DOULEURS INTENSES - Le Moniteur des Pharmacies n° 3118 du 05/03/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3118 du 05/03/2016
 

Cahiers Formation du Moniteur

ORDONNANCE

ANALYSE D’ORDONNANCE

Mme S. souffre d’accès douloureux paroxystiques

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Carine S., âgée de 68 ans et pesant 52 kg.

Par quel médecin ?

Le Dr M. Simon, l’oncologue qui la suit à l’hôpital.

L’ordonnance est-elle recevable ?

Oui. La prescription comporte 3 médicaments stupéfiants : Oxycontin, Oxynorm et Effentora, correctement prescrits sur une ordonnance sécurisée. Elle comporte également un laxatif. Le carré dans l’angle inférieur droit indique bien la prescription de 4 médicaments. Les dosages et les posologies des médicaments stupéfiants sont bien indiqués en toutes lettres. La durée de traitement est inférieure à 28 jours. La délivrance du fentanyl transmuqueux sera toutefois fractionnée tous les sept jours.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

Mme S., veuve, a une fille qui habite à côté de chez elle et qui l’accompagne à chaque consultation chez l’oncologue. Mme S. a été traitée pendant quelques années par létrozole (Fémara), mais il y a 5 mois, un bilan a révélé la présence de métastases osseuses. Son oncologue lui a donc alors prescrit un nouveau traitement anticancéreux à base de vinorelbine (Navelbine). Souffrant de douleurs dues aux métastases, son oncologue lui avait également prescrit de l’oxycodone à libération prolongée (Oxycontin) et à libération immédiate (Oxynorm).

Quel était le motif de l’hospitalisation ?

Mme S. souffre d’accès douloureux paroxystiques (ADP).

Que lui a dit le médecin ?

Le médecin lui a dit que ses accès douloureux étaient dus aux métastases et ajoute à son traitement antalgique du fentanyl (Effentora). La titration a été réalisée à l’hôpital.

Vérification de l’historique de la patiente

La consultation du DP révèle la dispensation régulière de Navelbine 30 et 20 mg, d’Oxycontin 40 mg et d’Oxynorm 10 mg.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• L’oxycodone, sous formes à libération prolongée (LP) et à libération immédiate (LI), est un agoniste opioïde pur qui agit sur les douleurs intenses et est utilisé en traitement de fond de la douleur. Son action antalgique est similaire qualitativement à celle de la morphine.

L’oxycodone LP agit pendant 12 heures avec un délai d’action de 1 heure et la forme LI agit 30 à 45 minutes après la prise, pour une durée d’environ 4 heures.

• Le fentanyl sous forme perlinguale est indiqué pour traiter les ADP chez des patients recevant déjà un traitement de fond opioïde pour des douleurs chroniques cancéreuses. Il agit au bout de 10 minutes environ et pour une durée approximative d’une heure et demie.

• Le macrogol est un laxatif osmotique utilisé dans le traitement symptomatique de la constipation. Un laxatif est systématiquement prescrit pour prendre en charge la constipation due à la prise d’opioïdes. Mme S. risque d’autant plus de souffrir de constipation que la vinorelbine, est un vinca-alcaloïde qui peut également être à l’origine d’épisodes de constipation.

Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique de référence ?

Oui, l’ordonnance est bien conforme aux recommandations du traitement de la douleur, notamment à celles de la HAS de décembre 2008. En effet, elles préconisent, pour les douleurs intenses cancéreuses, un traitement de fond par un morphinique (ici, oxycodone LP et LI), à associer en cas d’ADP à un morphinique d’action rapide (fentanyl transmuqueux). Le traitement opioïde est bien associé à un laxatif.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Y a-t-il des contre-indications ?

Non. Mme S. ne présente ni insuffisance respiratoire décompensée, ni insuffisance hépatique, qui sont les principales contre-indications à l’utilisation d’oxycodone. Le fentanyl est quant à lui contre-indiqué en cas de dépression respiratoire sévère et d’obstruction sévère des voies aériennes, ce qui ne concerne pas Mme S.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• Les posologies d’oxycodone sont cohérentes. Les interdoses LI doivent être comprises entre 1/10 et 1/6 de la dose journalière LP, ce qui est bien le cas pour Mme S.

• La posologie d’Effentora a été déterminée à l’hôpital durant la titration.

• La posologie du macrogol est également cohérente, à adapter en fonction du transit de Mme S.

Y a-t-il des interactions ?

Non.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Oui. Il est nécessaire de surveiller l’efficacité du traitement par le soulagement des douleurs traitées par Effentora. Il faut également surveiller l’apparition d’éventuels signes de surdosage (somnolence, dépression respiratoire, confusion). Les fonctions hépatique et rénale seront également surveillées.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Concernant l’oxycodone

Mme S. est déjà traitée depuis quelques mois par de l’oxycodone, LP et LI. Mais cette nouvelle dispensation est l’occasion pour le pharmacien de s’assurer de sa bonne tolérance.

Efficacité du traitement

Interrogée, Mme S. précise que son traitement de fond est efficace et sa douleur de fond bien contrôlée (à l’hôpital elle a évalué sa douleur en dessous de 4 et dit bien dormir). Le pharmacien lui conseille de noter sa consommation d’oxycodone LI qu’il évaluera au bout de 7 jours lors de la dispensation de la fraction du fentanyl. Au-delà de 3 gélules par jour d’oxycodone LI, la dose du traitement LP devrait être réévaluée par le médecin.

Effets indésirables

• Vérifier que la somnolence, les nausées et les vomissements de début de traitement aient bien disparu. Rappeler à Mme S. que la consommation d’alcool est déconseillée.

• Rappeler à Mme S. les règles hygiénodiététiques permettant de prévenir et de traiter la constipation : enrichir l’alimentation en fibres, assurer une bonne hydratation, pratiquer une activité physique suffisante en fonction des possibilités de la patiente.

Signes d’alerte

Les signes de sous-dosage (réapparition de la douleur), de surdosage (somnolence éventuellement associée à une bradypnée, hallucinations) et de mauvaise tolérance (rétention urinaire, constipation rebelle) doivent amener à orienter vers le médecin.

Concernant le macrogol

Un laxatif doit être coprescrit à un morphinique pour prévenir la constipation. Le patient ne doit pas attendre d’être constipé pour prendre un laxatif : la prise de laxatif doit être systématique (réponse 1). L’efficacité est évaluée par la surveillance du transit. L’apparition de diarrhées nécessiterait d’adapter le traitement.

Concernant le fentanyl

C’est la 1re fois que le pharmacien délivre ce médicament à Mme S., aussi convient-il d’insister sur les modalités de prise.

Utilisation du médicament

• Le comprimé doit être placé, immédiatement après l’avoir retiré de la plaquette, dans la cavité buccale : soit au niveau d’une molaire entre la gencive et la joue, soit sous la langue. Le comprimé se dissout généralement en 15 à 25 minutes, mais s’il reste des morceaux après 30 minutes, il est possible de les avaler avec un verre d’eau.

• En cas d’analgésie insuffisante 30 minutes après la prise, un 2e comprimé peut-être pris.

• Il faut attendre au moins 4 h avant de traiter un autre ADP.

Quand commencer le traitement ?

Mme S. doit commencer son traitement dès le prochain ADP.

La patiente pourra-t-elle juger de son efficacité ?

Oui, Mme S. pourra juger de l’efficacité du traitement par le soulagement de la douleur. L’effet est obtenu au bout de 10 minutes environ pour une durée d’une heure et demie environ.

En cas de survenue de plus de quatre ADP par jour sur plusieurs jours consécutifs, il faut orienter Mme S. vers son médecin afin de réévaluer le traitement de fond par oxycodone.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• Effentora fait l’objet d’un plan de gestion des risques européen. Les effets indésirables les plus fréquents sont ceux liés à la voie d’administration : douleurs et irritations de la muqueuse buccale, ulcère, détérioration de l’état dentaire (caries, perte de dents).

• D’autres effets indésirables, communs à tous les opioïdes, sont généralement transitoires : somnolence, étourdissements, nausées, vomissements, douleurs abdominales, constipation, hyperhidrose.

• D’autres, moins fréquents mais graves, doivent être particulièrement surveillés : dépression respiratoire ou circulatoire (hypotension et état de choc).

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• En cas d’effets indésirables buccaux, orienter vers l’oncologue et le dentiste. Il est toutefois possible de conseiller un bain de bouche antiseptique sans alcool en attendant les rendez-vous.

• En cas de constipation malgré la prise de laxatif osmotique et l’application des règles hygiénodiététiques, il est possible d’utiliser en plus un laxatif stimulant et/ou rectal.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

Des douleurs buccodentaires, une constipation rebelle ou une somnolence excessive sont des signes qui nécessiteraient d’orienter vers le médecin.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• En cas de sécheresse buccale, humidifier la muqueuse buccale avant la prise du comprimé de fentanyl. Ne pas boire ni manger avant la dissolution complète du comprimé.

• Attention à la conduite automobile : ne pas conduire sans l’autorisation du médecin.

• Les comprimés et gélules de morphiniques non pris doivent être ramenés à la pharmacie qui procédera à leur destruction.

PATHOLOGIE

Les douleurs en 5 questions

Si la douleur aiguë est un signal d’alarme dont il faut rechercher la cause, la douleur chronique est considérée comme une pathologie à part entière, entraînant des répercussions négatives importantes chez le patient.

1 COMMENT DÉFINIR LA DOULEUR ?

• La douleur est définie d’après l’association internationale pour l’étude de la douleur comme « une expérience émotionnelle et sensorielle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans des termes évoquant une telle lésion ». Cette définition tient ainsi compte du fait que la douleur puisse exister sans lésion objectivable.

• On distingue en effet trois types de douleurs : la douleur nociceptive d’origine somatique ou viscérale (liée à une lésion tissulaire réelle), la douleur neuropathique d’origine neurogène (liée à une lésion ou à un dysfonctionnement du système nerveux) et la douleur psychogène dont les mécanismes sont mal identifiés.

• Il existe des douleurs dites mixtes pouvant associer plusieurs types de douleurs : douleur nociceptive et neuropathique au cours du cancer ou d’une fracture avec lésion nerveuse, douleur nociceptive postopératoire amplifiée par des facteurs psychologiques…

• On différencie également la douleur aiguë de la douleur chronique.

– La douleur aiguë, de début soudain et de durée limitée, est associée à un processus pathologique récent (traumatisme, inflammation…). C’est un signal d’alarme ayant pour but de protéger l’organisme, elle est donc « utile » car elle contribue au diagnostic.

– La douleur chronique (se manifestant de façon continue ou intermittente) dure au moins 3 à 6 mois. Elle n’est plus considérée comme un signal d’alarme mais comme une pathologie en soi, qui peut avoir des conséquences néfastes : grande souffrance physique, affaiblissement immunitaire, souffrance psychologique et état dépressif.

2 COMMENT CARACTÉRISER ET ÉVALUER LA DOULEUR ?

Anamnèse

L’interrogatoire vise à localiser la douleur, à rechercher les circonstances et l’horaire de son apparition ainsi que ceux des exacerbations, à préciser le type de la douleur (brûlure, striction, élancements…), son rythme (continu ou pulsatile) et à évaluer son intensité. Quelle que soit la méthode (auto ou hétéroévaluation), il est important d’utiliser la même échelle pour apprécier l’efficacité des antalgiques.

Autoévaluation

• L’autoévaluation repose sur la capacité du patient à définir et à exprimer le ressenti de sa douleur sans l’intervention d’un tiers.

• Plusieurs échelles d’autoévaluation sont disponibles :

– L’échelle visuelle analogique (EVA) : sur une réglette horizontale de 10 cm, le patient déplace un curseur de gauche à droite en fonction de l’intensité de la douleur. Au dos de la réglette, une graduation numérique permet de chiffrer la douleur de 0 à 10. A partir de 7, la douleur est intense.

– L’échelle verbale simple (EVS) : le patient choisit un qualificatif à sa douleur (absente, faible, modérée, intense, extrêmement intense).

– L’échelle numérique (EN) : le patient note sa douleur (généralement de 0 à 10).

– L’échelle des visages : le patient choisit entre plusieurs expressions celle correspondant à ce qu’il ressent.

Hétéroévaluation

• L’hétéroévaluation est utilisée chez les patients non ou dyscommuniquants, en réanimation, et chez les enfants de moins de 4 ans. Une tierce personne (soignant, aidant, parent) évalue la douleur en observant le comportement du patient (mouvements, expressions faciales, pleurs…).

• Il est préférable que l’hétéroévaluation soit réalisée en binôme pour éviter les biais (sous-évaluation notamment).

• Pour évaluer la douleur aiguë, l’échelle Algoplus (adaptée à la personne âgée dyscommunicante), l’échelle ECPA (pour évaluer la douleur liée aux soins chez le sujet âgé) et l’échelle Behavioural Pain Scale (utilisable chez le patient intubé) peuvent être utilisées.

• Pour évaluer la douleur chronique chez la personne âgée, l’échelle Doloplus peut être utilisée (doloplus.com).

3 QU’EST-CE QUE LA DOULEUR NOCICEPTIVE ?

Physiopathologie

• La douleur nociceptive est la douleur la plus fréquente. Somatique ou viscérale, elle résulte de la stimulation directe (lésion tissulaire) ou indirecte par des médiateurs libérés par les tissus lésés (bradykinine, prostaglandines, histamine…), de nocicepteurs situés dans les tissus périphériques (peau, muscles, articulations) ou au niveau des organes.

• La stimulation des nocicepteurs est à l’origine du message douloureux qui est ensuite relayé jusqu’à la corne postérieure de la moelle épinière par les fibres Aδ et C. Différents neuromédiateurs interviennent à ce niveau : substance P, somatostatine, acides aminés excitateurs (glutamate, aspartate), eux-mêmes facteurs d’activation de nocicepteurs et assurant la transmission de l’influx nerveux jusqu’au thalamus, puis au cortex où il est analysé et interprété en douleur.

Mécanismes de contrôle

Différents systèmes de contrôle permettent de moduler la douleur.

• Les voies ascendantes font intervenir les enképhalines qui vont bloquer la libération de substance P en se fixant sur les récepteurs opioïdes µ des fibres Aδ et C, empêchant ainsi la transmission du message nociceptif au cerveau. Ce contrôle repose sur la théorie de la porte (gate control). Cette porte est située dans la corne dorsale de la moelle épinière. Plusieurs facteurs peuvent « ouvrir » plus ou moins la porte et ainsi augmenter, réduire voire interrompre le débit du message douloureux. Lorsque les influx douloureux sont plus nombreux que les influx normaux acheminés par les fibres sensitives cutanées A α et β cette porte s’ouvre et l’influx douloureux est transmis.

Cependant l’activation de ces fibres peut inhiber la transmission par les fibres Aδ et C. Ceci explique par exemple le soulagement d’une brûlure sous l’eau fraîche.

• Le contrôle descendant repose sur les voies descendantes inhibitrices supraspinales sérotoninergiques et noradrénergiques qui libèrent des opiacés naturels (béta-endorphines, enképhalines) et empêche la libération de la substance P.

4 QU’EST-CE QUE LA DOULEUR NEUROPATHIQUE ?

• La douleur neuropathique (anciennement dite neurogène) se manifeste en l’absence de stimulus nociceptif. Elle résulte d’une lésion ou d’un dysfonctionnement du système nerveux central ou périphérique. Certaines hypothèses expliquent en effet cette douleur comme résultant d’une hyperexcitabilité neuronale (avec une activation soutenue des récepteurs NMDA par le glutamate) ou d’un défaut de contrôle descendant supraspinal.

• La douleur neuropathique se traduit par des douleurs spontanées décrites comme des brûlures, des décharges électriques, une sensation de froid douloureux, d’étau, des compressions, des crampes, des paresthésies. Une allodynie peut compléter le tableau.

• Les douleurs de sciatique ou de cruralgie, du zona, des neuropathies diabétiques, ou de sclérose en plaques sont neuropathiques.

• Elles nécessitent une prise en charge particulière faisant appel aux antidépresseurs tricycliques et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, ou à certains antiépileptiques plutôt qu’aux antalgiques classiques, afin de corriger le dysfonctionnement de la transmission et des contrôles des messages nociceptifs.

5 QU’EST-CE QUE LA DOULEUR PSYCHOGÈNE ?

• La douleur psychogène ou idiopathique pourrait être due à un abaissement du seuil de perception douloureuse ou à des troubles psychoaffectifs.

• Elle ne relève jamais d’une prescription d’opioïde. L’implication d’un psychiatre peut être utile ainsi que le recours à une activité physique (kinésithérapie et rééducation à l’effort physique).

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter les douleurs intenses ?

Le traitement des douleurs intenses nociceptives fait appel à la morphine et à ses dérivés. Les posologies sont fonction de la réponse individuelle du patient au traitement, une titration est donc systématiquement nécessaire.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Objectifs thérapeutiques

L’objectif est de diminuer l’intensité de la douleur à un niveau supportable et d’éviter le passage à la chronicité.

Douleurs cancéreuses

Choix de la molécule

• En cas de douleurs intenses, les antalgiques de palier 3 peuvent être d’emblée utilisés.

• La molécule est choisie en fonction du profil du patient. Mais la morphine reste le traitement de référence, si possible per os.

• L’utilisation simultanée de 2 antalgiques de même classe pharmacologique ayant la même cinétique est inutile et proscrite. En revanche, le traitement de fond peut comporter des formes à libération prolongée (LP) de durée d’action de 12 heures et des formes à libération immédiate (LI) de durée d’action de 4 heures.

• En plus du traitement de fond, pour les accès douloureux paroxystiques (ADP), le fentanyl par voie transmuqueuse, qui agit très rapidement, est indiqué chez les adultes cancéreux.

Titration morphinique

• La posologie est individuelle et définie à l’initiation du traitement par titration. Celle-ci nécessite une évaluation quotidienne de la douleur.

• La titration est réalisée de préférence avec une forme LI. Au départ, la dose de morphine est de 60 mg/j, répartie en 6 prises de 10 mg LI. L’initiation de traitement par morphine LP n’est pas indiquée chez les patients fragiles (âge avancé, état général altéré, insuffisance rénale ou hépatique). Chez ces malades, les doses initiales sont abaissées à 5 mg toutes les 4 heures en LI.

• Si l’antalgie est insuffisante, des interdoses LI (5 à 10 mg) peuvent être ajoutées. Si ces interdoses sont régulièrement ajoutées, la quantité de morphine qu’elles représentent doit être intégrée à la dose totale quotidienne de morphine, pour déterminer le lendemain la dose LI par prise. Il n’y a pas de dose maximale pour la morphine, tant que les effets indésirables sont contrôlés. Lorsque le patient dépasse 4 interdoses successives à 1 heure d’intervalle, une réévaluation est impérative.

• Lorsque les patients sont équilibrés avec la morphine LI depuis 2-3 jours, un passage à la forme LP est conseillé. La dose LP par prise est alors déterminée en divisant par deux la dose LI journalière totale.

• Chez un patient souffrant de douleurs intenses déjà traitées par un autre opioïde, l’instauration de morphine devra répondre aux exigences de l’équianalgésie (voir tableau).

Rotation des opioïdes

• Lorsque l’antalgie est insuffisante (résistance ou tolérance au traitement) ou provoque des effets indésirables trop importants, un autre antalgique de palier 3 peut être choisi en remplacement. C’est la rotation des opioïdes.

• Elle s’effectue selon les critères d’équianalgésie. Avec le fentanyl transdermique, cependant, l’antalgie débute après 12 heures de pose, ce qui nécessite de conserver la morphine durant ces 12 premières heures.

Douleurs chroniques non cancéreuses

• L’utilisation des opioïdes forts n’est pas recommandée en 1re intention et doit être entreprise avec précaution, du fait d’un risque de dépendance. D’autre part, les douleurs neuropathiques réagissent de manière imprévisible aux opioïdes.

• Si un opioïde fort est jugé nécessaire, la morphine est préconisée. Le fentanyl transdermique et l’oxycodone ont également une AMM dans cette indication.

• Le choix de la forme galénique dépend du rythme de la douleur : forme LP en cas de douleur quotidienne permanente, forme LI en cas de douleurs intermittentes. Les formes injectables sont à proscrire.

• La titration diffère de celle des douleurs sévères cancéreuses. L’utilisation de la morphine LP est préférée en débutant avec une faible dose de 10 à 30 mg 2 fois par jour en adaptant progressivement la posologie à la réponse antalgique. Chez l’adulte, si une dose de 120 mg/j donne une réponse insuffisante, une réévaluation du mécanisme de la douleur et de l’intérêt de l’opioïde fort est nécessaire.

Profils particuliers

L’enfant

• Chez l’enfant, les antalgiques sont administrés systématiquement et non à la demande, tant que la pathologie responsable de la douleur n’est pas traitée. Une évaluation systématique de la douleur est réalisée avant et dans les 30 à 60 minutes suivant la prise antalgique pour juger de son efficacité.

• La morphine peut être utilisée à partir de 6 mois par voie orale. Avant, la voie IV peut être employée avec de grandes précautions, particulièrement durant les 3 premiers mois de vie, car le métabolisme de la morphine est alors imparfait. La titration est également nécessaire. La dose initiale journalière est de 1 mg/kg/jour.

• A partir de 2 ans, le fentanyl transdermique peut être utilisé, en relais de la morphine. Les patchs seront appliqués de préférence sur le haut du dos pour éviter le retrait par l’enfant.

• L’hydromorphone et la buprénorphine sublinguale sont utilisables dès 7 ans et l’oxycodone à partir de 12 ans.

• Dès 18 mois, la nalbuphine peut être utilisée de préférence en voie IV ou SC.

La femme enceinte ou allaitante

• Quel que soit le terme de la grossesse, en cas de douleurs intenses, la morphine est préconisée. Mais les prises prolongées et/ou de fortes doses jusqu’à l’accouchement peuvent être responsables de syndrôme de sevrage et de détresse respiratoire néonataux.

• Chez la femme allaitante, dans les 3 jours suivant l’accouchement, l’administration de morphine et de nalbuphine est possible. Par la suite, si un antalgique de palier 3 est indiqué, l’allaitement devra être suspendu.

L’insuffisant rénal

• En cas de clairance de la créatinine inférieure à 60 ml/min, l’oxycodone orale LI voit sa posologie réduite à 5 mg toutes les 8 heures (au lieu de 4 à 6 heures) en initiation. En forme LP, la posologie est de 5 mg 2 fois par jour.

• Le fentanyl et l’hydromorphone sont également utilisables avec prudence, voire à posologie réduite.

• La morphine est à éviter (risque rapide d’accumulation).

TRAITEMENTS

Morphiniques et législation

Prescription

• Les stupéfiants doivent être prescrits sur une ordonnance sécurisée, rédigée en toutes lettres et le carré de sécurité dûment rempli. Elle peut être manuscrite ou informatique.

• La durée maximale de prescription est de 28 jours pour les formes orales et transdermiques (sauf buprénorphine et nalbuphine, liste I : prescription possible de 12 mois – sur ordonnance sécurisée pour la buprénorphine –) et 7 jours pour les formes injectables (sauf en cas d’analgésie contrôlée par le patient ou PCA : 28 jours).

• Le chevauchement n’est possible que sur mention expresse.

Délivrance

• La délivrance totale de l’ordonnance n’est possible que dans les 3 jours suivant la prescription. Au-delà, seule la fraction de traitement restant à courir est délivrée. Le déconditionnement est obligatoire.

• La délivrance de fentanyl est soumise à un fractionnement (à 14 jours pour les formes transdermiques, 7 jours pour les formes transmuqueuses). Toutefois, le prescripteur peut exclure ce fractionnement par la mention « délivrance en une seule fois ».

• La délivrance est enregistrée à l’ordonnancier des stupéfiants.

• Le pharmacien doit conserver pendant 3 ans une copie de l’ordonnance (la copie électronique par scan est autorisée).

Effets indésirables des morphiniques

• L’effet indésirable persistant le plus fréquent est la constipation. La prescription de laxatifs osmotiques ou lubrifiants doit être systématique.

• Somnolence et sédation se manifestent en début de traitement et sont transitoires. Elles sont favorisées par l’association à d’autres médicaments dépresseurs du système nerveux central. Accompagnées d’un myosis et d’une bradypnée, elles peuvent être le signe d’un surdosage.

• Peuvent également survenir transitoirement des nausées et vomissements, un prurit et des sueurs.

• Confusions, hallucinations et cauchemars peuvent aussi être observés en début de traitement ou à l’augmentation des doses.

• Céphalées et sensations vertigineuses sont fréquentes avec le fentanyl. D’autres effets indésirables sont liés à la forme galénique : prurit avec les patchs, lésions buccales avec les formes perlinguales et épistaxis avec les sprays nasaux.

Les agonistes morphiniques purs

La morphine

• La morphine exerce une action analgésique dose-dépendante au niveau du système nerveux central. La multitude des récepteurs opioïdes µ dans l’organisme explique ses nombreux effets indésirables.

• Elle est métabolisée en 2 dérivés actifs, le 6-glucuronide et, en quantité moindre, la normorphine, éliminés essentiellement par voie urinaire, ce qui justifie l’utilisation d’autres opioïdes chez l’insuffisant rénal.

• Par voie orale, la morphine agit en 1 heure sur une durée de 4 heures (formes LI) et, après un délai de 4 heures, sur 12 heures (formes LP).

• L’administration sous-cutanée de morphine permet un délai d’action moindre et l’administration de dose 50 % moins importante. La voie IV requiert des doses quotidiennes équivalentes au tiers des doses par voie orale.

Le fentanyl

Le fentanyl, un agoniste environ 100 fois plus puissant que la morphine, est éliminé majoritairement par voie rénale sous forme de métabolites inactifs. Il est disponible sous plusieurs formes galéniques dont l’indication varie.

• Formes transdermiques : elles sont indiquées dans la prise en charge des douleurs chroniques intenses.

• Le patch est posé pour une durée de 72 h (48 h si l’absorption est trop rapide). Le délai d’action est de 12 h.

L’évaluation de l’efficacité est réalisée 24 h après la pose, la concentration augmentant progressivement durant ce délai. Chez certains patients, les concentrations d’équilibre peuvent néanmoins être atteintes après quelques jours.

• A l’arrêt du traitement, il faut au moins 17 h pour que la concentration sérique de fentanyl diminue de moitié. En cas de relais par un autre opioïde, le remplacement doit être progressif.

• Formes transmuqueuses : elles sont indiquées pour les ADP chez des patients bien contrôlés par un traitement de fond morphinique pour des douleurs chroniques cancéreuses. Elles ne doivent pas être administrées à des patients naïfs de morphine ou sans traitement de fond. En effet, le risque de dépression respiratoire est alors majoré. Elles ne doivent pas non plus être utilisées pour la titration morphinique et leur association à des formes LI et/ou LP n’en modifie pas les calculs de doses.

• Il n’y a pas d’équivalence entre les formes transmuqueuses, c’est pourquoi il faut recommencer la titration en cas de changement de forme (voir arbre de titration).

• Le délai d’action des formes perlinguales est évalué à environ 15 minutes. La durée d’action est d’environ 2 heures.

• Les solutions nasales peuvent être utilisées en cas de mucites, vomissements ou sécheresse buccale. L’analgésie est ressentie en 10 minutes et dure 1 heure.

L’hydromorphone

• L’hydromorphone est 7,5 fois plus puissante que la morphine. La durée d’action est de 12 heures.

• Elle est éliminée par voie urinaire. Ses métabolites sont actifs et neurotoxiques (prudence chez l’insuffisant rénal).

L’oxycodone

• Le délai d’action de l’oxycodone LP est de 1 heure et sa durée d’action de 12 heures. Le délai d’action des formes LI est de 30 à 45 minutes pour une durée d’action de 4 heures.

• Elle est éliminée par voie urinaire sous la forme de métabolites, dont l’un est actif (réduction de la posologie en cas d’insuffisance rénale).

La péthidine

• La péthidine, utilisable seulement en injectable (IV ou IM profonde), a une activité 5 à 10 fois plus faible que la morphine. Son principal métabolite est convulsivant.

Les agonistes-antagonistes

La buprénorphine

Elle a une activité 30 fois plus puissante que la morphine per os mais comporte un effet plafond. Son élimination s’effectue via la bile et les selles.

La nalbuphine

Elle est 2 fois plus puissante que la morphine. Sa durée d’action va de 2 à 4 heures. Elle n’existe que sous forme injectable.

Autres traitements

• Une prise en charge psychologique et comportementale peut diminuer l’anxiété et la perception de la douleur.

• La neurostimulation transcutanée est indiquée dans les douleurs neuropathiques mais aussi dans certaines douleurs aiguës ou chroniques.

• La kinésithérapie est recommandée pour soulager certains syndromes algiques.

• L’acupuncture et l’hypnose médicale peuvent aussi être envisagées.

Perspectives d’avenir

• Targinact (oxycodone et naloxone) est une association d’un agoniste pur et d’un antagoniste, permettant de diminuer les effets indésirables intestinaux de l’oxycodone.

• Palexia (tapentadol) exerce une activité agoniste µ-opioïde et inhibitrice de la recapture de la sérotonine.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Georges, 62 ans, retraité

« Je souffre d’une neuropathie des membres inférieurs depuis plusieurs années et c’était, au moment où l’on me l’a diagnostiquée, très douloureux. Le médecin m’a alors prescrit plusieurs antalgiques mais aucun n’a fonctionné. Il a finalement décidé de me mettre sous morphine. Même si j’éprouve encore des douleurs, cela m’a grandement soulagé ! Je suis depuis deux ans sous Durogésic, le médecin a progressivement augmenté le dosage jusqu’à 100. Au début, j’avais peur de devenir dépendant mais le médecin m’a rassuré et il avait raison ! Et je trouvais également compliqué de changer mon patch tous les 3 jours, mais finalement, c’est un rythme à prendre et maintenant, je suis bien rodé : j’alterne les sites toujours dans le même ordre. La seule chose difficile à gérer est la fatigue mais je ne sais pas si elle est liée au médicament ou à la maladie. »

LA DOULEUR VUE PAR LES PATIENTS

Il faut tenir compte à la fois de l’intensité de la douleur et de son impact sur le quotidien.

Impact psychologique

• Qu’elle qu’en soit l’origine, l’apparition ou l’accentuation d’une douleur chronique est souvent anxiogène pour le patient car il s’imagine que cela traduit une aggravation de la cause de la douleur. Il arrive que le patient cache sa douleur pour ne pas apparaître « faible » ou pour refuser l’aggravation de la maladie.

• Or la prise en charge de la douleur est essentielle. C’est pour cela que l’évaluation de la douleur, à chaque consultation du cancérologue notamment, est primordiale. Une prise en charge psychologique peut être proposée au patient.

Impact sur la vie quotidienne

La douleur a des répercussions sur le travail, les loisirs et la qualité du sommeil. Le patient a alors souvent tendance à se renfermer sur lui-même. Ne pouvant plus réaliser seul certaines tâches du quotidien, il se sent dépendant.

Impact sur la vie familiale

• Le malade se sent parfois incompris par son entourage. Ce dernier peut nier la douleur dans l’espoir que le patient lui-même l’oublie, mais le risque est alors que le malade se sente incompris.

• Inversement, l’entourage peut se préoccuper continuellement de la douleur du malade, ce qui peut avoir tendance à l’accentuer. Il n’est pas facile pour l’entourage, impuissant, de trouver les mots justes et le bon compromis.

A DIRE AU PATIENT

A propos de la douleur

• Ne pas souffrir est un droit. Tout patient qui dit souffrir doit être cru et entendu.

• Il existe plusieurs types de douleurs : les douleurs nociceptives, les douleurs neuropathiques et les douleurs psychogènes. Pour une prise en charge optimale, le patient doit pouvoir décrire sa douleur et en donner sa/ses localisation (s).

• La douleur est subjective et il existe différentes échelles d’évaluation (voir partie pathologie) qui sont indispensables pour la prise en charge de la douleur. Le fait d’utiliser toujours la même échelle d’évaluation permet d’évaluer à la fois l’évolution de la douleur dans le temps et l’efficacité du traitement.

• Il faut absolument éviter que la douleur ne s’installe car elle ne va a priori pas disparaître spontanément. Elle risque au contraire de s’accentuer car l’activation de neurotransmetteurs au niveau de la moelle épinière entraîne l’apparition d’autres douleurs.

• Il est important de rassurer le patient et son entourage : ce n’est pas parce que la douleur augmente que la maladie évolue péjorativement.

A propos du traitement

• Le traitement de la douleur ne permet pas toujours de supprimer la totalité de la douleur mais doit permettre une amélioration significative de la qualité de vie.

• Les morphiniques véhiculent une image souvent négative. Les malades ont l’impression qu’ils leur seront prescrits à vie, alors que la morphine peut être utilisée de façon temporaire.

• D’autres réticences à l’utilisation des morphiniques sont liées à la crainte de la dépendance et des effets indésirables. Il faut rassurer les patients car les études montrent que lorsqu’ils sont bien utilisés, les morphiniques n’entraînent pas de dépendance. Concernant les effets indésirables, ils sont limités grâce à la recherche de la dose minimale efficace lors de la titration.

• La constipation doit être systématiquement prévenue grâce à la prise de laxatifs osmotiques et au respect de mesures hygiénodiététiques adaptées au patient : hydratation suffisante, consommation de fibres, pratique (quand elle est possible) d’une activité physique régulière… En cas d’apparition de constipation, la traiter immédiatement par un laxatif stimulant et/ou un laxatif local.

• Les nausées de début de traitement peuvent être prévenues par un antiémétique. Elles s’améliorent par la suite.

• En raison de la baisse de vigilance possible, la conduite de véhicule n’est pas recommandée lors de l’instauration du traitement, au cours de la première semaine. Elle est possible ensuite avec l’accord du médecin. Déconseiller la consommation d’alcool.

• Les signes de surdosage (somnolence, dépression respiratoire…) doivent être connus du patient.

• Veiller à ce qu’aucun morphinique ne soit laissé à portée de main des enfants. Tout stupéfiant périmé ou non utilisé doit être ramené à la pharmacie.

• En cas de retour, les stupéfiants doivent être détruits à la pharmacie en présence d’un confrère habilité. Le pharmacien inspecteur de santé publique ou l’inspecteur de l’ARS doit en être informé un mois avant et les documents attestant de la destruction doivent être conservés 10 ans avec envoi de la copie à l’inspecteur régional de santé publique ou à l’inspecteur de l’ARS ayant qualité de pharmacien.

Autres conseils

• Une prise en charge pluridisciplinaire, et notamment psychologique, permet une prise en charge globale de la douleur chronique. Pour une prise en charge optimale, il faut un médecin coordinateur, voire idéalement aussi un pharmacien référent.

• Certaines méthodes de relaxation comme la sophrologie ou l’hypnose peuvent compléter la prise en charge. D’autres techniques peuvent également aider au soulagement de la douleur : thermothérapie, massages, musicothérapie… L’accompagnement par un kinésithérapeute peut se révéler utile pour apprendre les gestes qui soulagent.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : OUI. Le patch de fentanyl est normalement changé au bout de 72 heures, mais chez certains patients souffrant de douleurs importantes le 3e jour de pose des patchs, il peut être nécessaire de le changer toutes les 48 heures.

ORDONNANCE 2 : NON. Les différentes formes de fentanyl transmuqueux ne peuvent être prescrites que chez les patients atteints de cancer recevant un traitement de fond opioïde. En effet, en l’absence d’un traitement de fond, le risque de dépression respiratoire est accru.

MÉMO-DÉLIVRANCE

L’ordonnance est-elle recevable ?

• Tous les antalgiques de palier III (sauf la nalbuphine) doivent être prescrits sur une ordonnance sécurisée.

• Le chevauchement est interdit, sauf mention expresse.

• S’assurer que la prescription date de moins de 3 jours pour la délivrer en totalité.

• Sauf mention contraire du prescripteur, la délivrance de fentanyl est soumise à un fractionnement (à 14 jours pour les patchs et à 7 jours pour les formes transmuqueuses).

Est-elle conforme aux recommandations ?

Douleurs cancéreuses

• En cas de douleurs très intenses, les morphiniques peuvent être utilisés d’emblée. L’initiation d’un traitement morphinique nécessite une titration.

• Le fentanyl transmuqueux est indiqué uniquement pour les ADP chez des patients cancéreux bien contrôlés par un traitement de fond morphinique. Attention : les différentes formes ne sont pas équivalentes en doses.

Douleurs chroniques non cancéreuses

Les morphiniques ne sont pas recommandés en 1re intention dans les douleurs neuropathiques. Le traitement fait avant tout appel à certains antidépresseurs ou antiépileptiques.

Y a-t-il des interactions ?

L’association d’un agoniste morphinique pur à un agoniste partiel ou à un agoniste-antagoniste est contre-indiquée.

Le patient sait-il quand et comment prendre son traitement ?

• Les formes orales LP se prennent à heures fixes, toutes les 12 heures.

• Les formes orales LI s’administrent toutes les 4 heures, ou en interdoses.

• Les patchs de fentanyl sont mis en place pour 72 heures. Appliquer les patchs sur une peau glabre, propre et sèche, non irritée. Varier les sites d’application.

• Les formes transmuqueuses de fentanyl se prennent au moment des ADP (traitement de 4 ADP/j max). Le spray nasal s’administre en position assise ou debout. Les comprimés ne doivent pas être mâchés, croqués ou sucés. Ne pas boire, ni manger jusqu’à la dissolution complète.

Humidifier la bouche avant la prise.

Quels en sont les principaux effets indésirables ?

• Nausées, vomissements et somnolence s’observent surtout en début de traitement et sont transitoires.

• Constipation qui doit être systématiquement prévenue par un laxatif.

• Effets indésirables liés à la forme galénique : prurit avec les patchs, lésions buccales avec les formes perlinguales et épistaxis avec les sprays nasaux de fentanyl.

Quels conseils donner au patient ?

• Bien utilisés, les morphiniques n’entraînent pas de dépendance. Il n’y a en outre, pas de corrélation entre intensité de la douleur et gravité de la pathologie.

• Conseils hygiénodiététiques pour prévenir la constipation.

• Ne pas consommer d’alcool pendant le traitement.

• Ne conduire que sur accord médical.

• Une somnolence excessive doit faire suspecter un surdosage et impose une consultation.

LE CAS : Mme S. souffre d’un cancer du sein diagnostiqué il y a 4 ans. Il y a 5 mois, les résultats des examens ayant révélé des métastases osseuses, l’oncologue a prescrit à Mme S. un nouveau traitement anticancéreux ainsi qu’un traitement antalgique en raison de douleurs intenses. Souffrant depuis quelques jours d’accès douloureux paroxystiques, Mme S. a été hospitalisée quelques jours et présente aujourd’hui l’ordonnance suivante.

ACCÈS PAROXYSTIQUES DOULOUREUX

Exacerbation transitoire et d’intensité modérée à sévère, survenant sur une douleur de fond contrôlée par un traitement de palier III efficace.

TITRATION

Détermination, pour un patient donné, de la dose minimale efficace d’un traitement.

Demande de la patiente

Mme S. aimerait que le pharmacien lui réexplique comment prendre les comprimés d’Effentora. Elle a en effet oublié ce que son oncologue lui a dit.

– Le médecin m’a parlé de prendre un deuxième comprimé mais je ne me souviens plus si je dois le prendre systématiquement, ni à quel moment ?

– En cas d’accès douloureux, vous devez commencer par prendre un comprimé d’Effentora. Si, au bout de 30 minutes après la prise, vous n’avez pas été suffisamment soulagée, vous pouvez prendre un 2e comprimé. A l’hôpital, le médecin a déterminé la dose minimale qu’il vous faut pour être soulagée. Il est possible cependant que certains pics douloureux nécessitent la prise d’un comprimé supplémentaire : c’est donc dans ce cas que vous devez prendre le 2e comprimé, 30 minutes après le premier.

Qu’en pensez-vous

Comment Mme S. doit-elle prendre le laxatif ?

1) Systématiquement.

2) Uniquement en cas de constipation.

HYPER-HIDROSE

Sécrétion sudorale excessive.

EN CHIFFRES

• Prévalence de la douleur chronique : 31,7 % de la population générale en France (étude STOPNET, 2004)

• Durée moyenne de la douleur des patients douloureux chroniques français : 5,7 ans

• 75 % des patients atteints d’un cancer à un stade avancé présentent une douleur modérée à sévère

• 60 % des enfants pris en charge pour un cancer pédiatrique ont connu une douleur, qui a nécessité un alitement dans la moitié des cas.

La douleur chez l’enfant

• La perception de la douleur est possible dès la 24e semaine de vie intra-utérine. Chez l’enfant, la douleur est un signal d’alarme dont l’adulte doit tenir compte. La peur, l’anxiété et la dépression majorent la perception de la douleur. Un enfant peut souffrir aussi de douleurs neuropathiques suite à des lésions postopératoires, post-traumatiques ou à des pathologies tumorales.

• Les méthodes d’autoévaluation doivent tenir compte du développement de l’enfant. L’échelle des jetons convient aux plus jeunes, dès 4 ans. Quatre jetons sont présentés à l’enfant, chacun représentant un morceau de douleur. L’enfant prendra alors autant de jetons qu’il a mal. A cet âge, l’échelle des visages peut aussi être utile. Vers 5-6 ans, l’EVA sera utilisée. L’enfant tient la réglette verticalement et déplace le curseur vers le haut. A partir de 8 ans, l’EN ou l’EVS peuvent être suffisantes. Le schéma du « bonhomme douleur » est également intéressant, permettant à l’enfant de localiser les zones douloureuses sur un contour prédessiné.

• Les grilles d’hétéroévaluation, remplies par un soignant de préférence en présence de l’un des parents, sont nombreuses (pediadol.org), comme l’échelle EVENDOL de 0 à 7 ans, qui prend en compte une éventuelle atonie psychomotrice, ou l’échelle EDIN (échelle douleur et inconfort du nouveau-né) pour la douleur chronique.

NOCICEPTEUR

Terminaison nerveuse amyélinique ou faiblement myélinisée localisée dans le tissu cutané, les tendons, les muscles, les articulations et les viscères.

STIMULUS NOCICEPTIF

Stimulus d’origine mécanique, thermique ou chimique, capable de produire une lésion tissulaire et de sensibiliser les nocicepteurs.

ALLODYNIE

Apparition d’une douleur suite à un stimulus normalement indolore.

CRURALGIE

Névralgie crurale ou douleur du nerf crural, situé sur le devant de la cuisse.

CE QUI A CHANGÉ

APPARU

• 3 formes de fentanyl à libération immédiate : Pecfent, solution pour pulvérisation nasale (septembre 2011), Breakyl, film orodispersible (avril 2013), Recivit, comprimé sublingual (juin 2014).

• 3 nouveaux dosages pour Oxycontin : 15, 30 et 60 mg (juin 2012).

PCA (PATIENT CONTROLLED ANALGESY)

Analgésie contrôlée par le patient via l’utilisation d’une pompe à morphine qui libère une dose en continu. Le patient peut déclencher des bolus supplémentaires en cas d’accès douloureux, dans une limite définie.

VIGILANCE !!!

De nombreuses contre-indications absolues aux morphiniques doivent être connues :

Buprénorphine : enfant < 7 ans, insuffisance respiratoire sévère, insuffisance hépatique grave, intoxication alcoolique aiguë et delirium tremens.

Fentanyl : dépression respiratoire ou pathologie pulmonaire obstructive sévères, douleur aiguë ou postopératoire, radiothérapie antérieure du visage et épisodes récurrents d’épistaxis (voie nasale), perturbation grave du système nerveux central.

Hydromorphone : enfant < 7 ans, insuffisance respiratoire décompensée, insuffisance hépatique sévère, épilepsie non contrôlée, douleur aiguë, allaitement.

Morphine, péthidine : enfant < 6 mois, insuffisance respiratoire décompensée, insuffisance hépatocellulaire sévère, épilepsie non contrôlée, allaitement (traitement au long cours), intoxication alcoolique aiguë et delirium tremens (péthidine).

Nalbuphine : enfant < 18 mois, syndrome chirurgical abdominal, allaitement.

Oxycodone : patient < 18 ans (ou 12 ans selon les spécialités), insuffisance respiratoire décompensée, BPCO, asthme bronchique sévère, dépression respiratoire sévère avec hypoxie, iléus paralytique, insuffisance hépatique sévère, allaitement.

NEURO-STIMULATION TRANSCUTANÉE

Administration par voie transcutanée d’un courant électrique de faible intensité, au niveau de la zone douloureuse.

POINT DE VUE Pr Marilène Filbet, chef de service de soins palliatifs, Hospices civils de Lyon.

« Il faut rassurer sur l’utilisation des opioïdes »

Quels messages faire passer ?

Il faut rassurer le patient et son entourage : la morphine ne tue pas, c’est un médicament comme un autre. Certes, il est important d’insister sur l’intérêt du traitement laxatif associé et dire qu’en cas de somnolence excessive ou d’efficacité insuffisante, il faut reconsulter.

Le pharmacien doit aussi bien réexpliquer à quoi sert le traitement : c’est compliqué de s’y retrouver avec une ordonnance associant formes LP, LI et transmuqueuses ! Les formes LP se prennent à heure fixe toutes les 12 heures, les formes LI à la demande en cas d’aggravation de la douleur et le fentanyl transmuqueux en cas d’accès paroxystique douloureux. Il s’agit d’un pic douloureux aigu, bref, de localisation possiblement différente de la douleur de fond, qu’il faut différencier d’une accentuation (plus sourde et perdurant plus longtemps) de la douleur.

Que pensez-vous de l’utilisation du tétrahydrocannabinol dans certains pays ?

Ce qui est certain c’est que le cannabis est un très bon antiémétique, ce qui est intéressant chez le patient cancéreux. Concernant son action sur la douleur, certaines études démontrent qu’il n’aurait pas d’effet antalgique direct, mais peut-être lié à un effet euphorisant. Toujours est-il que certains de mes patients en fument et se sentent soulagés. Je constate aussi parfois une véritable reprise d’appétit. Alors pourquoi leur refuser cet effet antalgique ? Il faudrait étudier la possibilité de l’utilisation dans ce condiv du tétrahydrocannabinol, qui présente l’avantage d’être un produit pur et de dosage connu, par rapport au cannabis brûlé.

QUESTION DE PATIENTS

« J’ai peur de commencer mon traitement car ma tante est décédée quelques jours après que le médecin lui ait instauré un traitement par de la morphine. Y a-t-il un lien ? »

Non, la morphine n’est sûrement pas la cause de la mort de votre tante. C’est la maladie qui devait déjà être très évoluée qui a entraîné son décès.

QUESTION DE PATIENTS

« Si la morphine n’agit pas ou plus, rien ne pourra soulager ma douleur ? »

L’arsenal thérapeutique s’est considérablement enrichi. En dehors de la morphine qui reste le traitement de première intention, d’autres molécules sont disponibles. Il est également possible d’augmenter les doses ou d’associer des formes à libération immédiate. Selon le type de douleurs, les antidépresseurs ou les antiépileptiques pourront également être utilisés.

INTERNET

sfetd-douleur.org

Le site de la Société française d’étude et de traitement de la douleur répertorie les recommandations officielles, les formations et les manifestations organisées sur le thème de la douleur et donne des outils pour soulager au mieux la douleur.

cnrd.fr

Sur le site du Centre national de ressources de lutte contre la douleur, on trouve des informations sur l’évaluation de la douleur et sa prise en charge, en particulier chez l’enfant et le sujet âgé.

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