COMMENT LES MARQUES INVESTISSENT L’OFFICINE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3106 du 05/12/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3106 du 05/12/2015
 
PROBIOTIQUES

Entreprise

Auteur(s) : Chloé Devis

Dans un cadre réglementaire très restrictif, les grands laboratoires, comme les marques de niche, doivent miser sur le pharmacien pour relayer leur communication auprès du grand public. Le point sur leurs stratégies pour s’attirer les faveurs des officines.

Les promesses « santé » des probiotiques dépassent largement les sphères traditionnelles de la digestion et de l’immunité pour s’étendre à des pathologies aussi variées que les allergies, l’obésité, les troubles du comportement… Si les effets de ces micro-organismes vivants restent difficiles àdémontrer scientifiquement tant ils sont multifactoriels – d’où la prudence réglementaire de mise – depuis une vingtaine d’années déjà, l’agroalimentaire, à travers les produits laitiers, et l’industrie pharmaceutique, sous la forme de compléments alimentaires, font leur miel de ces bactéries vertueuses en tirant parti de l’évolution de la recherche.

Un marché dynamique depuis les années 90

En France, c’est Merck, avec sa gamme développée autour de la référence à succès Bion3 qui a démocratisé les probiotiques en communiquant largement auprès du grand public, dans un condiv favorable : « La vague de déremboursements des levures dans les années 90 a créé un appel d’air pour la prescription », rappelle Francis Dauché, directeur de la communication de Merck Médication familiale. Dans son sillage, deux marques plus modestes et 100 % françaises se sont imposées en pharmacie : Pilèje – dont la marque Lactibiane fête ses 25 ans – et Nutergia avec sa gamme Ergyphilus. Ces dernières années, la notoriété du concept a été dopée par l’effervescence médiatique autour du microbiote intestinal. Francis Dauché le souligne : « Nous sommes à un tournant, avec de plus en plus d’entreprises qui s’intéressent à ce marché. »

Si Bion3 reste le premier complément alimentaire vendu en pharmacie sur le segment vitalité et Bion3 Défense la première référence sur le segment de l’immunité, le leader a bel et bien vu ses parts de marché s’éroder. « Nos références sont en évolution depuis sept ans grâce au développement de notre réseau de pharmacies partenaires », se félicite ainsi Yoann Gaulmin, chef de produit digestif-immunité chez Pilèje. Le segment des probiotiques est le plus dynamique du portefeuille de la marque avec une croissance en valeur de 21 % (en cumul annuel à fin octobre 2015, source Celtipharm).

Même tendance du côté de Nutergia qui a connu sur les trois premiers trimestres de 2014 une hausse de 23,3 % du chiffre d’affaires de sa gamme. « Quatre produits à base de probiotiques font partie de notre top-10 de la marque », relève Mathilde Scheuer, responsable du pôle médico-marketing de Nutergia. La satisfaction est également de mise chez des acteurs plus modestes comme le discret pionnier Carrare qui indique vendre « 20 000 à 100 000 boîtes par an », selon les références de sa gamme Bioprotus, ou Thérascience, dont la gamme Téoliance enregistre un CA d’environ 1,5 million d’euros en pharmacie en 2015, en progression de 10 %.

Des marques aux stratégies différentes

Mais pour conserver et développer leurs positions sur un marché foisonnant, l’ensemble des acteurs a une rude bataille à mener sur le front de l’officine. « Les restrictions imposées à la communication vers le grand public nous confortent dans l’orientation de notre démarche vers les professionnels de santé. Ce sont eux qui, via la prescription et le conseil officinal, vont porter nos messages auprès des patients », explique Mathilde Scheuer. Jean-Pierre Agarra, P-DG de Thérascience, renchérit : « Le pharmacien va de plus en plus devenir notre interlocuteur privilégié alors que son rôle dans le domaine de l’éducation nutritionnelle ne cesse de se renforcer. »

Chacun fourbit ses armes pour s’imposer dans les linéaires. Parce qu’il s’agit, d’abord, de faire la différence avec l’offre proposée en GMS, la légitimité scientifique est un argument clé des marques présentes en pharmacie, qui ne manquent pas de faire valoir les études sur lesquelles elles s’appuient et la rigueur de leurs méthodes industrielles. C’est le cas de Nutergia et Pilèje, qui capitalisent toutes deux sur leur notoriété croissante, tout en défendant des positionnements distincts. Ainsi, la première a fait le choix d’une gamme courte de références, « facile à prendre en main par l’équipe et idéale pour le pharmacien qui débute dans le domaine de la micronutrition et a peu de mètres linéaires à consacrer à ce rayon », explique Mathilde Scheuer. Forte d’un département de R&D intégré, Pilèje entend de son côté couvrir un maximum de besoins avec une offre régulièrement élargie, comptant déjà 12 références.

Une autre stratégie est celle de Carrare, qui cultive une image pointue avec huit références. Quant à Thérascience, la marque mise sur la prescription et s’adosse à de multiples partenariats avec des instituts de recherche. « Le but n’est pas d’être partout mais de préserver des conditions commerciales cohérentes avec nos produits: nous travaillons actuellement avec 500 pharmaciens partenaires vers lesquels nous dirigeons nos prescripteurs, en visant à terme 15 à 20 % du parc officinal », détaille Jean-Pierre Agarra. La marque cible « des équipes stables, qui ont le temps de faire du conseil et de se former ». Et, sur le plan de la formation, les intervenants du marché ne sont pas avares de formules, qu’il s’agisse d’aller directement sur le point de vente, d’organiser des soirées, des week-ends, des sessions en ligne…

Alors que Thérascience envisage de monter des groupes de formation de pharmaciens comme elle le fait déjà avec des médecins, Pilèje a créé, avec probiotiques-santé.fr, un portail tous publics sur les microbiotes et, côté professionnels de santé, soutient la Revue des microbiotes. L’enjeu de ces investissements tous azimuts est non seulement d’aider le pharmacien à mieux conseiller des produits dont l’efficacité repose sur des modes opératoires très spécifiques, mais aussi de les informer des évolutions de la recherche, qui continuent à donner des ailes au marché.

Face à ce branle-bas de combat, Merck a sonné à son tour l’heure de la reconquête des professionnels de santé – « quelque peu délaissés ces dernières années », admet Francis Dauché. Cette stratégie va de pair avec la relance récente de la gamme, rebaptisée du nom de son produit phare, Bion3, et resserrée sur sept références dans le champ de la vitalité.

Enfin, le levier financier fait aussi partie de l’arsenal de certains acteurs d’envergure qui « récompensent » les équipes officinales jusqu’à 1 euro par boîte vendue.

TÉMOIGNAGE

« Je suis passée de une à cinq gammesen deux ans »

A la tête d’une petite pharmacie en zone rurale à Pujaudran (Gers), Sylvie Chaubard fait mouche avec les probiotiques, devenus les « blockbusters » de son rayon micronutrition. Le fruit d’une vraie stratégie: « En deux ans, je suis passée de une à cinq gammes sélectionnées en fonction des spécificités de leurs formules, et en évitant les doublons, sans m’arrêter à la notoriété des marques: l’une est assez connue mais les autres sont beaucoup plus confidentielles. » Ce parti pris repose sur une politique d’éducation des patients et de conseil au comptoir indispensable à ses yeux: diplômée d’un master en micronutrition, la pharmacienne affûte son expertise en suivant régulièrement des formations et en lisant les revues spécialisées, tout en formant aussi ses collaboratrices. Sa récompense réside dans la fidélisation de ses clients, capables de venir de loin pour profiter de ses conseils et acheter des produits « dont ils ont éprouvé l’efficacité et qu’ils ne trouvent pas près de chez eux ».

Le manque à gagner lié à la perte des produits de contraste vous inquiète-t-il ?


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