De moins en moins rentables - Le Moniteur des Pharmacies n° 3106 du 05/12/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3106 du 05/12/2015
 

Économie

Médicaments chers

Auteur(s) : François Pouzaud

La délivrance des médicaments chers, principalement les médicaments d’oncologie, se traduit par une perte de marge substantielle entre 2014 et 2015.

Les médicaments chers restent, quoi que l’on en dise, un relais de croissance pour l’officine. Mais beaucoup moins qu’à l’hôpital. Les médicaments de spécialité, délivrés dans les établissements de santé, continuent de porter l’augmentation des dépenses de médicaments remboursés. Leurs ventes progressent encore de 4,5 % en 2015 alors que celles des médicaments délivrés en officine diminuent de 0,80 % sur les 12 derniers mois lissés (statistiques arrêtées à fin août 2015).

Même si l’officine se fait damer le pion par l’hôpital sur les ventes de spécialités chères, elle profite néanmoins du dynamisme du secteur. Les trois plus gros contributeurs à la croissance sont des familles de médicaments à prix chers : les immunomodulateurs (indiqués dans la polyarthrite rhumatoïde: + 13,4 % en valeur en cumul mobile annuel à fin juillet 2015*), les anticancéreux (+ 7,2 %*) et les immunosuppresseurs (+ 15 %*).

Si la part de médicaments chers prescrits à l’hôpital et dispensés en ville a continué de progresser, les remboursements de médicaments prescrits en ville et délivrés à l’hôpital ont augmenté de près de 70 % l’an dernier. Cette hausse est intégralement liée à l’arrivée de nouveaux médicaments efficaces et onéreux contre l’hépatite C, en particulier Solvadi, qui a été un événement marquant de l’année 2014. Comme le souligne Philippe Besset, vice-président de la FSPF, il s’agit de produits de rétrocession hospitalière qui sont donc vendus par les hôpitaux mais comptabilisés dans l’enveloppe des soins de ville de l’Assurance maladie. Ils ont entraîné une croissance d’environ 10 % de la dépense hospitalière totale en 2014, après deux années de quasi-stabilité. L’effet sera également sensible en 2015 et 2016.

Une marge « peau de chagrin »

En juillet 2014, une étude du cabinet Cohesio Bretagne, comparant les marges unitaires brutes des produits diminuées des frais de personnel pour les dispenser, mettait en évidence que les médicaments chers rémunéraient mieux le pharmacien que les autres spécialités. Conclusion de l’étude : les médicaments chers sont rentables. « Ceci reste encore vrai en 2015, même si la nouvelle rémunération rabote de façon importante la marge sur les médicaments de prix fabricant hors taxes supérieur à 1 500 € », remarque Yannick Piljean, expert-comptable de ce cabinet. Et d’indiquer qu’en officine « le prix moyen des médicaments chers progresse de 3,47 % pour notre panel, à 1 108 € ».

Mais les médicaments très chers payent un lourd tribut au forfait à la boîte et au reprofilage de la marge dégressive lissée (MDL) qui l’accompagne. En effet, ces produits pour lesquels la marge est de 0 % au-delà de 1 500 € PFHT, ont vu leur marge baisser de manière abyssale avec la réforme des honoraires. Ainsi, pour une boîte de PFHT de 3 000 €, la perte de marge est de 91,98 €. Sur Kalydeco 150 mg boîte de 56 comprimés, la perte de marge unitaire par rapport à l’ancien mode de rémunération est de 992 € !

« Paradoxalement, une hausse de leurs volumes de 20 % n’apporte plus de marge en euros, ce qui montre bien une perte de rentabilité des médicaments chers de 20 %, même si leur coût de distribution reste identique à celui d’une ordonnance de trois lignes de génériques de première tranche de MDL à plus faible marge », souligne Yannick Piljean.

Dans le panel étudié, pratiquement toutes les officines rurales et de quartier urbain sont affectées par ce phénomène. Pour la première année, ce cabinet constate des baisses de marge brute en euros sur la vente de médicaments chers pour les pharmacies qui n’arrivent pas à les compenser par une augmentation significative du nombre de patients sous traitement lourd (anticancéreux, immunomodulateurs…), du nombre de feuilles de soins électroniques et du nombre de boîtes délivrées.

* Source : IMS Health.

IL A CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO

Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

Nicolas Revel Directeur général de la CNAMTS

Pour ouvrir les voies d’accès aux nouveaux médicaments

En 2014, la croissance des dépenses de médicaments, que l’on avait réussi à contenir depuis deux ans, est repartie à la hausse (+ 3,8 %). Or cette croissance résulte exclusivement de l’arrivée des nouveaux antiviraux d’action directe dans le traitement de l’hépatite C. Dès lors, la question du financement de ces innovations thérapeutiques se pose avec acuité. La même problématique concerne les nouvelles générations de traitements anticancéreux mais aussi certains nouveaux traitements du cholestérol et des maladies inflammatoires.

Ne pas compromettre la recherche de rééquilibrage des comptes de la Sécurité sociale exige toutefois d’identifier des pistes solides de recherche d’économies. La juste prescription est l’une d’entre d’elles, via le respect du bon usage du médicament fondé sur des référentiels médicaux. Le recours aux génériques en est une autre : la France dispose de marges de progression significatives par rapport à nos voisins européens (33 % vs 63 % aux Pays-Bas) et une impulsion forte sera donnée sur ce terrain en 2016 (campagne de communication, évolution du Répertoire, politique de prix…). Le fait d’encourager l’observance participe aussi à l’effort d’efficience et évite aux patients des complications liées au non-respect du traitement prescrit. Tout ce qui permettra un usage du médicament rationnel, à bon escient, donnera plus de place à l’innovation thérapeutique. Il faut enfin pouvoir payer l’innovation au juste prix en améliorant notre processus de négociation, pour permettre de reconnecter le prix du médicament aux coûts réels de production et de recherche et développement. Les pharmaciens, comme l’ensemble des acteurs du système de santé, contribuent avec ces mécanismes à un bon usage du médicament. Ce sont de puissants leviers qui vont nous permettre de participer au financement de l’innovation thérapeutique et donc de donner de nouvelles chances aux patients.

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