A la sortie de l’hôpital d’Alès - Le Moniteur des Pharmacies n° 3128 du 14/05/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3128 du 14/05/2016
 

Temps forts

REPORTAGE

Auteur(s) : Myriem LAhidely

Titulaire d’officine, Jean-Pierre Cornut est la cheville ouvrière du projet « Lien ville-hôpital » mis en place avec l’hôpital d’Alès (Gard) dans un bassin rural au nord de la ville, identifié comme à risque de désert médical. L’objectif est d’organiser la sortie d’hôpital du patient et d’assurer une prise en charge personnalisée à l’officine.

A l’heure de la médecine ambulatoire, il est important pour le pharmacien d’avoir sa place dans le parcours de soins, et c’est énorme en termes de soutien au patient ! » Jean-Pierre Cornut, pharmacien à Alès (Gard), travaillait depuis 2011 avec l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) Pharmaciens Languedoc-Roussillon à un projet de lien entre la ville et l’hôpital pour un bassin rural du nord de la ville comprenant 41 000 habitants et 21 pharmacies. Le dispositif monté en collaboration avec Vincent Bouix, pharmacien de l’hôpital d’Alès, a abouti l’an dernier à la mise en œuvre d’un premier outil : le nom du pharmacien de ville référent figure au même titre que le médecin traitant dans le dossier d’hospitalisation du patient. « Intégrer clairement le pharmacien dans le parcours de soins, cela facilite le retour chez eux de patients qui n’ont pas forcément d’aidants. »

Avant de mobiliser les libéraux du territoire sur ce projet, Jean-Pierre Cornut a lancé auprès de 120 officines un questionnaire élaboré avec son confrère hospitalier. Objectif : mesurer l’intérêt des officinaux. 60 % y ont répondu. « Ces pharmacies se trouvent toutes dans des zones à risque de déserts médicaux », précise Jean-Pierre Cornut. L’expérimentation à l’œuvre à l’hôpital d’Alès les dote d’un deuxième outil : la transmission à l’officine de l’ordonnance de sortie avant que le patient ne quitte l’hôpital, pour que tout soit prêt quand il arrivera à la pharmacie.

Jean-Pierre Cornut confie que « cela a permis aussi de repérer certaines difficultés d’approvisionnement : des stupéfiants par exemple ou des médicaments très onéreux dont le grossiste ne dispose pas toujours ». L’hôpital a créé à l’intention des officinaux une banque de données sécurisée contenant des informations sur ce qu’ils vont délivrer. « Les produits de la réserve hospitalière – anticancéreux par voie orale et produits injectables – sont rares en officine. Les pharmaciens de ville ne les connaissent pas nécessairement sur le bout des doigts, explique Vincent Bouix. Décloisonner les fonctionnements est aussi un moyen de les rassurer, pour qu’eux-mêmes puissent rassurer le patient ». La banque de données comporte notamment des informations pour 65 médicaments, soit 130 fiches synthétiques : l’une pour l’officine (posologies, interactions, effets indésirables…) et l’autre, pédagogique, à l’attention du patient. Le pharmacien y a accès instantanément, où qu’il soit, grâce au code personnel fourni par le service informatique de l’hôpital. Une messagerie sécurisée (ASIP Santé) est actuellement en phase de test dans 25 pharmacies pour la transmission des ordonnances hospitalières sous format pdf, et d’une partie du dossier médical. L’URPS Pharmaciens Languedoc-Roussillon a même entrepris une démarche pour sensibiliser les éditeurs à une sécurité intégrée des logiciels métiers. « Nous avons besoin d’informations sur le parcours du patient à l’hôpital. Connaître le déroulé des protocoles permet par exemple de donner une réponse immédiate à un patient en chimiothérapie qui s’inquiète parce qu’on lui délivre une ampoule jaune alors qu’à l’hôpital elle était rouge », observe Jean-Pierre Cornut.

Le travail réalisé avec l’infirmière d’annonce du service d’oncologie d’Alès vise quant à lui à améliorer la relation avec le patient. « Il accepte d’autant mieux son traitement et sa prise en charge qu’on les lui a bien expliqués », souligne le pharmacien. Des formations sont prévues pour aider à changer les pratiques. Notamment apprendre à parler au patient. « Dans une consultation d’annonce, le patient ne retient que 10 % de ce qu’on lui dit, il pose donc les mêmes questions à son pharmacien. Il faut savoir lui répondre avec les bons termes pour qu’il y ait une cohérence entre ce qui est dit à l’hôpital et à l’officine. » Ce projet comprend également des formations adaptées aux besoins qui remonteront du terrain, par exemple, la gestion des effets indésirables des chimiothérapies. Pour impliquer les pharmaciens, des groupes de travail ont par ailleurs été créés, pour l’instant autour de l’oncologie, des dispositifs médicaux ou du VIH.

A Alès, dix réseaux ont vu le jour en six ans

Avant de se lancer dans ce projet de lien entre la ville et l’hôpital, Jean-Pierre Cornut a peaufiné son expérience de l’organisation des soins. Il a en effet été conseiller municipal de la ville d’Alès qui avait souhaité il y a vingt ans devenir « un exemple de démocratie sanitaire ». « Il s’agissait de décider ensemble de la façon dont tout un territoire devait être soigné, et comment ces soins devaient s’organiser. » En 6 ans, dix réseaux ont ainsi vu le jour (addictologie, personnes âgées, soins palliatifs, diabète, santé mentale, précarité, périnatalité…). L’association Réséda est née pour mutualiser les besoins et les attentes de ces réseaux. Ancien président, aujourd’hui vice-président, le pharmacien explique que « la municipalité a mandaté l’association pour faire des études épidémiologiques sur le territoire afin de construire une politique publique locale adaptée aux besoins de la population ». L’expérience a donné à ce pharmacien de ville une crédibilité pour fédérer les gens, l’hôpital d’Alès étant lui-même partenaire du réseau Réséda.

Ce projet de lien entre la ville et l’hôpital mené depuis cinq ans a été retenu en 2013 par l’Agence régionale de santé de Languedoc-Roussillon, lors d’un appel à projet régional « Sécurisation du circuit du médicament ville-hôpital ». Les fonds attribués ont permis de créer en juin 2015 un poste de pharmacien coordinateur, en contrat pour un an, exerçant deux demi journées par semaine. Ce dernier est chargé de la mise à jour des fiches (statut des rétrocessions, etc.), de créer des groupes de travail, promouvoir la banque de données auprès des officines, créer des comptes de messagerie sécurisés… « Il faut faire vivre le réseau, mobiliser les pharmaciens, aller sur le terrain pour comprendre leurs problématiques », explique Julien Gras, le coordinateur. « Si on ne les relance pas régulièrement, tout cela reste loin d’eux. Ils ont plus de facilité à oublier la banque de données qu’à l’utiliser », remarque-t-il. Les promoteurs de cette démarche participent à un groupe de travail régional afin de la dupliquer dans d’autres bassins de vie. Elle dépasse d’ailleurs la stricte région d’Alès. 107 officines dans un rayon de 100 kilomètres ont aujourd’hui accès à la banque de données. « Nous avons tous vécu cette cloison hermétique entre la ville et l’hôpital. Il y a cinq ans, aucun hôpital ne transmettait ses informations à l’extérieur », rappelle Vincent Bouix. Les pharmacies hospitalières de la région, elles aussi, ont soutenu le projet. « Un tel partenariat a transformé la vision que chacun avait des autres. Une cohérence entre deux univers s’est installée, alors qu’avant il y avait une rupture », conclut Jean-Pierre Cornut.

QUATRE DATES CLÉS

1983 Doctorat d’Etat Montpellier 1

1984 Installation à Saint-Ambroix

1992 Réinstallation à Alès

2010 Secrétaire adjoint de l’URPS Pharmaciens Languedoc-Roussillon 2011 Lancement du projet

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Avantages

– Une ouverture sur le système de soin et son organisation.

– Une reconnaissance de l’activité officinale par l’hôpital.

– Une relation transformée avec le patient, favorisant son adhésion.

Inconvénients

– Une activité chronophage.

– Une obligation d’evaluation pour être en conformité avec les exigences de l’agence régionale de santé.

LES CONSEILS DE JEAN-PIERRE CORNUT

• Travailler avec l’hôpital est indispensable, c’est là que les pathologies lourdes sont traitées.

• Maîtriser tous les outils de communication partagés.

• Suivre des formations pluriprofessionnelles pour créer et entretenir un lien avec les autres professions de santé.

• Apprendre à mieux communiquer avec ses confrères et les autres professions de santé.

• Respecter le mode de fonctionnement de chacun, notamment les délais parfois longs entre les décisions prises à l’hôpital et leur traduction dans les faits.

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