Le back-office refait surface - Le Moniteur des Pharmacies n° 3100 du 24/10/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3100 du 24/10/2015
 

Dossier

Auteur(s) : Chloé Devis

Alors qu’il doit faire face à des exigences organisationnelles toujours plus élevées et à des missions diversifiées, le back-office est sommé, plus que jamais, de laisser la vedette à la surface de vente. Heureusement, les solutions existent pour gagner de l’espace sans perdre en fonctionnalité.

La nécessité d’étoffer l’offre de produits et de services à l’officine s’est traduite ces dernières années par une augmentation de la zone client en défaveur du back-office : entre les deux, le rapport un tiers-deux tiers s’est inversé », constate Emmanuel Zittoun, directeur France de Pharmathek. Pas question pour autant de négliger la « base arrière », au risque de fragiliser l’officine tout entière. L’enjeu est évidemment réglementaire en ce qui concerne le stockage de produits de santé. Mais les implications sont aussi économiques. « On sous-estime les coûts cachés d’une mauvaise organisation », relève ainsi Jean-Pierre Demeyère, président de JCD Agencement.

Philippe Lévy, dirigeant de Neopharma, le souligne, « le professionnalisme à l’arrière doit être à la hdiv de celui déployé au comptoir, pour une efficacité optimale en matière de délivrance ». La fonctionnalité reste ainsi l’enjeu clé du back-office. « De bonnes conditions de travail rendront le personnel plus empathique vis-à-vis de la patientèle et plus productif avec moins d’absentéisme à la clé », ajoute David Van Acker, directeur commercial de Mobil M. « Ce n’est pas parce que les équipes se satisfont d’un environnement de travail auquel elles sont habituées depuis des années qu’il ne faut pas se remettre en question et s’adapter à des exigence d’efficacité qui évoluent », renchérit Alain Viaud, directeur de Cap Agencement. Dès lors, gare à ne pas sous-dimensionner le back-office par rapport au volume d’activité: lui consacrer « au minimum un tiers, idéalement 40 % de l’espace total », prône Philippe Lévy, et ce pour un montant qui ne dépassera pas « un tiers d’un budget d’agencement », du fait d’investissements moindres en mobilier. Pour Alain Viaud, « il faut éviter l’effet labyrinthe en cassant d’emblée les murs si nécessaire, et gagner ainsi en confort de déplacement ». Inscrit dans un projet global, l’agencement du back-office ne peut s’exonérer d’une analyse solide de l’existant : « Le chiffre d’affaires, le nombre de salariés, la productivité », indique Bernard Deniel, directeur de Média6, mais aussi « les contraintes techniques du bâtiment et la manière de travailler de l’équipe », précise David Van Acker, qui incite à impliquer cette dernière dans la réflexion. Le cahier des charges doit également prévoir la possibilité d’aménagements en vue de futurs développement (PDA, vente en ligne, automatisation…).

Les 80 % du chiffre d’affaires à proximité du comptoir

Au cœur des missions du back-office, une gestion des stocks efficiente combine organisation des flux et bonnes pratiques. « Entre le point d’arrivée et le point de délivrance des produits, le temps doit être le plus réduit possible », résume Jean-Pierre Demeyère. Deux objectifs en dépendent : écourter l’attente du patient au comptoir et faciliter le travail des équipes. La première étape consiste à « rapprocher les zones de livraison, de déballage et de stockage », indique David Van Acker. Le Code de la santé publique admet toutefois que le stock puisse être délocalisé « à proximité immédiate de l’officine », mais on veillera dans ce cas à en faciliter l’accès. « Concentrer les stocks » est un impératif aux yeux de Bernard Deniel. « La chasse aux espaces perdus peut permettre de gagner 20 à 30 % d’espace », fait-il valoir. De son côté, Jean-Pierre Demeyère incite à « conserver à proximité du comptoir les 20 % des produits représentant 80 % du CA, en tenant compte de la saisonnalité ». Par ailleurs, « afin d’éviter les encombrements, chaque emplacement doit être pensé pour sa destination », préconise également Philippe Lévy. « On gagnera ainsi à délimiter un espace tampon dans le sas de livraison pour les marchandises en attente de traitement. » Pour Jean-Pierre Demeyère, prévoir « un plan de déballage suffisamment grand mais pas trop permettra d’éviter d’y laisser traîner les cartons ». Thierry Trasbot, directeur commercial de Boursin Agencement, préconise l’installation de tirettes sous les plans de travail pour y mettre les caisses, ce qui évite d’encombrer les plans, mais aussi de se baisser. De son côté, David Van Acker suggère d’« ouvrir les espaces de confidentialité sur le back-office afin d’y avoir accès, si besoin, sans passer côté public ». Enfin, « aérer les zones de passage et libérer les ouvertures de colonnes-tiroirs facilitera les mouvements du personnel », pour Bernard Deniel.

S’agissant du mobilier d’entreposage des produits, mieux vaut éviter le recyclage à outrance et privilégier des dispositifs professionnels conjuguant robustesse et facilité d’utilisation, adaptés à leur usage et à l’espace disponible. « Attention à la hdiv : l’utilisation d’escabeaux ou de tabourets joue sur la sécurité, l’efficacité et la fatigue ! », alerte Alain Viaud. En l’absence de robot ou d’automate (voir page 33), « les colonnes-tiroirs, qui restent le standard pour les médicaments sur ordonnance, doivent être exploitées au mieux, via une réflexion approfondie sur la façon d’associer différents modules en fonction de la configuration des lieux », considère François-Xavier Crozet, président de Rubex Pharma. Epis, meubles-lavabo, meubles-comptoir peuvent venir compléter l’équipement, sans oublier armoires et coffres obligatoires pour le stockage des produits sensibles. « Pour gagner de la place au sol, on se tournera vers des armoires à déplacement latéral, accessibles de part et d’autre », recommande Bernard Deniel. Au rayon innovation, Stocklight, un module de stockage conçu pour les références à forte rotation, peut être rempli d’un côté et vidé par l’autre. On n’oubliera pas de réserver un emplacement de stockage pour les médicaments non utilisés et, en cas de vente en ligne, pour les commandes. Enfin, une signalétique claire favorisera le repérage.

Jouer la carte de la polyvalence et de l’ergonomie

L’optimisation du back-office passe aussi par l’attention accordée à l’ensemble des zones qui le composent en misant sur la polyvalence. « La présence d’un local préparatoire de 6 m2 au minimum reste une obligation réglementaire même si 95 % des pharmaciens n’en font plus », remarque Jean-Pierre Demeyère. La partie administrative du back-office mérite également des efforts à la hdiv des enjeux toujours plus conséquents que comporte cet aspect de l’activité officinale. Le bureau du titulaire lui-même doit être situé « au cœur de l’officine », stipule l’Ordre, qui rappelle aussi que les personnels doivent avoir à disposition un équipement bureautique complet mais également une « documentation, professionnelle ou technique, facilement exploitable ».

L’ergonomie prime dans l’aménagement de l’environnement de travail. « La répétition de mouvements inutiles peut vite devenir contraignante et chronophage », note Philippe Lévy. Etagères, postes de travail réglables en hdiv ou encore tapis antifatigue sont autant de solutions à envisager. Là encore, une identification claire favorisera l’accès aux documents.

« Côté informatique, où les besoins peuvent être appelés à se renforcer, le recours à une baie de brassage permettra de rajouter des postes au fil du temps », conseille Bernard Deniel. A ne pas négliger non plus, un éclairage soigné contribue à la qualité de vie au travail et donc à la productivité. Philippe Lévy préconise dans les endroits non accessibles à la lumière du jour l’utilisation de néons de luminothérapie. Quant à la mise à disposition d’un espace de détente, pourtant prévue par le Code du travail, elle est souvent sacrifiée faute de place. Et pourtant, « le repos relève d’un besoin physiologique, et prévoir la possibilité de prendre une pause au sein même de l’entreprise relève d’une visée stratégique, car en cas de besoin il sera plus facile d’aller solliciter un collaborateur resté dans les locaux », argumente Philippe Lévy. D’autant que, là encore, on peut l’imaginer « multitâche » : un tel espace, qui peut être relativement éloigné de la zone clients, peut servir à accueillir réunions et formations, coin restauration, coin lecture, affichage d’informations… et se convertir en studio de garde.

Enfin, la check-list d’un back-office irréprochable n’omettra pas les vestiaires, les sanitaires, le local poubelles, et, si possible, un débarras et un local de nettoyage, sans oublier le dispositif permettant l’isolement des produits livrés en dehors des heures d’ouverture.

A cet environnement de travail fonctionnel dans ses moindres détails, il ne manque qu’une touche personnelle : « Un effort de décoration peut apporter, à peu de frais, de la convivialité à un environnement de travail, or c’est un ingrédient essentiel à la motivation », assure François-Xavier Crozet.

SOPHIE PIERRATTE, TITULAIRE DE LA PHARMACIE DU DONJON À BRICQUEBEC (MANCHE)

« Une organisation rigoureuse de la partie administrative »

« Nous avons réaménagé notre back-office il y a six mois dans le cadre d’un regroupement avec une autre officine, réalisé en partie via l’agrandissement d’une structure existante. L’objectif était de faire en sorte que le personnel retrouve ses repères, en gardant ce qui fonctionnait et en améliorant le reste. Avec la fusion des deux équipes (15 personnes), la facilité de circuler était une priorité dans le nouvel espace qui représente un tiers de la surface totale, soit 120 m2 sur 2 niveaux. Le sous-sol abrite un bureau, un poste de déballage desservi par une allée de livraison, le local préparatoire, le studio de garde, et un emplacement pour un futur espace de PDA. A l’étage, relié par un escalier et un monte-charge, la zone de stockage des médicaments et deux postes informatiques jouxtent la surface de vente. Nous n’avons pas d’automate mais avons réemployé des meubles. En plus des étagères, nous y avons prévu des réglettes pour des planches supportant des charges lourdes, et l’équipe a apporté ses idées pour l’ergonomie des postes de travail. Nous avons aussi conservé des pans de murs pour afficher de la documentation technique. Je me suis impliquée fortement auprès de l’agenceur sur la partie administrative. La multiplication des procédures et les exigences de traçabilité demandent en effet de prévoir de nombreux rangements pour des usages précis. Les moindres détails comptent au quotidien : la hdiv des rayonnages, des séparateurs pour les distinguer… Enfin, chacun dispose d’un tiroir pour y recevoir et y conserver des documents personnels en toute confidentialité. »

Deux tendances qui ne resteront pas dans les cartons

L’automatisation

« Dans tout nouveau projet de back-office, l’automatisation doit être envisagée, même si l’investissement n’est pas réalisé tout de suite », estime Philippe Lévy (Neopharma). « C’est la seule solution pour gagner des mètres carrés sans perdre en fonctionnalité, d’autant qu’il est possible de délocaliser le système à l’étage ou au sous-sol », renchérit Emmanuel Zittoun (Pharmathek). « L’avantage est double puisqu’en automatisant les tâches du back-office, on concentre les forces de la pharmacie dans la surface de vente, en faveur du conseil, avec un développement des ventes à la clé ». « Les titulaires qui ont un effectif un peu juste mais ne veulent pas augmenter la masse salariale ou ceux qui doivent faire face à une hausse de fréquentation y trouveront aussi leur intérêt », ajoute Thierry Trasbot (Boursin Agencement). Pour Alain Viaud (Cap Agencement), « c’est un outil de rationalisation complémentaire, mais il faut que l’équipe adhère à la démarche ». Reste à faire le bon choix. Philippe Lévy plaide pour un « système mixte robot-automate combinant capacité de stockage et vitesse de délivrance ». Aux yeux d’Emmanuel Zittoun, « au-delà de la performance et de la fiabilité, l’une et l’autre indispensables, l’enjeu clé est d’avoir un robot dimensionné à ses besoins, eux-mêmes précisément définis dans le cadre d’un projet d’entreprise ». Bernard Deniel (Média6) conseille également de se pencher sur la transitique au comptoir, la taille de la machine mais aussi la maintenance, tout en sachant au final que « le prix représente 50 % de la décision ».

S’ouvrir sur le front-office

Imitant restaurateurs et boulangers, certains font le pari de la transparence en dévoilant au public une partie de l’« arrière-boutique ». « Au vu de l’importance pour le pharmacien de communiquer sur sa valeur ajoutée, c’est une très bonne idée », estime David Van Acker (Mobil M). Même écho du côté de Jean-Pierre Demeyère (JCD Agencement) : « Non seulement cela permet à l’équipe de garder un œil sur l’espace de vente depuis l’arrière, mais les patients trouveront le temps moins long si le pharmacien reste en vue pendant la préparation de l’ordonnance. » Philippe Lévy opine : « cette exposition de l’arrière, qui peut se faire via une vitre ou des écrans vidéo, fait partie d’une théâtralisation du point de vente ». C’est toutefois là que résident les limites de la transparence, qui exige précisément une discipline sans faille. Aussi « cette démarche doit s’intégrer dans une stratégie, à l’exemple de cette titulaire spécialisée en phytothérapie qui valorise ainsi ses compétences dans les préparations à base de plantes », souligne David Van Acker.

Sondagedirectmedica

Sondage réalisé par téléphone le 15 et 16 juillet 2015 sur un échantillon de 100 pharmaciens titulaires représentatifs en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

MARION MONTIGNIES-TRIGANO, CONSULTANTE CHEZ ENTRELA MÉDIA

« Entre l’arrière et l’avant, la coordination est nécessaire au quotidien »

« L’organisation du back-office dépendra du projet professionnel et des contraintes qui y sont associées, mais l’interdépendance entre back-office et front-office est une donnée incontournable. Les responsables respectifs de chacun de ces espaces doivent donc coordonner précisément leurs actions, tant d’un point de vue des commandes, des livraisons, de la gestion des produits et de leur rangement que du merchandising. A partir d’un effectif de 5-6 personnes, l’organisation de la partie arrière doit passer par la désignation d’un responsable et la formation des collaborateurs. Il faut, comme pour l’avant, que chacun puisse trouver sa place pour un fonctionnement fluide au quotidien. C’est pourquoi la refonte de cette zone exige elle-même en amont la mise en œuvre d’un audit impliquant le titulaire, l’acheteur et le responsable du back-office, afin de faire le point sur les habitudes de travail. »

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