LA PROGRESSION DE LA MARGE S’ESSOUFFLE

Il était temps qu’un changement de modèle arrive ! En 2014, dernière année avant la mise en œuvre des honoraires de dispensation, les ratios de rentabilité sont en nette régression. Telles sont les conclusions de la dernière étude statistique menée par KPMG à partir de l’analyse des comptes annuels d’un panel de 517 pharmacies. En effet, la situation économique des officines s’est assombrie l’an dernier, moins par la baisse du chiffre d’affaires que par le décrochage de la marge. Celle-ci, en valeur, n’a progressé que de 0,6 %. « En 2013, notre étude montrait une inflexion positive de la marge de 2,8 %, cela n’a pas duré », constate Joël Vellozi, expert-comptable, responsable national du réseau professions de santé de KPMG et de cette étude. Pour la seconde année consécutive dans l’étude KPMG, le chiffre d’affaires baisse de 1 % en moyenne, soit un peu moins qu’en 2013 (- 1,3 %). Mais les disparités entre les officines s’accentuent. Comme en 2013, près des deux tiers des pharmacies enregistrent une évolution négative du chiffre d’affaires. Pour un quart d’entre elles, le recul est plus marqué : il est d’au moins 5,1 % (- 4,8 % en 2013). De même, les 10 % de pharmacies les plus durement touchées enregistrent une régression de plus de 8 % (contre 7,5 % un an plus tôt). Inversement, les 10 % de pharmacies les plus compétitives se détachent encore plus de la moyenne (+ 5,2 % en 2014 contre + 4,5 % en 2013).

La « prime à la taille » reste une constante: les pharmacies de chiffre d’affaires supérieur à 2,2 M€ progressent en moyenne de 0,8 % tandis que celles de chiffre d’affaires inférieur à 1,1 M€ ont connu une évolution moyenne trois points en dessous (- 2,3 %). Il en va de même pour les pharmacies de centre commercial (+ 1,7 %) par rapport à celles de zone urbaine (-1 %) et de zone rurale (- 2,1 %). Les effets conjoints des baisses de prix des médicaments remboursables et du développement des génériques sont sans surprise sur la baisse du chiffre d’affaires des produits à TVA 2,1 %, qui est de 2 % en moyenne. Mais pour compenser en partie cette perte, les pharmaciens n’ont pu compter l’an dernier que sur le bon score des ventes de produits à TVA 19,6 % et 20 % (+ 5,3 % en valeur). En effet, les ventes de produits à TVA 5,5 %, 7 % et 10 %, regroupant des marchés de l’officine aux évolutions contrastées en 2014, n’ont pas constitué pour un levier de croissance (0 %).

Décrochage inédit de la marge

La mauvaise surprise est clairement la faiblesse de la progression de la marge en valeur, qui est mesurée par KPMG en tenant compte des autres composantes de la rémunération des pharmaciens (remises, rémunérations sur objectifs de santé publique, coopérations commerciales…). « + 0,6 % en moyenne, c’est le pourcentage de progression le plus faible jamais calculé dans nos analyses », observe Joël Vellozzi.

Autre surprise de taille : la part des pharmacies ayant une évolution négative de la marge en valeur a progressé en un an de 34,8 % à 48,7 %. Concernant les taux de marge brute, les dispersions sont faibles selon la taille de la pharmacie sachant que la moyenne progresse à 31,7 % (31,1 % en 2013). « La baisse de chiffre d’affaires de 1 % conjuguée à une augmentation de la marge de 0,6 % a un effet favorable sur le taux de marge mais ce n’est pas en soi un indicateur d’amélioration des résultats », précise Joël Vellozi. C’est la progression du taux de marge de un point sur la vente de médicaments remboursables qui tire la moyenne vers le haut. Le taux de marge global sur le cœur d’activité de l’officine est de 31,6 % en moyenne, ce qui surprend toujours à l’annonce de ce chiffre. En fait, hors remises et autres avantages commerciaux, et en appliquant le barème de la MDL (marge dégressive lissée), ce taux se situe en 2014 à 22,9 %, générant une marge de 265 210 € dont 38 % sont issus du générique. Les points complémentaires de taux de marge proviennent des rémunérations annexes, comme par exemple les coopérations commerciales (37 000 €), les remises sur génériques (35 000 €) ou encore les remises grossistes (15 500 €), soit un total de 100 700 €.

En agrégeant ces différentes rémunérations liée à la MDL, la marge totale dégagée sur les ventes de spécialités remboursables est de 365 910 € par pharmacie, en progression de 1 % (3 500 €) par rapport à 2013.

Concernant les marges des autres activités, KPMG dresse un constat préoccupant. L’automédication étant à la peine, la marge sur le médicament non remboursable recule de 0,7 % en valeur et celle sur les activités à 19,6 % n’est pas si florissante que cela (+ 2,8 %). « L’évolution de ces marges en valeur ne donne pas de latitude aux pharmaciens pour investir en confiance dans le développement de leur activité », analyse Joël Vellozzi.

Vers une marge de 22 % sur le remboursable

En 2015, le modèle de formation de la marge officinale va évoluer de manière significative. « La rémunération du pharmacien comprendra dorénavant la marge commerciale, les honoraires de dispensation et la rémunération des services pharmaceutiques. » Ainsi, selon des projections de KPMG à 2016, le taux de marge globale sur les ventes de spécialités à TVA 2,1 % devrait chuter de 31 % à 22 % environ. Le taux de marge sur l’activité commerciale diminuant, le pharmacien sera appelé à développer des activités complémentaires et de services, et à se recentrer sur son rôle de professionnel de santé.