LES ANTIÉMÉTIQUES - Le Moniteur des Pharmacies n° 3075 du 11/04/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3075 du 11/04/2015
 

Cahiers Formation du Moniteur

IATROGÉNIE

CAS N° 1 – INTERACTIONS

M. A. tolère mal son antiparkinsonien

Mme A. téléphone à la pharmacie : « Bernard, mon mari, a des nausées depuis que son neurologue a ajouté de Modopar à son traitement antiparkinsonien habituel. Hier et ce matin, il a vomi. J’ai du Primpéran à la maison. Peut-il en prendre ? ». La pharmacienne se souvient en effet avoir dispensé en début de semaine, de Requip 5 mg (ropinirole) et Modopar 62,5 (lévodopa + bensérazide) à Bernard A., 71 ans.

M. A. peut-il prendre du Primpéran ?

Primpéran (métoclopramide) est formellement contre-indiqué avec le traitement de M.A.

ANALYSE DU CAS

→ Une dopathérapie a été récemment initiée chez M. A. en complément de son traitement agoniste dopaminergique (ropinirole). La dopathérapie et les agonistes dopaminergiques peuvent provoquer des nausées et vomissements par stimulation des récepteurs dopaminergiques centraux et périphériques.

→ Le métoclopramide est un antagoniste dopaminergique. Il est capable de franchir la barrière hématoencéphalique (BHE) et est donc considéré comme un « neuroleptique caché ». Le métoclopramide peut ainsi exercer une action antagoniste sur les récepteurs dopaminergiques du locus niger et est susceptible d’induire des troubles extrapyramidaux, des dyskinésies tardives et d’exacerber les symptômes de la maladie de Parkinson. Son association aux agonistes dopaminergiques et à la dopathérapie est contre-indiquée du fait d’un antagonisme réciproque entre le neuroleptique et les antiparkinsoniens. Chez un patient parkinsonien, il faut utiliser un antiémétique dénué d’effet extrapyramidal.

→ A l’instar du métoclopramide, l’alizapride (Plitican) est un neuroleptique caché contre-indiqué avec les antiparkinsoniens. La métopimazine (Vogalène), qui semble moins passer la BHE, est cependant contre-indiquée d’après le RCP mais l’interaction n’apparaît plus dans le Thesaurus 2015 de l’ANSM.

→ Bien qu’étant aussi un antagoniste dopaminergique, la dompéridone passe très difficilement la BHE. Des études menées chez l’animal ont en effet montré une faible distribution dans le cerveau. Les effets extrapyramidaux sont exceptionnels chez les adultes. La dompéridone est donc potentiellement utilisable chez le patient parkinsonien. Sa prescription doit prendre en compte le risque d’allongement de l’espace QT à l’ECG et de troubles du rythme cardiaque.

→ Le diménhydrinate est dénué d’action antagoniste dopaminergique, mais il peut induire une somnolence, des troubles végétatifs et des effets atropiniques dont le risque de survenue est à prendre en compte chez M. A., compte tenu de son âge.

ATTITUDE À ADOPTER

→ La pharmacienne déconseille formellement l’utilisation de Primpéran.

→ Elle préfère orienter M. A. vers son médecin traitant, le choix de la molécule antiémétique la plus appropriée pour ce patient relevant d’un avis médical.

→ En attendant, la pharmacienne préconise une administration de Modopar au cours des repas.

CAS N° 2 – INTERACTIONS

M. T. prépare une surprise

Mme T., 49 ans, est traitée pour une dépression par Surmontil 100 mg/j (trimipramine). Pour fêter leur 20e anniversaire de mariage et lui changer les idées, son époux organise un séjour en Angleterre : le voyage se feraen ferry. En mettant le pharmacien dans la confidence, M. J. lui demande quelque chose contre le mal de mer. « Ma femme n’a jamais pris le bateau, il ne faudrait pas que les 4 heures de traversée soient gâchées ! ».

Peut-on conseiller un antinaupathique à Mme T. ?

Non, les médicaments contre le mal des transports (antinaupathiques) sont susceptibles d’interagir avec son antidépresseur.

ANALYSE DU CAS

→ Le mal des transports est dû à un conflit entre les afférences visuelles et vestibulaires (oreille interne). Les mouvements d’accélération et de freinage ou de montées et de descentes (vagues) surexcitent les cellules vestibulaires qui génèrent des influx nerveux impliquant les récepteurs cholinergiques et histaminiques, transmis au centre du vomissement.

→ Les antinaupathiques sont des anti-H1 à effet anticholinergique mis à profit dans la prévention du mal des transports, mais à l’origine d’effets indésirables atropiniques (rétention urinaire, constipation, sécheresse buccale…).

→ La trimipramine est un antidépresseur imipraminique exerçant des effets indésirables antihistaminiques et anticholinergiques. Son association aux antinaupathiques expose à une double interaction : addition d’effets anticholinergiques avec risque de survenue de syndrome atropinique et addition d’effets anti-H1 majorant le risque de somnolence.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien préfère conseiller une spécialité homéopathique et donne certaines astuces pour prévenir le mal de mer : s’installer au centre du bateau (endroit le plus stable), dans le sens de la traversée, éviter de lire, aller sur le pont et regarder l’horizon.

CAS N° 3 – INTERACTIONS

Une mauvaise idée

Depuis qu’un diagnostic de maladie d’Alzheimer a été évoqué il y a quelques mois, Mme S., 84 ans, vit chez sa fille Isabelle. Elle est suivie par un neurologue et traitée par Aricept (donépézil) dont la posologie a été récemment augmentée de 5 à 10 mg par jour. Aujourd’hui, Isabelle vient rapporter le donépézil 5 mg pour éviter toute erreur. Elle en profite pour demander à la pharmacienne une boîte de sirop Nausicalm (diménhydrinate). Celle-ci s’interroge.

Qu’est-ce qui préoccupe la pharmacienne ?

La pharmacienne se demande a qui est destiné Nausicalm, ce médicament n’étant pas opportun pour Mme S.

ANALYSE DU CAS

→ Le diménhydrinate est un anti-H1 présentant une action anticholinergique et adrénolytique.

→ Son utilisation est à éviter chez Mme S. en raison de ses effets indésirables (somnolence, vertiges, confusion, hypotension orthostatique…), auxquels une personne âgée est plus sensible.

→ D’autre part, le diménhydrinate du fait de son action anticholinergique interagit avec le donépézil, qui lui, exerce une action anticholinestérasique. L’association est à prendre en compte selon le Thésaurus de l’ANSM, exposant au risque de diminution de l’efficacité de l’anticholinestérasique et d’aggravation des troubles cognitifs.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Interrogée, Isabelle explique que cet achat est destiné à sa mère qui semble avoir une gastroentérite.

→ La pharmacienne déconseille l’utilisation de diménhydrinate chez Mme S. Une consultation médicale s’avère indispensable pour cette patiente compte tenu de son âge, afin d’évaluer son état d’hydratation et rechercher l’étiologie de ces troubles (éventuellement liés à l’augmentation de dose de donépézil).

CAS N° 4 – INTERACTIONS

Citalopram et dompéridone

Dépressif, M. V., 43 ans, est suivi depuis peu par un psychiatre. Il est traité par citalopram dont la posologie a été récemment doublée à 40 mg/j et bromazépam ? 1/4 cp le soir. Aujourd’hui, M. V. présente une ordonnance de dompéridone, 1 cp à 10 mg avant les trois repas. Il explique à la pharmacienne qu’il a consulté son généraliste car depuis que le psychiatre a augmenté sa dose d’antidépresseur, il est gêné par des nausées. La pharmacienne fronce les sourcils.

La dompéridone peut-elle être délivrée ?

Non ! L’association au citalopram est contre-indiquée.

ANALYSE DU CAS

→ Le citalopram est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine, qui augmente les concentrations en sérotonine dans le cerveau. En se fixant sur les récepteurs 5-HT3 des terminaisons vagales, la sérotonine active le centre du vomissement. Ainsi, le citalopram peut provoquer des nausées surtout lors de l’initiation de traitement ou des augmentations de dose.

→ La dompéridone est une molécule de la classe des neuroleptiques, susceptible de provoquer des torsades de pointe. Le risque cardiaque associé à la dompéridone fait l’objet d’un suivi national et européen. En 2010, de nouvelles études ont pointé un risque de mort subite potentiellement associé à la prise de dompéridone. En juillet 2014, le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) a conclu que « le rapport bénéfice-risque de la dompéridone pour le soulagement des nausées et vomissements reste positif chez les adultes, les adolescents et les enfants ».

Toutefois, l’augmentation des effets cardiaques graves (allongement de l’espace QT, torsades de pointes, arythmie ventriculaire voire mort subite) a été confirmée, notamment chez le patient de plus de 60 ans, pour des posologies supérieures à 30 mg/j, ou en cas d’interaction avec les médicaments allongeant l’espace QT et les inhibiteurs du CYP 450 3A4 (qui diminuent le métabolisme de la dompéridone). En septembre 2014, l’ANSM a ainsi lancé une alerte, stipulant que l’utilisation concomitante de médicaments allongeant l’espace QT ou inhibiteurs puissants de CYP 3A4 et de dompéridone est désormais contre-indiquée.

→ Dans le cas de M. V., le citalopram est métabolisé en didéméthylcitalopram, molécule susceptible d’allonger l’intervalle QT à l’ECG. Son association à la dompéridone est donc contre-indiquée.

ATTITUDE À ADOPTER

→ La pharmacienne téléphone au médecin généraliste. Celui-ci explique qu’il a préféré ne pas prescrire de métopimazine (à action antihistaminique) ni de métoclopramide (passant la barrière hématoencéphalique) pour ne pas majorer les effets sédatifs du bromazépam et de l’antidépresseur.

Il a privilégié la dompéridone qui ne passe pas la barrière hématoencéphalique.

→ Finalement, en discutant avec la pharmacienne, le médecin préfère s’abstenir de prescrire un antiémétique, les effets indésirables du citalopram s’estompant en général avec la poursuite du traitement. Sinon, il faudrait orienter M. V. vers son psychiatre, pour réévaluer la posologie car les nausées sont dose-dépendantes.

CAS N° 5 – CONTRE-INDICATIONS

« Il m’en reste à la maison »

M. et Mme C. sont de jeunes retraités très dynamiques. Ils participent activement au soutien scolaire mis en place par leur commune tous les soirs après l’école. Aujourd’hui Mme C. vient chercher le renouvellement d’Avodart (dutastéride) et tamsulosine de son mari et pose sur le comptoir une boîte de Smectalia (diosmectite) prise dans le rayon libre accès. « Je pense que mon mari a attrapé une gastro. En ce moment, il y a beaucoup d’enfants malades ! Contre les vomissements, j’ai du Vogalibà la maison », précise-t-elle. La pharmacienne fronce les sourcils.

La métopimazine est-elle adaptée à M. C. ?

Non ! La métopimazine est contre-indiquée en cas d’hypertrophie bénigne de la prostate.

ANALYSE DU CAS

→ Un adénome de la prostate, en comprimant l’urètre et le col vésical, constitue un obstacle à l’écoulement de l’urine et peut induire des troubles obstructifs (dysurie, mauvaise vidange de la vessie) susceptibles d’être aggravés par un médicament anticholinergique. En effet, sur le muscle lisse de la paroi de la vessie (détrusor), il existe des récepteurs muscariniques, dont le blocage provoque un relâchement de la vessie et rend les mictions plus difficiles, exposant le patient souffrant de troubles urétroprostatiques au risque de rétention urinaire aiguë. C’est pourquoi, les médicaments anticholinergiques sont contre-indiqués en cas d’hypertrophie bénigne de la prostate.

→ La métopimazine (Vogalib) est un antagoniste dopaminergique phénothiazinique, qui exerce une action secondaire anticholinergique. Son mode d’action expose au risque de survenue d’effets indésirables atropiniques : sécheresse buccale, constipation, troubles de l’accommodation et rétention urinaire. Elle est donc contre-indiquée en cas de risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques.

→ Les autres antiémétiques allopathiques disponibles sans ordonnance possèdent aussi des propriétés anticholinergiques.

ATTITUDE À ADOPTER

→ La pharmacienne déconseille l’utilisation de Vogalib. Elle explique à Mme C. que tous les médicaments antiémétiques allopathiques disponibles sans ordonnance sont contre-indiqués chez son mari en raison de son adénome de la prostate.

→ La pharmacienne propose de l’homéopathie. Si cela s’avérait insuffisant, une consultation médicale serait nécessaire.

→ Elle indique que le pansement intestinal doit être pris à 2 heures de distance des autres traitements, pour ne pas en diminuer l’efficacité.

→ Enfin, elle rappelle à Mme C. quelques mesures d’hygiène : utiliser un gel hydroalcoolique pendant les activités de bénévolats, se laver les mains en rentrant à la maison, en sortant des toilettes et avant de préparer les repas ou de manger, ne pas partager ses couverts avec son mari, désinfecter les toilettes à l’eau de Javel.

CAS N° 6 – CONTRE-INDICATIONS

Monsieur P. a perdu la notice

M. P. est un père divorcé qui a la garde de ses enfants Gaspard, 15 ans et Juliette, 11 ans, un week-end par mois. Ce samedi, M. P. vient chercher conseil à la pharmacie. Il explique à la préparatrice que ses enfants sont patraques et nauséeux. « Apparemment le dîner d’hier soir au restaurant chinois ne passe pas ! ». M. P. a retrouvé une plaquette de comprimés de Primpéran (métoclopramide) dans son armoire à pharmacie,mais il a perdu la notice. Il veut savoir si il peut en donner à ses enfants.

Gaspard et Juliette peuvent-ils prendre Primpéran ?

Non ! Le métoclopramide leur est contre-indiqué.

ANALYSE DU CAS

→ En novembre 2010, une réévaluation européenne a conclu à une balance bénéfice-risque défavorable du métoclopramide chez les enfants, notamment en raison des potentiels effets indésirables neurologiques de ce neuroleptique « caché ». En effet, plus de 60 % des effets indésirables rapportés jusqu’à fin 2009 chez les enfants de moins de 18 ans étaient des troubles extrapyramidaux. Les autres effets incluaient des troubles de la conscience, des convulsions, des troubles respiratoires, des réactions anaphylactiques, des méthémoglobinémies (en particulier chez des nouveau-nés). Des troubles de la conduction et des arrêts cardiaques ont même été rapportés après injection intraveineuse ou intramusculaire de métoclopramide.

→ La Commission d’AMM française a précisé que « les effets extrapyramidaux du métoclopramide peuvent survenir même aux posologies recommandées et/ou après une prise unique et ce, même dans la tranche d’âge 12-18 ans ».

En février 2012, l’ANSM a alors contre-indiqué l’utilisation du métoclopramide chez les enfants et les spécialités à usage pédiatrique ont été retirées du marché.

→ Cependant, fin 2013, la Commission d’autorisation de mise sur le marché de l’Agence européenne du médicament a réautorisé l’utilisation du métoclopramide à partir de 1 an et en deuxième intention, uniquement dans le cadre de la prévention des nausées et vomissements retardés chimio-induits ou du traitement des vomissements postopératoires. A cet effet, la solution buvable de Primpéran est désormais présentée avec une pipette graduée en milligramme, permettant une administration précise des doses chez l’enfant.

ATTITUDE À ADOPTER

→ La préparatrice explique à M. P. que ni Juliette, ni Gaspard ne peuvent prendre ce médicament, qui est contre-indiqué en usage courant chez les enfants et adolescents, en raison des potentiels effets indésirables neurologiques et cardiaques du principe actif qu’il contient.

→ Elle conseille une spécialité à base de diménhydrinate, disponible sans ordonnance et utilisable à partir de 6 ans.

→ Par ailleurs, elle prodigue à M. P. des conseils pour adapter les menus à l’état des enfants (voir page 15).

PHARMACOLOGIE

NAUSÉES ET VOMISSEMENTS

→ Les nausées se traduisent par une sensation d’inconfort au niveau de l’estomac et des troubles végétatifs (pâleur, sueur, mydriase, tachycardie, hypersialorrhée).

→ Le vomissement est un réflexe mécanique viscéral, sous contrôle dopaminergique et sérotoninergique, caractérisé par des contractions des muscles diaphragmatiques et de la sangle abdominale induisant une augmentation de la pression abdominale et un relâchement du sphincter inférieur de l’œsophage, aboutissant à l’évacuation du contenu de l’estomac par la bouche.

→ Nausées et vomissements peuvent survenir de façon indépendante mais la plupart du temps les nausées précèdent le vomissement.

Physiopathologie

→ Le vomissement est un processus complexe résultant de l’activation du centre du vomissement situé au niveau du cerveau dans le bulbe rachidien. Le centre du vomissement reçoit des afférences vagales du tube digestif, mais aussi oropharyngées, vestibulaires ou visuelles et centrales. Il reçoit également des informations indirectes de la zone chémoréceptrice (ou CTZ pour chemoreceptor trigger zone), située dans l’area postrema, en dehors de la barrière hématoencéphalique. La CTZ reçoit elle-même des afférences vestibulaires et vagales. Le mécanisme du vomissement implique des récepteurs sérotoninergiques (5HT3), dopaminergiques (D2), histaminergiques (H1), cholinergiques (de type muscariniques M1) et les récepteurs NK1 de la substance P (voir schéma page 7).

→ Le centre du vomissement émet ensuite des efférences vers les muscles abdominaux, aboutissant à la contraction du diaphragme.

→ Les stimuli potentiels sont divers :

– chimiothérapie anticancéreuse, radiothérapie, intoxication alimentaire irritant le tube digestif et provoquant une libération de sérotonine et de substance P à partir des cellules entérochromaffines. Ces neurotransmetteurs stimulent, via des afférences vagales, la CTZ et le centre du vomissement ;

– médicaments (opioïdes, antidépresseurs, agonistes dopaminergiques, digitaliques, cytotoxiques…) qui stimulent principalement la CTZ ;

– stimuli visuels et vestibulaires à l’origine d’afférence vestibulaire impliquant l’acétylcholine et l’histamine et stimulant directement le centre du vomissement ou la CTZ (mal des transports ou cinétose) ;

– stimuli centraux (peur, anticipation de chimiothérapie, odeurs, pensées…) qui stimulent le centre du vomissement (vomissements psychogènes).

→ Les antiémétiques agissent en exerçant une action antagoniste sur les récepteurs dopaminergiques, sérotoninergiques, histaminergiques, muscariniques et les récepteurs NK1 de la substance P.

LES DIFFÉRENTS ANTIÉMÉTIQUES

Les antagonistes dopaminergiques

→ L’alizapride, la dompéridone, le métoclopramide et la métopimazine sont des antagonistes périphériques qui agissent principalement sur le tractus digestif. L’alizapride et le métoclopramide sont des neuroleptiques cachés qui agissent également sur les récepteurs dopaminergiques cérébraux. La dompéridone et, dans une moindre mesure, la métopimazine traversent faiblement la barrière hématoencéphalique (BHE).

→ L’halopéridol (Haldol IV) et le dropéridol (Droleptan IV, réservé à l’usage hospitalier) sont des antagonistes dopaminergiques centraux.

Principaux effets indésirables

→ Neurologiques : somnolence, dystonies précoces (en particulier chez l’enfant et l’adulte jeune), dyskinésies tardives (chez le sujet âgé), syndromes extrapyramidaux, convulsions, risque exceptionnel de syndrome malin (décrit sous métoclopramide). Ces effets sont plus rares avec la dompéridone qui passe difficilement la BHE.

→ Endocriniens : gynécomastie, galactorrhée, douleurs mammaires possibles.

→ La dompéridone est associée à un risque d’allongement de l’intervalle QT à l’ECG et de survenue de torsades de pointes graves, en particulier chez les sujets de plus de 60 ans et ceux recevant plus de 30 mg de dompéridone par jour.

→ Le métoclopramide est incriminé dans la survenue de méthémoglobinémie chez le nourrisson.

→ La métopimazine peut induire des troubles neurovégétatifs (hypotension orthostatique, sécheresse buccale, constipation, troubles de l’accommodation et rétention urinaire) du fait d’une action anticholinergique.

Principales interactions

→ Association contre-indiquée de l’alizapride et du métoclopramide avec les médicaments dopaminergiques et la dopathérapie du fait d’un antagonisme réciproque. La contre-indication a été retirée dans le Thésaurus de l’ANSM de janvier 2015 pour la métopimazine mais reste dans le RCP. L’association avec la dompéridone est possible car la molécule ne passe pas la BHE.

→ La dompéridone est contre-indiquée avec les médicaments allongeant l’espace QT ou les inhibiteurs puissants du CYP 3A4.

→ La consommation d’alcool est déconseillée et l’association aux autres dépresseurs du système nerveux central majore le risque de somnolence (sauf pour la dompéridone).

→ L’association de métopimazine à d’autres anticholinergiques augmente le risque d’effets indésirables atropiniques. Son association aux anticholinestérasiques est illogique (antagonisme réciproque).

Principales contre-indications

→ Antécédents de dyskinésies tardives sous neuroleptiques (alizapride, métoclopramide).

→ Situations pour lesquelles la stimulation de la motricité est dangereuse : obstruction digestive mécanique, perforation digestive…(alizapride, métoclopramide, dompéridone).

→ Métoclopramide : épilepsie, maladie de Parkinson.

→ Dompéridone : insuffisance hépatique, affections cardiaques sous jacentes, tumeur hypophysaire à prolactine.

→ Métopimazine : risque de glaucome à angle fermé et de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques.

Les antagonistes 5HT3 (granisétron et ondansétron)

L’association des antagonistes 5HT3 aux corticoïdes est synergique. Le mécanisme d’action antiémétique des corticoïdes n’est pas encore bien élucidé, mais serait lié à l’inhibition de synthèse des prostaglandines, médiateurs de l’inflammation, ayant des propriétés émétiques.

Principaux effets indésirables

→ Constipation, céphalées, bouffées de chaleur.

→ Plus rarement : occlusion intestinale, hypotension, modification de l’ECG (en IV), manifestations allergiques immédiates voire chocs anaphylactiques.

Principales interactions

→ L’association des sétrons à d’autres médicaments ralentisseurs du transit (opioïdes, racécadotril, atropiniques….) majore le risque de constipation et d’iléus.

→ Ondansétron : l’association au tramadol expose à un risque de diminution réciproque d’efficacité. L’association à l’apomorphine est contre-indiquée en raison de la survenue d’hypotension sévère et de perte de connaissance.

→ L’association à des médicaments susceptibles de donner des torsades de pointes majore le risque de troubles du rythme et nécessite une surveillance.

Les antihistaminiques (méclozine, diménhydrinate, diphénhydramine)

Principaux effets indésirables

→ Somnolence liée à l’effet anti-H1 (rendant dangereuse la conduite automobile ou l’utilisation de machines), mais aussi effets atropiniques liés à l’action anticholinergique : sécheresse buccale, mydriase, somnolence, vertiges, constipation, troubles mictionnels, hypotension orthostatique, troubles de la mémoire.

→ L’utilisation de ces médicaments doit être prudente chez le sujet âgé prédisposé à l’hypotension orthostatique et sensibles aux effets atropiniques centraux en raison d’une altération de la barrière hématoencéphalique.

Principales interactions

La consommation d’alcool est déconseillée pour ne pas majorer la sédation. L’association aux autres dépresseurs du système nerveux central ou autres anticholinergiques doit prendre en compte le risque d’addition d’effets indésirables de même nature. L’association aux anticholinestérasiques est illogique (antagonisme réciproque).

Principales contre-indications

Risque de glaucome par fermeture de l’angle et de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques.

Les antagonistes NK1 (aprépitant)

Principaux effets indésirables

Les plus fréquents : hoquet, asthénie, élévation des transaminases, constipation et céphalées.

Principales interactions

→ L’aprépitant étant à la fois inhibiteur de cytochrome 3A4 et inducteur des cytochromes 3A4, 2C9 et de la glucuronidation, il est de ce fait impliqué dans de nombreuses interactions.

→ La coadministration avec le pimozide, substrat du cytochrome 3A4 est contre-indiquée (risque d’augmentation de la concentration plasmatique du pimozide).

→ La prudence s’impose entre autres, lors de l’administration d’anticoagulants oraux (risque d’augmentation ou de diminution de l’efficacité), de phénytoïne, de certains contraceptifs hormonaux (risque de diminution de leur efficacité), de dérivés ergotés (risque de majorer leur toxicité).

→ L’association à la rifampicine ou aux anticonvulsivants inducteurs enzymatiques est déconseillée (risque de diminution des concentrations d’aprépitant).

Les anticholinergiques

La scopolamine, également appelée hyoscine, a une structure chimique très proche de celle de l’atropine. Elle est utilisée, par voie transdermique, dans la prévention des symptômes de la cinétose, et en soins palliatifs, dans le traitement des râles agoniques.

Principaux effets indésirableset contre-indications

→ Effets indésirables identiques aux antihistaminiques. Les symptômes liés à l’action sur le système nerveux central (somnolence, vertiges, troubles de la mémoire) sont plus rares.

→ Effets atropiniques contre-indiquant l’utilisation de scopolamine en cas de risque de glaucome à angle fermé ou de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques. La scopolamine est également contre-indiquée en dessous de 15 ans.

Principales interactions

La scopolamine est impliquée dans les mêmes interactions que les anti-H1.

CAS N° 7 – CONTRE-INDICATIONS

Nausées et glaucome

M. D., 58 ans, vient chercher son renouvellement de Timoptol (timolol) et Lumigan (bimatoprost). Visiblement nauséeux, il demande aussi à Audrey, la préparatrice, un antiémétique. Audrey lui conseille des gélules de Nausicalm (diménhydrinate). De retour chez lui, M. D. téléphone à la pharmacie : il a lu sur la notice qu’il ne fallait pas prendre ce médicament en cas de glaucome.

Audrey a-t-elle fait une erreur ?

Non. Le diménhydrinate n’est contre-indiqué que dans certaines formes de glaucome.

ANALYSE DU CAS

→ Le diménhydrinate est un antihistaminique H1, présentant des propriétés anticholinergiques potentiellement responsables d’effets indésirables oculaires à type de troubles de l’accommodation et de mydriase. En cas de dilatation de la pupille, l’iris se bombe, ce qui peut provoquer une fermeture brutale de l’angle iridocornéen et une augmentation de la pression intraoculaire. C’est pourquoi, les médicaments anticholinergiques sont contre-indiqués en cas de risque de glaucome à angle fermé. Les facteurs de risque de cette forme aiguë de glaucome sont l’âge, le sexe féminin, les antécédents personnels ou familiaux, l’effort visuel soutenu et l’hypermétropie (car l’angle iridocornéen est étroit).

→ Or, Timoptol et Lumigan sont utilisés dans le traitement du glaucome à angle ouvert, forme caractérisée par un angle iridocornéen normal, mais au niveau duquel le trabéculum obstrué empêche l’écoulement de l’humeur aqueuse.

→ La notice de Nausicalm indique de ne jamais prendre ce médicament dans certaines formes de glaucome, ce qui a inquiété M.D.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne rassure M. D. : la forme de glaucome dont il souffre ne contre-indique pas l’utilisation de Nausicalm.

CAS N° 8 – CONTRE-INDICATIONS

M. Y. est insuffisant cardiaque

Il y a quelques mois, M. Y., 71 ans, a été diagnostiqué insuffisant cardiaque. Il est traité par furosémide 20 mg/j, périndopril tert-butylamine 8 mg/j et bisoprolol 5 mg/j. Aujourd’hui, Mme Y. présente à Karelle, l’étudiante en pharmacie, une ancienne ordonnance de dompéridone et en demande une boîte car son mari souffre de vomissements. Karelle va trouver le pharmacien.

La dompéridone peut-elle être renouvelée ?

Le renouvellement de dompéridone ne semble pas opportun pour ce patient souffrant d’une pathologie cardiaque.

ANALYSE DU CAS

→ A la suite de la réévaluation européenne, la dompéridone est, depuis le mois de septembre 2014, contre-indiquée en cas d’affections cardiaques sous-jacentes, telles qu’une insuffisance cardiaque congestive (c’est-à-dire associée à certains signes de décompensation : dyspnée de décubitus, œdèmes des membres inférieurs, prise de poids rapide).

→ Actuellement, l’insuffisance cardiaque de M. Y. est stabilisée. Cependant, il semble plus prudent que ce dernier ne reprenne pas de lui-même de la dompéridone, d’autant plus que ce médicament lui avait été prescrit avant que son insuffisance cardiaque ne soit diagnostiquée.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien refuse de renouveler la dompéridone et explique que M. Y. doit demander un avis médical avant d’utiliser ce médicament, compte tenu de sa pathologie cardiaque.

→ Il est très important de corriger les vomissements de ce patient, traité par diurétique, donc exposé au risque de déshydratation.

→ Après avoir vérifié que M. Y. n’était pas traité pour un adénome de la prostate, le pharmacien conseille du diménhydrinate et insiste sur les corrections hydriques. En l’absence d’amélioration rapide, une consultation s’imposerait.

CAS N° 9 – MÉSUSAGE

Paul J. fait des grimaces

Hier, Paul J., 21 ans, était venu à l’officine avec une ordonnance de son généraliste mentionnant : Primpéran (métoclopramide) 10 mg 1 cp avant chaque repas pendant 3 jours, lopéramide 2 mg, 2 gélules à la première prise puis 1 gélule après chaque selle liquide, Ultra-levure 50 mg 2 gélules 2 fois/j pendant 1 semaine. Ce soir, Lisa, son amie, arrive très inquiète : « Paul est secoué de mouvements anormaux, comme s’il grimaçait. »

Que faut-il en penser ?

Le pharmacien suspecte des dystonies faciales iatrogènes.

ANALYSE DU CAS

→ Le métoclopramide est un antiémétique antagoniste de la dopamine. Il peut induire des effets indésirables neurologiques extrapyramidaux (mouvements anormaux de la tête et du cou, spasmes faciaux, trismus…), en particulier chez l’enfant et l’adulte jeune ou lorsque des doses élevées sont utilisées.

→ La dose maximale recommandée chez l’adulte est de 30 mg/j et la durée de traitement est limitée à 5 jours. Interrogée, Lisa confie que Paul a pris un comprimé avant le petit déjeuner et un avant le déjeuner, mais qu’il en a pris en plus à chaque fois qu’il vomissait, c’est-à-dire dans la matinée et l’après-midi.

→ Or, selon les RCP, il est recommandé, de respecter un intervalle d’au moins 6 heures entre chaque administration, même en cas de rejet partiel ou total de la dose.

ATTITUDE À ADOPTER

→ La survenue de symptômes extrapyramidaux impose l’arrêt immédiat du métoclopramide. Ces effets sont généralement réversibles après l’arrêt du traitement. Toutefois, leur correction peut nécessiter un traitement symptomatique (benzodiazépine chez l’enfant et/ou antiparkinsonien anticholinergique chez l’adulte).

→ Le pharmacien préconise un avis médical en urgence pour apprécier la gravité des troubles (possible altération des fonctions cardiorespiratoires) et prescrire un traitement correcteur.

CAS N° 10 – PROFILS PARTICULIERS

« C’est ce que ma voisine prenait »

Mme M. a accouché il y a 3 semaines d’une petite Léa. Alors qu’elle vient acheter des coussinets d’allaitement et une pâte à l’eau pour sa fille, elle évoque la conversation qu’elle a eue avec sa voisine : « Elle prenait un médicament contre les nausées pour avoir plus de lait quand elle allaitait ses enfants ».

Que répondre à Mme M. ?

Mme M. fait probablement allusion à l’utilisation hors AMM de dompéridone, proscrite par l’ANSM.

ANALYSE DU CAS

→ La dompéridone exerce une action antagoniste dopaminergique au niveau de l’hypophyse (située en deçà de la barrière hématoencéphalique) et augmente la sécrétion de prolactine, ce qui peut provoquer des troubles de type gynécomastie ou galactorrhée. Ces effets indésirables sont recherchés chez les femmes allaitantes pour augmenter la production de lait.

→ Cependant, la dompéridone n’a pas d’AMM dans la stimulation de la lactation. Bien que le passage de la molécule dans le lait soit faible (0,1 % de la dose maternelle), l’utilisation de dompéridone pendant l’allaitement est déconseillée, la toxicité pour le nouveau-né étant mal connue. Il faut également tenir compte des potentiels effets indésirables cardiaques graves pour la mère et le nouveau-né, même si à ce jour, aucun cas n’a été signalé chez le nourrisson.

ATTITUDE À ADOPTER

→ La pharmacienne explique les dangers de cet usage détourné de la dompéridone. Elle oriente Mme M. vers un centre de PMI, pour recevoir des conseils adaptés.

→ En attendant, elle conseille de rapprocher les tétées, un apport hydrique suffisant et des infusions de fenouil ou de houblon. L’homéopathie (Ricinus communis 4 CH) et l’aromathérapie (HE de fenouil doux) peuvent être envisagées.

CAS N° 11 – PROFILS PARTICULIERS

Une future maman nauséeuse

Marc et Claire L. sont de jeunes mariés bien connus de l’officine. Marc, qui se prépare à partir quelques jours en séminaire, vient acheter une brosse à dents et un antalgique « pour avoir quelque chose sous la main, au cas où… ». Lorsque la pharmacienne prend des nouvelles de Claire, enceinte de 2 mois, Marc confie qu’elle est incommodée par des nausées. D’ailleurs, elle souhaiterait quelque chose « d’efficace mais qui convienne au bébé », la prochaine consultation chez le gynécologue n’étant prévue que dans 15 jours.

Que conseiller pour Claire ?

Si les vomissements restent modérés, il est préférable à ce stade de la grossesse, de s’en tenir à des mesures diététiques, et éventuellement à de la phytothérapie.

ANALYSE DU CAS

→ Les nausées au cours de la grossesse sont fréquentes et généralement bénignes.

→ Le métoclopramide est utilisé depuis les années soixante dans les nausées et vomissements liés à la grossesse. D’après le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT), il n’est pas tératogène et peut être utilisé quelque soit le terme.

Toutefois, il expose la mère aux effets indésirables des neuroleptiques ainsi qu’à une hypotension artérielle par action adrénolytique. En outre, il passeà travers le placenta et son utilisation en fin de grossesse peut exposer le nouveau-né à des effets neurologiques et des symptômes de sevrage, justifiant une surveillance adaptée.

→ L’alizapride et la métopimazine ne sont pas tératogènes chez l’animal, mais n’ont pas été étudiés au cours de la grossesse. Leur utilisation n’est pas recommandée (contre-indiquée pour l’alizapride).

→ La dompéridone à très fortes doses est tératogène chez le rat (anomalies vasculaires, oculaires et squelettiques). Selon le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT), les données publiées sont très peu nombreuses, mais aucun élément inquiétant n’a été retenu. Selon le RCP, elle ne doit être utilisée que lorsque le bénéfice attendu le justifie.

→ La doxylamine est un anti-H1 très bien évalué chez la femme enceinte, qui d’après le CRAT, est la molécule à préférer au cours de la grossesse. Bien que susceptible, lorsqu’il est utilisé jusqu’à l’accouchement, d’exposer le nourrisson à des effets sédatifs, il s’agit de l’antiémétique de référence chez la femme enceinte au Canada et aux USA. En revanche, la doxylamine n’a pas d’AMM comme antiémétique en France (mais seulement comme hypnotique).

→ Les antinaupathiques anti-H1 ne sont pas mieux tolérés que la doxylamine et ont été moins étudiés au cours de la grossesse.

ATTITUDE À ADOPTER

→ La pharmacienne insiste surles mesures diététiques : faire plusieurs collations dans la journée, boire souvent en petite quantité, préférer les repas pauvres en graisses et richesen sucres lents pour prévenirles hypoglycémies génératrices de nausées. Pour les « en-cas », privilégier les amandes, noix et fruits secs riches en vitamine B6 réputée antinauséeuse et boire des tisanes de gingembre.

→ Si cela s’avère insuffisant, l’homéopathie et, avec prudence, l’aromathérapie (HE de citron ou de gingembre, à respirer) pourront être envisagées.

Cas particuliers : nausées et vomissements chimio-induits. CAS N° 12 – INTERACTIONS

« Pourquoi tant d’analyses ? »

M. K., 59 ans, est traité depuis 2 ans par Coumadine (warfarine). Depuis un mois, il est traité par cisplatine à l’hôpital pour un cancer du poumon. Son épouse vient chercher son traitement antiémétique : Emend (125 mg 1 heure avant la chimiothérapie puis 80 mg les 2 jours suivants), Zophren (4 ampoules de sol. inj. IV 4 ml) et dexaméthasone (12 mg 30 minutes avant la chimio puis 8 mg pendant 3 jours). Parmi les différentes ordonnances se trouve aussi une prescription d’INR hebdomadaire : « Pourquoi mon mari doit-il faire contrôler son INR aussi souvent ? »

Que répondre à Mme K. ?

Le traitement antiémétique est susceptible d’interagir avec l’anticoagulant de M. K.

ANALYSE DU CAS

→ Le protocole antiémétique visant à prévenir les nausées et vomissements liés à une chimiothérapie hautement émétisante comme le cisplatine associe un sétron (Zophren, antagoniste sérotoninergique), l’aprépitant (Emend, antagoniste des récepteurs de la substance P) et un corticoïde.

→ L’aprépitant est à la fois un inhibiteur de l’isoforme 3A4 du cytochrome P450 (CYP) et un inducteur des CYP 2C9 et 3A4, ainsi que de la glucuronidation. L’effet inducteur s’installe plus lentement que l’effet inhibiteur.

→ En cas de traitement concomitant par la warfarine, substrat du CYP 2C9, la surveillance de l’INR doit être renforcée pendant, mais aussi après l’association. En effet, une diminution de 34 % de la concentration d’anticoagulant a été observée 5 jours après l’arrêt de l’aprépitant.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien explique à Mme K. qu’il est important de respecter le rythme des INR. Tout résultat inférieur à 2 ou supérieur à 3 devra être signalé au médecin.

→ Il précise aussi que la boîte d’Emend contient deux dosages différents et qu’il faut bien respecter le plan de prise, sans intervertir les dosages.

Cas particuliers : nausées et vomissements chimio-induits. CAS N° 13 – EFFETS INDÉSIRABLES

Monsieur F. est tout rouge !

Aujourd’hui, Mme F. vient demander conseil pour son mari : « Marcel se plaint de maux de tête et de bouffées de chaleur. C’est vrai qu’il a le visage bien rouge. » La pharmacienne se souvient avoir dispensé 48 heures auparavant, une ordonnance de Zophren 8 mg (ondansétron) pour Marcel F., un comprimé 2 fois par jour pendant 3 jours.

Que faut-il en penser ?

Les symptômes décrits par Mme F. sont évocateurs d’une vasodilation iatrogène.

ANALYSE DU CAS

→ Les maux de tête dont se plaint Marcel F. sont survenus peu de temps après l’introduction d’ondansétron, laissant penser à une origine iatrogène. Les céphalées sont un effet indésirable très fréquent (10 % des patients) des antagonistes sérotoninergiques. Il s’agit de manifestations de vasodilatation. Elles régressent spontanément ou après la prise de paracétamol.

→ D’autres troubles vasomoteurs comme des bouffées de chaleur ou un flush facial sont aussi fréquemment rapportés, ainsi que des cas d’hypotension.

ATTITUDE À ADOPTER

→ La pharmacienne explique à Mme F. que les symptômes de son mari sont très probablement liés à son antiémétique. Elle encourage la poursuite du traitement (d’autant qu’il ne reste plus qu’une prise) et conseille du paracétamol pour soulager les céphalées. Si cela s’avérait insuffisant, un avis médical serait nécessaire.

→ Pour éviter des manifestations d’hypotension, la pharmacienne recommande que M. F. soit prudent lors des changements de position et se lève lentement. Le port de bas de compression peut aussi être utile.

Cas particuliers : nausées et vomissements chimio-induits. CAS N° 14 – EFFETS INDÉSIRABLES

« Que faire pour éviter ça ? »

Mme N. est traitée pour une leucémie aiguë myéloblastique par Zavedos (idarubicine) 20 mg/m2 une fois par semaine. Ayant mal toléré la première prise, son médecin lui a prescrit un antiémétique, Zophren (ondansétron), 1 cp à 8 mg 2 fois par jour pendant 2 jours après chaque prise de Zavedos. En présentant l’ordonnance d’exception de sa femme, M. N. est inquiet. Il indique que sa femme a déjà pris Zophren : « Elle a été tellement gênée par une constipation qu’elle a failli arrêter son traitement. Que faire pour éviter ça ? »

Cet effet peut-il être prévenu ?

La constipation est l’effet indésirable le plus fréquent de Zophren, susceptible d’altérer la qualité de vie (inconfort, douleur, diminution de l’appétit…). Elle peut être prise en charge de manière préventive à l’officine.

ANALYSE DU CAS

→ La sérotonine est un neuromédiateur impliqué dans les nausées et vomissements chimio-induits qui, par ailleurs, a pour effet d’augmenter la motilité intestinale en se fixant sur les récepteurs 5-HT3 et 5-HT4 du tube digestif.

→ Du fait de leur action antagoniste spécifique sur les récepteurs 5-HT3, les sétrons inhibent les vomissements chimio-induits, mais ils sont susceptibles de diminuer le péristaltisme intestinal et d’induire une constipation, voire une occlusion intestinale, en particulier chez des patients à risque : association à d’autres ralentisseurs du transit (opiacés, inhibiteurs calciques, atropiniques…) ou traitement anticancéreux par vinca-alcaloïdes qui provoquent une altération de l’innervation neurologique intestinale.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le traitement des nausées et vomissements chimio-induits est indispensable en raison de leurs complications contribuant à altérer l’état général : pertes hydroélectrolytiques (surtout dans le cas de Mme N. traitée par une anthracycline, Zavedos, chez qui une hypokaliémie favoriserait la survenue d’une toxicité cardiaque), anorexie, carences alimentaires. Il faut inciter Mme N. à prendre son antiémétique.

→ Le médecin n’ayant pas prescrit de laxatif, le pharmacien rappelle les conseils hygiénodiététiques pour prévenir une constipation et suggère l’achat d’un laxatif osmotique.

Prévenir l’iatrogénie

Les questions à se poser lors de la délivrance d’un antiémétique

L’ordonnance est-elle recevable ?

Les sétrons et l’aprépitant sont des médicaments d’exception.

Quel est le profil du patient ?

→ Enfant : en conseil, la métopimazine et le diménhydrinate sont indiqués à partir de 6 ans. La diphénhydramine est utilisable à partir de 2 ans. D’autre part, le métoclopramide n’est indiqué chez l’enfant à partir de 1 an qu’en 2e intention pour des vomissements postopératoires ou chimio-induits. La scopolamine est réservée aux enfants de plus de 15 ans.

→ Femme enceinte : le métoclopramide est à privilégier. L’alizapride est contre-indiqué.

→ Femme allaitante : le métoclopramide et la dompéridone sont à privilégier.

→ Insuffisant cardiaque décompensé : la dompéridone est contre-indiquée.

→ Patient souffrant d’adénome de la prostate : la métopimazine, les anti-H1 et la scopolamine, à effet anticholinergique, sont contre-indiqués.

→ Patient souffrant de glaucome : les anti-H1, la scopolamine et la métopimazine ne sont contre-indiqués qu’en cas de risque de glaucome par fermeture de l’angle.

→ Patient parkinsonien : les antagonistes dopaminergiques (à l’exception de la dompéridone) sont contre-indiqués avec une dopathérapie ou des agonistes dopaminergiques.

→ Patient de type Alzheimer : les anti-H1, la scopolamine et la métopimazine sont susceptibles de diminuer l’efficacité des anticholinestérasiques.

→ Patient âgé : les anti-H1, la scopolamine et la métopimazine sont à utiliser avec prudence (plus grande sensibilité à l’hypotension orthostatique et aux vertiges).

→ Patient asthmatique : le diménhydrinate est à éviter.

Comment prévenir et gérer les effets indésirables ?

→ Sous sétrons : constipation dont la survenue peut être limitée par des conseils hygiénodiététiques et la dispensation d’un laxatif osmotique. Les céphalées, généralement transitoires, peuvent être soulagées par du paracétamol.

→ Sous dompéridone : risque d’allongement de l’espace QT. Respecter les posologies (30 mg/j max chez l’adulte et 0,75 mg/kg/j chez l’enfant) et les durées de traitement (1 semaine en général). Contre-indiquée avec les autres torsadogènes et les inhibiteurs puissants du CYP 3A4.

→ Sous métopimazine, anti-H1, scopolamine : risque d’effets atropiniques (majoré par l’association aux autres anticholinergiques), de somnolence (ne pas consommer d’alcool et éviter la conduite), d’hypotension orthostatique.

→ Sous métoclopramide : risque de dystonies précoces et de dyskinésies tardives. Respecter un intervalle de 6 heures entre deux prises, même en cas de rejet de la dose. Bien respecter la posologie (30 mg/j max chez l’adulte) et ne pas dépasser 5 jours de traitement. La survenue de troubles neurologiques nécessite l’arrêt du traitement et éventuellement un traitement correcteur.

Quels conseils donner ?

→ Outre des conseils diététiques, insister sur l’importance d’une bonne hydratation, en particulier en cas de diarrhées associées, chez le jeune enfant et le sujet âgé, mais aussi en cas de traitement par diurétiques.

→ Consulter un médecin en présence de signes de gravité (forte fièvre, vomissements de sang, vomissements en jets ou incoercibles…), ou en cas de suspicion d’origine iatrogène, et si les vomissements persistent au-delà de 2 jours de traitement.

Torsades de pointes et dompéridone

→ On appelle torsades de pointe, un trouble du rythme cardiaque pouvant évoluer en une fibrillation ventriculaire, potentiellement létale. Les facteurs favorisants sont : l’hypokaliémie, la bradycardie, un allongement congénital ou acquis (notamment iatrogène) de l’intervalle QT à l’ECG.

→ Les principaux médicaments torsadogènes sont les antiarythmiques de classe Ia et III, certains anti-infectieux (halofantrine, pentamidine, érythromycine et spiramycine IV, lévofloxacine), la mizolastine, le citalopram et l’escitalopram et certains neuroleptiques dont la dompéridone.

→ Les effets indésirables cardiaques graves associés à la dompéridone ont été confirmés en juillet 2014. En conséquence, elle est désormais contre-indiquée en cas d’affections cardiaques sous-jacentes et en association aux autres torsadogènes ou inhibiteurs de CYP 3A4. Elle est par ailleurs également contre-indiquée en cas d’insuffisance hépatique. L’ANSM, dans son alerte du 1r septembre 2014, recommande également de l’utiliser à la dose la plus faible possible (limitée chez l’adulte à 30 mg/j), sur une durée la plus courte possible (généralement inférieure à une semaine). Les présentations à 20 mg ont été retirées du marché dès le 10 septembre 2014.

Rétentions urinaires iatrogènes

→ La progression de l’urine dans les voies urinaires est régulée par le système nerveux autonome.

→ Certains médicaments favorisent les rétentions d’urine, exposant au risque d’infection urinaire du fait de la stase des urines, voire de « globe vésical » (distension vésicale liée à l’accumulation des urines). Il s’agit :

– des opiacés,

– des médicaments atropiniques (antiparkinsoniens anticholinergiques, antidépresseurs imipraminiques, neuroleptiques phénothiaziniques, anti-H1 de première génération…), qui sont des antagonistes parasympathiques,

– des sympathomimétiques alpha, comme la pseudo-éphédrine, qui sont des agonistes adrénergiques.

Nausées et vomissements : quand consulter ?

→ Si, la plupart du temps, nausées et vomissements peuvent être pris en charge à l’officine, une consultation médicale s’impose parfois, notamment en cas de :

– suspicion d’origine iatrogène : à évoquer avec les médicaments agissant sur le centre du vomissement ou les récepteurs de l’area postrema (opiacés, morphiniques, antiparkinsoniens, antidépresseurs), ou exerçant une action irritante sur la muqueuse digestive (anticancéreux, AINS…) ;

– signes de gravité : forte fièvre, vomissements de bile ou de sang, vomissements en jets (évocateurs de méningite) ou incoercibles, vomissements apparus après un choc sur la tête (suspicion de traumatisme crânien) ;

– signes évocateurs de déshydratation : sensation de soif intense, constipation, confusion ;

– aggravation ou persistance des vomissements au-delà de 2 jours de traitement antiémétique.

→ De même, il convient d’orienter vers un médecin certains profils particuliers : enfant d’âge inférieur à 6 ans, femme enceinte ou allaitante, personne âgée.

Comment agissent les antiémétiques ?

– Les antagonistes sérotoninergiques 5HT3 (ou sétrons) agissent en bloquant l’activation des afférences vagales, mais aussi en se fixant sur les autorécepteurs 5HT3 des cellules entérochromaffines, ce qui diminue la libération de sérotonine par ces cellules.

– Les antagonistes NK1 (aprépitant) agissent en bloquant les récepteurs à la substance P situés sur la CTZ.

– Les antagonistes dopaminergiques bloquent les récepteurs D2 du tractus gastro-intestinal (antagonistes périphériques), les récepteurs de la CTZ (située en dehors de la barrière hématoencéphalique) ainsi que les récepteurs D2 du centre du vomissement (antagonistes centraux).

– Les anti-H1 agissent sur les afférences vestibulaires et le centre de vomissement en exerçant une action antihistaminique prépondérante, mais aussi anticholinergique.

– Les anticholinergiques agissent sur les récepteurs muscariniques M1 des afférences vestibulaires et du centre du vomissement.

Anti-H1 : abus et dépendance

→ Une enquête d’addictovigilance ouverte en 2014 par l’ANSM sur le diménhydrinate et la diphénhydramine a mis en évidence des cas de surconsommation possible ou probable, d’abus, de dépendance, de mésusage et d’un syndrome de sevrage.

→ Des cas de soumission chimique dans un condiv d’agression sexuelle ont également été signalés.

→ En février 2015, la commission des stupéfiants et psychotropes de l’ANSM s’est déclarée favorable à la radiation de Nausicalm et Mercalm de la liste des spécialités en accès direct.

→ L’ANSM recommande l’ajout d’une mise en garde sur le risque d’abus dans les RCP de ces spécialités (déjà présente pour la Nautamine).

Nausées et vomissements gravidiques

→ 75 % des femmes enceintes souffrent de nausées, accompagnées pour la moitié d’entre elles de vomissements. Les nausées et vomissements liés à la grossesse s’observent le plus souvent au premier trimestre, avec un pic de fréquence au 2e mois. Ils débutent en effet généralement avant 8 semaines d’aménorrhées et disparaissent progressivement vers 12 à 14 semaines d’aménorrhées. Ces troubles peuvent néanmoins persister au 2e trimestre (chez 10 % des femmes) et au 3e trimestre (3% des femmes).

→ Dans la plupart des cas, ces symptômes sont modérés et sans gravité. Cependant, certains vomissements peuvent être incoercibles et provoquer d’importants troubles hydroélectrolytiques ainsi que des carences nutritionnelles qui peuvent se répercuter sur l’embryogenèse. Dans ce cas, une hospitalisation est nécessaire et un traitement neuroleptique hors AMM, justifié. Ces vomissements incoercibles surviennent dans 0,3 à 2 % des cas. Des vomissements survenant au 2e ou 3e trimestre de grossesse doivent également inciter à une consultation médicale car ils peuvent être des signes de prééclampsie.

Conseils en cas de nausées et vomissements

→ Penser à boire : insister sur l’importance d’une bonne hydratation pour compenser les pertes hydroélectrolytiques dues aux vomissements, qui exposent tout particulièrement les nourrissons et les personnes âgées au risque de déshydratation, et ce, d’autant plus qu’une diarrhée est associée. Si besoin, et surtout chez les jeunes enfants, proposer des solutions de réhydratation orale (1 sachet à diluer dans 200 ml d’eau, à renouveler plusieurs fois dans la journée). Boire fréquemment par petites gorgées, les gros volumes sont émétisants.

→ Conseils diététiques : fractionner les repas (prendre plusieurs petites collations régulièrement réparties dans la journée), privilégier des repas légers, éviter les aliments très odorants qui peuvent provoquer un écoeurement et les aliments lourds à digérer : plats en sauce, aliments gras, fritures, mets trop sucrés ou épicés. Eviter de manger juste après avoir vomi. Manger lentement dans le calme. Ne pas consommer d’alcool.

→ Conseils lors de chimiothérapie : privilégier les aliments qui font envie. Tenir compte des troubles olfactifs associés qui sont aussi des effets indésirables des cytotoxiques et qui rendent insupportables certaines odeurs alimentaires (fritures, poissons, viande, choux, oignons, ails), mais aussi les odeurs de parfum, de tabac, de peinture…

Eventuellement, déléguer la préparation des repas en cas de gêne due aux odeurs. Privilégier les repas froids, souvent mieux tolérés. En cas de dégoût de la viande ou du poisson, choisir la volaille, les œufs et les produits laitiers. En cas de dysgueusie ou de goût métallique dans la bouche, sucer des bonbons acidulés ou mentholés.

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