Hasards ou effets indésirables, des sources inépuisables - Le Moniteur des Pharmacies n° 3118 du 05/03/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3118 du 05/03/2016
 
SECONDE VIE DES PRINCIPES ACTIFS

Médicaments

Auteur(s) : Marjolaine Labertonière

L’innovation serait-elle en panne qu’il faille en passer par le recyclage ? Les découvertes de nouvelles propriétés pour des principes actifs en phase d’étude ou déjà utilisés sont légion dans l’histoire de la pharmacopée. Elles résultent du hasard dès le stade de la recherche ou de l’observation d’effets collatéraux et/ou indésirables qui finissent par se révéler intéressants à exploiter.

Les histoires des sulfamides antibactériens devenus hypoglycémiants, ou celle des neuroleptiques issus d’antihistaminiques, sont à ce titre exemplaires et pleines de rebondissements.

En 1941, un chercheur de Specia-Rhône-Poulenc, Philippe Decourt, et le Pr Janbon, entreprennent d’étudier un dérivé du sulfamide dans la brucellose puis la typhoïde. Ils observent son action hypoglycémiante en mars 1942, éclairant sous un jour nouveau les accidents (mortels ou non) constatés dans les essais sur la fièvre typhoïde. Des essais cliniques débutent avec ce dérivé et d’autres dans le diabète. Parallèlement des études physiologiques sont menées sur l’animal. En 1943, les indications de ces sulfamides sont établies, efficaces dans le diabète de type 2 mais inefficaces sur les diabètes sévères du jeune. Rhône-Poulenc ne mesura pas à cette époque l’intérêt de ces agents thérapeutiques, moins actifs que l’insuline… En Allemagne, 12 ans plus tard, la découverte fortuite se répète mais, cette fois, sa portée est immédiatement comprise. Le tolbutamide est commercialisé en 1955.

Le même chercheur, Decourt, étudia aussi dans les années 1950 des dérivés de la phénothiazine, des antihistaminiques aux effets gênants car sédatifs du système nerveux central. Parmi ceux-ci la chlorpromazine se montre particulièrement active et efficace sur la maladie mentale dans des essais cliniques. Cette molécule sera associée à la prométhazine (Phénergan) et à la péthidine (Dolosal) dans le « cocktail lytique » pour l’anesthésie du chirurgien Laborit. Son excès d’utilisation sur les soldats blessés lors de la guerre d’Indochine sera critiqué par d’autres chirurgiens, dont Decourt. Cette critique vaudra au chercheur d’être écarté de l’histoire de la chlorpromazine, qui ne retiendra que Henri Laborit, Jean Delay et Pierre Deniker. La chlorpromazine, premier neuroleptique, sera commercialisée en 1952 sous le nom de Largactil.

Nouvelles propriétés pour anciennes molécules

De vieilles molécules sont réhabilitées par la découverte de nouvelles propriétés : la thalidomide, sédatif utilisé contre les nausées (dont celles de la grossesse) et retirée dans les années 1960 en raison de sa tératogénicité, présente des propriétés immunomodulatrices. Le myorelaxant baclofène bénéficie d’une RTU dans la lutte contre l’alcoolisme…

Dernièrement, un essai de phase 2 a montré que le disulfirame (Espéral), molécule utilisée dans la prévention des rechutes de l’alcoolodépendance, permettrait de débusquer les virus VIH latents, les rendant accessibles aux antirétroviraux. La nicotine par voie transdermique a montré, dans deux essais cliniques menés à l’hôpital Henri-Mondor (Créteil), une action reconstructrice sur les récepteurs dopaminergiques. Elle pourrait ainsi obtenir une ATU dans la maladie de Parkinson. En oncologie aussi, de « vieilles » molécules suscitent l’intérêt : la metformine pour son effet protecteur sur les cellules lymphocytes CD8, la pioglitazone pour obtenir une rémission complète de la leucémie myéloïde chronique en association avec le traitement standard.

D’autres exemples récents mettent en scène des effets indésirables dont les laboratoires ont su tirer profit : les érections provoquées par le sildénafil testé dans l’angine de poitrine, la pilosité induite par le minoxidil utilisé comme antihypertenseur, l’augmentation de la libido constatée chez les femmes sous flibansérine, un piètre antidépresseur…

En somme, en pharmacothérapie, l’innovation passe aussi par les vieux pots !

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