Fin de vie, début d’accompagnement - Le Moniteur des Pharmacies n° 3135 du 02/07/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3135 du 02/07/2016
 
SOINS PALLIATIFS

Temps Forts

Instantanés

Auteur(s) : MATHIEU NOCENT  

Médecins, aidants et bénévoles répondent aux questions graves que se posent les malades en fin de vie. Selon eux, les officinaux constituent un relais clé, du fait notamment de leur capacité d’écoute dans l’accompagnement des proches.

Dites-moi, Docteur, combien de temps me reste-t-il à vivre ?   » Lorsque cette question lui est posée, Charles Josselin, praticien hospitalier au service des soins palliatifs de l’hôpital Bichat à Paris, choisit de l’affronter. Sans pour autant apporter lui-même une réponse au patient qui l’interpelle. «   Certains patients sont demandeurs de cette information mais ils ont besoin de temps et de confiance pour l’exprimer. Si la question arrive au début d’une conversation, c’est davantage une façon de solliciter l’écoute de son interlocuteur.   » Il s’agit de créer les meilleures conditions possibles pour libérer la parole du patient. «   Se mettre à l’écart avec lui, ne pas interpréter ses propos, ne pas vouloir à tout prix le rassurer ou le conseiller. C’est alors que le malade vous entraîne naturellement vers les peurs et les angoisses de sa question.   » Et si, à force de discussion, le désir de connaître son pronostic de survie s’avère fondé, faut-il avancer un chiffre ? «   Lorsque le patient se sent suffisamment en confiance pour affronter une réponse à la question qu’il pose, je m’attache à ce qu’il évalue par lui-même la situation. Je lui demande ce qu’il en pense, comment il se sent. Je peux lui faire part de mon ressenti sur son état physique, mais je ne donne pas, moi-même, de pronostic. Ça n’apporte rien au malade de repartir avec une date qu’il ne comprendra pas   », affirme le praticien.

Parler ou pas du pronostic au malade en fin de vie

D’autres témoignages de cliniciens, venus principalement d’Amérique du Nord, expliquent en quoi poser un pronostic et le communiquer au patient en fin de vie et à ses proches est important. Poser un pronostic permet de prendre des décisions éclairées sur les traitements et les soins à venir, et de prévoir la transition du patient des soins curatifs vers les soins palliatifs. Cela donne la possibilité au patient de prendre ses dernières dispositions, et aux proches d’entamer leur processus de deuil. Pour Florence Leduc, présidente de l’Association française des aidants, le pronostic de survie est de plus en plus souvent évoqué au moment où le diagnostic est posé en présence de l’équipe médicale, d’un médecin, d’un cadre infirmier ou d’un psychologue. «   Certains hôpitaux ont créé une profession intermédiaire : les infirmiers de liaison. Ils répondent aux questions qu’il est difficile de poser à un médecin. Cette humanisation de la maladie, de l’annonce du diagnostic et du pronostic est une tendance qui se développe   », ajoute-t-elle. «   Il est important de préciser au patient en fin de vie que sa douleur sera prise en charge   », précise Brigitte Micheau, accompagnante bénévole depuis plus de vingt ans en soins palliatifs. «   Notre charte le stipule : l’accompagnement ne peut se faire que si la douleur n’est pas intense. C’est un préalable.   »

De la vie à la mort, les questions existentielles émergent

Les questions spirituelles sont présentes chez les personnes en fin de vie. «   Des interrogations sur la finitude, le sens à donner à la maladie et aux soins. Quel sens donner à ce que je vis, à mon avenir précaire ?   » Autant d’énigmes auxquelles sont confrontés les malades et leurs proches. «   Ceux-ci éprouvent des difficultés à parler avec les êtres aimés de leur diagnostic et de leur pronostic. Patients et proches cherchent à se protéger, ce qui se traduit par des évitements, voire des ruptures de communication   », explique Florence Leduc. «   Les proches, ceux qu’on appelle “les aidants”, parleront alors plus volontiers à des tiers. Dans les zones rurales, notamment, le pharmacien est un allié, quelqu’un qui conseille. Il a un rôle clé   », renchérit-elle. Un rôle qui nécessite une grande capacité d’écoute. «   La relation au proche qui accompagne une personne en fin de vie reste en général de nature très compassionnelle. La pire des phrases, c’est celle que l’on entend parfois juste avant de partir de chez un professionnel de santé : “Et surtout, prenez bien soin de vous !”. Une fois que la porte est refermée, comment fait-on pour prendre soin de soi ? Ce dont on a besoin c’est qu’il nous aide à identifier les bonnes ressources pour résoudre nos difficultés ». Il s’agit donc de prendre le temps de répondre aux questions très concrètes de ces combattants silencieux ; sur la gestion de leur fatigue, de leurs insomnies ou de leurs angoisses. Dans son rapport de juin 2016 consacré aux aidants, l’Observatoire sociétal des cancers note que pour 57 % d’entre eux l’aide apportée à leur proche a un impact important sur leur sommeil. Par ailleurs, 28 % déclarent un impact négatif de leur rôle d’aidant sur leur vie de famille, et 21 % sur leurs relations amicales. De nombreux aidants renoncent à un suivi médical ou tardent à consulter. «   Ce sont des périodes pendant lesquelles émergent des conflits familiaux. Le pharmacien peut être un confident   », affirme Daniel Carré, secrétaire général du Collectif interassociatif sur la santé (CISS). Il déplore la disparité d’accès aux centres de soins palliatifs en France et souhaite que se développent les soins palliatifs à domicile. «   Il faudrait mettre à disposition en officine les médicaments utilisés en soins palliatifs, comme Hypnovel, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Une partie des responsabilités gérées dans les centres reposeraient sur les aidants. Ce qui renforcerait le rôle des professionnels de santé de proximité que sont les pharmaciens.   » Une autre idée de la fin de vie et une demande croissante : celle de mourir chez soi, au plus près des êtres aimés. 

LES PRONOSTICS DE SURVIE SOUVENT SURESTIMÉS

Des chercheurs de l’université de Toronto (Canada) ont analysé les résultats de 17 études portant sur la précision des pronostics de survie chez les patients atteints d’un cancer à un stade avancé. Aucune de ces études décrites en janvier 2016 dans Annals of palliative medecine, n’a démontré la fiabilité des pronostics. Douze d’entre elles concluent à une surestimation globale de la durée de survie, cinq à une sous-estimation. D’autres chercheurs, japonais, arrivent à cette même conclusion : les médecins ont généralement tendance à surestimer la durée de survie des patients atteints de cancer. Sur 2036 patients suivis (en chimiothérapie, en soins palliatifs à domicile, à l’hôpital ou dans un centre de soins palliatifs), le pronostic de survie s’est avéré fiable pour 35 % d’entre eux. 20 % ont vécu plus longtemps, 45 % moins longtemps qu’envisagé dans le pronostic.

À RETENIR



•Malgré la faible fiabilité, il peut s’avérer important de communiquer au patient et à ses proches un pronostic de survie.

•Une écoute bienveillante est indispensable pour libérer la parole du patient et de ses proches, et les sortir de leur isolement.

•La parole se libère plus aisément si l’on ne se sent pas obligé de les rassurer, de leur donner des conseils généraux, d’interpréter leurs propos.

•Les proches des patients en fin de vie attendent du pharmacien des réponses très concrètes sur la gestion de leur douleur, de leurs insomnies, de leurs angoisses…

Patients et proches cherchent à se protéger, ce qui conduit à l’évitement, voire la rupture de communication. Un tiers à l’écoute est alors vital.

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