Exercer contre vents et marée - Le Moniteur des Pharmacies n° 3121 du 26/03/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3121 du 26/03/2016
 
MAISONS ET PÔLES DE SANTÉ

Temps forts

ENJEUX

Auteur(s) : Loan Tranthimy*, Laurent Lefort**

Après plusieurs années de tâtonnement, l’exercice pluriprofessionnel au sein des maisons et pôles de santé progresse de façon significative. Les pharmaciens y ont toute leur place, à condition de surmonter certains obstacles.

Selon les derniers chiffres de la Direction générale de l’offre des soins (DGOS), le nombre de maisons et pôles de santé (MSP) ouvertes est passé de 200 en 2012 à 778 en 2016, sans compter les 382 projets en cours. L’objectif de 1 000 structures annoncé lors du comité interministériel de février 2016 devrait donc être dépassé en 2017. Chaque MSP comporte en moyenne 5 médecins, 3 pharmaciens et 9 paramédicaux. Une donnée qui reste stable depuis quelques années, selon la DGOS. S’inscrivant dans le cadre du virage ambulatoire, ce nouveau mode d’exercice, qui ne nécessite pas forcément un regroupement des professionnels de santé dans un même site, correspond aux attentes des pouvoirs publics pour à la fois maintenir une offre de soins de proximité et déployer des activités de soins plus coordonnées et plus efficientes. Pour Pierre de Haas, président de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS), une nouvelle étape vient d’être franchie : « Jusqu’à présent, ce sont surtout les médecins qui sont à l’initiative de ces structures. Mais ils vont partir à la retraite. Les suivants sont pour certains moins désireux de modifier leur mode d’exercice. En revanche, d’autres professionnels de santé, comme les pharmaciens, sont de plus en plus à l’origine des projets. »

Face à la désertification médicale qui les fragilise, ces pharmaciens ont bien compris que leur avenir passe par une collaboration avec d’autres professionnels de santé, en particulier le médecin. « Le pharmacien est l’expert de la prescription et du médicament. Il a pleinement sa place dans cette équipe de soins primaires pour améliorer la prise en charge des patients », martèle Pierre de Haas, par ailleurs médecin généraliste.

Les freins sont surmontables

Quelles missions pourront alors mener le pharmacien ? Celles-ci peuvent être nombreuses et variées : de l’observance des traitements à la conciliation médicamenteuse en passant par l’accompagnement des nouveaux traitements ou encore la PDA. « Le pharmacien a aussi un rôle très important dans les actions de santé publique, notamment le dépistage de maladies chroniques, selon Brigitte Bouzige, vice-présidente de la FFMPS et titulaire aux Salles-du-Gardon (Gard). En France, 4 millions de personnes passent chaque jour en moyenne dans les officines et il n’y a que le pharmacien qui peut réaliser ces actions sur une population relativement saine, c’est-à-dire ne présentant pas de signes de maladie. » Bref, « les marges de manœuvre d’intervention d’un pharmacien dans une équipe de soins primaires sont sans limite », reconnaît Pierre de Haas. Reste à convaincre les nombreux pharmaciens encore hésitants face aux obstacles.

Le premier d’entre eux est d’ordre humain. « Dans une situation économique difficile, certains craignent pour leur équilibre économique et préfèrent ne pas bouger, tandis que d’autres ont bien compris que cet équilibre passe par l’interdisciplinarité », martèle Stéphane Billon, directeur des programmes pédagogiques de Kamedis et économiste de la santé. Le second obstacle est d’ordre administratif. Chaque équipe de soins primaires, constituée en société civile interprofessionnelles ou SISA (voir « Repères ») peut demander le versement d’une rémunération à condition de respecter trois engagements : un accès aux soins élargi (de 8 h à 20 h et le samedi matin…), le travail en équipe (prise en charge coordonnée des patients, concertation sur les cas complexes, mise en place de protocoles pluriprofessionnels…) et le partage du système d’information et des dossiers patients. Ces engagements sont formalisés sous la forme d’un contrat, auquel est annexé un projet de santé, élaboré par les professionnels de santé de la structure, et validé par l’ARS et la CPAM. « Or certaines ARS sont lentes, tatillonnes, et freinent le développement des projets », regrette Stéphane Billon. Le troisième obstacle est d’ordre fiscal. Certains professionnels de santé craignent l’arrivée des pharmaciens dans la SISA en raison de la TVA. « Des cabinets comptables ont expliqué de façon maladroite que la soumission du pharmacien à la TVA au sein de la SISA risquait de s’imposer aux autres », explique Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Or malgré une demande de clarification à Bercy, « la réponse est restée floue », regrette Philippe Gaertner, président de la FSPF. Alors, dans l’attente, faut-il ne rien faire ?

Le pharmacien consultant

« Il faut y aller même si la période de transition est toujours difficile », affirme Brigitte Bouzige. L’intérêt pour le pharmacien est de sécuriser ses volumes de prescription. Pour cela, il faut intégrer les SISA les plus proches.

Pour contourner les freins évoqués, Pierre de Haas plaide en faveur d’une évolution du métier du pharmacien. « Il pourrait avoir une double activité : une activité commerciale assujettie à la TVA et une activité libérale de consultant non assujettie à la TVA tant que le chiffre d’affaires est inférieur à 30 000 euros ». Cette activité de « consultanat » serait possible grâce à une « spécialisation du pharmacien » dans son activité. De cette façon, ajoute le patron de la FFMPS, « deux pharmacies qui se trouvent à proximité d’une MSP peuvent réfléchir ensemble sur la manière dont elles peuvent chacune se spécialiser et développer les activités pour ensuite les proposer à l’équipe de soins primaires de leur territoire ».

Finie donc la concurrence entre officines tant redoutée avec l’implantation d’une MSP. Mieux encore, Brigitte Bouzige voit là un moyen pour la profession « de remonter des informations et de pousser des négociations vers une rémunération des nouvelles missions ». De son côté, Philippe Gaertner rappelle qu’en dehors de la SISA, « la conclusion de l’accord-cadre interprofessionnel est souhaitable pour rémunérer individuellement chaque professionnel de santé sans passer par la structure ». Une négociation qui n’est pas prête de reprendre avant 2017.

À RETENIR

• 778 MSP ouvertes et 382 projets en attente.

• Une maison de santé comporte en moyenne 5 médecins, 3 pharmaciens et 9 paramédicaux.

• Pour pouvoir prétendre à la rémunération versée à la structure, l’équipe pluridisciplinaire doit créer une SISA.

• Le versement de cette rémunération est soumis à trois engagements (accès aux soins, travail en équipe et système d’information)

REPÈRES

Les Sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA)

1 Créer une SISA pour percevoir les NMR

Créées par la loi dite Fourcade du 10 août 2011 et son décret d’application du 23 mars 2012, les SISA sont des sociétés civiles dans le cadre desquelles chaque associé engage sa responsabilité à proportion de sa part dans le capital social. Cette nouvelle catégorie de société permet le versement des nouveaux modes de rémunération (NMR) à des équipes pluriprofessionnelles des maisons et pôles de santé. Les forfaits équipes sont versés à la SISA sur la base d’une série d’engagements formalisés dans un contrat signé avec la CPAM et l’ARS. Parmi ses associés, la SISA doit compter au minimum 2 médecins et 1 auxiliaire médical.

2 Pour la coordination, l’ETP et la coopération

La loi a prévu deux objets pour les SISA : la mise en commun de moyens et l’exercice en commun d’activités. Trois domaines d’activités sont précisés par le décret : la coordination thérapeutique, l’éducation thérapeutique du patient et la coopération interprofessionnelle.

3 Distinguer « signataires du projet de santé » et « associés de la SISA »

Pour développer des activités communes, l’équipe de soins primaires doit en premier construire un projet de santé qui peut être signé par toute personne qui y participe, qu’il soit professionnel de santé ou non. Ce projet doit être déposé à l’ARS et annexé aux statuts de la SISA. Tous les signataires du projet de santé ne sont pas forcément associés de la SISA. Seules les personnes physiques exerçant une profession médicale, d’auxiliaire médical ou de pharmacien peuvent entrer dans une SISA.

4 Les pharmaciens dans les SISA

Si les pharmaciens peuvent individuellement être membres d’une SISA, une pharmacie ne le peut pas. Le risque de l’assujetissement de la SISA à la TVA serait un frein. Certaines SISA intègrent des pharmaciens d’officine, d’autres ont préféré ne pas le faire. Dans ce dernier cas, cela n’empêche pas les officinaux de participer aux actions mises en œuvre dans le cadre du projet de santé et de percevoir une part des NMR via une facturation.

5 Des simplications annoncées

La loi de santé du 26 janvier 2016 a autorisé le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur les SISA. L’objectif annoncé est de simplifier la création et la gestion des SISA, notamment la sortie et l’arrivée de nouveaux associés via, sans doute, des sociétés à capital variable et à responsabilité limitée. L’ordonnance est espérée dans un délai rapide.

Marie Berlot

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