À BOUT DE SOUFFLE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3068 du 21/02/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3068 du 21/02/2015
 
NUMERUS CLAUSUS ÉTUDIANT

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy*, Matthieu Vandendriessche**

Dans un rapport publié le 12 février et consacré au numerus clausus de quatre professions de santé dont les pharmaciens, l’Observatoire national de la démographie des professions de santé s’interroge sur l’intérêt de conserver cet outil de régulation. Cette position relance le débat et fait réagir vivement la profession.

Gestion insuffisante, défaut de perspectives claires… Le rapport* de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) sur le numerus clausus de quatre professions de santé (médecins, pharmaciens, sages-femmes et chirurgiens-dentistes) est sans concession avec le dispositif actuel de régulation du nombre d’étudiants à former en santé. En se basant sur une étude comparative, l’organisme fait plusieurs constats accablants: les évolutions différenciées du numerus clausus de ces quatre professions aboutissent à des situations démographiques hétérogènes, un défaut de perspectives claires quant à l’évolution de l’offre de soins, des compétences et des métiers qui lui-même entretient des disparités régionales.

Concernant plus particulièrement les pharmaciens, moins touchés par la gestion en dents de scie du numerus clausus que les médecins ou les sages-femmes, l’ONDPS estime que l’avenir de la démographie de leur profession est principalement lié « à la mutation qui peut s’opérer dans l’organisation de la distribution du médicament et du nombre d’officines ». Aussi, « la fixation du numerus ne peut redevenir pertinente que si ces questions structurelles sont posées et tranchées ».

Fort de ces constats, l’Observatoire s’interroge sans détour sur l’intérêt de maintenir cet outil de régulation pour les quatre professions de santé. En cas de maintien du dispositif, il plaide en faveur « des orientations à long terme en matière d’organisation de l’offre des soins, en définissant qui fait quoi ainsi que la mise en place d’une procédure pluriannualisée adaptée à la durée d’études de chacune des professions ».

Cette position en faveur de la suppression du numerus clausus n’est pas nouvelle. En 2010, le rapport Attali pour « la libération de la croissance en France » préconise déjà cette solution pour les médecins et les pharmaciens, en proposant notamment d’articuler « les cursus exclusivement autour d’examens, et non de concours, évaluant les étudiants par rapport aux exigences de compétence ». Plus récemment encore, le rapport de l’Inspection générale des finances sur les professions réglementées, tant décrié, a également recommandé cette suppression pour la remplacer par des examens sélectifs.

Doyens de pharmacie et syndicats sont très partagés

Face à ces propositions, Dominique Porquet, président de la conférence des doyens des facultés de pharmacie, considère que le numerus clausus doit pour le moment être maintenu, à défaut de trouver mieux. « C’est un point de vue que nous partageons avec les doyens des autres facultés de santé, à une courte majorité », confie-t-il. Dominique Porquet participe avec le ministère de la Santé à la fixation annuelle du numerus clausus, qu’il verrait désormais orienté à la baisse compte tenu de l’employabilité en officine et dans l’industrie pharmaceutique. Pour lui, aucune visibilité ne sera offerte aux professions de santé tant que l’installation des médecins ne sera pas régulée.

Philippe Gaertner, président de la FSPF, regrette également le lien qui est effectué entre les deux professions. « Je ne suis pas d’accord avec ce rapport qui risque d’être délétère pour les pharmaciens. Nous ne sommes pas dans les mêmes problématiques que les médecins, par exemple en termes de répartition. » Pour autant, Philippe Gaertner se dit prêt « à voir plus loin si ce n’est pas nuisible aux pharmaciens. Il faut continuer à regarder les évolutions, mais si on bouge un curseur on risque de se tromper et se retrouver en sur-effectif en raison du condiv économique. Attention à ne pas trouver des mesures communes qui ne sont pas adaptées à la pharmacie ».

A l’inverse, Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF, partage totalement l’analyse du rapport de l’ONDPS. « Il ne faut plus s’arc-bouter sur les privilèges. L’idée de libéraliser la formation est bonne car elle faciliterait l’accès à ce diplôme à plus d’étudiants et éviterait ainsi le bachotage. Mais cette libéralisation devrait être accompagnée de garde-fous pour assurer la qualité de la formation. » Gilles Bonnefond, président de l’USPO, considère que « le numerus clausus ne sert à rien. Aujourd’hui, la profession de pharmaciens n’est pas encore impactée par l’arrivée des jeunes à diplôme étranger. Mais, demain, on va récupérer des pharmaciens formés ailleurs en Europe, dans les centres privés comme Fernando-Pessao ». Il plaide en faveur d’une hausse du numerus clausus : « Il est bloqué depuis cinq ans alors qu’on forme à tour de bras les infirmières. Il faut réfléchir à une augmentation du nombre d’étudiants formés en pharmacie, non pas de façon brutale mais de manière progressive pour permettre aux facultés de s’adapter. Il faut lancer une réflexion globale avec l’Ordre, les syndicats, les doyens et les étudiants. »

* Consulter le rapport http://bit.ly/1DqwaKF.

Le numerus hérisse les jeunes

Les étudiants en pharmacie ne veulent plus entendre parler du numerus clausus tel qu’il existe aujourd’hui. « Les critères qui conduisent à le fixer ne sont plus pertinents, mais il ne doit pas être totalement aboli. L’entrée dans nos études doit être régulée, pour la qualité de notre formation et pour des raisons de santé publique », estime Lauranne Dubois, vice-présidente de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France. Alors par quoi remplacer le bon vieux concours ? « Par une sélection qui garantisse un niveau universitaire minimal à atteindre par les étudiants, car aujourd’hui leur niveau est orienté à la baisse, y compris aux épreuves de l’internat. » Pour éviter les à-coups, les étudiants rejoignent le rapport de l’ONDPS, lequel propose notamment la nécessité de décisions pluriannuelles. Elles seront d’autant plus délicates à prendre qu’il faut compter avec les étudiants en médecine, dentaire et maïeutique.

Quant à une harmonisation européenne, elle serait aussi souhaitable que longue à mettre en œuvre. Décision pourrait d’abord être prise de bannir le terme de numerus clausus, qui déplaît aux instances européennes. « Il est amené à disparaître pour des raisons de sémantique », assure Lauranne Dubois. M.V.

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