DOULEURS NEUROPATHIQUES - Le Moniteur des Pharmacies n° 3093 du 05/09/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3093 du 05/09/2015
 

Cahiers Formation du Moniteur

ORDONNANCE

ANALYSE D’ORDONNANCE

M. V., 68 ans, diabétique et hypertendu souffre de douleurs neuropathiques

RECEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

M. V., 68 ans, un patient connu de la pharmacie.

Par quel médecin ?

Par le neurologue qui le suit depuis 3 mois.

Les ordonnances sont-elles recevables ?

Oui.

QUEL EST LE CONdiv DE l’ORDONNANCE ?

Que savez-vous du patient ?

• M. V. est suivi pour un diabète de type 2 depuis de nombreuses années. Longtemps, il n’a pas été très observant et les constantes glycémiques n’étaient pas équilibrées. Actuellement, il est en surpoids et souffre également d’une HTA modérée. Il fait plus attention à son alimentation et à la prise régulière de ses traitements (l’HbA1c se situe aux alentours de 7,5 %) depuis que son médecin a diagnostiqué une insuffisance rénale légère (clairance de la créatinine = 72 ml/min), complication de son diabète.

• Depuis quelques mois, il souffre de douleurs neuropathiques au niveau des membres inférieurs qui l’empêchent de dormir. Ces douleurs ont aggravé le caractère anxieux et la tendance dépressive de M. V., et son médecin traitant l’a orienté vers un neurologue. Ce dernier a initié il y a 3 mois un traitement par duloxétine (Cymbalta).

Quel était le motif de la consultation ?

Monsieur V. a consulté le neurologue dans le cadre du suivi du traitement instauré. Il y a quelque temps, M. V. vous confiait que ce traitement ne lui apportait qu’« un léger mieux ».

Que lui a dit le médecin ?

Le médecin l’a rassuré. Il a expliqué que s’il était difficile de supprimer totalement ces douleurs, on pouvait améliorer l’efficacité du traitement par Cymbalta en l’associant à un autre médicament spécifique des douleurs neuropathiques.

Vérification de l’historique

M. V. prend régulièrement ses traitements de fond. Sont aussi mentionnées des délivrances d’antalgiques (paracétamol, tramadol) à plusieurs reprises. Cymbalta a été délivré ces 3 derniers mois.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• La duloxétine est un antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Renforçant les voies descendantes inhibitrices de la douleur, cette molécule dispose d’une AMM dans le traitement de la douleur neuropathique périphérique du patient diabétique.

• La prégabaline, un analogue du GABA, bloque les canaux calciques et réduit ainsi la sensibilité centrale. Cet antiépileptique est indiqué dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques et centrales de l’adulte.

Est-elle conforme aux stratégies thérapeutiques de référence ?

• Oui. La duloxétine a une AMM dans les douleurs neuropathiques du patient diabétique et peut constituer un traitement de première intention chez ce dernier.

• Le caractère anxiodépressif de M. V. a sans doute motivé le choix de cette molécule plutôt que le recours en première intention à un antiépileptique tel que la prégabaline ou la gabapentine, également indiquées dans les douleurs neuropathiques.

• En cas d’efficacité partielle d’une monothérapie de première intention, le recours à une bithérapie, comme ici avec l’ajout de la prégabaline à la duloxétine, est un choix possible.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Y a-t-il des contre-indications ?

• Non. M. V. ne souffre pas d’hypertension artérielle non contrôlée, d’insuffisance rénale sévère ou d’insuffisance hépatique qui contre-indiquerait la prise de la duloxétine.

• Une insuffisance rénale modérée conduirait à réduire les doses de la prégabaline et également de la sitagliptine et de la metformine. Ce n’est pas le cas de M. V. qui présente une insuffisance rénale légère.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• Oui. La dose initiale de la prégabaline chez un patient dont la clairance de la créatinine est supérieure à 60 ml/min est de 150 mg par jour, progressivement augmentée jusqu’à une posologie maximale de 600 mg par jour en 2 ou 3 prises. En pratique, le traitement est fréquemment initié à dose plus faible comme ici. Le choix le plus simple et le plus économique consiste à délivrer au patient des gélules à 25 mg jusqu’à la dose de 75 mg par prise (soit 3 gélules en une prise 3 fois par jour) puis des gélules à 100 mg ensuite.

• La posologie recommandée de la duloxétine dans les douleurs neuropathiques est de 60 mg par jour et peut aller jusqu’à 120 mg par jour.

Y a-t-il des interactions ?

Il n’y a pas d’interactions entre la prégabaline et la duloxétine (hormis un risque de somnolence et de sensation vertigineuse limitée par l’augmentation progressive des doses) ni avec les autres traitements de fond de monsieur V.

Demande du patient

M. V. est découragé et se demande si ce nouveau traitement sera efficace. Juste avant de venir à la pharmacie, il a fait un tri dans ses médicaments et a retrouvé une boîte de Topalgic. Peut-il y recourir si besoin ?

L’association de Cymbalta avec des molécules prosérotoninergiques (tramadol, millepertuis, triptans…) peut favoriser la survenue d’un syndrome sérotoninergique. Cette association doit être évitée et ne doit pas se faire sans l’avis du médecin (réponse 2).

En cas d’exacerbation des douleurs, monsieur V. peut prendre du paracétamol.

La prescription pose-t-elle un autre problème ?

Non.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

• Sous prégabaline et duloxétine, la fonction rénale doit être évaluée. Ce qui est réalisé régulièrement chez M. V.

• La duloxétine pouvant provoquer une augmentation de la pression artérielle, une surveillance renforcée est recommandée chez les sujets hypertendus, notamment pendant les premières semaines de traitement. La tension artérielle du patient a été régulièrement surveillée par son médecin traitant et lors de ses venues à la pharmacie. Par ailleurs, chez un patient diabétique, la duloxétine peut parfois induire une hyperglycémie. Concernant M. V., l’autosurveillance de la glycémie a été intensifiée au début du traitement et le dernier contrôle de l’hémoglobine glyquée réalisé il y a 2 mois est correct.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

M. V. connait déjà Cymbalta, qu’il ne doit pas arrêter. Des explications doivent lui être données sur son nouveau traitement, Lyrica.

Concernant Lyrica

Utilisation

• Les gélules se prennent pendant ou en dehors des repas. M. V. doit respecter l’augmentation progressive de la posologie pour limiter les effets indésirables. Pour cela, s’assurer que le patient comprend bien quel est le nombre de gélules à prendre en fonction des dosages délivrés. Le détailler par écrit à l’aide d’un plan de prise.

• La première prise du traitement peut se faire le lendemain matin, puis l’augmentation des doses tous les 3 jours.

• Expliquer à M. V. qu’il est inutile de vouloir augmenter les doses trop vite : le soulagement de la douleur ne serait pas plus rapide mais les effets indésirables seraient accrus.

Que faire en cas d’oubli ?

Si l’oubli est constaté rapidement il peut être rattrapé. Ne prendre en aucun cas une double dose.

Le patient pourra-t-il juger de l’efficacité du traitement ?

Une amélioration des douleurs peut être constatée dès la fin de la première semaine, mais souvent un délai supérieur est nécessaire. Le prescripteur évaluera l’efficacité du traitement après 1 à 2 mois.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• Somnolence, asthénie, vertiges, diplopie, troubles digestifs (nausées, constipation), sensation de bouche sèche, céphalées sont fréquents lors de la titration mais beaucoup de ces effets indésirables disparaissent par la suite. Il est impératif de signaler ces particularités au patient pour qu’il ne se décourage pas et reste observant.

• Des œdèmes périphériques et une prise de poids sont fréquents au long cours.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• Une alimentation équilibrée et une activité physique régulière permettent de limiter la prise de poids (également favorisée par la duloxétine). Les conseils diététiques classiques peuvent être donnés pour limiter une constipation.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

• Une réaction d’hypersensibilité (œdème de Quincke) impose l’arrêt définitif du traitement.

• Les troubles de la vision doivent être signalés au médecin. Ils sont le plus souvent transitoires mais, s’ils persistent, ils nécessiteront l’arrêt du traitement.

• Des idées noires et un comportement dépressif doivent alerter et être signalés au médecin.

Concernant Cymbalta

Effets indésirables

• Demander au patient s’il ressent moins de vertiges et de somnolence que le mois dernier et si les nausées se sont atténuées. Comme pour la prégabaline, ces effets indésirables sont surtout présents en début de traitement.

• Conseiller au patient de contrôler régulièrement son hémoglobine glyquée ainsi que sa glycémie capillaire. Lui proposer de vérifier sa tension artérielle.

Observance

Même si l’effet antalgique obtenu n’est pas encore satisfaisant, monsieur V. ne doit pas interrompre le traitement par Cymbalta. La prise régulière, chaque jour, du médicament est indispensable pour qu’il soit efficace.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• La bithérapie instaurée devrait améliorer les douleurs mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’elles disparaissent complètement. Plusieurs jours ou semaines peuvent être nécessaires avant de ressentir un effet.

• En cas d’efficacité, le traitement sera poursuivi plusieurs mois car un arrêt trop précoce s’accompagnerait d’une réapparition rapide des douleurs. Dans tous les cas, expliquer qu’il ne faut jamais interrompre brutalement le traitement par Cymbalta ou Lyrica au risque de voir apparaître un syndrome de sevrage (insomnie, céphalées, anxiété, nausée, dépression…).

• Pendant la phase de titration de Lyrica, attention aux étourdissements, somnolence et confusions ! Limiter ses activités si besoin, renoncer à la conduite automobile. Déconseiller la prise d’alcool qui majore la sédation.

• Proscrire l’automédication (tramadol provenant d’un ancien traitement, millepertuis).

INTERVENTION DU PHARMACIEN

Quelques mois plus tard, l’épouse de M.V., qui poursuit la bithérapie antalgique prescrite, vous tend une ordonnance pour son mari qui a une pneumonie. Le médecin a prescrit de la ciprofloxacine.

L’association de la ciprofloxacine, un inhibiteur puissant du CYP1A2, à la duloxétine est contre-indiquée (réponse 2) car il existe un risque d’augmentation des effets indésirables de la duloxétine. Il faut contacter le médecin prescripteur pour changer l’antibiotique.

PATHOLOGIE

Les douleurs neuropathiques en 5 questions

Les douleurs neuropathiques sont liées à une lésion ou à un dysfonctionnement du système nociceptif. Pouvant avoir de multiples étiologies, elles sont souvent diagnostiquées avec retard.

1 COMMENT DÉFINIR LES DOULEURS NEUROPATHIQUES ?

• Les douleurs neuropathiques sont dues à une lésion ou à un dysfonctionnement du système nerveux central (moelle épinière, cerveau) ou périphérique (nerfs, ganglions sensitifs…). Ce dysfonctionnement rend peu efficaces les traitements visant à limiter l’inflammation ou à inhiber la transmission d’informations nociceptives (anti-inflammatoires, antalgiques, y compris les opioïdes).

• Elles font partie des douleurs chroniques évoluant depuis plus de 3 mois. Outre les douleurs neuropathiques, les douleurs chroniques regroupent aussi :

- les douleurs par excès de nociception, qui surviennent sur un système nociceptif sain. Elles sont en rapport avec une lésion des tissus (inflammatoire, infectieuse, traumatique, cancéreuse…) qui induit la stimulation des nocicepteurs à l’origine du déclenchement de la douleur. Ces douleurs répondent bien aux antalgiques et aux anti-inflammatoires ;

- les douleurs dysfonctionnelles, situations pour lesquelles on admet que le système nociceptif est le siège d’un dérèglement à l’origine de douleurs chroniques sans que l’on puisse mettre en évidence une cause locale périphérique ou une lésion du système nociceptif (fibromyalgie, syndrome douloureux régional complexe de type 1…).

• De nombreuses douleurs sont «  ?mixtes ? », pouvant combiner plusieurs de ces entités.

2 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

La plainte peut combiner des douleurs spontanées ou provoquées, et des paresthésies qui surviennent toujours dans la même zone. L’examen clinique montre généralement que ces sensations douloureuses siègent dans un territoire où il existe un déficit sensitif (tactile, à la piqûre, au chaud ou au froid) et parfois moteur.

• Douleurs spontanées. Elles se traduisent en l’absence de toute stimulation douloureuse par une douleur continue décrite comme une brûlure ou une sensation de froid douloureux, ou encore comme une sensation d’étau, de compression ou de crampes. Il peut exister des accès paroxystiques à type de « décharges électriques », « éclairs douloureux », « coups de couteau », élancements.

• Douleurs provoquées. On distingue l’allodynie, une douleur déclenchée par un stimulus qui normalement est non douloureux (frottement d’un vêtement, légère pression d’un objet…), et l’hyperalgésie qui correspond à une réponse exagérée par rapport à l’intensité de la stimulation douloureuse, mécanique ou thermique. Dans certains cas, il existe dans cette même zone une diminution de la sensibilité aux stimulations tactiles ou thermiques (hypoesthésie).

• Paresthésies. Ce sont des sensations anormales non douloureuses à type de picotements, de fourmillements, d’engourdissement de démangeaisons. On parle de dysesthésies si ces sensations sont considérées comme désagréables par le patient.

3 QUELLES SONT LES ÉTIOLOGIES ?

• Toute agression du système nerveux périphérique ou central (au niveau de la moelle épinière ou au niveau cérébral) peut déclencher une douleur neuropathique.

• Les douleurs neuropathiques les plus étudiées sont celles du diabète et du zona. Les plus fréquentes en population générale, dans les pays industrialisés, semblent être celles causées par les radiculopathies, notamment les lombosciatiques et la névralgie cervicobrachiale, et par des lésions nerveuses traumatiques ou postchirurgicales.

• Les causes iatrogènes de type post-chirurgical sont nombreuses : mastectomie, douleurs fantômes liées à l’amputation d’un membre, stripping des varices induisant des lésions du nerf saphène, arthroscopie ou prothèse du genou, prothèse de hanche, cure de hernie inguinale… Les causes médicamenteuses sont généralement réversibles à l’arrêt du traitement : sels de platine, taxanes, vinca-alcaloïdes, analogues nucléosidiques antirétroviraux, antituberculeux.

4 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

• L’interrogatoire recherche un condiv éventuel de lésion ou de maladie du système nerveux (en sachant qu’il peut s’écouler plusieurs mois ou années entre l’apparition de la lésion nerveuse et celle de la douleur). Les douleurs neuropathiques peuvent parfois inaugurer une maladie neurologique ou constituer le seul symptôme témoignant d’une lésion nerveuse périphérique ou centrale. Dans ce cas, un bilan étiologique complet est réalisé (électromyogramme, neuro-imagerie, bilan biologique…).

• Le questionnaire DN4 (pour « douleur neuropathique en 4 questions ») est un outil d’aide au diagnostic comportant 10 items répartis en 4 questions se rapportant aux manifestations de la douleur et à l’examen du patient (voir ci-contre). Un score d’au moins 4 réponses positives oriente vers des douleurs neuropathiques. Les deux premières questions, facilement utilisables à l’officine, ont une bonne valeur d’orientation. Un score d’au moins 3 réponses positives peut faire évoquer une douleur neuropathique et conduire à orienter le patient vers le médecin.

• Les échelles d’évaluation de la douleur sont utilisées pour caractériser son intensité et son retentissement.

• Les principaux diagnostics différentiels sont ceux des douleurs dysfonctionnelles. La fibromyalgie se traduit par des douleurs plus diffuses, l’absence de déficit sensitif et d’allodynie au frottement. La distinction entre douleurs neuropathiques et syndrome douloureux régional complexe de type 1 est plus difficile. Des examens complémentaires type électromyogramme peuvent être utiles.

5 COMMENT SE FAIT L’ÉVOLUTION ?

• L’évolution, imprévisible, dépend de la cause de la maladie. Parfois des phases de calme alternent avec des crises douloureuses de plusieurs mois sans que l’on retrouve toujours une logique étiologique.

• Les patients ressentent parfois une aggravation des douleurs la nuit, lors d’efforts physiques, d’une émotion, d’un stress ou en cas d’anxiété. A l’inverse, le repos, la relaxation peuvent soulager la douleur transitoirement.

• Le retentissement sur la qualité de vie est important : altération du sommeil, symptômes dépressifs ou anxieux…

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter les douleurs neuropathiques ?

La prise en charge d’une douleur neuropathique reste difficile. La pratique privilégie le recours à certains antiépileptiques (gabapentine, prégabaline), aux antidépresseurs tricycliques, à la duloxétine ou à la lidocaïne topique dans les douleurs postzostériennes.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

L’efficacité des traitements permettant de soulager les douleurs neuropathiques n’est le plus souvent que partielle. De plus, en raison des effets indésirables potentiels de ces traitements, de nombreux patients n’atteignent pas les doses efficaces qui permettraient de les soulager. De ce fait, les objectifs du traitement pharmacologique doivent rester réalistes : en général, un soulagement de 30 % ou une réduction de deux points sur une échelle d’évaluation analogique de la douleur cotée de 0 à 10 sont déjà tenus comme significatifs.

En première intention

Choix du traitement

• Le traitement de première intention des douleurs neuropathiques chroniques, périphériques ou centrales, repose sur certains antiépileptiques (prégabaline, gabapentine) ou certains antidépresseurs tricycliques (amitriptyline, clomipramine, imipramine). La duloxétine, un antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA), est proposée en première intention, dans les recommandations françaises et européennes, dans la polyneuropathie du diabétique. Les emplâtres de lidocaïne sont recommandés seuls ou en association aux autres traitements dans les douleurs postzostériennes.

• L’efficacité des tricycliques, de la prégabaline, de la gabapentine et de la duloxétine est bien établie et globalement similaire mais leur profil de tolérance diffère. Les tricycliques sont des médicaments potentiellement inappropriés chez le sujet âgé en raison de leur action anticholinergique et de leur médiocre tolérance cardiaque. La duloxétine expose à un risque d’atteintes hépatiques et à un risque d’hypertension. Le choix de la molécule dépend donc de l’étiologie, du profil du patient (âge, comorbidités), des médicaments éventuellement associés (interactions) et du risque iatrogène potentiel.

• Certains antiépileptiques (lacosamide, lamotrigine, lévétiracétam, topiramate, valproate, zonisamide) et divers médicaments (comme le vérapamil, un inhibiteur calcique) ont une efficacité potentielle mais inégale : leur prescription (hors AMM et recommandations) relève du spécialiste.

• Un traitement symptomatique de l’anxiété, des troubles de l’humeur ou des troubles du sommeil peut compléter la prescription.

Instauration

• Le traitement est initié à faible dose, progressivement augmentée pour limiter les effets indésirables jusqu’à se rapprocher de la posologie moyenne efficace. Le délai d’action varie selon le médicament et l’étiologie de la douleur : en général, l’amélioration est significative en une à trois ou quatre semaines de traitement bien suivi.

• La tolérance et l’efficacité sont régulièrement évaluées.

Arrêt du traitement

S’il est efficace, le traitement par antidépresseur ou antiépileptique est poursuivi durant au moins 6 à 8 mois, à dose efficace, avant d’être progressivement diminué pour éviter un risque de sevrage dû à un arrêt brutal.

En deuxième ligne

• En cas d’échec ou d’intolérance du traitement de première intention, il est recommandé d’essayer une autre classe pharmacologique voire de changer de molécule au sein de la même classe. Plusieurs traitements successifs peuvent ainsi être requis avant d’obtenir un résultat clinique satisfaisant.

• En cas de réponse partielle, il y a lieu d’augmenter les doses ou d’associer deux traitements ce qui permet de réduire les doses de chaque médicament et donc la charge iatrogène : tricycliques et antiépileptique ou duloxétine et antiépileptique par exemple.

• Le tramadol voire les opioïdes de palier III sont proposés dans les douleurs mixtes ou pour traiter les paroxysmes douloureux, en sus du traitement de fond. La dose d’opioïde fort, efficace, est souvent plus élevée que pour traiter une douleur inflammatoire : la survenue potentielle d’effets indésirables associés à un usage prolongé explique qu’ils soient utilisés en dernière ligne.

• Capsaïcine (à l’hôpital) et toxine botulique (hors AMM, à l’hôpital) constituent des solutions de dernier recours dans des situations très spécifiques.

Traitements non médicamenteux

• Un traitement non médicamenteux peut être associé aux antalgiques comme la neurostimulation électrique transcutanée renforçant les contrôles inhibiteurs locaux de la douleur (voir « Point de vue » page 12 et « A propos des traitements » page 15).

• Les systèmes implantables de neurostimulation médullaire sont proposés après échec des alternatives thérapeutiques.

• L’acupuncture mais aussi les approches thérapeutiques corporelles (sophrologie, relaxation) et les thérapies cognitivocomportementales facilitent la gestion de la douleur chronique qu’elle qu’en soit la nature.

Prévention

• Le vaccin injectable sous-cutané Zostavax, indiqué pour la prévention du zona et des douleurs postzostériennes chez le patient de 50 ans et plus, est commercialisé depuis juin 2015. Le Haut Conseil de la santé publique le recommande chez les patients de 65 à 74 ans avec un schéma vaccinal limité à une dose.

TRAITEMENTS

Tricycliques

Les tricycliques sont très efficaces sur la douleur neuropathique, notamment d’origine périphérique. Leur effet analgésique apparaît plus rapidement que l’effet antidépresseur et à de plus faibles doses. Amitriptyline (Laroxyl), clomipramine (Anafranil) et imipramine (Tofranil) ont une AMM.

• Effets indésirables : essentiellement de type anticholinergique, dose-dépendants (sécheresse buccale et lacrymale, troubles visuels, palpitation, rétention urinaire, constipation chronique avec risque d’iléus paralytique). Risque d’hypotension orthostatique, de prise de poids et de toxicité cardiaque potentielle (troubles du rythme). L’apparition de signes ou d’idées suicidaires doit être surveillée.

• Interactions déconseillées : avec la clonidine (risque de diminution de son effet hypotenseur), les sympathomimétiques (risque de troubles du rythme), la duloxétine et les IMAO-A (moclobémide, risque de syndrome sérotoninergique), l’alcool (majoration de l’effet sédatif).

IRSNA

Les antidépresseurs d’action duale (inhibiteurs mixtes de la sérotonine et de la noradrénaline) constituent une option de première ligne.

L’efficacité de la venlafaxine (Effexor, hors AMM) et de la duloxétine (Cymbalta) est établie, mais seule cette dernière bénéficie d’une indication en France dans les douleurs neuropathiques du patient diabétique.

• Effets indésirables les plus fréquents : nausées, sécheresse de la bouche, somnolence et sensations vertigineuses, surtout en début de traitement. Une constipation est également fréquente. La duloxétine expose aussi à des hypertensions artérielles, des tachycardies et des hépatites. Un ajustement du traitement antidiabétique peut être nécessaire (risque d’hyperglycémie chez les patients diabétiques). Des cas d’idées ou de comportements suicidaires sont rapportés.

• Interactions : déconseillées avec la méquitazine (majoration de ses effets indésirables) ou le tamoxifène (baisse de son efficacité), l’alcool et les autres sédatifs ; à éviter avec les agents sérotoninergiques en raison d’un risque de syndrome sérotoninergique (moclobémide, tricycliques, millepertuis, triptans, tramadol…).

Antiépileptiques

Gabapentinoïdes

Deux molécules sont indiquées dans les douleurs neuropathiques : la prégabaline et la gabapentine. La prégabaline est indiquée dans les douleurs neuropathiques périphériques et centrales. La gabapentine a une AMM dans les douleurs neuropathiques périphériques telles que la neuropathie diabétique et la névralgie postzostérienne, mais seule cette dernière indication est remboursée.

• Effets indésirables. Les plus fréquents : somnolence, sécheresse buccale, vertiges, confusion, notamment en début de traitement ; constipation, prise de poids, œdèmes périphériques. Sous prégabaline, des troubles visuels, transitoires ou réversibles à l’arrêt du traitement sont rapportés. Sous gabapentine, il existe un risque de réactions d’hypersensibilité grave (DRESS syndrome). Par ailleurs, les patients doivent être surveillés pour détecter d’éventuels signes ou idées suicidaires.

• Interactions : pas d’interactions significatives.

Autres

• La carbamazépine (Tégrétol) est active dans la névralgie du trijumeau : son administration constitue souvent un test diagnostique. Sa médiocre maniabilité explique qu’elle ne figure pas dans les recommandations. Sa toxicité hématologique justifie une surveillance biologique. Elle induit fréquemment des troubles digestifs, des vertiges, une somnolence, une confusion et parfois des éruptions cutanées graves (nécrolyse épidermique) et des troubles cognitifs au long cours.

• La phénytoïne (Di-Hydan), indiquée dans la névralgie du trijumeau, n’est pas non plus citée dans les recommandations. Elle peut induire des vertiges, des troubles cognitifs et expose au risque de nécrolyse épidermique, qui impose l’arrêt immédiat et définitif du traitement.

• Ces puissants inducteurs enzymatiques sont à l’origine de nombreuses interactions contre-indiquées ou déconseillées (contraceptifs hormonaux, dabigatran, lithium, miansérine, simvastatine, télithromycine, érythromycine, jus de pamplemousse, millepertuis…).

Opioïdes

Tramadol

• Il est efficace à la dose de 200 à 400 mg/j, notamment dans les douleurs « mixtes » associant douleur neuropathique et douleur nociceptive (lombosciatique chronique, douleur neuropathique cancéreuse, etc.).

• Le tramadol expose à une sécheresse buccale, des nausées, une constipation, une somnolence, des sensations de vertiges mais aussi des troubles cognitifs (surtout chez le sujet âgé). Il existe un risque comitial, notamment en cas d’association à des tricycliques, et de syndrome sérotoninergique avec tout médicament prosérotoninergique (notamment antidépresseur IRSNA ou IRS). Des cas d’accoutumance et de dépendance sont signalés.

• Son association aux opioïdes agonistes-antagonistes ainsi qu’à la naltrexone est déconseillée (diminution de l’effet antalgique) de même que la prise d’alcool durant le traitement.

Opioïdes de palier III

Leur efficacité, et particulièrement celle de l’oxycodone (Oxycontin, 10 à 120 mg/j), est avérée sur les douleurs neuropathiques, notamment celles associées au diabète et au zona. Exception faite des douleurs neuropathiques associées au cancer, ces médicaments restent prescrits en seconde ligne en raison de l’iatrogénie attachée à leur usage (nausées en début de traitement, constipation, troubles ventilatoires, troubles cognitifs, risque d’addiction etc.).

Traitements locaux

Lidocaïne

• La lidocaïne en emplâtre (Versatis) est indiquée dans le traitement de la douleur postzostérienne. Les emplâtres sont également efficaces dans le traitement des lésions nerveuses périphériques associées à une allodynie (hors AMM). • Ce traitement topique est moins puissant que les traitements utilisés par voie systémique mais il ne nécessite pas de titration de dose et est bien toléré (avantage important chez le sujet âgé). Les principaux effets indésirables sont locaux (brûlures, érythème, prurit au site d’application).

Capsaïcine

• La capsaïcine inhibe la transmission des messages douloureux vers la moelle épinière en désensibilisant les neurones. Présentée sous forme de patchs disponibles à l’hôpital (Qutenza 179 mg), elle est indiquée dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques chez l’adulte non diabétique, seule ou en association à d’autres antalgiques.

• Le ou les patchs (4 maxi simultanément) sont laissés en place 30 à 60 minutes. L’effet analgésique est précédé de douleurs locales à type de brûlures parfois violentes, d’où la nécessité de recourir à un anesthésique topique ou à un antalgique oral avant. Les applications peuvent être répétées tous les 90 jours.

• L’iatrogénie est dominée par les réactions locales (douleur, érythème, œdème) et par la survenue d’une éventuelle hypertension.

Toxine botulinique

La toxine botulinique A (à l’hôpital), indiquée contre la dystonie et la spasticité focale, a une action sur l’inflammation neurogène. Administrée par voie sous-cutanée, elle a une efficacité (hors AMM) pendant 3 mois sur les neuropathies algiques d’étiologie traumatique et sur la douleur associée au diabète ou au zona.

Perspectives thérapeutiques

• Le tapentadol est un opioïde de palier II, proche du tramadol, commercialisé dans divers pays pour traiter les douleurs aiguës ou chroniques, dont les douleurs neuropathiques (SMR insuffisant).

• De nombreuses études et méta-analyses soulignent l’intérêt des cannabinoïdes dans la douleur neuropathique (y compris celle du cannabis inhalé).

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Franck, 44 ans

« J’ai eu un accident de moto en 1994 et j’ai été touché à la moelle épinière au niveau des vertèbres lombaires. J’ai subi une opération et 2 ans de rééducation. En 2004, j’ai commencé à ressentir des brûlures et des picotements dans ma jambe droite, la cheville et les orteils. Les douleurs ont augmenté progressivement jusqu’à devenir intolérables, me gênant pour dormir, marcher, travailler. Les doses de Rivotril et de Neurontin que me prescrivait le médecin ne me faisaient pas beaucoup d’effet. Je ne supportais plus rien et j’étais très agressif. En 2011, je suis passé sous morphine, ce qui me faisait vomir tous les matins. Le spécialiste m’a alors proposé l’implantation médullaire d’un neurostimulateur, que j’ai accepté. Depuis, je revis. Je suis encore sous Neurontin mais je ne prends plus que du paracétamol pour soulager un accès douloureux en cas d’effort particulier. »

LES DOULEURS VUES PAR LES PATIENTS

Impact sur la qualité de vie

Sous-diagnostiquées et invalidantes, les douleurs neuropathiques ont un retentissement important sur la vie du patient : diminution des activités physiques, altération du sommeil, apparition de troubles anxiodépressifs.

Impact psychologique

Du fait des douleurs difficiles à définir dans leur ressenti, le patient hésite parfois à les décrire à son entourage ou au corps médical.

L’incompréhension domine et le malade a tendance à s’isoler. La prescription de traitements successifs inappropriés (antalgiques classiques), l’errance médicale, renforcent le sentiment d’abandon.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos des douleurs neuropathiques

• Le patient ne doit pas hésiter à décrire au mieux sa douleur au médecin (fond douloureux permanent ; accès paroxystique survenant spontanément ou déclenché par le mouvement, un effort…), en ne craignant pas d’utiliser un vocabulaire précis (« décharges électriques », sensations de brûlures, de « compression », de « coups de couteau »…) : ce type de douleur existe vraiment ! Se faire accompagner par un proche permet à l’entourage de bénéficier d’explications et de mieux comprendre le vécu de celui qui en souffre.

• Alerter l’entourage sur la pénibilité de ces douleurs et leur impact possible sur le moral. Se faire aider si besoin dans sa vie familiale (psychologue, assistante sociale) et professionnelle (adaptation du temps de travail, de son activité…).

• La fatigue, le stress, l’anxiété, les efforts peuvent aggraver les douleurs. A l’inverse, le repos, la relaxation, les distractions peuvent apporter une amélioration. D’où l’intérêt de certaines approches non médicamenteuses qui peuvent être proposées (kinésithérapie, acupuncture, méthodes de relaxation, sophrologie, psychothérapie, hypnose…). Ces techniques aident à limiter les tensions musculaires et permettent de mieux gérer le stress induit par la douleur.

• Une activité physique régulière adaptée à sa condition physique et aux douleurs (moment, intensité…), sans forcer (intercaler des périodes de repos si besoin), est bénéfique : le repos au long cours entraîne une fonte musculaire et de mauvaises postures qui ne font qu’aggraver la douleur.

• La compréhension du traitement mis en place, de ses effets indésirables et des bénéfices attendus est primordiale. Ceci permet au patient d’accepter l’absence de traitement radical, l’aide à mieux surmonter la douleur et à reprendre certaines activités délaissées.

A propos des traitements

• Traitement antalgique de fond. Expliquer ou réexpliquer les principes pour éviter tout découragement.

• L’objectif attendu  : le traitement peut apporter une amélioration certaine mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’il supprime complètement la douleur.

• Le délai d’action : il faut compter plusieurs jours voire plusieurs semaines pour que ces traitements agissent.

• La durée du traitement  : il est instauré pour au moins 6 mois et une bonne observance est essentielle pour qu’il soit efficace : à la différence d’un antidouleur classique, il ne se prend pas à la demande quand on a mal. En cas de soulagement, il ne doit pas être arrêté trop tôt car les douleurs risqueraient de réapparaître rapidement. Il ne faut pas non plus interrompre brutalement le traitement au risque d’apparition d’un syndrome de sevrage (insomnies, nausées…).

• Limiter les effets indésirables : respecter la montée progressive des posologies pour limiter la somnolence, les vertiges et la fatigue, fréquents en début de traitement. Renoncer à la conduite automobile tant que ces effets indésirables sont présents. Eviter la consommation d’alcool qui majore la sédation. Recommander une alimentation équilibrée, riche en fibres (légumes, céréales complètes, légumineuses…), une activité physique régulière et une hydratation suffisante pour lutter contre la prise de poids et la constipation, fréquentes sous antidépresseur ou antiépileptique. Sous gabapentine : fièvre ou éruption cutanée doivent conduire à un avis médical.

• Mettre en garde contre l’automédication : millepertuis, recours au tramadol (d’un ancien traitement) pour soulager des accès douloureux (association déconseillée avec les tricycliques ou à éviter avec la duloxétine).

• Neurostimulation électrique transcutanée. Après apprentissage de la technique, généralement au centre antidouleur, le patient gère lui-même ses séances quotidiennes. La location du neurostimulateur est remboursée sur prescription d’un médecin spécialisé dans la prise en charge de la douleur, sur la base du tarif LPP (12,20 € par mois) pendant 6 mois maximum. Après ces 6 mois, le médecin peut établir une ordonnance d’achat de l’appareil (remboursement sur la base LPP de 112,05 €).

Les électrodes souples autocollantes sont prises en charge à raison d’un lot de 4 tous les 15 jours (durée de vie moyenne pour 5 séances journalières ; après ce délai elles risquent de ne plus coller). Entre deux utilisations, les placer au réfrigérateur pour qu’elles gardent leur souplesse.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : OUI. La prise d’une contraception estroprogestative avec la gabapentine, un antiépileptique indiqué dans les douleurs neuropathiques, ne pose pas de problème contrairement à leur association à la carbamazépine, un antiépileptique inducteur enzymatique. La carbamazépine peut diminuer l’efficacité d’une contraception hormonale (estroprogestatifs ou progestatifs) et le recours à une contraception mécanique est alors préférable (DIU au cuivre par exemple).

ORDONNANCE 2 : NON. Il est nécessaire de contacter le prescripteur car la posologie prescrite est incorrecte. Les emplâtres Versatis s’utilisent en effet sur une période de 12 heures au maximum par 24 heures. Ils s’appliquent sur une peau sèche, non lésée ni irritée. Après ouverture du sachet, ils doivent être utilisés dans les 14 jours.

MÉMO-DÉLIVRANCE

CONCERNANT LE TRAITEMENT DE FOND

Le patient est-il inquiet ?

• Le rassurer sur la nature des médicaments.

Antidépresseurs et antiépileptiques sont prescrits pour leur action antalgique propre.

• Sur la durée du traitement. Contrairement aux antalgiques classiques à prendre à la demande, le traitement ne sera efficace que s’il est pris en continu sur plusieurs mois.

En a-t-il compris les modalités de prise ?

• Bien respecter l’augmentation progressive des posologies pour limiter les effets indésirables.

• Comme tout traitement de fond, une bonne observance est essentielle. Un arrêt brutal du traitement expose au risque d’apparition d’un syndrome de sevrage et d’une recrudescence des douleurs.

• Ne pas s’attendre à une efficacité immédiate (délai de plusieurs jours ou semaines) ni complète sur les douleurs.

• Le cas échéant, une thérapie psychocomportementale ou des approches alternatives (acupuncture, hypnose, ostéopathie…) pourront être proposées par le médecin.

Est-il sensibilisé aux effets indésirables ?

• Duloxétine, prégabaline, gabapentine, tricycliques, carbamazépine : somnolence, vertiges (notamment sous tricycliques), nausées, surtout en début de traitement. Proscrire la prise d’alcool, recommander d’éviter la conduite automobile.

• Sous duloxétine, à l’instauration du traitement, surveillance de la tension artérielle chez le patient hypertendu et de la glycémie chez le sujet diabétique. Sous prégabaline : signaler l’apparition de troubles visuels au médecin. Sous carbamazépine : surveillance de l’hémogramme et de la fonction hépatique.

• Des conseils hygiénodiététiques limitent la prise de poids fréquente au long cours et la constipation. Alerter l’entourage sur la possibilité d’apparition de signes ou d’idées suicidaires.

Y a-t-il un risque d’interactions ?

• Duloxétine : association contre-indiquée avec la ciprofloxacine, l’énoxacine, la fluvoxamine ; déconseillée avec le millepertuis et le tramadol (risque de syndrome sérotoninergique).

• Tricycliques, duloxétine, tramadol : avec les IMAO.

• Carbamazépine : nombreuses interactions (contraceptifs hormonaux, simvastatine, millepertuis…).

AUTRES ANTALGIQUES

Versatis dans les douleurs postzostériennes : les emplâtres peuvent être découpés si besoin. Jusqu’à 3 emplâtres simultanément sur une période de 12 heures au maximum par 24 heures sur la zone douloureuse. Bonne tolérance hormis des réactions cutanées locales (prurit, érythème).

LE CAS : M. V., 68 ans, diabétique et hypertendu, souffre depuis 6mois de sensations de brûlures et de paresthésies dans les jambes qui l’empêchent de dormir la nuit. Depuis 3 mois, il est sous duloxétine 60 mg. Il a consulté son neurologue pour faire un point sur l’efficacité et la tolérance de ce traitement. Le spécialiste prescrit un nouvel antalgique de fond, la prégabaline, en association à la duloxétine.

Qu’en pensez-vous

M. V. peut-il prendre du tramadol en cas d’accès douloureux ?

1) Oui

2) Non

Qu’en pensez-vous

L’antibiotique prescrit peut-il être délivré ?

1) Oui

2) Non

EN CHIFFRES

• Les douleurs neuropathiques représentent 25,6 % des douleurs chroniques d’intensité modérée à sévère. Leur prévalence dans la population générale française est estimée à 6,9 %.

• La prévalence augmente avec l’âge et elle est plus élevée chez les femmes. Elle est également près de deux fois plus élevée chez les agriculteurs et les ouvriers que dans le reste de la population.

Physiopathologie de la douleur neuropathique

Au niveau périphérique : la lésion nerveuse entraîne des décharges aberrantes dites ectopiques et des modifications métaboliques importantes (augmentation ou réduction de la synthèse de nombreux peptides, surexpression de certains canaux ioniques notamment calciques et sodiques…).

Au niveau central : il existe une augmentation importante de la libération de glutamate à l’origine d’une cascade d’événements intracellulaires (activation de protéines-kinases, augmentation du calcium intracellulaire…) aboutissant à une hyperexcitabilité des neurones au niveau médullaire.

CE QUI A CHANGÉ

APPARUS

Prégabaline en solution buvable (Lyrica) en 2013.

Patchs de capsaïcine (Qutenza, à l’hôpital) en 2011, indiqués dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques chez les adultes non diabétiques.

VIGILANCE !!!

Les principales contre-indications des traitements sont les suivantes :

• Antidépresseurs tricycliques : risque connu de glaucome par fermeture de l’angle, de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques, infarctus du myocarde récent.

• Duloxétine : insuffisance hépatique, HTA non équilibrée, insuffisance rénale sévère.

• Carbamazépine : bloc auriculoventriculaire, antécédents d’hypoplasie médullaire.

• Lidocaïne : inflammation de la peau au site d’application (lésions actives de zona, dermatites, plaies).

• Tramadol et opioïdes de palier III : insuffisance respiratoire ou hépatique sévère. Epilepsie non contrôlée par un traitement pour le tramadol.

POINT DE VUE
Professeur Didier Bouhassira, neurologue, centre d’évaluation et de traitement de la douleur de l’hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt

« Le pharmacien doit relayer et compléter l’information donnée par le médecin »

Quel rôle pour le pharmacien dans la prise en charge de ces douleurs ?

Quatre points sont à relayer ou à compléter car souvent mal compris. Informer sur les classes thérapeutiques prescrites : on ne donne pas un antidépresseur parce qu’on pense, sans le lui dire, que le malade est dépressif ; l’effet du traitement sur la douleur est indépendant de son action antidépressive. Idem si l’ordonnance comporte un antiépileptique. Rassurer, car les patients sont inquiets en lisant les notices des médicaments et lorsqu’ils apprennent que plusieurs mois de traitement sont nécessaires pour obtenir un résultat. Expliquer par exemple que les effets indésirables sont atténués par une augmentation progressive des doses. Rappeler que le traitement doit être pris régulièrement pour être efficace et non à la demande comme un antalgique classique. Enfin, prévenir qu’il ne faut pas s’attendre à une suppression totale de la douleur. Sa diminution de 30 à 50 % est déjà beaucoup.

Les approches alternatives sont-elles utiles ?

Oui. La psychothérapie comportementale et les approches alternatives, comme l’acupuncture et l’hypnose, que nous utilisons, ou encore l’ostéopathie peuvent apporter un bénéfice certain. Mais, encore une fois, il ne faut pas laisser croire au miracle !

A qui s’adresse la neurostimulation électrique transcutanée ?

Elle s’adresse aux patients qui souffrent de neuropathies périphériques pas trop étendues et sans trop d’allodynie (hypersensibilité au frottement), car sinon on risque d’aggraver la douleur. Le pharmacien doit vérifier que le patient sait bien positionner les électrodes, en amont de la zone douloureuse, pour que la stimulation soit efficace. Celle-ci agit en quelque sorte en brouillant le message douloureux. Le patient peut faire plusieurs séances de 20 à 30 minutes dans la journée, qui ont généralement une action bénéfique quelques heures.

QUESTION DE PATIENTS

Est-ce que je peux poursuivre mes activités tout en pratiquant les séances de neurostimulation ? « Oui, il est possible de poursuivre son activité (marche, activité professionnelle…). Seule la conduite automobile est déconseillée car il y a notamment un risque de diminution de l’attention. Veillez à ce que votre peau soit propre et sèche et positionnez les électrodes comme on vous l’a indiqué, et suffisamment éloignées l’une de l’autre (écart supérieur au diamètre de l’électrode) pour éviter des brûlures. »

QUESTION DE PATIENTS

Le médecin m’a prescrit un antidépresseur pour soigner mes douleurs mais je ne suis pas dépressif !

« Rassurez-vous, le médecin sait que vous n’êtes pas dépressif et le traitement qu’il vous a prescrit est tout à fait indiqué pour soulager les douleurs que vous ressentez. Elles répondent mal aux antidouleurs classiques mais peuvent être soulagées par des traitements utilisés pour soigner la dépression ou parfois l’épilepsie. Dans votre cas, le médicament est utilisé pour son action antidouleur spécifique, pas pour soigner une dépression… »

INTERNET

www.sfetd-douleur.org

Société française d’étude et de traitement de la douleur

On y trouve notamment les recommandations professionnelles, les outils d’évaluation de la douleur…

www.afd.asso.fr

Fédération française des diabétiques

Pour trouver des informations sur la neuropathie diabétique.

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