VOS TOUT PREMIERS HONORAIRES - Le Moniteur des Pharmacies n° 3062 du 10/01/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3062 du 10/01/2015
 
NOUVELLE RÉMUNÉRATION

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy*, François Pouzaud**, Jean-Luc Decaestecker***

Depuis le 1er janvier 2015, la nouvelle rémunération entérinée en mai dernier s’applique aux officines. Si le changement s’est fait techniquement sans heurts, de nombreuses interrogations demeurent sur le terrain.

Un bon point pour les informaticiens qui nous ont fait un système tout à fait pratique », félicite Jean-Yves Forestier, titulaire de la Grande Pharmacie Colbert à Lille. Son témoignage positif rejoint ceux, unanimes, de ses confrères nordistes. Manifestement, l’absence de bugs a été « une agréable surprise », car « d’un point de vue technique cela se passe très bien », approuve Sophie Sergent, titulaire à Liévin, même si tous étaient « un peu anxieux à l’ouverture des premières mises à jour », comme le reconnaît Frédéric Cazin, de Faches-Thumesnil.

Grâce aux informations délivrées par les éditeurs de logiciels, les pharmaciens dans leur majorité ont pu mettre à jour leurs logiciels de gestion officinale et découvrir le nouveau dispositif. L’acte de dispensation est bien rémunéré de deux façons : les honoraires de dispensation de 0,82 € TTC pour chaque boîte de médicament remboursable délivrée (ou 2,21 € TTC dans le cas d’une délivrance d’un grand conditionnement contenant un traitement de 3 mois) et les honoraires pour ordonnance complexe contenant au moins 5 médicaments remboursables aux codes CIP différents.

Pour les médicaments remboursables à prescription médicale facultative, les honoraires de dispensation sont bien inclus dans le prix total, appelé « frais d’acquisition », une nouvelle terminologie qui désigne la somme du prix fixé par le Comité économique des produits de santé et les honoraires. « Hormis donc quelques petits soucis de paramétrages des logiciels et d’affichage des prix sur les réglettes de linéaires, il n’y a rien eu de bloquant, rapporte Philippe Besset, vice-président de la FSPF. Certains pharmaciens, pensant délivrer un conditionnement trimestriel (par exemple pour Permixon 180 gélules), ont été surpris de ne pas voir sortir sur la facture les honoraires pour grand conditionnement. » Andrée Ivaldi, titulaire à Paris : « Le modèle de formulaire feuille de soins – pharmacien ou fournisseur n’est plus adapté. L’édition d’une facture en mode dégradé (sans carte Vitale) se complique en présence de 6 ou 7 produits, car ce sont 12 ou 14 lignes qu’il faut désormais imprimer du fait des honoraires par boîte, et cela ne tient pas sur les anciennes feuilles Cerfa. »

Quelques jours après le passage à la nouvelle rémunération, les pharmaciens reconnaissent qu’il est encore trop tôt pour juger de son impact réel. Mais l’inquiétude est palpable. « On a regardé, fait des comparaisons avec des ordonnances de l’an dernier et on est un peu perplexes », explique Nathalie, adjointe à Lille. S’il ne sait pas si les honoraires sont économiquement justifiés, Jean-Yves Forestier s’interroge: « Vais-je maintenir ma marge, car j’ai des prêts, des salaires, des charges à payer ? » « Certains pharmaciens de mon quartier seraient tentés de ne pas facturer les honoraires de dispensation pour pouvoir vendre plus de Doliprane. A 1,19 euro au lieu de 2,01 euros, c’est alléchant pour le client », avoue un titulaire à Paris. « S’ils le font, ils doivent aussi le faire pour le même produit sur ordonnance, sinon l’Assurance maladie peut leur demander de payer des indus. Je pense que les pharmaciens qui sont tentés par cette solution économiquement destructrice vont revenir en arrière », martèle Anne Montfajon, titulaire à Taverny (Val d’Oise).

Offrir les honoraires est-il une bonne stratégie ?

L’idée de ne pas faire payer les honoraires a été évoquée en premier par Daniel Buchinger et révélée par lemoniteurdespharmacies.fr le 15 décembre dernier. Le président d’Univers Pharmacie projette en effet de dispenser les clients du paiement des honoraires lorsqu’ils souscrivent à un programme de fidélité (25 euros par an) mis en place de façon non exclusive et depuis plusieurs années au sein des officines à l’enseigne.

Cette initiative devrait rester isolée car les groupements interrogés n’ont pas l’intention de se faire de la concurrence sur le médicament à prix encadré acheté sans ordonnance. Willy Hodin, directeur général du groupe PHR, qui a mis en place un programme de fidélité adossé à une carte électronique, déclare : « Les honoraires de dispensation font partie intégrante du prix et ne pas les facturer reviendrait à se tirer une balle dans le pied. Par ailleurs, l’utilisation d’une carte de fidélité, en incitant à acheter plus de médicaments, va à l’encontre de la santé publique. Mais aujourd’hui je ne connais pas beaucoup de réseaux capables de vendre 25 euros une carte de fidélité. » Même réponse du côté de Giphar. « Détacher les honoraires du prix global est une honte pour la profession. Ne pas les faire régler, pour n’importe quel motif, et sous n’importe quelle forme, c’est renier notre rôle de professionnel de santé. C’est un non-sens à l’heure où nous nous battons pour que ce rôle, justement, soit reconnu par tous », estime Laëtitia Hible, président nationale de Giphar, qui dénonce aussi le risque de voir demain les honoraires remis en cause sur les facturations liées à des prescriptions. Car au-delà de cette polémique naissante, c’est bien le sens de cette rémunération qui est soulevé. « Comment faire comprendre aux patients que l’acte pharmaceutique reste lié à la boîte de médicament », fustige Renaud Nadjahi, titulaire à Rambouillet (Yvelines). Frédéric Cazin conclut : « Ce sera compliqué d’expliquer le paiement de 4 fois les honoraires pour 4 fois le même produit et un unique conseil. Ce qui me désole, c’est l’image du pharmacien qu’on va encore donner. »

REPÉRES

• Janvier 2014 : la FSPF signe avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) le protocole d’accord introduisant les honoraires de dispensation. L’USPO le signe avec réserve et l’UNPF le refuse.

• Février 2014 : 90 % des 1 700 officines qui ont répondu à l’enquête de l’USPO rejettent la réforme envisagée.

• Mai 2014 : la FSPF conclut seule l’avenant conventionnel introduisant la nouvelle rémunération le 1er janvier 2015.

Les divs restant à paraître

Pour parachever la mise en place de la nouvelle rémunération, six divs sont attendus :

• la décision de l’UNCAM fixant la participation de l’assuré pour les honoraires de dispensation par conditionnement ;

• l’arrêté relatif à l’information du consommateur sur le prix des médicaments ;

• le décret relatif à l’exonération de ticket modérateur applicable aux honoraires de dispensation pour ordonnance complexe, au délai d’écoulement des stocks en cas de modification de TFR due à une modification des marges, et à la perception des honoraires pharmaceutiques par les médecins propharmaciens ;

• l’article 43 du PLFSS pour 2015 (exonération de ticket modérateur pour la ligne HC, celle des honoraires pour ordonnance complexe) ;

• la lettre de la DSS permettant de couvrir la période courant entre l’entrée en vigueur des honoraires de dispensation et la fixation du ticket modérateur ;

• l’arrêté modifiant l’arrêté du 7 février 2008 fixant les coefficients de majorations applicables aux prix de vente des médicaments dans les DOM.

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