LES TROUBLES BIPOLAIRES - Le Moniteur des Pharmacies n° 3100 du 24/10/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3100 du 24/10/2015
 

Cahiers Formation du Moniteur

ORDONNANCE

ANALYSE D’ORDONNANCE

Monsieur N. passe à une bithérapie

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Julien N., un homme de 35 ans, pesant 76 kg.

Par quel médecin ?

Le psychiatre hospitalier qui le suit.

L’ordonnance est-elle recevable ?

Oui.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous du patient ?

M. N., père de deux enfants, est suivi depuis 2 ans pour un trouble bipolaire. Jusqu’à présent, ce patient semblait bien équilibré, mais il y a quelques semaines il a été hospitalisé pour un nouvel épisode maniaque.

Quel était le motif de l’hospitalisation ?

Madame N. a demandé une consultation en urgence, alertée par l’attitude de son époux : euphorique depuis quelque temps, il dormait peu, ne se rendait plus à son travail, préférant peindre et faisant des projets démesurés.

Que lui a dit le médecin ?

• Suite à ce nouvel épisode maniaque, le psychiatre de M. N., après avoir vérifié que la lithiémie était bien dans la zone thérapeutique, a estimé que la prise de lithium ne suffisait plus. Il a alors décidé de l’hospitaliser et a instauré une bithérapie pour traiter l’accès maniaque.

Efficace, ce traitement va être poursuivi au long cours pour prévenir une rechute.

• Après 6 semaines d’hospitalisation, la stabilisation thymique de M. N. permet d’envisager son retour à domicile et la poursuite d’un suivi rapproché en ambulatoire.

Vérification de l’historique du patient

M. N. est sous lithium depuis deux ans, à la posologie de 800 mg par jour.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• Le lithium (Téralithe) est un thymorégulateur. Il est notamment indiqué dans le traitement curatif des états maniaques ou hypomaniaques, ainsi que dans la prévention des rechutes des troubles bipolaires.

• La quétiapine (Xeroquel) est un antipsychotique atypique, ayant en outre une action antihistaminique et alpha-1-adrénobloquante. Elle est notamment indiquée dans le traitement des troubles bipolaires. Cette molécule peut être envisagée aussi bien lors d’épisodes maniaques que d’épisodes dépressifs. La quétiapine est également prescrite pour la prévention des récidives si elle s’est montrée efficace en phase aiguë. C’est le cas pour M. N.

Est-elle conforme aux référentiels ?

Oui, le lithium associé à un antipsychotique atypique constitue une bithérapie recommandée pour prendre en charge une rechute maniaque lorsque le lithium, administré seul, ne semble pas suffisamment efficace. Cette bithérapie est à poursuivre pour limiter les récidives.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Oui, c’est le cas du lithium.

Y a-t-il des contre-indications pour ce patient ?

Non.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• Lithium : la posologie usuelle de la forme à libération prolongée est de 1 à 2 comprimés à 400 mg/j en une prise unique. Elle doit être adaptée à la lithiémie.

• Quétiapine : pour la prévention des récidives des épisodes dysthymiques, la posologie se situe en général entre 300 mg et 800 mg par jour.

Y a-t-il des interactions médicamenteuses ?

• L’ordonnance ne comporte pas d’interactions.

• En revanche, le pharmacien remarque la boîte d’ibuprofène sur le comptoir et interroge M. N. :

L’ibuprofène est-il pour vous ?

Oui, j’ai fréquemment mal à la tête depuis que je prends mon nouveau médicament. On me donnait quelque chose pour la douleur à l’hôpital, mais je ne sais plus quoi. Est-ce que je peux prendre ce médicament ?

L’ibuprofène est un AINS. Ces médicaments peuvent provoquer un surdosage en lithium. Même si l’ibuprofène est en vente libre, il est fortement déconseillé pour vous. Prenez plutôt du paracétamol, c’est sûrement ce qu’on vous donnait à l’hôpital.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

• A ce stade du traitement, une mesure de la lithiémie est recommandée tous les deux mois. Les fonctions rénale (risque de surdosage en lithium en cas d’insuffisance rénale) et thyroïdienne (risque de dysthyroïdie liée à la prise de lithium) sont à surveiller tous les 6 mois.

• Un traitement par quétiapine nécessite une surveillance biologique adaptée. Pour tout patient sous psychotrope, un bilan de contrôle au moins annuel comprenant une glycémie et un bilan hépatique est recommandé.

Une surveillance clinique notamment de la tension artérielle, de l’IMC, du poids, du périmètre abdominal et de la tolérance neurologique doit être mise en place de manière régulière.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Concernant le lithium

S’agissant du renouvellement d’un médicament pris depuis deux ans par le patient et suite à l’accès maniaque, le pharmacien s’enquiert de l’observance du traitement par le patient, mais aussi de sa bonne tolérance.

Observance

M. N. dit prendre correctement le lithium. Son épouse confirme qu’il prend bien les 2 comprimés en même temps, tous les jours à 20 pheures.

Effets indésirables

• M. N. a pris cinq kilos en deux ans (prise de poids classique sous lithium) mais son IMC à 23,7 est normal (M. N. pesant 76 kg pour 1,79 m).

• Il ne se plaint que d’une légère acné, traité par des soins adaptés.

Suivi biologique

La lithiémie de M. N., ses fonctions rénale et thyroïdienne, ainsi que sa glycémie, un ionogramme et sa calcémie ont été vérifiés lors de l’hospitalisation.

Signes d’alerte

M. N. ne se souvenant visiblement plus qu’il ne devait pas prendre d’AINS, le pharmacien lui demande s’il est capable de lui rappeler les signes annonciateurs d’un surdosage en lithium.

• Une lithiémie supérieure à 1,5 mEq/l (menace vitale dès 2 mEq/l) se traduit par des tremblements, des vertiges, des troubles de la vision, des nausées, des diarrhées, une confusion mentale. L’apparition de ces signes nécessite l’arrêt immédiat du traitement et le contrôle en urgence de la lithiémie .

• La lithiémie peut facilement augmenter en raison d’une réabsorption tubulaire accrue lors d’une déplétion sodée (chaleur, fièvre, diarrhée, vomissements, régimes désodés…), d’une insuffisance rénale ou de la prise de certains médicaments (ARA-II, IEC, diurétiques, AINS…) qui diminuent l’excrétion urinaire du lithium.

• Par ailleurs, en cas de céphalées persistantes et/ou de troubles visuels, un bilan ophtalmologique avec fond d’œil s’imposerait à la recherche d’un œdème papillaire.

Concernant la quétiapine

C’est la première fois que le pharmacien dispense ce traitement à M. N. Aussi convient-il d’insister sur le bon usage de la quétiapine.

• La quétiapine doit être administrée en une seule prise quotidienne, en dehors des repas (le soir au coucher, selon le RCP) car un repas riche en graisse modifie son absorption (augmentation de la Cmax de 50 %) (réponse 2).

• Les comprimés doivent être avalés entiers et ne doivent pas être divisés, mâchés ou écrasés.

Quand commencer le traitement ?

Le pharmacien interroge M. N. pour savoir à quel moment il prenait ce médicament à l’hôpital. Ce dernier précise qu’il le prenait le soir, une heure avant le repas, mais le psychiatre lui a dit qu’une fois rentré chez lui, il était préférable de le prendre au coucher. La quétiapine sera donc prise dès le soir même, au coucher.

Que faire en cas d’oubli ?

Lors d’un oubli de dose, la prendre dès que possible, sauf si la prise suivante est proche. Ne pas doubler la prise pour compenser la dose oubliée.

L’entourage du patient pourra-t-il juger de l’efficacité du traitement ?

Oui, par le maintien d’une stabilisation thymique et l’absence ou la réduction du nombre d’épisodes maniaques ou dépressifs.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• Outre des céphalées déjà évoquées par le patient, une somnolence liée à l’effet antihistaminique peut apparaître au début du traitement par quétiapine. Elle disparaît généralement avec la poursuite de celui-ci.

• La quétiapine peut fréquemment provoquer une hypotension orthostatique (action alpha-1-adrénobloquante) associée à des sensations vertigineuses et une tachycardie.

• Des effets anticholinergiques (bouche sèche, troubles visuels, constipation, confusion) peuvent s’observer.

• Le blocage des récepteurs dopaminergiques peut être responsable d’un tremblement et de dyskinésies, mais ces effets neurologiques demeurent nettement moins fréquents qu’avec les autres neuroleptiques.

• Le blocage des récepteurs sérotoninergiques explique une prise de poids. Le risque reste toutefois modéré.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• L’hypotension orthostatique peut être limitée en conseillant un lever en deux temps.

• La possibilité de somnolence doit être rappelée au patient pour limiter tout risque de chute. Déconseiller la conduite automobile.

• La constipation peut être prise en charge par un laxatif osmotique ou de lest (l’utilisation de laxatif hypokaliémiant devant rester prudente sous quétiapine, susceptible d’allonger l’espace QT).

• Du paracétamol permet de soulager les céphalées.

• La pratique d’une activité physique adaptée peut limiter la prise de poids.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

• Même s’il reste extrêmement rare, l’association d’une hyperthermie, d’une rigidité musculaire, d’une dysautonomie, et d’une altération de la conscience doit évoquer un « syndrome malin des neuroleptiques » nécessitant l’arrêt de la quétiapine et un traitement médical approprié.

• Une fièvre, des maux de gorge, ou tout autre signe infectieux peuvent signer une leucopénie potentiellement liée à la quétiapine (bien que peu fréquente) et imposant une numération-formule sanguine.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• Ne pas arrêter brutalement le traitement sous peine de symptômes de sevrage.

• Déconseiller la consommation de l’alcool (risque majoré de somnolence) et de jus de pamplemousse (interaction avec la quétiapine).

• En cas de forte fièvre ou de troubles gastro-intestinaux, éviter la déshydratation (consommer des boissons salées comme des bouillons), en raison du traitement par lithium.

• Vérifier que monsieur N. et son épouse bénéficient des conseils d’une association de patients.

PATHOLOGIE

Les troubles bipolaires en 6 questions

Les troubles bipolaires se caractérisent par l’alternance plus ou moins rapide de périodes d’excitation psychique et de dépression d’une intensité clinique variable. Leur retentissement individuel et social, souvent sévère, expose à un risque suicidaire important.

1 QUE SONT LES TROUBLES BIPOLAIRES ?

• Les troubles bipolaires fédèrent un ensemble d’affections psychiatriques caractérisées par une hyperréactivité émotionnelle chronique et une propension à présenter des fluctuations importantes de l’humeur. Typiquement, la maladie fait alterner des épisodes d’excitation psychique (dits maniaques ou hypomaniaques en fonction de leur sévérité) et des épisodes dépressifs.

• L’état psychique du patient bipolaire peut être parfois qualifié de « mixte » : il sera, par exemple, euphorique tout en ressentant des affects profondément tristes.

2 COMMENT SE TRADUIT L’ACCÈS MANIAQUE ?

• La présentation d’un accès maniaque varie selon les patients, mais les épisodes successifs revêtent souvent une présentation similaire chez un même individu.

• Le patient, sujet à tachypsychie et débordements émotionnels, est insomniaque et multiplie des activités souvent peu coordonnées. Euphorique, il peut se lancer dans des achats inconsidérés et inutiles, présente souvent une logorrhée et une graphorrhée, se vêt ou se maquille de façon voyante, peut faire preuve d’une familiarité déplacée, présente une tendance à la mégalomanie, échafaude des projets grandioses. Cette hyperactivité psychique s’accompagne fréquemment d’une anorexie et d’un épuisement.

• L’humeur versatile du patient, la fuite de ses idées et sa distractibilité frappent autant que son exaltation. L’épisode est entrecoupé de moments d’angoisse et d’irritabilité, voire d’agressivité. La consommation de substances psychostimulantes ou d’alcool aggravent les signes maniaques.

• Les épisodes les plus sévères s’accompagnent souvent d’idées délirantes et parfois même d’hallucinations auditives.

• Dans certaines situations, le patient peut bénéficier de soins sans consentement, d’autant plus que des outrages à la pudeur ou des tapages nocturnes émaillent fréquemment l’accès maniaque.

• L’épisode hypomaniaque constitue une forme moins sévère : les signes cliniques sont similaires mais d’intensité moindre et d’une durée plus réduite. Il n’entraîne pas d’incapacité professionnelle ou sociale et ne nécessite pas, sauf exception, d’hospitalisation.

3 ET L’ÉPISODE DÉPRESSIF ?

• Les signes de l’épisode dépressif associent un désintérêt de toute activité, un ralentissement psychomoteur, une perte d’élan vital, une humeur triste et pessimiste, une souffrance morale avec un sentiment de dévalorisation, d’inutilité et de culpabilité, une fréquente anxiété, des idées suicidaires.

Une bradypsychie est de règle : la pensée est appauvrie, la mémoire déficiente et toute concentration s’avère difficile voire impossible.

• L’épisode dépressif est aussi marqué par des troubles du sommeil à type d’insomnie ou souvent, d’hypersomnie.

• S’y ajoutent des troubles somatiques divers, parfois dominants : anorexie, constipation, amaigrissement, troubles neurovégétatifs (sueur, frilosité, lipothymie). La libido est fortement diminuée.

4 COMMENT EST PORTÉ LE DIAGNOSTIC ?

• Le diagnostic d’un trouble bipolaire est purement clinique.

• Toute suspicion de trouble bipolaire doit faire orienter vers un psychiatre.

• L’existence d’un épisode maniaque ou hypomaniaque isolé fonde l’existence de la bipolarité, même en l’absence d’épisode dépressif. L’inverse n’est pas exact : une dépression isolée (dite unipolaire) n’est pas considérée comme une expression de la maladie bipolaire, du moins jusqu’à observation de signes maniaques ou hypomaniaques.

• La maladie est souvent repérée entre 15 et 25 ans lorsqu’elle s’exprime par un épisode maniaque. Si le premier accès est dépressif, il est alors difficile de distinguer une dépression unipolaire d’un trouble bipolaire, d’où un retard de plusieurs années avant l’instauration d’un traitement adapté. Il semblerait qu’un tiers des dépressions soient la première expression de troubles bipolaires.

• De plus, il faut distinguer l’accès maniaque ou hypomaniaque associé à un trouble bipolaire d’autres types de tachypsychie induits par la consommation de drogues psychostimulantes, ou d’origine iatrogène (corticothérapie, dopathérapie, interférons par exemple) ou révélant une pathologie somatique (hyperthyroïdie, maladie de Cushing, lésion neurologique frontale…). Par ailleurs, certains signes comme les idées délirantes et les hallucinations peuvent évoquer une psychose et compliquer le diagnostic.

• La clinique psychiatrique distingue plusieurs types de troubles bipolaires dont deux sont particulièrement caractéristiques :

Le type I, anciennement appelé « psychose maniacodépressive », est le plus fréquent et typique : il est caractérisé par l’alternance d’épisodes maniaques dominants et d’épisodes dépressifs, justifiant souvent, l’un comme l’autre, une hospitalisation. Ces épisodes sont entrecoupés de phases de rémission plus ou moins prolongées.

• Le type II est dominé par la succession d’épisodes dépressifs prolongés et de brefs épisodes d’hypomanie, aucun des deux ne nécessitant d’hospitalisation.

5 EXISTE-T-IL DES FACTEURS DE RISQUE OU PROTECTEURS ?

• Le risque de développer un trouble bipolaire s’accroît lorsqu’il y a des antécédents familiaux (suggérant fortement l’implication de facteurs génétiques) : il atteint ainsi 10 % lorsque la maladie est diagnostiquée chez des parents de premier degré.

• Les événements de vie stressants contribuent au développement puis au maintien de la bipolarité, qu’il s’agisse d’événements négatifs (deuil, séparation, perte d’emploi, antécédents de traumatismes affectifs dans l’enfance, etc.) ou positifs (mariage, naissance, etc.).

• Les modifications du rythme circadien, des horaires irréguliers de lever et de coucher ou une surcharge de travail sont associées à la survenue d’épisodes maniaques.

• Inversement, une hygiène de vie correcte intégrant un rythme nycthéméral régulier, contribuerait à limiter la sévérité et la récurrence des épisodes dysthymiques.

• Certaines études suggèrent qu’un régime alimentaire riche en acides gras de type oméga-3 limiterait l’incidence de la maladie bipolaire.

• La psychoéducation (voir page 8) et l’éducation thérapeutique constituent également des facteurs protecteurs désormais reconnus.

6 QUELLE EST L’ÉVOLUTION ET QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

• En l’absence de prise en charge, l’accès maniaque régresse en quelques semaines à quelques mois voire quelques années (durée moyenne : 6 à 8 mois), avec passage plus ou moins rapide à un épisode dépressif. La durée moyenne d’un épisode dépressif est également comprise entre 6 et 8 mois.

• Le taux de récurrence est élevé : plus de 90 % des patients ayant présenté un épisode maniaque ou dépressif connaissent des récidives, généralement dans les deux ans suivant l’épisode initial.

• L’évolution de la maladie est irrégulière mais, globalement, la périodicité s’accélère avec le temps et les épisodes dysthymiques se rapprochent en laissant moins de place aux phases de rémission.

• Les troubles bipolaires constituent la maladie psychiatrique qui conduit le plus au suicide : ils sont à l’origine de 1 500 décès/an en France et 25 % à 60 % des patients bipolaires feront au moins une tentative de suicide dans leur vie. Ainsi, l’évaluation du risque suicidaire est primordiale.

• De par leur clinique et leur chronicité, les troubles bipolaires constitueraient la 6e cause de handicap au niveau mondial : plus de 60 % des patients bipolaires présenteraient un dysfonctionnement social modéré à sévère.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter les troubles bipolaires ?

Le traitement des accès dysthymiques et la prévention des rechutes impliquent le recours, souvent en association, à des médicaments de plusieurs familles (thymorégulateurs, antipsychotiques, antidépresseurs).

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

• L’objectif est de faire disparaître les symptômes des accès maniaques ou dépressifs mais aussi de prévenir les rechutes dysthymiques et les complications (addictions, suicide).

• Le traitement est souvent empirique et les recommandations varient selon les pays : les schémas présentés ici ne restent que des propositions.

• Ce traitement est accompagné d’un suivi psychothérapeutique et, idéalement, de séances de psychoéducation.

Traitement d’un épisode maniaque

• L’accès maniaque, une urgence thérapeutique, nécessite souvent une hospitalisation, parfois sous contrainte, et une protection juridique des biens. Sa prise en charge repose sur la prescription d’un thymorégulateur qui traite l’épisode aigu et prévient les récurrences.

• Le traitement fait appel à une monothérapie par lithium, divalproate de sodium, ou antipsychotiques atypiques (aripiprazole, olanzapine, quétiapine, rispéridone). Ces derniers sont intéressants en cas d’agressivité, d’agitation ou de délires.

• La carbamazépine est prescrite en 2e voire en 3e intention, compte tenu d’un index thérapeutique défavorable. L’oxcarbazépine peut lui être substituée (hors AMM).

• Le traitement est évalué au bout de 4 à 6 semaines.

• En cas d’inefficacité, le lithium sera associé au divalproate de sodium ou à un antipsychotique atypique.

• L’emploi de la clozapine (hors AMM) se justifie en cas de résistance à trois thymorégulateurs associés. Les états maniaques résistants peuvent aussi justifier une électroconvulsivothérapie (voir page 12).

• Après la rémission clinique, le traitement médicamenteux sera poursuivi sur une période d’environ six mois avant mise en œuvre d’un traitement prophylactique des rechutes (qui peut n’être souvent que la continuation du traitement de l’épisode aigu).

Traitement d’un épisode dépressif caractérisé

• L’épisode dépressif relève avant tout d’un thymorégulateur (généralement en monothérapie).

• Sont utilisés le lithium, le divalproate de sodium ou la quétiapine (seul antipsychotique ayant une AMM dans le cadre de l’accès dépressif du patient bipolaire). La lamotrigine est souvent prescrite dès l’épisode aigu (hors AMM).

• Un antidépresseur peut être associé au thymorégulateur. Le rapport bénéfice/risque des antidépresseurs dans la dépression bipolaire est remis en cause : ils ne doivent jamais être administrés en monothérapie dans ce condiv (contrairement à la dépression unipolaire) ni dans celui d’un épisode mixte par crainte d’un virage maniaque avec augmentation du risque suicidaire. Un inhibiteur de la recapture de la sérotonine (IRS) ou un inhibiteur d’action duale (IRSNa) sera privilégié. Le recours à un tricyclique est a priori exclu (risque important de virage maniaque).

• Le traitement est évalué au bout de 4 à 6 semaines.

• En cas d’échec après 4 à 6 semaines, diverses associations sont utilisées dont lithium + lamotrigine (hors AMM), quétiapine + lamotrigine (hors AMM) ou divalproate de sodium + antipsychotique atypique, voire un thymorégulateur associé à un antidépresseur (IRS, IRSNa). Les formes sévères peuvent justifier une électroconvulsivothérapie.

• Une fois la rémission clinique obtenue, le traitement médicamenteux sera poursuivi sur une période d’environ six mois avant mise en œuvre d’un traitement prophylactique des rechutes.

Prévention des rechutes

• Le traitement ayant rapporté la preuve de son efficacité dans la prise en charge d’un accès dysthymique chez un patient est poursuivi à vie, généralement sous forme d’une monothérapie.

• Divalproate, valpromide, carbamazépine ou oxcarbazépine (hors AMM) constituent des alternatives au lithium en cas de résistance ou d’intolérance.

• Il peut parfois s’agir d’une bithérapie thymorégulatrice associant par exemple :

- lithium + anticonvulsivant (divalproate de sodium si forme à polarité maniaque dominante ; lamotrigine si forme à polarité dépressive dominante) ;

- lithium (ou anticonvulsivant) + antipsychotique atypique.

• Les formes injectables retard d’antipsychotiques atypiques sont de plus en plus fréquemment prescrites hors AMM, chez le patient bipolaire.

TRAITEMENT THYMORÉGULATEUR

Lithium (Téralithe)

• Traitement de référence, le lithium est indiqué dans les états maniaques ou hypomaniaques et dans la prévention des rechutes.

• Effets indésirables : troubles digestifs en début de traitement, troubles neuropsychiques (sédation, tremblement des mains, vertiges, syndrome sérotoninergique, troubles de l’équilibre), dysthyroïdie, prise de poids, polyurie (jusqu’à 2 à 4 l/j) et soif intense (diabète insipide), acné.

• La prise de lithium chez la femme enceinte s’associe à une élévation (< 10 %) du risque de malformations cardiaques. Si la poursuite du traitement est toutefois possible en cours de grossesse sous surveillance ECG, il est aussi parfois envisageable de l’arrêter progressivement avant le 16e jour postconceptionnel et de reprendre le traitement après 9 semaines d’aménorrhée. En cas de traitement pendant la grossesse, la lithiémie sera contrôlée fréquemment et maintenue la plus basse possible. Il est souhaitable de surveiller les fonctions cardiaque, rénale et thyroïdienne du nouveau-né.

• Le lithium est un médicament à marge thérapeutique étroite. Un surdosage (lithiémie > 1,5 mEq/l, avec menace vitale dès 2 mEq/l) se traduit par des tremblements, des vertiges, des troubles de la vision, des nausées et diarrhées, une confusion mentale. Pouvant laisser des séquelles neurologiques parfois irréversibles, il est favorisé par certaines interactions, l’insuffisance rénale, une pathologie cardiaque, une déshydratation, un régime désodé, un diabète, une hyperthermie. Il impose l’arrêt du traitement, l’évaluation en urgence de la lithiémie, l’alcalinisation des urines, une diurèse osmotique, l’administration du chlorure de sodium. L’hémodialyse est recommandée si la lithiémie excède 2,5 mEq/l.

• Principales interactions : l’association du lithium aux IEC, aux ARA-II, à l’aliskirène, aux AINS (sauf salicylés), aux diurétiques de l’anse et thiazidiques est déconseillée (augmentation de la lithiémie), ainsi que son association à la carbamazépine (risque de troubles cérébelleux irréversibles). L’association aux neuroleptiques peut provoquer l’apparition de signes évocateurs d’un syndrome malin.

Anticomitiaux

Divalproate de sodium (Dépakote)

• Le divalproate est composé de valproate de sodium et d’acide valproïque.

• Effets indésirables : troubles digestifs, céphalées, troubles hématologiques (thrombopénie et agranulocytose), exceptionnelles hépatopathies ou pancréatites (parfois mortelles).

• Le risque de malformations congénitales (10 % des cas) et de troubles neurodéveloppementaux graves liés à l’usage du divalproate pendant la grossesse, a récemment imposé de nouvelles conditions de prescription chez la femme en âge de procréer ou enceinte. Chez celles-ci, ce médicament ne peut être prescrit qu’en cas d’intolérance ou d’inefficacité des autres alternatives thérapeutiques. La prescription initiale, valable un an, est désormais réservée aux neurologues, psychiatres ou pédiatres et le recueil d’un accord de soins signé est obligatoire. Les femmes en âge de procréer doivent impérativement bénéficier d’une contraception.

• Principales interactions : l’association à la lamotrigine est déconseillée (risque d’éruption cutanée sévère) ainsi qu’aux antibiotiques de la famille des pénèmes (risque de convulsions chez les patients épileptiques).

Valpromide (Dépamide)

• Le principal métabolite actif du valpromide est l’acide valproïque. Ce médicament, bien qu’analogue au précédent et indiqué dans les épisodes maniaques, ne figure pas dans les recommandations actuelles.

• Effets indésirables : identiques à ceux du divalproate.

• Le risque tératogène lié au valpromide a également imposé de nouvelles conditions de prescription, identiques à celle du divalproate de sodium.

• Principales interactions : le valpromide est impliqué dans les mêmes interactions que le divalproate.

Carbamazépine (Tégrétol)

• La carbamazépine est indiquée dans les états maniaques ou hypomaniaques et la prévention des rechutes.

• Effets indésirables : troubles digestifs, troubles neurologiques (somnolence, vertiges, céphalées, troubles visuels), urticaire, leucopénie, augmentation des transaminases et des phosphatases alcalines, prise de poids, hyponatrémie, augmentation du risque de comportement suicidaire.

• Principales interactions : l’association aux contraceptifs oraux (diminution de l’efficacité contraceptive), au lithium (troubles cérébelleux), au millepertuis (risque de diminution de l’efficacité de la carbamazépine), au jus de pamplemousse, à l’isoniazide ou à l’érythromycine (surexposition à la carbamazépine), à la clozapine (majoration du risque hématologique grave), à l’aprépitant, au bocéprévir, au dabigatran, à la dronédarone, au fentanyl, aux inhibiteurs de tyrosine-kinase, à la nimodipine, au praziquantel, à la simvastatine, à la télithromycine, au tramadol ou à l’ulipristal (diminution importante des concentrations de ces médicaments par la carbamazépine) est déconseillée.

Lamotrigine (Lamictal)

• La lamotrigine est indiquée dans la prévention des épisodes dépressifs chez le patient présentant un trouble bipolaire de type I avec prédominance d’épisodes dépressifs. Elle n’est pas indiquée dans le traitement aigu des épisodes maniaques ou dépressifs.

• Effets indésirables : éruptions cutanées, parfois sévères et potentiellement létales, survenant généralement dans les huit premières semaines, irritabilité, agressivité, idées suicidaires, céphalées, somnolence, sensations vertigineuses, troubles visuels, sécheresse buccale, troubles digestifs, douleurs articulaires.

• Principales interactions : L’association au divalproate ou au valpromide est déconseillée (risque majoré d’éruptions), ainsi que la mise en route d’une contraception estroprogestative en phase de titration posologique de lamotrigine (la contraception hormonale peut diminuer la réponse à la lamotrigine et mener à augmenter la posologie du thymorégulateur - sans négliger aussi la possibilité de diminution de l’efficacité du contraceptif).

Antipsychotiques thymorégulateurs

• Les antipsychotiques atypiques sont tous indiqués dans le taitement du trouble bipolaire, mais avec un périmètre d’utilisation variable selon les molécules.

• Ils ont tous un profil de tolérance satisfaisant en partageant un certain nombre d’effets indésirables : céphalées et somnolence en début de traitement, hypotension orthostatique et vertiges, troubles métaboliques (prise de poids et dysglycémie), allongement de l’espace QT, hyperprolactinémie, signes extrapyramidaux (rares aux doses usuelles), survenue exceptionnelle d’un syndrome malin.

• L’association d’un antipsychotique (clozapine exceptée) aux antiparkinsoniens dopaminergiques est déconseillée (antagonisme réciproque).

Aripiprazole (Abilify)

• L’aripiprazole est indiqué dans le traitement des épisodes maniaques et dans la prévention des récidives.

• Effets indésirables : tremblements, troubles de la vision, troubles digestifs.

Olanzapine (Zyprexa)

• L’olanzapine est indiquée dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères mais aussi dans la prévention des récidives.

• Effets indésirables : augmentation de l’appétit, prise de poids, constipation, sécheresse buccale.

Rispéridone (Risperdal)

• La rispéridone est indiquée dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères.

• Effets indésirables : des arthralgies sont parfois signalées.

Quétiapine (Xeroquel)

• La quétiapine est indiquée dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères, ou des épisodes dépressifs majeurs et dans la prévention des récidives.

• Effets indésirables : constipation, rares troubles hématologiques (surveiller l’apparition de signes infectieux).

• Principales interactions : l’association de la quétiapine aux anticonvulsivants inducteurs enzymatiques, au millepertuis, à la rifampicine est déconseillée (risque d’inefficacité de la quétiapine). Le jus de pamplemousse est déconseillé (risque d’augmentation des concentrations de quétiapine).

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Pascale, 63 ans, retraitée

« Longtemps soignée pour une dépression, j’ai été diagnostiquée bipolaire seulement à 40 ans. Lors d’une phase mixte qui associe des symptômes dépressifs et maniaques durant la même période, je peux passer de la mélancolie profonde à un état d’exaltation en quelques minutes. Ces fluctuations de mon humeur ont eu raison de mon mariage.

Professionnellement, j’ai été licenciée après le témoignage de ma maladie à la télévision. Mes nombreuses périodes d’invalidité ont diminué ma retraite d’un quart. Mais mon traitement thymorégulateur est efficace et je le supporte bien. Je fais juste attention lors d’événements bouleversants : respect de mon sommeil et de mon hygiène de vie, consultations plus rapprochées avec mon psychiatre. Parfois, je reprends un antidépresseur. Si je compare ma situation à celle de mon frère, atteint lui aussi d’un trouble bipolaire, qui, lui, a vécu un véritable enfer, je m’estime chanceuse. »

LES TROUBLES BIPOLAIRES VUS PAR LES PATIENTS

Impact psychologique

• Quand le diagnostic, souvent tardif, est enfin posé, l’acceptation de la maladie peut être difficile en raison de l’image négative des pathologies mentales souvent assimilées à la folie.

• A terme, les troubles bipolaires peuvent entraîner une désinsertion socio-professionnelle (30 à 50 % des cas) et familiale, s’accompagnant généralement d’une grande souffrance psychologique (15 % de mortalité par suicide).

Impact familial

• Au cours des phases dépressives, les proches se sentent souvent démunis, voire coupables vis-à-vis de leur difficulté à aider l’autre. De plus, ils doivent souvent assumer une surcharge de travail et de responsabilité durant cette période.

• Lors des phases de manie, l’entourage a du mal à suivre les idées du patient et est considéré par ce dernier comme l’« empêcheur de vivre », ce qui peut entraîner des disputes.

• Désorganisation de la vie familiale, divorce, isolement sont fréquents : seulement un quart des patients bipolaires vivent en couple.

Impact professionnel et économique

• La moitié des patients n’ont pas d’activité professionnelle stable. Tous les patients bipolaires peuvent d’ailleurs être reconnus comme « travailleurs handicapés ». Ce statut permet une adaptation du poste de travail ou l’obtention de l’allocation aux adultes handicapés (800,45 € par mois). Une pension d’invalidité ou un mi-temps thérapeutique peuvent également être mis en place.

• Les conséquences financières pour les patients s’avèrent importantes d’autant que peuvent s’y ajouter des dépenses excessives en phase maniaque, ce qui peut justifier la mise en place d’une sauvegarde de justice des biens.

• Selon l’OMS, cette maladie fait partie des dix maladies les plus invalidantes et coûteuses.

Autres impacts

• Du fait d’une désinhibition en phase maniaque, le patient peut se mettre en danger en ayant des conduites à risques (rapports sexuels non protégés par exemple) et quelquefois commettre des actes délictuels pouvant avoir des conséquences judiciaires.

• De même, le trouble bipolaire s’associe fréquemment à une comorbidité addictive (alcool notamment).

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la pathologie

• Pour accepter cette maladie chronique et vivre avec, il est nécessaire de la connaître. Des informations sont disponibles auprès du psychiatre référent, mais aussi des associations et groupes de patients et de familles. Un soutien psychologique est également recommandé, y compris pour le conjoint.

• La participation à des groupes de psychoéducation permet aux patients d’identifier les signaux annonciateurs d’une nouvelle rechute, de mieux comprendre la maladie et l’intérêt d’un traitement au long cours. Dans les phases de déstabilisation thymique, un repos, un ajustement du traitement, voire une hospitalisation peuvent alors être mise en place. Ne pas hésiter à solliciter l’aide de son entourage et de son médecin en cas de besoin.

• Lors des phases maniaques, les proches doivent faire preuve de patience et de bienveillance et prévenir les dangers liés à certains comportements. Si une hospitalisation est nécessaire mais que le patient la refuse, une demande de soin psychiatrique à la demande d’un tiers peut être envisagée par la famille ou l’entourage. Plus rarement, lors de troubles de l’ordre public ou de mise en danger des patients, un soin psychiatrique sur décision d’un représentant de l’Etat peut être prononcé par arrêté par le préfet.

• Lors des phases dépressives, ne pas blâmer le patient et rester également vigilant au regard des tentatives de passage à l’acte suicidaire.

A propos du traitement

Observance

• Un trouble bipolaire nécessite une prise en charge à vie.

• Les traitements médicamenteux ont pour objectif de stabiliser l’humeur et de prévenir les rechutes. Après un certain délai d’action (3 à 6 semaines pour une lithiothérapie), les médicaments sont efficaces s’ils sont pris de façon régulière, même lorsque les symptômes ont disparu et que le patient peut se croire guéri.

• En effet, le patient ne doit pas de lui-même interrompre le traitement ni modifier la dose (la baisser quand il se sent bien ou l’augmenter pour se maintenir volontairement dans une légère hypomanie euphorisante). Un arrêt brutal expose à un risque de rechute, un rebond d’anxiété et une augmentation du risque suicidaire.

Gestion des effets indésirables

• Les effets indésirables de certains médicaments nécessitent un suivi biologique particulier.

• En raison des contre-indications avec certains médicaments (valproate, carbamazépine notamment) pendant la grossesse, s’assurer que les femmes en âge de procréer bénéficient d’une contraception efficace. Tout désir d’enfant doit être anticipé afin de réévaluer et réajuster le traitement avant conception.

• Certains traitements peuvent avoir un effet sur la vigilance (prudence en cas de conduite automobile).

• Une activité physique régulière permet de limiter la prise de poids liée au traitement.

• Les médicaments sont parfois à l’origine de difficultés sexuelles avec perte de plaisir. Une adaptation du traitement voire un changement de celui-ci et le recours pour les hommes à des médicaments favorisant les érections peuvent être envisagés.

Prévenir les interactions

Vérifier systématiquement les interactions, notamment celles liées à la prise de lithium (diurétiques, AINS, IEC, sartans) et rappeler les risques de l’automédication.

PRÉVENTION DES CRISES

Le respect d’une bonne hygiène de vie (avoir un rythme régulier et une durée suffisante de sommeil, éviter les décalages horaires, gérer les situations de stress, éviter la consommation d’alcool, ne pas prendre de drogue…) est fondamental.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : NON. L’association de la clarithromycine (puissant inhibiteur du CYP3A4, comme l’érythromycine ou la télithromycine) avec la quétiapine est contre-indiquée car elle augmente de façon importante les concentrations de quétiapine. Il faut appeler le médecin pour changer d’antibiotique : un autre macrolide comme l’azithromycine ou la josamycine peut être proposé. En outre, il faut s’assurer qu’une NFS a été prescrite (l’angine pouvant signer une leucopénie liée à la quétiapine).

ORDONNANCE 2 : OUI. Mais pas sans certaines précautions. Les estroprogestatifs augmentent le métabolisme hépatique de la lamotrigine, entraînant une diminution de ses taux plasmatiques. Le pharmacien doit téléphoner au généraliste pour l’informer de l’interaction et envisager de joindre le psychiatre en vue d’une adaptation de posologie de la lamotrigine (si Mlle G. avait été en période d’ajustement de posologie de lamotrigine, la mise en route d’une contraception orale aurait été déconseillée).

MÉMO-DÉLIVRANCE

L’ordonnance est-elle recevable ?

• Le divalproate et le valpromide sont des médicaments tératogènes dont la prescription initiale, chez la femme enceinte ou en âge de procréer, est réservée aux neurologues, psychiatres ou pédiatres.

• S’assurer de la présentation d’un accord de soins signé par les femmes en âge de procréer ou enceintes.

Est-elle conforme aux recommandations ?

• Le traitement des accès maniaques repose sur l’utilisation de thymorégulateurs (lithium, anticomitiaux ou antipsychotiques atypiques) éventuellement associés.

• Celui des épisodes dépressifs relève également d’un traitement thymorégulateur éventuellement associé à un antidépresseur. En revanche, un antidépresseur seul n’est pas recommandé (risque de virage maniaque).

Y a-t-il des interactions ?

Les thymorégulateurs sont impliqués dans de très nombreuses interactions, en particulier :

• le lithium, dont un surdosage est favorisé par l’association aux IEC, aux ARA II, aux diurétiques et aux AINS (attention à l’automédication !),

• la carbamazépine qui diminue l’efficacité de nombreuses molécules,

• la quétiapine dont un surdosage est favorisé par l’association aux inhibiteurs de CYP 3A4,

• et plus généralement les antipsychotiques qui sont antagonistes des traitements dopaminergiques.

Le patient a-t-il bien compris l’intérêt du traitement ?

• Orienter le patient vers des associations ou des groupes de psychoéducation lui permet de mieux comprendre sa maladie et l’intérêt du traitement.

• Une bonne observance est indispensable, y compris après l’amélioration des symptômes.

• Le patient ne doit pas modifier de lui-même les doses, ni arrêter brutalement le traitement.

En connaît-il les principaux risques ?

• Le patient doit connaître les situations favorisant un surdosage en lithium (déshydratation, régime hyposodé, fièvre) et ses signes (nausées, diarrhées, tremblements, vertiges, confusion), imposant l’arrêt du traitement et un contrôle de la lithiémie.

• Les femmes en âge de procréer traitées par divalproate de sodium ou valpromide, doivent bénéficier d’une contraception efficace.

• La survenue d’éruption cutanée sous lamotrigine ou carbamazépine, d’une hyperthermie inexpliquée ou de mouvements anormaux involontaires sous antipsychotiques impose une consultation en urgence.

Bénéficie-t-il d’un suivi biologique ?

• Un traitement par lithium impose un contrôle de la lithiémie tous les 2 mois (une fois la lithiémie efficace atteinte et stable).

• Sous carbamazépine, divalproate de sodium et valpromide, la fonction hépatique et la NFS doivent être régulièrement contrôlées.

• Un traitement par antipsychotique justifie un contrôle au moins annuel de la glycémie et un bilan lipidique au moins tous les 5 ans.

LE CAS : M. N. souffre d’un trouble bipolaire. Il a été diagnostiqué il y 2 ans lors d’un épisode maniaque qui s’est manifesté quelques mois après une dépression. Son traitement à base de lithium instauré à l’époque ne semble plus suffire actuellement puisqu’il a été hospitalisé pour un nouvel épisode maniaque. Aujourd’hui, M. N., accompagné de sa femme, sort de l’hôpital et présente l’ordonnance suivante.

Qu’en pensez-vous

Quels sont les principaux signes d’un surdosage en lithium ?

1) Des tremblements

2) Des vertiges

3) Une constipation

Qu’en pensez-vous

A quel moment est-il préférable de prendre la quétiapine ?

1) Au cours d’un repas

2) En dehors des repas

3) Indifféremment

EN CHIFFRES

• Prévalence de 0,7 % à 2,5 % en population générale ; des études l’estiment comprise entre 5 % et 12 % en y intégrant les présentations atténuées.

• Sex-ratio voisin de 1 : les accès maniaques seraient plus fréquents chez l’homme et les épisodes dépressifs chez la femme.

• Comorbidités psychiatriques d’environ 60 % (troubles anxieux, addictions).

• Taux de mortalité (hors traitement) deux à trois fois supérieur à celui de la population générale (suicide, comorbidités psychiatriques et cardiovasculaires, accidents en phase maniaque…).

Physiopathologie

• Les mécanismes neurobiologiques à l’origine des troubles bipolaires sont mal connus.

• L’hypothèse monoaminergique, peu concluante, associe les phases dépressives à un déficit en noradrénaline et les phases maniaques à un excès. Certains divs évoquent une dysfonction dans le contrôle sérotoninergique des stimuli noradrénergiques centraux.

• La théorie de l’« embrasement » met en cause des stress répétés qui fragiliseraient progressivement les structures sous-corticales. Chaque nouveau stress amplifierait cette réaction, prédisposant le patient à une vulnérabilité accrue à l’égard des troubles thymiques. Cette hypothèse corrobore l’intérêt d’un traitement précoce et d’une prophylaxie des rechutes.

• Les troubles bipolaires pourraient enfin être aussi associés à des perturbations de la neuroplasticité.

CE QUI A CHANGÉ

APPARU

• Commercialisation de la quétiapine (Xeroquel) en 2011.

• En mai 2015, l’ANSM a établi de nouvelles conditions de prescription et de délivrance des spécialités à base de valproate et dérivés du fait des risques pendant la grossesse (voir page 10).

VIGILANCE !!!

Certaines contre-indications à l’emploi des thymorégulateurs doivent être connues du pharmacien.

Lithium : Insuffisance rénale s’il est impossible de surveiller étroitement la lithiémie, allaitement.

Divalproate et valpromide : Hépatite aiguë ou chronique, antécédent personnel ou familial d’hépatite.

Carbamazépine : Antécédents d’hypoplasie médullaire, bloc auriculoventriculaire.

Olanzapine : Glaucome à angle fermé ou risque de glaucome à angle fermé.

Dr
Diane Lévy-Chavagnat, psychiatre, chef de service, centre hospitalier Henri-Laborit à Poitiers

« Le diagnostic est souvent trop tardif, après 8 à 10 ans en moyenne »

Comment les pharmaciens peuvent intervenir auprès des patients bipolaires ?

Les pharmaciens ont un rôle majeur de partenaire de santé, permettant aux patients de mieux vivre avec leur maladie et d’améliorer l’observance des traitements. La consultation pharmaceutique - déjà mise en place dans certains hôpitaux - pourrait s’envisager en officine. Les pharmaciens doivent être intégrés au processus d’éducation thérapeutique bipolaire. Orienter les patients et leurs proches vers des associations comme Argos 2001 est recommandé.

Le diagnostic est souvent posé tardivement. Qu’en pensez-vous ?

Le diagnostic est difficile et effectivement souvent trop tardif (après 8 à 10 ans en moyenne). Trop de dépressifs, d’alcooliques, d’anxieux sont des bipolaires qui s’ignorent! Il est nécessaire de mieux former les médecins à la détection de ce trouble car un diagnostic précoce a une incidence favorable sur l’évolution de la maladie.

En quoi consiste l’électroconvulsivothérapie ?

C’est une technique de stimulation électrique transcrânienne visant à stimuler le cerveau de manière répétée pour provoquer une crise convulsive, sous anesthésie générale brève et curarisation. Le traitement consiste en deux séances par semaine en milieu hospitalier, sur trois à huit semaines environ.

L’électroconvulsivothérapie nécessite le consentement du patient et son information. Il y a plusieurs indications : dépression bipolaire, risque suicidaire majeur, états mixtes, cycles rapides, états maniaques résistants. Mais l’électroconvulsivothérapie ne peut être le seul traitement du trouble bipolaire.

QUESTION DE PATIENTS

Pourquoi mon médecin m’a-t-il prescrit de la lévothyroxine ?

« De la lévothyroxine à faible dose est prescrite pour corriger une hypothyroïdie (vraie ou fruste) pouvant être induite par la prise de lithium, et à l’origine d’une majoration des symptômes dépressifs. »

INTERNET

argos2001.fr

Argos 2001 est une association d’aide aux malades bipolaires qui organise des groupes de paroles et des conférences. Sur son site, on trouve des informations destinées aux patients et à leurs proches, sur la maladie bipolaire, ainsi que des renseignements d’ordre social ou juridique.

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