« Des évolutions pour l’officine dans le cadre du tiers payant » - Le Moniteur des Pharmacies n° 3086 du 27/06/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3086 du 27/06/2015
 
INTERVIEW

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy

Premier bilan d’une expérimentation menée sur la BPCO, nouvelle rémunération des pharmaciens, tiers payant… En marge du congrès de la Mutualité française qui s’est tenu à Nantes du 11 au 13 juin, Etienne Caniard, son président, a répondu aux questions du « Moniteur ».

Le Moniteur des pharmacies : il y a deux ans vous avez annoncé travailler à des expérimentations avec les pharmaciens. Qu’en est-il ?

Etienne Caniard : dans le cadre d’une réflexion menée durant plusieurs mois avec les mutuelles, les trois syndicats des pharmaciens d’officines libérales (FSPF, USPO, UNPF) et l’Union des pharmacies mutualistes, nous avons identifié des pistes d’expérimentation de services et prestations innovants. L’objectif recherché est d’agir conjointement, mutuelles et pharmaciens, au service de l’adhérent pour améliorer la qualité de la prise en charge en matière de prévention et de suivi des maladies chroniques. Le thème de la détection d’un risque par l’officinal, en tant qu’acteur de premier recours, a été retenu. Et le premier risque que nous avons voulu expérimenter est la bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO, NdlR], une pathologie grave, fréquente, mal connue et dont les coûts de traitement importants augmentent avec l’aggravation de la maladie. La prévention précoce de cette maladie permet de ralentir sa progression. Préparée en 2013, l’expérimentation a été mise en œuvre en 2014 avec 150 pharmacies et 8 mutuelles de la Mutualité française.

Quelles sont les avancées ?

Plus de 100 000 adhérents et leurs ayants droit de 40 à 70 ans ont été informés par courrier de l’experimentation sur 15 territoires du Nord-Pasde- Calais, de la Bretagne et de Rhône-Alpes. Les adhérents ayant répondu « oui » à au moins 3 des 5 questions de l’autoquestionnaire GOLD (Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease) ont été invités à se rendre dans une des 150 pharmacies partenaires, formées, équipées et rémunérées au titre du projet expérimental. La détection a été pratiquée dans un espace de confidentialité, grâce à un spiromètre électronique fourni au pharmacien. Pour chaque risque de BPCO détecté, le médecin traitant, avec l’accord du patient, a été immédiatement informé par le pharmacien. En amont, l’information sur la démarche avait notamment été faite auprès des 3 300 médecins généralistes et pneumologues des territoires concernés. Cette expérimentation, terminée mi-avril, est en cours d’évaluation.

Quel est le premier bilan ?

Il est satisfaisant car le dispositif a très bien fonctionné : 91 % des pharmaciens se sont déclarés satisfaits ou très satisfaits de l’expérimentation. La quasi-totalité des bénéficiaires jugent utile la détection de la BPCO en pharmacie. De plus, le lien avec les médecins traitants a été établi puisque 82 % des adhérents ayant eu une détection positive ont indiqué avoir contacté leur médecin traitant. Nous obtenons également des résultats en termes de sensibilisation des adhérents à la BPCO. On constate en effet que 76 % des participants n’avaient jamais entendu parler de la pathologie avant cette expérimentation. A ce stade, les partenaires reconnaissent l’intérêt de santé publique d’une détection précoce de la maladie. Mais l’expérimentation pose la question de l’efficience économique, celle de l’intégration au parcours de soins ou encore celle de l’évolution de l’état de santé à moyen et long terme des personnes détectées positives.

Dans le cadre du tiers payant généralisé en ville, vous proposerez un dispositif simple à mettre en œuvre et garant du paiement. Sera-t-il étendu aux pharmaciens ?

L es complémentaires santé travaillent à la modernisation de leurs outils pour faciliter l’accès au tiers payant pour les assurés et simplifier les processus pour les professionnels de santé. Bien sûr, cette modernisation concerne les pharmaciens. Les complémentaires ont d’ailleurs rencontré à plusieurs reprises les syndicats de pharmaciens pour leur présenter les évolutions prévues et réfléchir aux adaptations nécessaires à l’utilisation de ces outils en officine, principalement des « web services » de consultation des droits en ligne. Des travaux plus techniques doivent être engagés pour mener des expérimentations en 2016 et en tirer les enseignements avant une mise en œuvre plus large. Ils concernent par exemple la définition détaillée de normes d’échange d’information ou les règles de fonctionnement à mettre en place entre les pharmaciens et les mutuelles pour vérifier les droits en ligne.

Le nouveau mode de rémunération introduisant des honoraires de dispensation s’applique depuis janvier 2015. Est-il pertinent pour l’avenir officinal ?

Depuis plusieurs années, les plans médicaments ont permis de conduire une vraie politique de baisse de prix des médicaments remboursables, améliorant ainsi la régulation de ce poste de dépense. La marge des pharmaciens en a été affectée puisque le tissu officinal ne s’est pas adapté à cette évolution. La création des honoraires de dispensation doit répondre à un double objectif : déconnecter la rémunération des pharmaciens des volumes et du prix des produits afin d’éviter les risques inflationnistes, et réaffirmer le rôle du pharmacien comme acteur du premier recours afin d’améliorer la prise en charge des patients.

Le mécanisme mis en place depuis janvier 2015 va dans le bon sens puisqu’il vise, par la valorisation de l’acte de dispensation, à stabiliser la marge des pharmaciens en la rendant moins dépendante des prix. Toutefois, cette mécanique reste liée aux volumes de prescription et sa mise en place n’a pas entraîné de réflexion au niveau du réseau officinal. Dans ces conditions, si demain les volumes chutent à leur tour, la marge des pharmaciens pourrait être de nouveau bousculée. Peut-être faudrait-il se montrer encore plus audacieux et imaginer des honoraires de dispensa tion plus globaux, au traitement, comme c’est le cas au Québec par exemple.

Les mutuelles sont-elles prêtes à prendre en charge la médication officinale ?

La médication officinale ou automédication faisait partie des pistes d’action identifiées par les partenaires. Même si elle n’a pas fait l’objet d’expérimentation, elle reste un sujet de réflexion. Pour la Mutualité française, la médication officinale reste intimement liée à la démarche qui vise à rendre les usagers plus autonomes, responsables dans la gestion de leur santé au quotidien. Les mutuelles n’ont pas vocation à financer des produits de santé dont l’utilité, la performance et la pertinence ne seraient pas en phase avec les attentes et besoins de leurs adhérents, dans une période où le « sortir-du-tout-médicament » semble prendre de l’essor. Par ailleurs, le développement de l’e-pharmacie va potentiellement modifier la typologie de recours aux soins, et il nous semble nécessaire d’en mesurer les impacts sur l’organisation du système de santé.

Etienne Caniard, président de la Mutualité française

1990 : président de la mutuelle des agents des impôts.

1991-1998 : membre de la Haute Autorité de santé (HAS).

1996-2004 : préside la commission santé-prévention de la CnAmtS.

2004 : membre du collège de la HAS, chargé de la qualité et de la diffusion de l’information médicale.

2010 : remplace Jean-Pierre Davant à la tête de la mutualité française.

2016 : quittera la mutualité française.

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