« LA RÉFORME DES HONORAIRES S’EST PASSÉE COMME PRÉVU » - Le Moniteur des Pharmacies n° 3104 du 21/11/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3104 du 21/11/2015
 
INTERVIEW

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy*, Matthieu Vandendriessche**

Directeur général de l’UNCAM depuis un an, Nicolas Revel entame ses premières négociations conventionnelles avec les pharmaciens. Son objectif : conclure un accord gagnant-gagnant sur la substitution des génériques en décembre. Il revient aussi pour « Le Moniteur » sur un autre dossier majeur pour la profession : la réforme de la rémunération.

Vous avez déclaré vouloir faire progresser encore le taux de substitution alors que la France est championne en Europe pour ce taux. Peut-on aller au-delà de 85 % ?

L’enjeu, c’est de promouvoir la part des génériques dans la consommation des médicaments en France, car elle reste encore très en deçà de celle de nos voisins européens. L’avenant conventionnel de 2012 sur la substitution générique constitue pour cela un instrument particulièrement adapté. L’Assurance maladie comme les syndicats professionnels en sont convaincus. Ce div a en effet contribué à relever sensiblement le taux moyen de substitution de 71,2 % en 2012 à 83,3 % en 2014. C’est un très beau résultat même si l’objectif national est de 85 %. Le temps est venu de redonner à ce dispositif un nouvel élan car nous observons depuis un an une moindre progression de ce taux de substitution. L’objectif de la négociation sera de remettre de la dynamique, en faisant évoluer des critères qui sont devenus trop anciens. Oui, nous pensons pouvoir encore augmenter le taux moyen national de substitution, et certainement aller au-delà des 85 % qui constituent la cible arrêtée dans la convention pharmaceutique de 2012. Je n’ai d’ailleurs pas compris de mes échanges avec les représentants des pharmaciens que ces derniers considéreraient cet objectif comme un maximum indépassable. Nous n’en sommes d’ailleurs pas très loin. La question est plutôt de savoir à quel rythme il est possible d’avancer.

Justement, qu’allez-vous proposer pour que l’accord soit gagnant-gagnant ? Quelles sont les économies attendues pour l’Assurance maladie ?

Un point de substitution supplémentaire génère une économie pour la collectivité d’un peu moins de 20 millions d’euros. Les enjeux sont donc importants. Les discussions avec les pharmaciens devront concilier volontarisme et réalisme. Le système que nous proposons restera fondé sur une logique d’incitation. Un pharmacien qui ne veut pas substituer ne subit aucune forme de pénalisation, il passe simplement à côté d’une rémunération supplémentaire. A partir de 2016, nous souhaitons que la contrepartie de la ROSP soit une amélioration du taux de substitution en incitant les pharmaciens à utiliser davantage tout le champ du Répertoire. Nous souhaitons également maintenir un élément clé du dispositif – la stabilité des génériques délivrés pour les personnes âgées atteintes de pathologies chroniques.

Des discussions ont déjà commencé avec les partenaires conventionnels sur ce que pourraient être les objectifs réalistes de progression du taux de substitution, qui doivent tenir compte à la fois des échéances connues des brevets – cela concernera d’importantes molécules en 2017 – et des efforts propres que l’on peut attendre des pharmaciens. L’Assurance maladie devra aussi déployer des actions pour favoriser ce mouvement, tant auprès des assurés que des médecins, afin d’augmenter les prescriptions dans le Répertoire. Car tout est lié. Une campagne de promotion des médicaments génériques sera organisée l’année prochaine et portera des messages de réassurance pour rappeler que ceux-ci sont comme les autres et présentent toutes les garanties nécessaires de qualité, d’efficacité et de sécurité.

Doit-on s’attendre à un même modèle de calcul de la ROSP ou sera-t-il totalement revu ?

Le nouveau modèle sera assez proche de l’actuel mais avec des évolutions. Par exemple, nous sommes conscients que plus le taux moyen de substitution est élevé, plus chaque point supplémentaire est difficile à obtenir. Un point gagné sera donc mieux rémunéré si le pharmacien se situe déjà au-delà de la moyenne nationale actuelle (83,3 %). Cette rémunération progressive introduira une incitation à poursuivre les efforts, même pour ceux qui en ont déjà fait ces dernières années.

La marge de progression au-delà de 85 % ne dépend-elle pas surtout des prescripteurs en raison des mentions « non substituable » ?

Non. Il existe une hétérogénéité importante entre pharmaciens qui ne s’explique pas uniquement par l’ampleur de la pratique des mentions NS dans l’environnement de l’officine. C’est encore plus vrai quand on compare sur l’ensemble des molécules incluses dans la ROSP actuelle. Néanmoins, certaines officines peuvent être objectivement confrontées à des situations atypiques au sens où elles ont dans leur voisinage des médecins qui ont recours de façon très importante à des mentions NS.

Cette question suscite des arguments en faveur ou non de la neutralisation. Elle sera abordée dans les négociations. Je n’ai pas noté, à ce jour, que les syndicats professionnels aient demandé une neutralisation du non-substituable dans le mode de calcul.

Vous avez expliqué au congrès des pharmaciens à Reims que la maîtrise des dépenses de santé va se prolonger. D’où l’intérêt, dites-vous, pour les pharmaciens de parvenir à diversifier leurs modes de rémunération (iatrogénie, PDA…). Comment voyez-vous cette diversification ? Comment les pharmaciens doivent-ils être rémunérés dans l’avenir ?

Oui, les baisses de prix se poursuivront dans les prochaines années. Et je l’ai dit en effet à Reims par loyauté vis-à-vis des pharmaciens. C’est pour cela que nous devons continuer d’avancer dans la voie de la diversification de leurs rémunérations, car c’est la seule manière de les mettre progressivement à l’abri des effets de ces ajustements tarifaires. Avant de se projeter sur de nouvelles étapes, il nous faut déjà consolider celle qui a eu lieu en 2015 avec l’introduction des honoraires de dispensation assortis d’une rémunération des ordonnances complexes.

Cette réforme se poursuivra en 2016 et il faudra en mesurer les effets. Si l’on veut se projeter plus loin, l’avenant conventionnel sur la rémunération fixe déjà une perspective qui porte, à terme, sur l’introduction des honoraires à l’ordonnance. Il me semble que cela fait consensus mais cela pose des problèmes de faisabilité technique que nous devons surmonter car, aujourd’hui, si nous mesurons précisément le nombre de dispensations, nous ne sommes pas capables de quantifier de façon fine et fiable le nombre d’ordonnances, certaines pouvant être dispensées en plusieurs fois.

Les travaux sur le chantier de la prescription électronique de médicaments devraient nous permettre d’avancer dans cette voie. Plus largement, les pharmaciens doivent être mieux reconnus et donc rémunérés sur d’autres éléments que la seule dispensation des médicaments. Nous avons déjà créé des rémunérations sur objectifs de santé publique liées à l’accompagnement des patients atteints de pathologies chroniques, qui pourront tout à fait s’enrichir à l’avenir d’autres actions. Des pistes existent mais avant d’en parler, nous devons apprécier leur valeur ajoutée et comment bien articuler l’intervention des pharmaciens avec celle des autres professionnels de santé, notamment des médecins.

Les syndicats de pharmaciens contestent les chiffres présentés à l’observatoire de suivi des honoraires. Ces chiffres ne portent que sur les six premiers mois. La réforme est-elle toujours positive pour les pharmaciens après huit mois d’application ?

Je ne crois pas qu’ils les contestent car le bilan à 6 mois de la réforme des honoraires de dispensation fait apparaître que les choses se sont passées exactement comme prévu. A la fin du premier semestre, le bilan affiche un solde légèrement positif, de 25 millions d’euros, pour les pharmaciens, par rapport aux prévisions.

Les choses avaient été très précisément paramétrées lors des négociations en 2014.

A la fin de l’année, nous serons probablement au-dessus des 40 M €, par l’effet pour l’essentiel des ordonnances complexes. Cette réforme a été conçue pour déconnecter davantage la rémunération des pharmaciens des prix des médicaments délivrés. Pour autant, il est clair qu’elle n’a pas été pensée dans le but de compenser les effets des baisses de prix sur l’économie officinale, ce d’autant qu’il est très difficile d’en connaître l’ampleur et les impacts par anticipation.

Etes-vous favorable à la revalorisation à 1 euro des honoraires pour les ordonnances complexes et à leur élargissement aux patients en ALD comme le réclame la FSPF dans son « plan d’urgence » ?

Si nous devions faire un jour le constat, dans le cadre du suivi de cette réforme, que des écarts apparaissaient avec les objectifs, nous serions alors amenés à réfléchir à des pistes d’amélioration. Celles évoquées par la FSPF en feraient évidemment partie. Ce moment n’est pas venu. Aujourd’hui, l’avenant conventionnel sur la rémunération se déploie et connaîtra, au 1er janvier 2016, une deuxième étape avec le passage à 1 euro par boîte de médicament. Il nous appartiendra de faire le bilan de cette deuxième étape pour laquelle il nous faudra au moins un semestre de recul.

Les pharmaciens ont-ils raison de croire que les complémentaires santé leur apporteront de nouvelles ressources que l’Assurance maladie ne peut plus leur garantir ?

L’Assurance maladie couvre aujourd’hui plus de 76 % des dépenses remboursables et cette part ne cesse de croître depuis 4 ans, à la faveur notamment de la progression des pathologies chroniques et des affections de longue durée. Les complémentaires sont à 13,5 % mais sont un partenaire important dont je souhaite qu’il prenne davantage part à la vie conventionnelle.

La progression du taux de substitution générique leur a permis de faire également des économies substantielles au cours des dernières années. Je leur ai donc proposé de se joindre à la négociation de ce nouvel avenant. Cela me semblait à la fois logique et intéressant. Les complémentaires ne l’ont pas souhaité. Je le regrette.

Bio express

1993

Diplômé de l’Ecole nationale d’administration (ENA), promotion Gambetta.

2003-2008

Directeur de cabinet de Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris.

2012-2014

Secrétaire général adjoint de la présidence de la République en charge des politiques publiques.

Novembre 2014

Directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie.

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