Ne vous lancez pas à l’aveugle - Le Moniteur des Pharmacies n° 3130 du 28/05/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3130 du 28/05/2016
 
OPTIQUE

Temps forts

ENQUÊTE

Auteur(s) : François Pouzaud

Le marché est déjà saturé, notamment par les grandes franchises nationales, mais des pharmaciens relèvent le défi de l’optique. Ceux qui souhaitent s’y investir ont intérêt à peaufiner leur projet.

De nombreux concepts lient officines et points de vente d’optique ou intègrent des corners où sont vendues des lunettes correctrices par un opticien diplômé. L’objectif ? Faire de ce secteur, où les marges sont généreuses ( jusqu’à 65 %), un relais de croissance pour les pharmaciens. Le marché de l’optique démontre pourtant qu’il n’est pas le seul à se tendre.

Philippe Durand, titulaire à La Teste-de-Buch (Gironde), qui a développé un espace d’optique dans sa pharmacie depuis 1998, sait de quoi il parle. « En trois ans, le nombre de magasins d’optique a triplé sur la commune (12), dépassant le nombre de pharmacies (9) », précise-t-il. Avec l’arrivée des Afflelou, Générale d’Optique, d’un magasin mutualiste, d’un Optical Discount (qui depuis a fait faillite), d’un opticien Binocle et d’une optique Lafayette, il a vu son chiffre d’affaires (150 000 € en 2015) baisser de 40 % en 4 à 5 ans. Si son activité reste encore rentable, c’est parce qu’il a amorti son investissement (local, agencement pour 50 000 à 70 000 €, stocks pour 50 000 €). Il s’attend dans les prochaines années à un « écrémage » du marché.

A chacun son métier ! Quand Danielle Setti a regroupé en 2015 sa pharmacie du XIe arrondissement de Paris avec la Pharmacie optique du Monde située une vingtaine de numéros plus loin, où elle exerce dorénavant, elle n’a pas souhaité poursuivre une activité qui n’est pas la sienne. L’insuffisance de rentabilité de cet espace a achevé de la convaincre. « Sur les 60 m2 de surface clientèle, l’optique en prenait à elle seule un quart alors que les ventes ne représentaient que 5 % du chiffre d’affaires total. »

Des contraintes de taille

L’implantation d’un corner d’optique en officine est en effet confrontée à des contraintes de taille. Avec 250 m2 de surface, la pharmacie d’Olivier Guyot à Saumur (Maine-et-Loire) se prête parfaitement au concept de shop-in-shop. Il y a 9 mois, ce pharmacien a ouvert un corner Optic&Price et compte ouvrir d’autres espaces (cabine d’esthétique…). « Ma stratégie est de créer un pôle santé et de réunir en un même lieu tous les services de santé », explique-t-il, le but étant que chacun draine une nouvelle clientèle ainsi que leurs ordonnances. Par conséquent, si la rentabilité d’un corner optique s’avérait insuffisante à l’issue de 2 ans qui est le temps nécessaire pour se faire une clientèle et mesurer le potentiel de cette activité (du fait de cycles d’achat longs et difficiles à prévoir), « je pourrais toujours compter sur un gain en termes d’image et de ventes additionnelles », ajoute-t-il. Pour l’heure, la rentabilité du corner optique joue le yoyo. Un mois le point mort est franchi, une autre fois non. « Après 9 mois, je suis globalement à l’équilibre », indique ce pharmacien qui espère dépasser son seuil de rentabilité : plus de dix ventes de paires de lunette par semaine.

Interrogée sur les offensives des pharmaciens, Alexandra Duvauchelle, déléguée générale du Syndicat des opticiens sous enseigne (Synope), doute de la pertinence économique et sanitaire de ces nouveaux concepts. Elle estime que l’offre en pharmacie ne répond pas à un besoin avéré et ne présente pas de caractère différenciant. Elle ne voit pas non plus ce qui peut attirer les convoitises. « Le marché de l’optique compte un peu plus de 11 000 points de vente répartis sur tout le territoire, les délais moyens de renouvellement d’optiques sont de trois ans et les marges nettes de 5 à 7 %, détaille-t-elle. Aujourd’hui, les chaînes low cost telles Lunettes Pour Tous proposent des paires à 10 €… Où est la rentabilité de cette diversification »

Pas de guerre déclarée avec les opticiens

Dans un condiv concurrentiel où l’argument du prix devient le premier moyen de se démarquer, Audrey Cattoz, fondatrice de KLS Lunettes, un fabricant de modèles de lunettes 100 % françaises et personnalisables, trouve également périlleuse l’implantation de corners d’optique, tout au moins dans les pharmacies urbaines. « Les volumes à réaliser sont trop importants pour que cela soit rentable. » En revanche, la rentabilité se trouve là où les besoins sont moins couverts. La dirigeante de KLS a pour projet de développer son activité dans des zones rurales désertées par les grandes enseignes d’opticiens, en partenariat avec les pharmacies qui peuvent être un point d’animation et un relais pour ses produits.

Les initiatives encore très isolées de pharmaciens n’ont pas déclenché d’hostilités particulières avec les opticiens. « Le développement d’une activité d’optique en pharmacie est licite, rappelle Alexandra Duvauchelle, le pharmacien devant être lui-même titulaire du diplôme d’opticien ou confier la responsabilité de cette activité à un opticien. » Seule la société Otiko, dont les partenariats avec les pharmaciens, explique le syndicat, « sont constitutifs d’un exercice illégal de la profession d’opticien », donne du fil à retordre au Synope. Les montures sont exposées à l’officine, les commandes transmises par Internet et la livraison s’effectue après quelques jours. « Nous avons alerté le ministère de la Santé et l’Ordre des pharmaciens qui en octobre 2015 a rappelé aux pharmaciens les dispositions légales et réglementaires en vigueur », précise la déléguée générale.

Hormis ce dossier, Alain Delgutte, président du conseil central A de l’Ordre des pharmaciens, confirme qu’il n’y a aucune plainte d’opticien jusqu’ici remontée par les conseils régionaux.

Côté pharmaciens, Olivier Guyot ne s’est pas heurté à la fronde des opticiens quand il leur a annoncé son intention de se mettre à l’optique. Quant à Philippe Durand, il estime même que les rapports entre les deux professions sont bien meilleurs qu’avant. « Quand j’ai monté mon rayon d’optique, j’avais plus de difficultés à avoir certaines marques car les opticiens faisaient tout pour freiner leur implantation dans mon officine », se souvient-il.

CEUX QUI SE DISPUTENT LE MARCHÉ

• Pionnière en ce domaine, l’enseigne Le Carré de l’Optique s’est installée dans près d’une cinquantaine d’officines.

• Les enseignes en pharmacie Leader Santé et Optique Lafayette – enseigne construite sur le modèle des Pharmacies Lafayette – ont créé des magasins d’optique à proximité immédiate de leurs propres officines.

• En collaboration avec la chaîne d’optique low cost Hans Anders, Direct Labo a lancé un corner optique sous la marque Optic&Price.

• Avec Optical Discount, Univers Pharmacie a installé des espaces « Tout l’univers de l’optique » de 25 à 30 m2 chez une dizaine d’adhérents.

• Une poignée d’intrépides chez Ceido s’accommodent du concept Otiko sans opticien dans l’officine.

• Evioo.com, site de vente en ligne spécialisé en montures et verres optiques, propose aux pharmaciens un corner high tech où une partie de l’exposition et l’essayage se font à travers un écran et sous le contrôle d’un opticien.

• Ces nouveaux acteurs économiques utilisent tous la tactique des prix bas sur des offres inédites pour se distinguer du réseau traditionnel.

UNE OFFRE À LA LOUPE

Pour se lancer avec Optic&Price, les conditions sont les suivantes :

• Un ticket d’entrée de 10 000 €.

• Un leasing de 980 €/mois sur 5 ans qui inclut le mobilier, le matériel professionnel, l’ordinateur, le logiciel, la maintenance…

• Un stock en dépôt-vente (minimum 700 modèles différents pour une valeur de 50 000 €).

• Une redevance de 2 % du CA pour la publicité TV.

A cela, il faut ajouter le salaire de l’opticien recruté : environ 3 000 € (charges salariales et patronales incluses pour 35 heures par semaine).

« Avec 50 % de marge brute et à condition de vendre 8 paires de lunettes par semaine, le point mort est atteint en quelques mois », argumente Yves Morvan, président de Direct Labo. Pour le moment, 10 pharmacies arborent cette enseigne, avec comme prérequis d’avoir au minimum une fréquentation de 200 clients par jour.

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