APPRENTIS CHERCH ENT OFFICINES - Le Moniteur des Pharmacies n° 3075 du 11/04/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3075 du 11/04/2015
 
EMPLOI

L’événement

Auteur(s) : Afsané Sabouhi

Après les pharmaciens adjoints intérimaires et remplaçants, c’est au tour des centres de formation de tirer le signal d’alarme. Les titulaires sont en effet de plus en plus réticents à prendre des apprentis à l’officine, alors que la pénurie de préparateurs diplomés est déjà marquée dans certains départements.

Cette année, j’avais 350 jeunes candidats, je n’ai pu signer que 150 contrats. Et ça n’a pas été facile ! » Fabienne Bouvier, responsable pédagogique du centre de formation d’apprentis (CFA) de la pharmacie de Marseille-Provence, est loin d’être un cas isolé. Le constat est le même dans toute la France et semble s’être accentué ces dernières années. « En quatre ans, le nombre d’élèves a été divisé par deux. Mais ce ne sont pas les jeunes qui manquent, ce sont les officines prêtes à les accueillir », confirme Solange Liozon, responsable du CFA Sud Formation Santé du Vaucluse. « La situation est devenue complètement paradoxale. Je suis contactée chaque semaine par des pharmaciens et des agences d’intérim à la recherche de préparateurs fraîchement diplômés mais, en même temps, j’ai un mal fou à trouver des maîtres d’apprentissage », s’alarme Fabienne Bouvier. Les titulaires de petites et moyennes officines sont devenus très réticents à accueillir des jeunes, « alors que ce sont des lieux beaucoup plus formateurs que les grosses officines, où l’apprenti est trop souvent la petite main qui déballe les cartons », regrette Solange Liozon.

Une conjoncture économique qui laisse peu de visibilité

Si les responsables des CFA s’inquiètent d’une culture de l’apprentissage en perte de vitesse, les officinaux pointent plutôt du doigt la conjoncture économique défavorable. « Prendre un apprenti, c’est se projeter sur deux ans, c’est déjà presque du moyen terme pour une officine. Former quelqu’un sans savoir si je vais avoir les moyens de l’embaucher à l’issue de son apprentissage, ça ne m’emballe pas », reconnaît Stéphanie Muller, installée à Herserange (Meurthe-et-Moselle). « Ce n’est pas un problème de maîtres d’apprentissage, c’est un problème économique, résume Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Même si tout le monde a conscience de l’investissement bénéfique que représente un apprenti pour une équipe officinale, à l’heure actuelle, c’est avant tout un coût que beaucoup ne peuvent plus se permettre. » Même les plus fervents partisans de la transmission du métier. « J’ai 30 ans d’expérience, j’ai toujours eu des jeunes à l’officine, et c’est une satisfaction personnelle d’avoir pu embaucher mes deux dernières apprenties comme préparatrices en CDI. Mais, cette année, non, confie Marie-Paule Couet, titulaire à Stains (Seine-Saint-Denis). Je ne me sens pas le droit de donner à un jeune l’illusion d’un avenir sur lequel moi-même j’ai des doutes. Les employés sont les premiers sacrifiés, j’ai de plus en plus de confrères qui travaillent seuls. »

Un salaire d’apprentissage jugé trop élevé par certains

Dans ce condiv, la rémunération des apprentis préparateurs est unanimement jugée excessive. Elle est de 65 % du smic en première année et 75 % en deuxième année, soit 950 puis 1 100 euros mensuels. « C’est fou ! Même un jeune en formation pour être ingénieur ne touche que 600 euros par mois ! Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’un tel salaire en apprentissage biaise le recrutement », regrette François Miquey, installé à Valence (Drôme).

Le brevet professionnel de préparateur est en effet l’un des apprentissages les plus rémunérateurs, très largement au-dessus du minimum légal, qui est de 41 % du smic en première année et 49 % l’année suivante pour un jeune âgé de 18 à 21 ans. « Pour un pharmacien qui hésite entre former un apprenti et embaucher un préparateur tout juste diplômé à temps partiel, ce niveau de rémunération ne plaide pas du tout en faveur du premier », souligne Philippe Denry, président de la commission Relations sociales et formation professionnelle à la FSPF. Ce salaire expose même les apprentis à voir leur salaire net diminuer une fois qu’ils sont diplômés et embauchés et que leur statut n’est plus exonéré de charges. « Je ne pense pas que nous manquerions de candidats si le salaire diminuait. En revanche, cela pourrait convaincre certains pharmaciens, et surtout leurs comptables, d’embaucher un apprenti ! », affirme Fabienne Bouvier.

Une formation trop théorique et donc inadaptée

Autre critique récurrente de la formation de préparateur, elle est devenue inadaptée au métier. « Quel intérêt de leur apprendre des préparations que la plupart des officines n’ont plus le droit d’en réaliser ou presque ? », s’interroge Marie-Paule Couet. « Le référentiel n’est pas assez axé sur le conseil aux malades, c’est sûr. Malgré les deux tiers du temps passés à l’officine, la formation reste encore trop théorique », reconnaît Solange Liozon. « Le référentiel n’a pas été revu depuis 1997 alors que le métier a beaucoup changé. Une année de formation supplémentaire permettrait d’approfondir la pharmacologie et les ordonnances mais aussi d’aborder concrètement le conseil et la communication », estime Philippe Denry.

Les pharmaciens sont en effet nombreux à regretter l’époque où les apprentis étaient formés en 5 ans à partir d’un niveau de troisième ou seconde. Les syndicats de la profession plaident auprès des ministères concernés pour un étalement sur 3 ans de l’actuelle formation après le bac. « L’Etat cherche à augmenter le nombre d’apprentis. Réformez la formation des préparateurs en ajoutant une année et vous passez de 7 000 à 10 000 apprentis, c’est mécanique et notre branche sera capable de les embaucher. Il y a consensus de la profession, mais sur le terrain, il ne se passe rien malgré les annonces gouvernementales régulières sur l’apprentissage », regrette le président de la commission Relations sociales et formation professionnelle à la FSPF.

Confirmation de Gilles Bonnefond : « Nous montons au créneau depuis 2011 sur cette question et rien ne bouge. L’idée d’un diplôme en trois ans qui ne soit pas une licence professionnelle plonge visiblement l’administration dans des tergiversations infinies ! » Mais l’échéance de l’objectif de 500 000 apprentis en 2017, fixée par François Hollande lui-même en septembre dernier, pourrait mettre enfin un terme à ces « tergiversations ».

Une charge de plus pour le titulaire ?

C’est l’ultime argument des titulaires réticents à prendre un apprenti. « Je n’ai matériellement pas le temps de former un jeune. » Mais savent-ils que les adjoints et les préparateurs peuvent parfaitement être maîtres d’apprentissage ? Il n’y a aucune obligation réglementaire à ce que cette charge incombe elle aussi au titulaire. De fait, c’est une équipe qui forme l’apprenti. « L’arrivée d’un jeune est l’occasion de réorganiser l’équipe, souligne Fabienne Bouvier (CFA de la pharmacie Marseille-Provence). En spécialisant l’apprenti sur les tâches de back-office, les préparateurs peuvent être au comptoir, ce qui libère du temps aux pharmaciens pour assurer leurs nouvelles missions. C’est l’avenir… »

63 000 préparateurs environ en France.

90 % travaillent en officine.

90 % sont des femmes.

7 000 apprentis formés dans les CFA.

Source : ministère de l’Education nationale.

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