Métabolisme hépatique - Le Moniteur des Pharmacies n° 3111 du 16/01/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3111 du 16/01/2016
 

Comptoir

FICHE PHARMACOLOGIE

Auteur(s) : Denis Richard

De nombreux médicaments sont métabolisés par le foie où ils subissent diverses actions enzymatiques facilitant leur élimination urinaire.

• La majorité des médicaments est métabolisée dans une proportion variable par le foie. Après administration orale, ils y sont amenés par le système porte hépatique ; en cas d’administration non orale, ils sont d’abord distribués dans l’organisme avant d’être métabolisés au niveau hépatique.

• Ce métabolisme hépatique comporte le plus souvent deux phases distinctes, I et II (voir schéma ci-dessous).

• L’effet dit « de premier passage hépatique » (ou « métabolisme présystémique ») se traduit par l’inactivation d’une proportion parfois significative d’un médicament administré par voie orale avant sa distribution dans l’organisme. Il concerne notamment des molécules telles l’imipramine, le propranolol, le diazépam, etc. La buprénorphine s’administre par voie sublinguale, ce qui lui permet d’agir dans le cerveau avant de subir une désalkylation et une conjugaison hépatiques.

Réactions de phase I

• Les réactions de phase I (dites cataboliques ou de fonctionnalisation) mettent principalement en jeu l’oxydation, la réduction ou l’hydrolyse des médicaments. Elles livrent des dérivés dont les fonctions sont le plus souvent des hydroxyles (-OH, -SH), des amines (-NH2) ou des carboxyles (-COOH).

• L’oxydation dépend de l’action des cytochromes P450 (CYP450), des complexes enzymatiques localisés sur le réticulum endoplasmique hépatocytaire et dont il existe de nombreux types.

• Cette phase s’accompagne généralement d’une perte d’activité pharmacologique du médicament, même s’il existe des cas de maintien (par exemple, les formes hydroxylées des bêtabloquants ou les métabolites du diazépam sont actives) ou parfois de création de l’activité (promédicaments devenant actifs après hydrolyse d’une liaison ester ou amide, par exemple les IEC).

• Certains métabolites sont parfois toxiques, notamment lorsque le processus normal de détoxification est saturé et détourné vers des voies alternes : le paracétamol en constitue un exemple classique.

Réactions de phase II

• Les réactions de phase II (dites anaboliques ou de conjugaison) sont localisées dans le cytoplasme de l’hépatocyte : elles greffent par covalence un groupe polaire (ionisé ; glucuronate, glutathion, sulfate, méthyle, acétyle, glycine, etc.) sur le médicament pour augmenter son hydrosolubilité et faciliter son excrétion.

• Elles concernent des médicaments généralement inactivés par des réactions de phase I mais parfois aussi directement des médicaments non transformés.

• Les métabolites sont finalement excrétés dans la bile ou rejoignent la circulation systémique d’où ils sont extraits par les reins.

Variabilité du métabolisme hépatique

Le métabolisme hépatique est fortement influencé par des facteurs innés (génétiques) et éventuellement acquis (pathologies hépatiques, interactions médicamenteuses inductrices ou inhibitrices).

Equipement enzymatique. L’activité enzymatique du foie varie en fonction de l’âge (le nourrisson et le sujet âgé ont un métabolisme plus lent) ou du phénotype individuel. On distingue des sujets métaboliseurs lents et des métaboliseurs rapides, réagissant différemment à l’administration d’un même médicament. Par exemple, les métaboliseurs lents pour le CYP 2D6 transforment lentement la codéine en morphine active et sont peu sensibles à son action antalgique ; les métaboliseurs rapides réagissent à des doses faibles de codéine.

Insuffisance hépatocellulaire. Diverses affections (cirrhose, carcinome etc.) altèrent parfois sévèrement le métabolisme hépatique : il faut en tenir compte dans l’adaptation des doses de médicaments.

Induction enzymatique. C’est un phénomène non génétique qui se caractérise par une prolifération du réticulum endoplasmique de l’hépatocyte (sous l’influence d’un médicament donné), entraînant une augmentation de l’activité de certains CYP (elle est généralement spécifique d’une famille de CYP donnée). Elle concerne aussi des enzymes impliquées dans la phase II du métabolisme.

• L’induction est progressive avec un effet qui se stabilise en 2 à 3 semaines et régresse lentement à l’arrêt de l’inducteur.

• L’induction accélère le métabolisme : si le métabolite est actif ou toxique, il y a augmentation d’activité ou de la toxicité ; si le métabolite est inactif, il y a diminution de l’effet thérapeutique.

Exemple d’inducteurs enzymatiques : phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine, millepertuis, griséofulvine, rifampicine, nombreux antirétroviraux, produits de combustion (tabac, grillades) ou alcool en prise chronique. Les inducteurs peuvent, notamment, augmenter le métabolisme de l’éthinylestradiol (d’où un risque de grossesse) ou de la warfarine (d’où un risque hémorragique).

Inhibition enzymatique. C’est également un phénomène non génétique qui résulte de la fixation d’un médicament sur l’enzyme active, rendant celle-ci moins affine pour les produits qu’elle métabolise.

• Cet effet, de survenue plus rapide que l’induction (2 à 3 jours), est associé à des modifications brutales des concentrations plasmatiques avec risque éventuel de toxicité. Par exemple, augmentation des concentrations de carbamazépine en présence de fluoxétine.

• Les inhibiteurs sont plus nombreux que les inducteurs. Certains inhibent simultanément plusieurs types de CYP.

Exemple d’inhibiteurs enzymatiques : inhibiteurs des protéases du VIH, azolés antifongiques, divers IRS (fluvoxamine, fluoxétine, paroxétine, sertraline), venlafaxine, clomipramine, isoniazide, certains macrolides (clarithromycine, érythromycine, télithromycine), méthadone, valproate de sodium, jus de pamplemousse, etc.

• L’inhibition réciproque entre médicaments dépend de leur affinité relative pour le cytochrome. Cette compétition est à prendre en compte dès que l’on administre deux médicaments suivant une même voie métabolique. Par exemple, le valproate inhibe l’hydroxylation du phénobarbital ; la cimétidine (pour des doses > 800 mg/jour) inhibe l’hydroxylation de nombreuses substances telles la warfarine, la théophylline, etc. ; l’érythromycine inhibe le métabolisme de la théophylline ou de la carbamazépine.

Action mixte. Quelques médicaments sont à la fois inhibiteurs de certaines isoenzymes et inducteurs d’autres. Exemple : inhibiteurs de protéases du VIH.

Sources : Hardman J.-G. et al. (1998, 9e éd.), « Les bases pharmacologiques de l’utilisation des médicaments », pp. 11-17 ; Prescrire, « Guide Interactions », éd. 2015, pp. 617, 636-643 et 650 ; ANSM, « Interactions médicamenteuses et cytochromes » (ansm.sante.fr) ; Nettleton D.O., Einolf H.J., (2011) Assessment of cytochrome p.450 enzyme inhibition and inactivation in drug discovery and development, Curr. Top. Med. Chem., 11 (4), pp. 382-403.

PRÉVENIR L’IATROGÉNIE

• Pour connaître l’importance de l’interaction et optimiser le traitement, il importe de connaître la sélectivité des substrats des CYP450 et les médicaments inducteurs et inhibiteurs de ces enzymes (voir par exemple Thésaurus des interactions*, rubriques « Inducteurs » et « Inhibiteurs »).

• La posologie doit si besoin être adaptée en fonction d’une éventuelle insuffisance hépatocellulaire, avec bilan hépatique préalable puis suivi régulier. C’est le cas par exemple pour l’agomélatine (Valdoxan, imposant la tenue d’un carnet de suivi), l’amiodarone, la carbamazépine, l’entacapone, la tolcapone, etc. Certains médicaments sont à utiliser avec précaution ou sont contre-indiqués en cas d’insuffisance hépatique (metformine, paracétamol, etc.).

• Le paracétamol constitue un exemple emblématique de risque hépatotoxique. Il peut apparaître en cas de prise de doses importantes ou même modérées ou administrées de façon prolongée (en cas de consommation concomitante d’alcool, de malnutrition, de jeûne prolongé, d’atteintes hépatiques, etc.). Dans ces situations, il ne faut pas dépasser la dose maximale de 3 g/jour.

L’hépatotoxicité du paracétamol est liée à la déplétion des stocks cellulaires de glutathion (voie de détoxification mineure du paracétamol mais qui peut être « débordée ») : les composés létaux pour l’hépatocyte ne sont plus éliminés.

L’antidote est l’acétylcystéine qui fournit du glutathion fixant les radicaux toxiques.

* www.ansm.sante.fr

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