Gare à Macron ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 3080 du 16/05/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3080 du 16/05/2015
 
TRAVAIL DOMINICAL

L’événement

Auteur(s) : Anne-Charlotte Navarro

Voté par le Sénat le 12 mai dernier, le projet de loi Macron, qui prévoit notamment l’ouverture des commerces le dimanche, risque à nouveau de mettre la profession en ébullition quant au travail dominical en pharmacie et à ses conséquences sur l’organisation des gardes.

Avant même que la loi Macron n’apporte son lot de difficultés, l’ouverture d’une officine le dimanche hors service de garde, régie à la fois par le Code de la santé publique et le Code du travail, était source de nombreux contentieux. L’officine bénéficie d’une exception à l’obligation de fermeture dominicale à condition qu’elle reste ouverte pendant toute la durée du service de garde. Mais l’ouverture à des fins commerciales fait concurrence aux confrères assurant leur tour de garde. C’est pourquoi, à la demande des syndicats professionnels, plusieurs préfets (à Paris, dans les Alpes-Maritimes à Nice, en Basse-Normandie à Caen…) ont pris des arrêtés pour interdire l’ouverture des officines le dimanche hors service de garde. Des arrêtés aussitôt attaqués devant les juridictions administratives. A Caen (Calvados), la titulaire de la pharmacie de l’Orne, Anne Ballière, a décidé d’ouvrir le dimanche. Très rapidement, le syndicat majoritaire dans la région a sollicité auprès du préfet la rédaction d’un arrêté interdisant son ouverture. « Cette ouverture correspond au positionnement de l’officine et s’explique par la situation de la pharmacie, à proximité immédiate d’un cinéma, de restaurants, de lieux touristiques et d’une gare », témoigne la titulaire. Assistée de Mélanie Schlosser, avocate à Caen, elle a contesté la légalité de l’acte. « La préfecture arguait que l’ouverture de ma cliente déséquilibrait le service de garde malgré la législation en vigueur ». Le tribunal administratif (TA) de Caen, le 27 novembre 2014, retient ses arguments en soulignant que le préfet ne pouvait pas prendre un arrêté d’interdiction en l’absence d’un accord intervenu au niveau local entre les organisations professionnelles représentatives des employeurs et des salariés du secteur. Il annule l’arrêté du préfet, permettant ainsi à la pharmacie de l’Orne d’ouvrir. Même recours à Paris d’Éric Funaro, titulaire de la pharmacie du Marais (4e arrondissement) avec le soutien de 60 titulaires parisiens devant le tribunal administratif de Paris. Pour ce pharmacien parisien, l’organisation des gardes ne s’effectue pas de manière démocrati?que. « L’application de l’arrêté préfectoral crée des conditions discriminatoires entre les pharmacies qui assurent des gardes à Paris. Le nombre de gardes par officine varie selon l’arrondissement. La pharmacie de garde dans le 20e ne ferme qu’un dimanche dans l’année alors que je ne peux même pas ouvrir un dimanche sur deux », explique-t-il. L’audience a eu lieu mi-avril et la décision du TA sera rendue dans les prochains jours. Aujourd’hui, la gestion des gardes est principalement confiée à la FSPF, syndicat majoritaire qui ferait peser de tout son poids sur les décisions des préfets d’interdire l’ouverture des pharmacies le jour de repos hebdomadaire. « La Fédération est la structure syndicale la plus favorable aux arrêtés de fermeture qui sont contraires à notre vision de l’officine entrepreneuriale et libérale », souligne François Gayon, administrateur de l’UNPF. Laurent Sebban, président de l’Association des pharmaciens de garde de Paris, va plus loin. Il reproche aux syndicats sur le dossier de l’ouverture du dimanche « d’avoir mené un combat d’arrière-garde » et les évolutions portées par la loi Macron sont là pour le stigmatiser.

L’abrogation des arrêtés de fermeture : la clé de voûte ?

Le projet de loi Macron autorise en effet le préfet à prendre ou à abroger un arrêté de fermeture limité à cinq ans, sur sollicitation des organisations syndicales (employeurs ou salariés), à condition qu’elles expriment la volonté de la majorité des membres de la profession situés dans une zone géographique déterminée et qu’ ils soient parvenus à un accord. Les avis sont partagés sur l’impact de ces modifications. « La pharmacie n’est pas touchée par le projet de loi Macron », estime Pierre Fernandez, directeur général de la FSPF. Ce sera effectivement le cas s’il n’y a pas une volonté affichée des organisations syndicales professionnelles d’abroger l’arrêté de fermeture dominicale du préfet puisque l’article 81 bis du projet de loi Macron prévoit qu’il peut être remis en cause à leur demande. Et en ce domaine, la FSPF est à la baguette ! « Par ailleurs, l’article 13 de la convention collective n’autorise pas le travail dominical en dehors des cas où la pharmacie est de garde. Par conséquent, un titulaire qui veut ouvrir le dimanche alors qu’il n’est pas de garde ne peut se faire assister par des salariés », soutient Pierre Fernandez. Pour Andrée Ivaldi, présidente de la chambre syndicale des pharmaciens de Paris, il faudra choisir entre la loi Macron et le système de garde, « les deux étant incompatibles ». « Il faudra faire évoluer les divs de la convention collective et les mettre en forme par rapport à la loi Macron », pense, de son côté, François Gayon. Gilles Bonnefond, président de l’USPO, a une approche pragmatique de l’intégration de cette loi en pharmacie. « Il faudra regarder avec les pouvoirs publics et les ARS comment gérer des ouvertures dominicales programmées et connues sans perturber l’organisation des gardes. Les pharmaciens devront se faire connaître des syndicats pour éviter des ouvertures sauvages, des conflits inutiles et des contradictions. En faisant coïncider l’attribution d’un dimanche de garde avec la volonté d’un pharmacien d’ouvrir ce même jour en raison d’un événement festif dans sa commune, on résoudra déjà 95 % des problèmes. Bien sûr, une négociation conventionnelle sera incontournable avec les centrales syndicales de salariés… »

Gardes : un bilan stable

Selon le bilan annuel de l’Assurance maladie sur la permanence pharmaceutique conventionnelle, le montant ainsi que les volumes des actes et astreintes pour 2014 sont restés constants par rapport à 2013. Les pharmaciens ont effectué au total 412 068 gardes de nuit et 83 096 gardes de dimanche et jour férié qui ont coûté 74,3 millions d’euros à l’Assurance maladie. Par ailleurs, l’organisme a pris en charge plus de 4,2 millions d’actes majorés pour un coût de 23 millions d’euros. Rappel : le financement est prévu dans la limite de 1 150 secteurs pour les nuits et de 1 450 secteurs pour les dimanches et jours fériés.

L.T.

Avis d’expert

DAN NAHUM, AVOCAT AU BARREAU DU VAL-DE-MARNE

Le salarié d’officine peut être amené à travailler le dimanche lors d’une garde ou en cas d’ouverture dominicale. Dans ce cas, le contrat de travail doit indiquer la possibilité de travail dominical, sinon, il s’agit d’une modification du contrat nécessitant l’accord du salarié. L’accord collectif ne prévoyant que l’hypothèse d’une garde, la rémunération du salarié pour un dimanche hors garde se fait selon le droit commun, c’est-à-dire sans majoration particulière puisque l’officine bénéficie d’une dérogation de droit. Le projet de loi Macron prévoit que les salariés travaillant le dimanche bénéficieront de contrepartie prévue par un accord de branche. Toutefois, les structures de moins de 11 salariés pourraient ne pas offrir de contrepartie.

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