382 CONTRE-INDICATIONS ARRÊTÉES EN 15 JOURS - Le Moniteur des Pharmacies n° 3087 du 04/07/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3087 du 04/07/2015
 
ÉTUDE SUR L’IBUPROFÈNE ET LA PSEUDO-ÉPHÉDRINE

L’événement

Auteur(s) : Florence Bontemps

L’Association pour la promotion des pharmacies expérimentales (Appex) a présenté le 18 juin dernier les résultats de l’étude inédite Ipadam. Elle mesure le nombre et le motif des interventions du pharmacien concernant la dispensation de deux molécules phares de l’automédication : l’ibuprofène et la pseudo-éphédrine. Des chiffres qui démontrent l’utilité du pharmacien, rempart incontournable entre le médicament et le patient.

Cette fois les chiffres sont là ! Sur 12 160 demandes spontanées de pseudo-éphédrine et/ou d’ibuprofène relevées durant une période de deux semaines dans 482 officines aux quatre coins de la France, 815 ont été bloquées ou modifiées par l’équipe officinale car la demande était inappropriée ou dangereuse pour le patient. Extrapolé aux 21 772 pharmacies françaises, cela représente plus de un million d’interventions par an, pour ces deux molécules d’automédication courante ! « L’objectif était de quantifier et de publier ce que fait le pharmacien pour démontrer sa valeur ajoutée. Nous voulions rendre visible son travail », précise d’emblée Brigitte Vennat, présidente de l’Appex, venue présenter ces résultats à Lyon le 18 juin dernier.

La recherche officinale : de l’idée à la réalité

Si la première étude d’envergure menée sur l’automédication concerne l’ibuprofène et la pseudo-éphédrine, ce n’est pas un hasard. Ces deux molécules, bien qu’en vente libre, sont des substances à contre-indications et effets indésirables importants. Parmi les 815 interventions notifiées, 43 % concernaient la pseudo-éphédrine, 39 % l’ibuprofène et 17 % une spécialité contenant les deux molécules à la fois. La grande majorité des interventions sont liées à des contre-indications (382 exactement) comme des troubles cardiovasculaires, un ulcère gastroduodénal, un âge inadapté (la pseudo-éphédrine est contre-indiquée avant 15 ans), voire une grossesse dans 11 % des cas. Les surdosages représentent 8,7 % des notifications: ils sont dans plus de la moitié des cas dus à l’utilisation de spécialités différentes contenant de l’ibuprofène.

Si le pharmacien sait « bloquer » une délivrance, il sait tout aussi bien proposer une solution de remplacement adaptée : alternative thérapeutique (87 % des cas), adaptation posologique (7,4 % des cas) ou consultation médicale (5 %), une proposition qui est acceptée dans 9 cas sur 10 par les patients. La pluspart du temps, l’intervention pharmaceutique provoque une véritable prise de conscience des patients quant aux risques de l’automédication, qui apprécient les vérifications, disent se baser plutôt sur leur expérience personnelle, avouent ne pas lire les notices et s’étonnent juste… que ce soit la première fois qu’on leur pose toutes ces questions !

Un tiers des dispensations inscrites sur le DP

Le second volet de l’étude Ipadam concernait le dossier pharmaceutique (DP) : était-il techniquement possible et réellement judicieux d’y inscrire les dispensations ? Comme on pouvait s’y attendre, la carte Vitale reste, dans l’esprit des patients, associée au remboursement des médicaments, et tous ont été étonnés par la demande de la « carte verte » pour acheter une simple boîte d’ibuprofène ou de pseudo-éphédrine. Pourtant, au final, 4 051 inscriptions au DP ont pu être réalisées en deux semaines.

Globalement, les patients connaissent mal le dossier pharmaceutique: amalgame avec le dossier médical, ou même avec une carte de suivi des ventes, peur qu’il donne accès aux informations les concernant à leur famille ou à leur employeur… Au cours de l’étude Ipadam, moment bien évidemment privilégié d’échange avec le patient, la proposition d’inscrire la molécule d’automédication dans le DP était à l’origine de la création de celui-ci dans 16,9 % des cas. Au final, plus d’un tiers des patients sont repartis avec la spécialité OTC d’ibuprofène ou de pseudo-éphédrine dument inscrite sur leur DP. « Bien sûr, cela prend du temps de créer un DP, mais plus le pharmacien est dans cette dynamique, plus il lui est facile d’ouvrir le DP à l’automédication », ajoute Brigitte Vennat.

Pour inciter à l’ouverture du DP, tous les participants de l’étude sont d’accord pour dire qu’il faut au minimum disposer des plaquettes de l’Ordre. Mais les équipes officinales sont demandeuses d’outils de communication plus interactifs et plus attractifs que ceux qui existent actuellement.

Autre enseignement de l’étude : une maîtrise parfois insuffisante par les équipes officinales des fonctionnalités de leur logiciel pour la consultation et l’alimentation du DP. Elles réclament alors des formations pratiques sur le sujet. Jusque-là, il y a eu de l’information mais pas de formations sur le DP. Du côté des patients, après explications, le DP est réellement ressenti comme un outil utile, qui permet de détecter les interactions, de pouvoir bénéficier d’un dépannage en vacances… Au final, les refus de création de DP sont rares (7,2 %).

Pour autant, les pharmaciens de l’étude soulignent que leurs interventions font bien plus suite à un dialogue avec le patient (73 % des cas) qu’à la simple consultation du DP qui vient plutôt en renfort, pour sécuriser la dispensation, tout comme l’historique patient.

Les pharmaciens maîtres de stage ayant participé à l’étude et venus assister à la présentation des résultats avouent avoir eu peur du côté chronophage de l’enquête, mais ont finalement été séduits : « On avait l’impression de ne pas faire grand-chose. Mais, au final, les petits pas mis bout à bout… »

Voilà en réalité un grand pas fait dans la recherche officinale grâce à une méthodologie validée, des outils efficaces (DP, logiciel d’études statistiques) et suffisamment de « petites mains » à travers toute la France, associant les stagiaires de 6e année des filières officine à leurs maîtres de stage et aux équipes officinales. Les données sont exploitables et publiables et donnent envie de multiplier les études de ce type afin de disposer d’une base de données démontrant l’utilité de l’acte pharmaceutique de façon opposable et chiffrée.

Pour pérenniser ce programme de recherche, des enseignants de l’Appex ont proposé la création d’une équipe de recherche officinale. De leur côté, les pharmaciens souhaiteraient disposer d’outils simples au comptoir inclus dans les logiciels de dispensation pour notifier leurs interventions. Cela semble précieux pour l’avenir de la profession.

L’enquête Ipadam en deux volets

Huit facultés* ont participé en 2014 à ce projet associant enseignants chercheurs, maîtres de stage et étudiants. Baptisée Ipadam (Interventions pharmaceutiques à propos du dossier pharmaceutique et de l’automédication), l’étude a répondu à l’appel à projet de recherche lancé par l’Ordre des pharmaciens sur l’évaluation du DP, avec deux axes :

– notifier toutes les interventions du pharmacien à propos des deux molécules d’automédication que sont l’ibuprofène et la pseudo-éphédrine afin de les dénombrer et les catégoriser ;

– démontrer l’intérêt d’alimenter systématiquement le DP avec ces médicaments d’automédication et élaborer des stratégies pour une meilleure acceptation par tous.

* Amiens, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Limmoges, Lyon, Montpellier, Rennes et Strasbourg.

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