – 0,85 % sur les cinq premiers mois de 2016, tandis que le chiffre d’affaires stagne à + 0,13 %. L’évolution de la rémunération entre 2014 et 2016 s’affiche à - 3,03 %. Cette situation justifie d’autant la mise en place du front commun, alors que se profile la préparation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2017, synonyme d’un nouveau serrage de ceinture pour l’officine. Depuis le début de l’année, l’Ordre a déjà recensé 50 fermetures d’officine. «   On est sur un rythme de 200 cette année, après les 180 fermetures de 2015   », dévoile Alain Delgutte, président de la section A de l’Ordre des pharmaciens. «   Aujourd’hui, l’ONDAM est en progression de 1,75   % par an, alors que la pharmacie est en évolution négative. Cette situation ne peut plus durer. La pharmacie doit être entendue   », rappelle Philippe Gaertner.

La fin de l’inertie ministérielle ?

Pour pouvoir continuer à assurer son rôle de professionnel de proximité et relever les nombreux défis sociétaux (vieillissement de la population, développement de l’ambulatoire, etc.), la profession réclame, à travers le Manifeste, un «   cadre économique clair   ». «   Le prochain PLFSS doit nous permettre de disposer d’une enveloppe et de construire une stratégie pour la prochaine convention pharmaceutique. Nous avons besoin d’une volonté politique et non technique   », martèle Gilles Bonnefond. Ce front commun de la profession sera-t-il entendu par la ministre de la Santé ? Possible, même si cela s’annonce difficile. Soumis au pacte de stabilité 2015-2017, le ministère de la Santé devra tabler sur de nouvelles économies lui permettant de respecter une progression des dépenses de l’Assurance maladie historiquement basse (1,75 %/an). Des économies qu’il devra encore chercher du côté des médicaments, en suivant, notamment, les préconisations du rapport « Charges et produits » de la CNAMTS. En 2017, celle-ci mise à nouveau sur la maîtrise médicalisée avec le contrôle renforcé des prescripteurs, synonyme de réduction de boîtes prescrites et de lignes sur l’ordonnance. Les actions en faveur de la maîtrise médicalisée sur les médicaments et les dispositifs médicaux devraient rapporter 430 millions d’euros, dont 200 millions sur les médicaments génériques. Ceci, sans compter les baisses de prix, non mentionnées dans le rapport, dont le montant pourrait avoisiner les 600 millions à 1,2 milliard d’euros en 2017. «   Le PLFSS n’est pas encore écrit. on a encore le temps de faire des modifications   », affirme Philippe Gaertner. «   La ministre peut moduler l’ONDAM pour que la progression de la pharmacie d’officine se situe entre 0 et 1,75   %   », ajoute Philippe Besset, vice-président de la FSPF. Pour Gilles Bonnefond, «   Marisol Touraine peut choisir de ne pas baisser les prix des médicaments qui touchent le plus l’officine. Nous demandons la même progression que les autres professions, soit environ 150   millions d’euros par an   ». Cette enveloppe est, aux yeux des pharmaciens, nécessaire pour permettre à la profession de négocier, dans le cadre de la future convention pharmaceutique, une nouvelle rémunération et un changement du modèle officinal plus attractif pour les jeunes.

Un front qui fait pression

Oubliées les divisions passées sur la réforme de la rémunération signée en 2012 par la FSPF seule. Tous les acteurs souhaitent, dorénavant, que la prochaine négociation conventionnelle s’oriente vers une rémunération «   à l’acte de dispensation et à l’accompagnement   » plutôt qu’à la boîte. Mais en la matière, l’Assurance maladie n’a pas plus la main. «   Nous interpellons la ministre pour qu’elle fixe les orientations, dans une lettre de cadrage au directeur général de l’Assurance maladie, en vue de la prochaine convention pharmaceutique   », annonce Philippe Gaertner. «   Si le PLFSS ne prend pas en compte la situation économique, il sera difficile de signer la convention   », rappelle Gilles Bonnefond. Pour le président de la FSPF, cette unité affichée peut aussi accélérer la publication des décrets sur les services et les prestations nécessaires à la mutation de l’officine. «   Il n’y a rien d’autre à faire que de publier les décrets d’application de la loi HPST qui a défini le cadre réglementaire   », rappelle Philippe Gaertner. Les officinaux ont, en effet, une belle carte à jouer en matière de dépistage, de maintien à domicile ou encore de préparation des doses à administrer. «   Les pharmaciens doivent chercher la croissance sur ce qui est utile pour le patient, comme les services   », rappelle Gilles Bonnefond. Et faute de réaction ministérielle en septembre, la profession promet de nouvelles actions à la rentrée.

TEMPS FORTS DE LA MOBILISATION


•  Juillet : envoi du Manifeste au gouvernement et sensibilisation des élus

•  Mi-juillet : envoi des affiches aux pharmaciens

•  Juillet : grande consultation de la profession, pilotée par la FSPF, pour établir un état des lieux et recueillir les propositions sur un site dédié

•  Septembre : prévision d’autres actions, selon la réaction du ministère de la Santé

À RETENIR


•  L’ensemble de la profession s’unit pour demander des engagements économiques au ministre de la santé dans le cadre du PLFSS 2017 et la future convention pharmaceutique.

•  Un plan de communication se met en place durant tout l’été.

•  En fonction de la réaction gouvernementale, le collectif prévoit d’autres actions en septembre.

REPÈRE 

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, COMMENT SE MET-ELLE EN PLACE ?


1 DE QUOI S’AGIT-IL ?

Créée par le gouvernement Juppé en 1996, la LFSS (Loi de financement de la sécurité sociale) a pour objet la maîtrise des dépenses sociales et de santé. Ce div « détermine les conditions nécessaires à [l’]équilibre financier [de la Sécurité sociale] et compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixe ses objectifs de dépenses » (art. 34 de la Constitution). Sur le modèle des lois de finance, la LFSS est votée chaque année et obéit à une procédure de discussion et d'adoption, distincte de celle applicable aux lois ordinaires. Elle n’a pas de portée budgétaire, la LFI (loi de finance initiale) autorisant déjà la perception des impôts, dont ceux affectés à la Sécurité sociale.


2 QUEL EST SON OBJECTIF ?

Accorder au Parlement des pouvoirs en matière de finances sociales – de plus en plus lourdes. Dans le sillage des lois de finance, la LFSS a été modifiée par la loi organique relative aux LFSS, promulguée en 2005.


3 QUE CONTIENT CETTE LOI?

Elle détermine le déficit prévisible et les mesures orientant l’action des quatre branches de la Sécurité sociale (assurance maladie, accident du travail, vieillesse, famille) et comporte quatre parties distinctes : - dispositions relatives au dernier exercice clos ; - dispositions relatives à l’année en cours ; - dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l'année à venir ; - disposition relatives aux dépenses pour l'année à venir. Présentant le principal poids des dépenses, l’Assurance maladie fait l’objet d’un outil spécifique : l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) qui fixe un objectif des dépenses de remboursement pour les quatre années à venir, sans caractère contraignant.


4 Y A-T-IL UN ONDAM MÉDICAMENTS ?

Non. L’ONDAM se décline en six enveloppes budgétaires. Celle dévolue à la médecine ambulatoire comporte la partie des honoraires, gérée par la Sécurité sociale, et celle des prescriptions, constituée à 60 % par les dépenses de remboursement de médicaments et gérée par l’État. La régulation des dépenses des médicaments passe par trois axes : la baisse des prix, le développement des génériques, la rationalisation des prescriptions.

5 QUI ÉCRIT LA LFSS ?

La direction de la Sécurité sociale bâtit le projet de loi sous la responsabilité du ministère des Affaires sociales. D’autres ministères (Finances, Agriculture…) participent de manière connexe à cette élaboration.


6 COMMENT EST-ELLE ADOPTÉE ?

Après son passage en Conseil d’Etat et l’avis des caisses de sécurité sociale, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) est d’abord étudié par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, tandis que la Commission des finances, de l'économie générale et du budget est saisie pour avis. Une fois voté par le Palais-Bourbon, le div est soumis aux sénateurs. Faute d’accord au terme de 50 jours, le projet peut être adopté par voie d’ordonnance. Une fois votée, la LFSS est soumise à un contrôle de constitutionnalité avant sa promulgation. Une LFSS rectificative peut venir la modifier en cours d’année. Le suivi de l’application de la loi est assuré par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ainsi que par la Cour des comptes. 
Chloé Devis

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