TROIS CLÉS POUR SE DÉFENDRE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3105 du 28/11/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3105 du 28/11/2015
 
HARCÈLEMENT

Entreprise

Auteur(s) : Chloé Devis

Les comportements hostiles en entreprise peuvent avoir de graves conséquences. L’officine n’est pas épargnée, comme en témoigne la récente condamnation d’une pharmacienne nantaise. Face à ces agissements, une règle d’or: trouver du soutien pour faire valoir ses droits.

Selon la dernière enquête Sumer* (2010), 22 % des salariés déclarent être confrontés à des comportements hostiles dans le cadre de leur travail. « Si les petites structures sont en moyenne moins touchées, la proximité peut cependant favoriser l’aggravation de difficultés entre le patron et ses salariés ou parmi ses salariés eux-mêmes », note Valérie Langevin, experte sur les risques psychosociaux à Institut national de recherche et de sécurité. Aux yeux de la loi, l’employeur est responsable des conditions de travail et a une obligation de résultat quant aux mesures de protection de la santé physique et mentale de son personnel. Reste qu’« il est délicat de définir la frontière entre ce qui relève des prérogatives du chef d’entreprise en matière d’autorité, et les abus tels qu’ils peuvent être ressentis par les salariés », nuance Olivier Clarhaut, délégué FO Pharmacie.

Toujours se placer sur le terrain des faits

Pour le Code du travail et le Code pénal, le harcèlement moral au travail qualifie la répétition de certains comportements susceptibles d’entraîner une dégradation de la santé des salariés qui les subissent : marques de mépris, déni de reconnaissance… L’enquête Sumer pointe en particulier le manque de moyens pour effectuer correctement son travail et le manque d’autonomie. Selon Dominique Demaret, dirigeante du cabinet Futur Antérieur, « la bureaucratisation croissante des officines, la concurrence d’Internet ou les clients difficiles constituent autant de facteurs susceptibles de mettre sous pression le titulaire et de fragiliser ses collaborateurs, créant un climat favorable au harcèlement ». Si, dans la plupart des cas, c’est le patron qui s’en prend à l’un de ses collaborateurs, il peut arriver que les salariés se liguent contre l’un d’entre eux, désigné comme le « maillon faible ». Quelle que soit la configuration, « en s’adressant à son employeur sur la base de faits concrets liés au travail, on élimine la connotation accusatoire d’une plainte et on lui donne des outils pour réagir », ajoute Dominique Demaret. En ce sens, coucher par écrit ses doléances permet de prendre du recul et de mettre au clair ses idées.

Rompre l’isolement et se faire aider

Mais la communication n’est parfois plus possible. C’est le cas si la pression psychologique est utilisée comme une méthode d’éviction du salarié. « Dans la plupart des cas, la situation de la personne harcelée ne va pas se régler directement avec son harceleur et il va falloir créer un espace d’échange en cherchant les meilleurs interlocuteurs dans et à l’extérieur de la structure », constate Dominique Demaret. L’objectif, selon Valérie Langevin, « est de faire que son malaise soit entendu et être épaulé pour faire cesser la situation ». Les collègues sont à solliciter avec prudence : ces derniers risquent de se sentir impuissants, voire se montrer réticents à manifester leur soutien de crainte d’en payer les conséquences. Et ce, même si la loi protège les salariés qui témoignent dans ce type d’affaire. Sur le plan syndical, si rares sont les officines à disposer de représentants en interne, on peut faire appel à des représentants externes. « Les employeurs ne sont pas tenus de nous rencontrer mais nous pouvons adresser une demande d’entretien à l’employeur pour évaluer la situation. Même si, là encore, rien ne les oblige à accepter », explique Olivier Clarhaut. Par ailleurs, « il ne faut pas hésiter à s’adresser à l’Inspection du travail qui pourra diligenter une enquête dans le respect de l’anonymat du requérant », conseille Valérie Langevin. Le volet médical est crucial: « Solliciter une visite chez le médecin du travail est un droit », plaide-t-elle. Celui-ci peut évaluer la nécessité de mettre la victime en arrêt de travail, l’orienter vers des consultations spécialisées, mais aussi interpeller l’employeur sur des dysfonctionnements pathogènes dans l’entreprise. Enfin, les associations représentent un précieux recours en termes de soutien et d’accompagnement tout au long des démarches.

Définir la meilleureporte de sortie

Dans le meilleur des cas, une médiation efficace et la reconnaissance par l’entreprise des changements à mettre en œuvre permettra un retour dans l’entreprise dans de bonnes conditions. Dans le cas inverse, une action juridique peut être entreprise. Dans cette éventualité, il faut s’attacher à collecter, au fil de l’évolution de la situation, un maximum d’éléments factuels et de témoignages pouvant alimenter la plainte. Mais parce que « les preuves sont parfois difficiles à réunir, d’autres démarches peuvent être envisagées pour pouvoir quitter l’entreprise avec une indemnisation », fait valoir Olivier Clarhaut. Dans un premier temps, l’arrêt maladie peut s’imposer, en particulier vis-à-vis des responsabilités professionnelles du salarié: ainsi, « la vigilance nécessaire à la délivrance du médicament au comptoir est incompatible avec un état dépressif », relève le syndicaliste. A noter qu’au bout de six mois d’arrêt, le chef d’entreprise peut se séparer de son salarié. L’inaptitude au travail peut également être prononcée par un médecin et donner lieu au versement d’une indemnité.

Plus rare, le harcèlement sexuel reste aussi plus tabou, d’autant que « le lien entre les conditions de travail et ce phénomène est plus difficile à établir ». Dès lors, « il est d’autant plus important de signifier à l’div des faits leur caractère inacceptable en s’appuyant sur la loi, indique Valérie Langevin. Les remarques sexistes sur le physique ou l’habillement peuvent être considérées comme des techniques de harcèlement. » Bon à savoir: l’employeur peut être poursuivi pour discrimination s’il vous a sanctionné après avoir été informé du harcèlement sexuel.

* Réalisée par la DARES et la Direction générale du travail – Inspection médicale du travail et disponible sur le site du ministère du Travail.

Liens utiles

• Le portail très completdes risques psychosociaux : souffrance-et-travail.com

• Le site de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail : avft.org

• Pour télécharger des brochures de prévention : stop-harcelement-sexuel.gouv.fr

TÉMOIGNAGE

« Il faut réagir au plus vite, avant de ne plus en être capable »

« Je travaillais depuis 22 ans, en tant que préparatrice et seule employée, dans une officine d’un quartier sensible lorsqu’elle a changé de propriétaire. Au départ, tout se passait bien, puis le nouveau titulaire a progressivement multiplié les réflexions, directes ou détournées, au sujet des méthodes de travail de l’officine, de ma tenue vestimentaire, et même de mon conjoint… L’accumulation de ces petites phrases a fini par me miner d’autant plus que s’y ajoutaient d’autres types d’humiliations, comme le fait de passer derrière moi lorsque j’avais installé des produits en rayon pour tout changer, de me refuser une demi-journée de congé pour subir une opération alors que je cumulais les heures supplémentaires, tout en grignotant peu à peu mes responsabilités… Par ailleurs, jamais mon patron n’a pris ma défense lorsque je me faisais agresser par certains clients. Au bout de quatre ans, j’ai fini par exploser lorsqu’il m’a soupçonné de voler dans la caisse. Le médecin du travail m’a alors mis en arrêt de travail, j’ai été suivie par un psychiatre et, au bout de trois ans, on m’a accordé un statut d’invalidité. Mais je n’ai pas eu la force d’aller en justice.Outre des conséquences professionnelles et sur ma santé, cette situation a eu de lourdes répercussions sur ma vie de famille et ma vie sociale. Dix ans plus tard, je reste incapable d’entrer dans une pharmacie sans ressentir une montée d’angoisse et d’agressivité. Aux victimes de harcèlement, je conseillerais de réagir au plus vite, avant de ne plus en être capable. »

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