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Transactions
Auteur(s) : François Pouzaud
La dissimulation de prix (ou dessous-de-table) recèle bien des dangers pour l’acquéreur et le vendeur. Elle est l’objet de sanctions à tous les niveaux, fiscal, civil et pénal.
L’expression « dessous-de-table » trouve son origine dans une table de notaire conçue au XVIIIe siècle qui, traversée d’un tiroir coulissant, permettait de faire discrètement glisser des documents entre les différentes parties. Aujourd’hui, elle caractérise un complément de prix versé en espèces. Cette pratique, évidemment illégale, est visée par l’article 850 du Code général des impôts qui impose que figure dans des actes de cession la déclaration suivante : « Les parties affirment sous les peines édictées par l’article 1 837 du Code général des impôts que le présent acte exprime l’intégralité du prix convenu ».
« Le bénéfice escompté est, pour le vendeur, de réduire l’assiette de son impôt sur la plus-value, et, pour l’acheteur, de réduire les droits d’enregistrement », expose Annie Cohen-Wacrenier, avocate (cabinet ACW Conseil). Mais les inconvénients dépassent de loin les bénéfices escomptés.
Sur le plan pénal d’abord, l’affirmation frauduleuse est punie de peines correctionnelles : 3 ans de prison et 45 000 € d’amende, outre la privation des droits civiques. Or, si la peine prononcée est supérieure à un an, le pharmacien frappé d’interdiction d’exercice sera contraint de céder sa pharmacie, le Code de la santé publique précisant qu’il ne peut se faire remplacer plus d’un an.
Sur le plan fiscal, la dissimulation de prix n’est pas un bon calcul pour l’acquéreur, qui risque de payer, au moment de revendre son fonds, un montant élevé d’impôt sur les plus-values. « Le prix d’achat ayant été minoré, la plus-value dégagée sera plus importante et soumise au taux de 31,5 %. » En outre, en cas de redressement fiscal, il faudra régulariser les droits d’enregistrement de 5 %, à payer sur la partie du prix dissimulé, ainsi qu’une majoration de 40 % sur cette somme. L’acquéreur devra aussi payer 0,40 % d’intérêts par mois de retard.
Quant au vendeur, les pénalités sont identiques, à ceci près qu’elles portent sur le montant de la plus-value escamotée. « En outre, poursuit Annie Cohen-Wacrenier, cet arrangement ne tient qu’à la confiance mutuelle que s’accordent les parties. Il ne peut par définition être sécurisé au travers d’un engagement écrit ou de la remise d’un chèque de garantie. » Bien plus, l’acquéreur est fondé, en invoquant l’article 1321-1 du Code civil, à demander en justice la restitution du dessous-de-table, sans pour autant remettre en cause la vente.
Autre danger : le dessous-de-table est versé au vendeur lors de la signature du compromis.
Que se passe-t-il si la vente ne se réalise pas ? Dans une affaire qui fait jurisprudence, un vendeur avait refusé de rembourser un dessous-de-table au motif que l’article 1131 du Code civil interdit à l’acquéreur d’invoquer un accord illicite pour obtenir le remboursement d’une somme versée illégalement pour frauder le fisc. La cour d’appel puis la Cour de cassation (chambre civile 3, pourvoi, n° 02-15.269, 25 février 2004) ont débouté le vendeur, les juges ayant estimé qu’il ne pouvait pas invoquer à son profit le caractère illicite de l’opération, alors qu’il l’avait organisée en plein accord avec l’acheteur, chacun y trouvant un intérêt financier. Il a donc été condamné à restituer le dessous-de-table.
Une affaire de dessous-de-table portée devant les tribunaux n’est pas sans risque puisque les parties risquent aussi d’être condamnées pour ces faits illicites. Et se retrouver sens dessus dessous…
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