POURQUOI ? COMMENT ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3068 du 21/02/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3068 du 21/02/2015
 
RÉFORMER L’ASSURANCE MALADIE

Enquête

Auteur(s) : Marie Alès

Des économistes de la santé proposent de réformer notre système d’assurance maladie afin de pérenniser la couverture des assurés, le financement du système et le rendre plus efficient. Au point pour certains de vouloir refonder l’assurance maladie.

L’Assurance maladie est-elle encore utile ? » Sous ce titre provocateur, le Cercle Santé Innovation publiait en décembre 2013 un rapport sur l’avenir de l’assurance maladie, sous la direction scientifique de Jean de Kervasdoué, économiste de la santé. Quatre mois plus tard, c’était au tour du Conseil d’analyse économique (CAE) de diffuser une note intitulée « Refonder l’assurance-maladie », corédigée par trois économistes, Brigitte Dormont, Pierre-Yves Geoffard et Jean Tirole, qui se verra remettre le prix Nobel d’économie en décembre 2014. Leur point commun ? Proposer une profonde réforme d’un système mis en place en 1945.

Depuis au moins dix ans, économistes de la santé, politiques, professionnels de la santé et associations de patients font le même constat : l’assurance maladie est malade. Déficit structurel, dépenses de santé en hausse constante, complexité du système de santé, cloisonnement entre ville et hôpital, glissement de l’assurance maladie vers les complémentaires santé, inégalités d’accès aux soins… Les maux sont nombreux et, pour le Cercle Santé Innovation comme pour le Conseil d’analyse économique, une refonte du système est indispensable. Mais quels sont les remèdes ? Le Cercle Santé Innovation et le Conseil d’analyse économique notamment estiment que la définition d’un panier de soins et l’instauration de parcours de soins deviennent incontournables. Une enveloppe financière qui engloberait les soins de ville, l’hôpital, le secteur médico-social, ou la fongibilité de ces trois enveloppes, est également une solution largement avancée par les différents acteurs. Ce qui n’empêcherait pas une maîtrise des dépenses car, comme le souligne le Cercle Santé Innovation, « il n’y a pas, au-dessus d’un certain seuil, de corrélation entre le niveau de dépenses de santé et l’état de santé de la population ». Autre point clé mis en avant par le Cercle Santé Innovation, le Conseil d’analyse économique ou bien encore l’Institut Montaigne : l’évolution du mode de rémunération des professionnels avec en parallèle une véritable coordination des professionnels de santé en ville mais aussi entre ville et hôpital. L’accès aux données de santé est également évoqué.

Certes, l’Assurance maladie a mis en œuvre une maîtrise des dépenses dont les effets sont reconnus positifs. Elle cherche aussi à développer la coordination interprofessionnelle, à déployer la chirurgie ambulatoire.

Deux options pour refonder une assurance maladie sous contrôle de l’Etat

Pour le Cercle Santé Innovation, il faut un seul pilote de l’ensemble du système sanitaire, dans une logique de parcours de santé. Ce qui permettrait aussi de clarifier le rôle des complémentaires. Il faudrait remplacer l’Assurance maladie par une agence sous contrôle de l’Etat, qui comprendrait des représentants des employeurs et des salariés, mais aussi des patients et des complémentaires de santé. Les ARS deviendraient des « pilotes régionaux du système » avec la fin de la séparation entre ville et hôpital. Ce qui poserait la question d’« objectifs régionaux des dépenses d’assurance maladie ». Enfin, dernier axe de réforme: la régulation du système de santé avec une évaluation à plusieurs niveaux. Outre une évaluation du pilotage du système avec des objectifs fixés et des indicateurs, le Cercle Santé Innovation propose la création d’une autorité de santé « pleinement indépendante », regroupant la Haute Autorité de santé, l’Agence nationale d’appui à la performance* ou encore l’Agence des systèmes d’information partagés (ASIP Santé). Le but ? La définition d’un panier de soins, la lutte contre les actes et prescriptions inutiles, ainsi que le contrôle des prescriptions.

Le Conseil d’analyse économique émet quant à lui quatre recommandations pour mettre fin à notre « système mixte d’assurance maladie » (lire p. 29 l’interview de Brigitte Dormont). La première est de couvrir à 100 % les soins hospitaliers à l’exception d’un forfait journalier de 8 euros et, pour les soins de ville, de remplacer les tickets modérateurs et participations par une franchise annuelle et un copaiement, non couverts par des assurances mais plafonnés, et pouvant être fonction du revenu des patients. La deuxième préconisation est la possibilité pour les financeurs de soins de contractualiser avec les offreurs de soins. La troisième est de créer les conditions d’une véritable concurrence dans le secteur des complémentaires en déterminant un contrat homogène. Enfin, le Conseil d’analyse économique propose deux options pour refonder l’assurance maladie et avoir un système unifié avec, dans les deux cas, un financement par des cotisations proportionnelles aux revenus. La première consiste à mettre en place une gestion publique avec un pilotage décentralisé de l’offre de soins par les ARS. Un système d’information centralisé permettrait cependant de produire et diffuser des indicateurs sur les performances des ARS en matière de santé publique, de qualité des soins et d’accès aux soins. L’objectif est d’évaluer les choix stratégiques pour l’offre de soins. Dans l’option B, les assureurs seraient en concurrence régulée. Les cotisations seraient mises dans un « pot commun » et redistribuées aux assureurs sous forme de capitation par assuré en fonction par exemple de son âge et de ses maladies chroniques. Cette capitation permettrait une concurrence entre les assureurs, y compris les « petits », tous cherchant ainsi à minimiser les coûts.

Des propositions esquissées qui méritent d’être approfondies

« Ces propositions ont l’intérêt de nourrir le débat, mais sont plus esquissées qu’approfondies », explique Dominique Polton, économiste et conseillère auprès du directeur général de la CNAMTS, dans son récent livre La Santé pour tous ? Elles doivent être expertisées ainsi que leurs conséquences alors que la période est peu propice sur le plan économique. Il faudrait plutôt avoir « une vision des objectifs de progrès et mobiliser les énergies de tous les acteurs du système ». Le seul souci est que le débat n’a pas vraiment lieu en dehors de quelques sphères… C’est ce que reproche l’Institut Montaigne, lequel, dans cette attente, a organisé en 2012 une conférence de citoyens. Il s’agissait de demander à un panel de personnes, après une formation spécifique sur le sujet, ce qu’elles voulaient comme système de santé, quelles mesures elles étaient prêtes à accepter.

Les résultats de cette réflexion sont pragmatiques (voir ci-dessus l’interview d’Angèle Malâtre-Lansac) et clairs : une évolution des organisations est nécessaire au système dans sa globalité. La conclusion aussi : les assurés et usagers ne sont pas suffisamment impliqués dans son fonctionnement. Et si les citoyens étaient plus favorables aux changements que les politiques et acteurs de santé ?

* Créée en 2009, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médicaux sociaux (ANAP) est un groupement d’intérêt public français chargé d’aider les établissements à améliorer leurs services par le biais d’outils et recommandations.

Pour la réalisation de ses missions, elle peut conduire des audits de structures de soins et appuyer méthodologiquement les agences régionales de santé.

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