Comment financer l’innovation ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3092 du 29/08/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3092 du 29/08/2015
 

Dossier

Le financement est l’enjeu majeur des prochaines années face à l’inflation des prix demandés par les laboratoires.

Le rapport « Charges et produits pour 2016 » de l’Assurance maladie fait état des résultats d’une étude menée aux Etats-Unis sur 58 médicaments anticancéreux approuvés entre 1995 et 2013. En 20 ans, le prix par année de vie gagnée a augmenté de 10 % par an en dollars constants (c’est-à-dire hors inflation), ce qui représente un quadruplement durant la période (54 100 $ en 1995 et 207 000 $ en 2013). Dominique Giorgi (CEPS), stigmatise les prix trop élevés, en particulier des médicaments orphelins dont « le modèle arrive au bout de sa logique » avec des prix pouvant atteindre 300 000 € par an et par patient pour un médicament qui cible 80 à 100 personnes et des critères de performance « assez difficiles à vérifier ». Le président du CEPS a déjà annoncé la couleur : « Il va y avoir quelques exemples de médicaments où nous n’arriverons pas à négocier. ».

Envisager des contrats de performance individuels ou populationnels

Quelles sont alors les solutions ? Déjà, le CEPS et l’Assurance maladie prônent une meilleure anticipation de l’arrivée de nouvelles molécules. L’Assurance maladie propose de créer un dispositif de veille mutualisé afin de mieux anticiper les médicaments innovants susceptibles d’arriver sur le marché à court et moyen terme. Elle appelle aussi au développement d’une plus grande concertation entre les pays européens pour les médicaments innovants. « Nous devons avoir une réflexion sur le fait que même pour un médicament qui apporte une réelle innovation, le prix ne doit pas atteindre des niveaux déraisonnables, indique Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins à la CNAMTS. Il faut que nous puissions, dès qu’un médicament innovant arrive sur le marché, négocier le prix et mettre en place des outils de régulation pour assurer une juste prescription et un juste prix. Ce qui implique parfois des mécanismes budgétaires, comme par exemple la mise en place d’enveloppes prix/volume pour assurer la soutenabilité des médicaments contre l’hépatite C. »

Du côté du CEPS, on évoque les « contrats de performance », qui entrent d’ailleurs dans l’accord-cadre actuellement rediscuté avec le Leem (il devrait être signé fin 2015). Ces contrats, encore rares mais concernant des molécules importantes, sont de deux sortes. Il y a les contrats de performance « populationnels », pour lesquels le CEPS « paye pour voir » l’efficacité de la molécule en vie réelle et les contrats sur la base de critères de performance « individuels », déterminés molécule par molécule, et qui vont permettre d’adapter le paiement public à la satisfaction obtenue. Si l’efficacité du médicament n’est pas prouvée, le laboratoire verse alors des remises à l’Assurance maladie. « Pour le payeur, les remises négociées dans le cadre du contrat de performance peuvent permettre d’amortir le risque qu’il prend. Pour l’industriel, c’est un système vertueux qui le motive à protéger la valeur de son médicament en vie réelle et donc d’améliorer son bon usage et l’observance », commente Eric Baseilhac (Leem). Francis Megerlin, maître de conférences à l’université Paris Descartes et senior fellow du Berkeley Center for Health Technology (Université de Californie), observe que pour les laboratoires, « s’engager contractuellement sur un résultat en vie réelle est exigeant mais est un avantage compétitif évident », et, pour le payeur, « les contrats de performance contribuent à la maîtrise des budgets et sont une alternative au rationnement de l’accès aux traitements onéreux ». Mais ces contrats « satisfaits ou remboursés » ne peuvent pas s’appliquer à tous les médicaments et n’intéressent pas tous les laboratoires.

Dans le cadre de l’accès à l’innovation via les ATU (autorisations temporaires d’utilisation), l’Assurance maladie préconise que le reversement par l’industriel de la différence sur les volumes prescrits antérieurement soit effectué sur la base du prix de départ, et non du prix réel après remise négociée avec le CEPS. Le prix est libre pendant la période ATU et post-ATU, jusqu’à ce qu’il soit fixé et le médicament inscrit au remboursement.

« Si nous voulons que le système soit soutenable et que l’innovation soit accessible à tous, nous devons encore faire des efforts sur les médicaments courants, en termes de prix et de développement des génériques par exemple », ajoute Mathilde Lignot-Leloup. Dominique Giorgi n’a pas dit autre chose le 2 juillet dernier lors de la 1re université d’été du Leem, en déclarant que la réglementation et la régulation des prix créaient un « espace de financement », en permettant notamment d’avoir une baisse moyenne de 4 % des prix par an…

Pour autant, il faudra sûrement aller plus loin, réfléchir à d’autres modalités de prise en charge notamment lorsque des thérapies coûteuses sont associées. Le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie planche sur le sujet, un rapport devant être rendu fin 2015. Sa présidente, Anne-Marie Brocas, a confirmé l’une des pistes : « Il faut que le système d’évaluation et de tarification puisse évoluer vers des prises en charge plus globales, il ne faut plus considérer le médicament isolément. »

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