PORTER UN LITIGE DEVANT LE JUGE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3108 du 12/12/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3108 du 12/12/2015
 
FISCALITÉ

Entreprise

Auteur(s) : François Pouzaud

Il peut arriver d’être en désaccord avec le fisc sur les droits d’enregistrement à régler, le montant des plus-values de cession, un montant excessif d’impôt à payer… En cas d’échec des différents recours amiables, le litige devra être porté devant les tribunaux.

Avant de choisir la voie judiciaire pour régler un conflit avec l’administration fiscale, il faut passer par les voies de recours amiable : observations suite à une proposition de rectification, recours hiérarchique, saisine du conciliateur fiscal et de la commission départementale des impôts, transaction… Sinon, le contribuable redressé n’a pas d’autre choix que d’entamer une procédure contentieuse devant le tribunal.

« Si un avis d’imposition ou de mise en recouvrement est émis, il faut demander au directeur des services fiscaux un sursis de paiement », conseille Benoît Lelieur, avocat fiscaliste à Paris. Mais, dans ce cas, l’administration demandera des garanties pour couvrir sa créance. « Le fisc peut demander un nantissement sur un bien, une caution bancaire, une hypothèque, le blocage d’une somme sur un compte séquestre pour se prémunir contre le risque d’insolvabilité à terme du contribuable », précise Alexandre Biette, avocat fiscaliste du cabinet Actis Conseils.

Mais cet avocat invite à faire un usage modéré du droit au sursis de paiement, et recommande plutôt de payer les sommes mises en recouvrement et de contester ensuite le redressement. « Payer n’est pas reconnaître que l’administration fiscale a raison, le but est de figer le montant qu’elle réclame et donc d’éviter un surcoût, ceci afin de se prémunir contre l’aléa judiciaire, explique Alexandre Biette. En effet, si le contribuable a demandé le sursis de paiement et perd au contentieux, il devra payer en plus des intérêts de retard qui continuent de courir au taux de 0,40 % par mois. En revanche, s’il gagne, il récupère la somme payée et des intérêts moratoires. » Une procédure contentieuse risque d’être longue (plusieurs années…) et coûteuse, d’autant que son issue est aléatoire. Pour ces raisons, « il est préférable de mettre en œuvre tous les moyens pour l’éviter afin d’obtenir une résolution du litige à l’amiable », explique-t-il.

Il est recommandé de se faire assister le plus tôt possible, dès la première réclamation fiscale, par un avocat expérimenté dans la gestion des contrôles fiscaux, même si en première instance sa présence n’est pas obligatoire.

Faire appel à un avocat en amont

« Plus l’avocat est sollicité tardivement, plus il est difficile ensuite de rattraper une situation mal engagée, obligeant à mettre en œuvre des moyens disproportionnés par rapport à l’enjeu et à la problématique du litige », soutient Gérard Picovschi, avocat (cabinet Picovschi). Il constate que les pharmaciens commettent souvent des erreurs dans leurs réponses écrites à l’administration, suite à une demande de justification ou proposition de rectification.

« Une procédure contentieuse vaut la peine d’être engagée quand les prétentions du contribuable ont été totalement rejetées et que son conseil est convaincu de ses chances de succès », indique Benoît Lelieur. Quand le dossier est complexe et les montants en jeu importants, Gérard Picovschi conseille lui aussi de faire appel à un avocat spécialisé. La gravité des faits reprochés à un contribuable indélicat doit également être prise en compte. « Certaines infractions fiscales peuvent entraîner des suites pénales », souligne-t-il. Et, dans le cas des pharmaciens, « elles peuvent également entraîner des poursuites disciplinaires en cas d’infraction au code de déontologie ».

Une procédureécrite

Pour un litige concernant l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, la TVA et les impôts locaux, c’est le tribunal administratif qui doit être saisi alors que le tribunal de grande instance (TGI) est appelé à statuer notamment sur des litiges afférents aux droits d’enregistrement et à l’ISF. « A Paris, il existe des chambres spécialisées, ce qui n’est pas le cas en province, les arguments ne sont pas forcément examinés par des magistrats compétents, l’aléa judiciaire peut donc être très grand en première instance », avertit Benoît Lelieur.

Les juridictions sont saisies par remise d’une requête. La procédure est exclusivement écrite au travers d’échanges de mémoires. « Il n’y a pas de comparution devant un magistrat ni de plaidoirie en matière fiscale », indique-t-il.

Tout commence par le dépôt d’une requête introductive d’instance. L’avocat rédige cette requête avec les mots justes et des argumentaires convaincants pour dénoncer une décision injuste. « En premier lieu, il doit vérifier si l’administration fiscale a respecté la procédure et motivé sa proposition de rectification », souligne-t-il.

La requête doit être adressée au tribunal compétent dans un délai de 2 mois à compter du jour de la réception (la date de l’accusé de réception faisant foi) de la décision de rejet ou d’admission partielle adressée par le fisc. Une copie de cette décision doit être annexée à ce courrier, le tout devant être adressé au siège du tribunal compétent en 4 exemplaires.

A réception, le greffe enregistre la requête. En retour, le contribuable reçoit une lettre adressée en recommandé avec accusé de réception, attribuant un code d’accès confidentiel lui permettant de consulter sur sagace.juradm.fr, un site Internet du Conseil d’Etat, son dossier et de suivre son évolution au fil du temps. Puis, le greffe adresse la requête avec l’ensemble des pièces du dossier à la direction départementale des finances publiques dont dépend le service des impôts, div du redressement, l’invitant à produire au tribunal un mémoire de défense dans un délai de 2 à 6 mois au maximum.

Une fois ce mémoire récupéré, le greffe en transmet une copie au contribuable ou à son avocat et invite dans le même courrier à déposer un mémoire en réplique contre l’argumentaire du fisc, si la position qu’il défend n’est pas acceptable. Le contribuable dispose d’un nouveau délai de 2 mois pour répondre. « L’obtention d’une décision peut prendre de 2 à 3 ans », précise Alexandre Biette, soulignant que les tribunaux administratifs sont surchargés d’affaires et que les contentieux traités ne sont pas que fiscaux. « Les délais sont encore plus longs avec les TGI, par contre les litiges en cour d’appel sont moins nombreux, donc plus rapidement traités. » Néanmoins, un jugement jusqu’au Conseil d’Etat et en Cour de cassation peut conduire à 7 ou 8 ans de procès.

Quand un avocat devient obligatoire

Tant que l’instruction n’est pas close, l’échange de mémoires peut se poursuivre. Toutefois, s’il estime que cette procédure a assez duré, le président de la chambre y met un terme en inscrivant l’affaire à l’audience en séance publique (durée d’attente : 20 mois en moyenne).

Deux jours avant l’audience, l’avocat et son client ont la possibilité de s’informer du sens des conclusions du rapporteur, en consultant le dossier mis en ligne dans l’application e-sagace du Conseil d’Etat. Et donc de connaître le verdict final : un rejet total ou une admission partielle de l’argumentaire du contribuable, soit un dégrèvement intégral des sommes contestées mises à sa charge.

En cas d’échec de la procédure, la partie n’est pas pour autant finie. A la réception des attendus toujours écrits du jugement, environ 15 à 20 jours après l’audience, il est possible de faire appel de la décision dans un délai de 2 mois, mais, cette fois-ci, la nouvelle procédure sera confiée obligatoirement à un avocat.

Ce que peut coûter un recours contentieux

« Plusieurs critères entrent en ligne de compte, tels que les honoraires de l’avocat, les enjeux du litige oula complexité du dossier », explique Benoît Lelieur, avocat fiscaliste. Une pratique de plus en plus courante consiste à appliquer un forfait, permettant au client de savoir combien cette procédure lui coûtera au final. Il faut toujours vérifier la cohérence entre les frais engagés et le montant du litige.S’il y a 5 000 € de frais pour une réclamation portant sur 100 000 € ou 300 000 € de redressement d’ISF sur 3 ans, le recours peut être valablement engagé, si elle porte sur 5 000 €, il faut évidemment réfléchir. Il faut bien faire ses calculs et ne pas en faire une question de principe car il est rare de gagner en première instance et, une fois en appel, les frais à engager sont beaucoup plus importants. Le coût d’une procédure contentieuse est très variable, pouvant aller de 1 000 € à 100 000 €.

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