Le manque de visibilité persiste - Le Moniteur des Pharmacies n° 3106 du 05/12/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3106 du 05/12/2015
 

Répartition

Auteur(s) : François Pouzaud

Les résultats de la répartition continuent à se dégrader et il n’y a aucun élément moteur ou facteur nouveau sur les plans économique et politique pour espérer que cette tendance s’inverse à court ou moyen terme.

Les années se suivent et se ressemblent pour les répartiteurs. Même si la chute est moins rude qu’en 2013, les ressources de ce secteur ont continué à baisser en 2014.

Le chiffre d’affaires sur les médicaments remboursables en ville a ainsi chuté l’an dernier de 0,71 % à 16,6 milliards d’euros (HT) contre - 2,53 % en 2013. Dans le même temps, la marge de distribution avant paiement de la taxe ACOSS s’est érodée de 0,68 % à 1,12 milliard d’euros.

Les baisses, néanmoins en deçà de celles enregistrées sur ces indicateurs clés par les autres acteurs de la distribution, témoignent notamment d’une reprise de parts de marché par la répartition sur les ventes directes (- 8,06 % en CA et - 6,33 % en marge).

« Les ressources de la répartition ont baissé d’une dizaine de millions d’euros l’an dernier, c’est une tendance continue depuis dix ans. Elle est particulièrement préoccupante car, sans une volonté claire des pouvoirs publics, on ne voit pas comment elle pourrait s’inverser », analyse Emmanuel Déchin, délégué général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Il peut difficilement en être autrement avec le flot incessant des baisses de prix, même si l’évolution de l’activité des sept premiers mois de l’année 2015 marque une pause, affichant une hausse symbolique du CA de 0,17 % à 9,79 milliards d’euros. Si, sur cette première partie de l’année, les répartiteurs sont parvenus à limiter la casse, c’est essentiellement grâce aux ventes de génériques (+ 7,37 %).

Sur les ventes de médicaments hors Répertoire, ce n’est pas la hausse de chiffre d’affaires (+ 0,29 %) en elle-même qui est probante mais l’écart se réduisant avec les ventes directes (- 2,13 %), qui témoigne des nouveaux arbitrages réalisés par les pharmaciens en matière de circuits d’achats.

Génériques : les volumes ne font pas tout

Sur les achats de génériques, les pharmaciens privilégient de plus en plus leur grossiste. L’an dernier, les répartiteurs ont distribué aux officines 531 millions de boîtes de génériques sur un total de 800 millions d’unités vendues en France en 2014, soit 66,3 % des flux, contre 63,7 % en 2013. « Le générique a beau être un segment dynamique pour la répartition, sa distribution continue à nous poser problème, explique Emmanuel Déchin. Alors que le grossiste est le circuit naturel de la distribution du générique, la rémunération perçue ne couvre pas ses frais de distribution. »

Car, pour devenir un acteur majeur de la politique du générique, les répartiteurs ont dû renoncer à la marge réglementaire découlant de l’application de l’arrêté de marge et accepter un mode de rémunération dérégulé (négociations de gré à gré). « Pour les génériques, ce sont donc les industriels qui rémunèrent les grossistes-répartiteurs, précise Emmanuel Déchin. Le niveau de cette rémunération est sensiblement inférieur à celui qui découlerait de l’application de l’arrêté de marge et il est renégocié à la baisse tous les ans. » Jusqu’à devenir peau de chagrin en 2014. « La répartition subit le contrecoup de la pression économique plus forte qui pèse sur les génériqueurs, et notamment de l’augmentation du plafond des remises à 40 %. Les négociations sont de plus en plus difficiles… »

Selon la CSRP, les répartiteurs ne peuvent se satisfaire que des volumes. Aussi, la chambre syndicale réitère-t-elle la même demande aux pouvoirs publics : garantir à ses adhérents un niveau de ressources sous forme de forfait qui leur permette d’équilibrer leurs comptes pour la distribution des génériques.

Cette problématique, les répartiteurs la retrouvent également avec la distribution des médicaments thermosensibles. Laquelle nécessite elle aussi une mise en cohérence avec le niveau de rémunération !

Ces deux catégories de produits de santé ne sont pas les seules à poser souci… Les répartiteurs sont également étreints par la distribution des dispositifs médicaux inscrits à la LPPR. Un poste de dépenses de l’assurance maladie en forte évolution. « La répartition absorbe l’essentiel des baisses de prix décidées par le Comité économique des produits de santé, car le dispositif des prix limites de vente et des prix de cession ne permet de garantir une marge de distribution qu’aux pharmaciens d’officine. En ce qui concerne la répartition, le Comité économique des produits de santé ne nous garantit aucun niveau de marge, celle-ci ne dépend que des négociations avec les industriels », explique Emmanuel Déchin.

L’Etat fait la sourde oreille

Le résultat d’exploitation consolidé de 2014 est stable par rapport à celui de 2013. Mais, depuis 5 ans, il a été divisé par trois. Et il s’est effondré de plus de 60 % ces deux dernières années (2013-2014). Il y a donc urgence à trouver les voies et moyens qui permettront de pérenniser l’économie de la répartition, clame la CSRP. Pour stabiliser les ressources de la répartition, elle avait proposé en 2013 un nouveau mode de rémunération combinant un forfait à la boîte avec un taux de marge unique sur le prix fabricant hors taxes et maintien d’un plafond.

Deux ans après, « notre modèle économique est à bout de souffle mais, pour autant, les pouvoirs publics ne manifestent aucune volonté de changer le cours des choses », déplore Emmanuel Déchin.

Pourtant, le rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) remis à la ministre de la Santé et rendu public en avril 2015 dresse un certain nombre de constats sur l’économie sinistrée de la répartition. « L’analyse est bonne mais ce rapport est passé quasiment inaperçu. Il nous laisse sur notre faim car il ne débouche pas sur des propositions très tranchées et les recommandations qu’il contient sont très prudentes concernant la refonte de la rémunération des répartiteurs », regrette le délégué général de la CSRP.

ILS ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO

Hubert Olivier, président du groupe OCP

Joaquim Fausto Ferreira, président d’Alliance Healthcare France

Alain Bertheuil, président d’Astera

Jean Genge, président directeur général du groupe CERP Rhin-Rhône-Méditerranée*

* Et ses filiales caduciel et Pharmat.

Ronan Rayssiguier, président du directoire de la CERP Bretagne Atlantique

Laurent Cuiry, président de Phoenix Pharma

Hubert Olivier Président du groupe OCP

Réinventons la chaîne de valeur du médicament !

En trois ans, le marché pharmaceutique en ville a baissé de 5 % et les marges de tous les acteurs, laboratoires, répartiteurs et officines, suivent la même tendance. Les raisons de cette récession sont bien connues et le médicament risque de rester encore longtemps la première variable d’ajustement des PLFSS successifs. Dans un tel condiv, une question importante se pose : voulons-nous continuer à travailler sur un marché dont la valeur ne cesse de diminuer ou sommes-nous prêts à réinventer ensemble la chaîne de valeur du médicament ? Comment faire ? En plaçant le patient, et non le médicament, au coeur de nos préoccupations.

Créons de la valeur au comptoir en inventant une chaîne logistique beaucoup plus simple et réactive qui réduise les ruptures de distribution à zéro.

Créons de la valeur au comptoir en déployant des solutions nouvelles de PDA rémunérées qui contribueront à améliorer l’observance des patients chroniques. Créons de la valeur au comptoir en élargissant le champ du conseil de l’espace physique de l’officine à son espace numérique et digital. Créons de la valeur au comptoir en déployant des programmes de suivi des patients rémunérés et rémunérateurs pour chacun des acteurs de la chaîne de distribution et vecteurs d’économies pour l’Assurance maladie.

Ceci n’est pas une utopie ! C’est tout simplement la réalité vécue tous les jours par de nombreux laboratoires, répartiteurs et officinaux dans de nombreux pays.

À QUOI SERT LA TAXE ACOSS ?

L’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS), caisse nationale des URSSAF, est chargée d’assurer la gestion commune de la trésorerie des différentes branches du régime général, gérées par la Caisse nationale d’assurance maladie, la Caisse nationale d’assurance vieillesse et la Caisse nationale des allocations familiales.

Joaquim Fausto Ferreira Président d’Alliance Healthcare France

Quand le prix du médicament déprécie sa valeur intrinsèque

Qui s’en souvient encore ? En 2012, l’Etat lançait une campagne d’information sur le bon usage du médicament. Intitulée « Le médicament, ne le prenez pas n’importe comment », elle visait à sensibiliser les Français aux risques liés à la banalisation du médicament et à réaffirmer la place prépondérante des professionnels de santé.

Depuis, les initiatives publiques se sont multipliées : publication par l’ANSM des Bonnes pratiques de la distribution, alerte de l’OMS sur la circulation grandissante de faux médicaments, expérimentation de la vente à l’unité… Derrière ces différentes initiatives, une même conviction fondamentale : le médicament est un enjeu sérieux, auquel nous devons être collectivement attentifs.

De prime abord, l’affaire semble donc entendue. Mais, derrière le credo affiché, on a régulièrement vu poindre des dissonances. Comme par exemple la déconnexion entre la valeur intrinsèque du médicament et son prix. Le bénéfice thérapeutique inhérent, les risques liés à son utilisation abusive, le niveau de diplômes requis pour le prescrire et le délivrer, les circuits spécifiques qu’il emprunte : la valeur intrinsèque forte du médicament devrait mécaniquement engendrer une valeur économique élevée. Et pourtant, ce n’est pas le cas. Par exemple, le prix d’une boîte d’alprazolam n’est-il pas inférieur à celui d’un café en terrasse ?*

Pourrons-nous continuer à expliquer que le médicament représente un enjeu de santé fondamental alors que, dans le même temps, la pression exercée sur son prix est toujours plus forte ? Ce prix, toujours tiré vers le bas, ne banalise-t-il pas le médicament de façon profonde dans l’esprit des patients, annulant l’effet de n’importe quelle campagne de sensibilisation ?

* Alprazolam : prix public conseillé de 1 boîte 0,25 mg, 30 comprimés entre 1,74 € et 1,96 €/prix d’1 café entre 2,50 € et 3,50 € l’unité.

Alain Bertheuil Président d’Astera

Voir le verre à moitié plein

Le 10 juillet 2014, Arnaud Montebourg lançait un pavé dans la mare en faisant vaciller les trois piliers qui fondent l’exercice de notre pharmacie : briser le monopole sur les médicaments conseil par l’ouverture à la grande distribution ; reconsidérer la répartition démogéographique des officines et ouvrir le capital des pharmacies à des non-pharmaciens.

Une tempête dans un verre d’eau ? Non, diront les pessimistes. Car au sein de la loi de santé, votée en première lecture en avril 2015 par l’Assemblée nationale, la pharmacie fait figure de grande oubliée. Mais les pessimistes ne doivent pas se noyer dans le demi-verre d’eau qu’ils préfèrent voir vide. Regardons la moitié pleine. D’une part, les trois piliers que nous énoncions en entrée ont été conservés. D’autre part, deux éléments positifs peuvent être constatés : l’amélioration de la fiscalité pour les sociétés de participation financière des professions libérales (SPF-PL) avec la possibilité d’utiliser l’intégration fiscale mère-fille, et le droit donné aux adjoints d’entrer dans le capital à hdiv de 10 % tout en restant salarié.

Il n’est pas l’heure de baisser les bras mais de renforcer notre relation avec notre patientèle. Observance, prévention, entretiens pharmaceutiques…, de nombreux challenges se présentent.

« Il est telle occasion où le verre ne se brise point sous le choc qui a rompu l’acier », a dit Anatole France.

LES POINTS CLÉS DU RAPPORT DE L’IGAS

Le 16 avril 2015, l’IGAS rendait public son rapport sur la distribution en gros du médicament en ville. Une publication qui apparaissait pratiquement un an après sa finalisation. Ce rapport, qui comprend 19 recommandations, met en exergue « l’opacité de la facturation et des conditions commerciales » des grossistes-répartiteurs. « Les flux financiers entre officines et grossistes-répartiteurs sont difficilement lisibles : les prix, les montants et critères d’attribution des remises, la rémunération de la participation au capital des grossistes et la facturation de frais de livraison rendent difficile pour un pharmacien de savoir combien il paie les médicaments », écrit l’IGAS. La mission recommande donc « que les instances représentant les grossistes-répartiteurs et les officines définissent ensemble les principales informations devant figurer sur les bons de livraison et les factures ».

Le rapport de l’IGAS émet aussi des recommandations sur les ruptures d’approvisionnement, la rémunération des grossistes-répartiteurs (introduction progressive d’une part forfaitaire dans la rémunération de la distribution en gros) ou la modernisation de la répartition (comme déterminer les modalités d’un soutien public à la restructuration du réseau, autrement dit rémunérer le service public rendu par la répartition).

Enfin, l’IGAS propose aussi des pistes comme la mise en place d’une seule livraison par jour…

Magali Clausener

Jean Genge Président-directeur général du groupe CERP Rhin-Rhône-Méditerranée

Libérons les énergies !

Respecter l’indépendance des officines, conserver son indépendance par un actionnariat pharmacien, cultiver sa proximité géographique et relationnelle avec les pharmaciens d’officine qui sont ses clients, ses actionnaires, ses administrateurs. Pour renforcer ce modèle singulier qui est le nôtre, nous nous sommes engagés dans une démarche de libération des énergies, centrée sur l’homme. Attachés aux exigences de performances, nous ajoutons désormais une attention particulière aux comportements. Les règles de vie et valeurs associées sont promues dans l’entreprise. Elles ne sont pas incantatoires, mais vécues au quotidien : audace, travail, combat, loyauté, résultat, assertivité, respect, coconstruction… Aidant à améliorer les relations en transversalité, elles permettent de libérer les énergies, pour réduire l’« entreprise fantôme » et dynamiser l’amélioration continue.

Une particularité concrète, des collaborateurs positionnés comme « postes relais » : par leur expertise et leur engagement, ils renforcent l’action de leur manager en animant des petites équipes sans lien hiérarchique. Cette politique trouve jour après jour sa traduction dans nos actes, nos actions individuelles et dans les relations que nous cultivons avec nos clients : écoute, disponibilité, sens du service, transparence, respect des engagements. Nous avons la conviction profonde qu’ainsi les hommes et les femmes, placés au coeur de la stratégie, se sentent au mieux dans leur travail, dans une performance durable, pour la satisfaction des clients qui disposent de la meilleure qualité de services. Cela correspond

Ronan Rayssiguier Président du directoire de la CERP Bretagne Atlantique

Vous appartenir, cela change tout !

La répartition pharmaceutique permet à notre pays de maintenir un réseau officinal dense, gage d’indépendance et de libre accès aux médicaments, et ce, malgré un condiv toujours plus difficile de baisse de marge et de faible rentabilité. Dans cette perspective, il est primordial de sécuriser la viabilité des deux maillons principaux de la chaîne de distribution du médicament que sont l’officine et son répartiteur. Etroitement liés et interdépendants, la santé économique de l’un est le garant de la pérennité de l’autre.

Ce partenariat est indispensable à une réelle collaboration. Les intérêts prioritaires d’une coopérative comme la nôtre sont également ceux des pharmaciens, actionnaires uniques et propriétaires de leur répartiteur ! Au service de la performance officinale, nous nous assurons de la pérennité du système pour le bien de tous.

L’existence d’une répartition de proximité dans un condiv officinal au maillage très fin est indispensable au bon service demandé à la fois par l’officine et la population. Ce modèle spécifique, proche du réseau officinal, se traduit tant au niveau humain que professionnel par la transparence que nous appliquons dans nos relations quotidiennes et commerciales à travers un contrat qui nous engage mutuellement.

Renforçons la place prépondérante de l’officine libérale pour relever les enjeux de demain !

Laurent Cuiry Président de Phoenix Pharma

On se connecte ?

La question n’est plus aujourd’hui de savoir si on doit y aller ou non, mais qui commence ! Laboratoires, répartiteurs, pharmaciens : les acteurs de santé représentent aujourd’hui un maillage exceptionnel au service de la santé du patient.

Donc une santé connectée, oui, mais humaine et responsable. Une santé connectée qui, par la collecte de « datas », permettra d’améliorer l’observance des traitements, augmentant ainsi la performance du conseil, suivant mieux les maladies chroniques et les médications spécifiques.

Nous avons initié dès 2015 une démarche allant dans ce sens, avec plusieurs dizaines d’adhérents PharmaVie, en installant des bornes, dans les pharmacies permettant la récolte d’informations auprès des patients (maladie chronique : principalement hypertension). Nous déploierons cette approche en 2016 auprès des officines du réseau.

Nous pensons qu’en tant que partenaire des laboratoires et de l’officine, nous pouvons contribuer à l’amélioration des « pratiques » de santé. Cette association vertueuse allant de la compétence des laboratoires à la délivrance, en passant par une répartition responsable, bénéficiera à la santé publique.

A l’heure où, tous autant que nous sommes, nous allons devoir faire des économies, n’oublions pas que nous avons un rôle fondamental à jouer. Engageons-nous ensemble et autour d’un travail de fond avec les autorités. C’est un combat qui nous anime pleinement et pour lequel je souhaite que le pharmacien, qui est la 4e profession de confiance pour les Français (derrière les pompiers, infirmières, SAMU et devant les médecins)*, soit remis au centre des débats !

* source : étude IFoP/PHr (2013) et étude IFOP/Giphar (2014).

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