QUATRE CLÉS POUR AIDER SES COLLABORATEURS - Le Moniteur des Pharmacies n° 3060 du 13/12/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3060 du 13/12/2014
 
STRESS POSTTRAUMATIQUE

Entreprise

Auteur(s) : Fabienne Rizos-Vignal

Cambriolage, vol à main armée, agressions physiques ou verbales, les équipes officinales sont exposées à différentes formes de violences pouvant altérer leur intégrité psychologique. Moins spectaculaires que les blessures physiques, les chocs émotionnels doivent également être traités.

Vêtus en noir, cagoulés, et armés, deux individus surgissent dans la Pharmacie de la Poste à Thyez en Haute-Savoie. Ce soir de janvier 2014, il est presque 19 heures, Marianne la préparatrice est seule au comptoir avec une cliente. Un scénario terrifiant va se jouer sous leurs yeux. Les braqueurs portent le masque blanc et grimaçant du fantôme tueur du film d’horreur Scream. Ils hurlent « La caisse, la caisse ! ». L’un d’eux pointe un couteau vers la cliente, l’autre dirige son pistolet vers Marianne, paralysée par la peur. Tout va très vite. Les agresseurs sont prêts à partir quand la titulaire, Anne, revient de la réserve et les interpelle. Elle est mise en joue par un des malfaiteurs qui appuie sur la détente de son revolver. Les deux individus prennent la fuite avec 300 euros de fond de caisse. La pharmacienne est indemne, mais la préparatrice est sous le choc quand les gendarmes arrivent sur place. Un technicien en identification criminelle conclura que l’arme était chargée à blanc. L’enquête permettra d’interpeller deux adolescents de 15 et 16 ans qui habitent le quartier. Plus de peur que de mal ! Mais attention à ne pas minimiser les conséquences…

Déclarer l’agression en accident du travail

Même si aucune lésion corporelle n’est à déplorer, le traumatisme psychologique après une agression doit être pris en compte. Parmi les premières formalités, une déclaration en accident du travail est à effectuer dans les 24 heures, même en l’absence d’arrêt de travail. Il est utile d’indiquer sur la déclaration « choc psychologique dont le pronostic ne peut être fixé ce jour ». Ce formalisme permettra une prise en charge immédiate du salarié ou différée si des troubles apparaissent dans les jours qui suivent. Outre l’indemnisation sans jours de carence en cas d’arrêt de travail, la déclaration en accident du travail matérialise un lien de cause à effet entre l’agression et les symptômes qui pourraient en découler. Pour la victime, c’est une forme de reconnaissance.

Solliciter le médecin du travail

Son rôle est de conseiller l’employeur pour organiser un suivi psychologique dans l’entreprise. Lorsqu’il est formé à ces situations, le médecin du travail assure lui-même l’accompagnement psychologique. « Ce soutien doit intervenir le plus précocement possible, dans les heures qui suivent le traumatisme », conseille Victor Lora, responsable du département interventions d’urgences chez Gii qui forme et accompagne les entreprises confrontées à des agressions. Mais dans le cas de la pharmacie de Thyez, aucune assistance par la médecine du travail n’a été mise en place. Faute d’aide, la titulaire s’est tournée vers son assurance professionnelle Pharmateam. Parmi les garanties, son contrat comporte une prise en charge psychologique.

Donner la parole à la victime

Dès le lendemain du braquage, Anne a rouvert sa pharmacie sans appréhension. « Aucune angoisse ne m’a envahie. En revanche, j’ai éprouvé une forte culpabilité en voyant que Marianne n’allait pas bien du tout. Je me suis sentie en quelque sorte responsable, car tout cela est arrivé sur le lieu de travail. » Impuissante face à la détresse de sa préparatrice, la titulaire décide quelques jours plus tard de consulter une psychologue, laquelle préconise d’organiser à la pharmacie une réunion collective. Lors de cet échange, Marianne exprime son ressenti, elle « pense tout le temps à l’agression » et explique sa difficulté à « se retrouver seule au comptoir » en première ligne comme le soir du braquage. « Dans une situation de choc, l’écoute et la présence authentique sont essentielles. La victime doit se sentir soutenue » précise Victor Lora (Gii).

Prévenir le stress posttraumatique

Face à un événement traumatique, nous ne sommes pas tous égaux. « Certains sujets le surmonteront spontanément avec leurs propres ressources, alors que d’autres auront besoin d’un secours », constate Victor Lora. Tout dépend du vécu et du cadre de référence de chacun. Il est important de ne pas dévaloriser la personne fragilisée afin de ne pas amplifier ses difficultés psychologiques. Dépression, troubles anxieux et stress posttraumatique peuvent survenir. Marianne décrit « une perte d’intérêt pour les activités ordinaires comme les courses, le ménage, des angoisses persistantes, et une profonde remise en question professionnelle ». Au point d’envisager de quitter son métier qu’elle exerce depuis plus de vingt ans.

L’émoussement des affects, le repli sur soi, l’évitement de tout ce qui rappelle le traumatisme, les souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement stressant (cauchemars, flash-back) sont symptomatiques d’un état de stress posttraumatique. Les conséquences sont à la fois personnelles et professionnelles. Pour l’entreprise, le stress posttraumatique génère notamment une augmentation de l’absentéisme, des arrêts maladie, une réorganisation du personnel, la recherche de solutions de remplacement.

Or, prévenir c’est agir. Il est démontré que l’apprentissage à une meilleure gestion de ces événements favorise l’acquisition ou le développement d’un contrôle émotionnel plus efficace. Des cabinets spécialisés en gestion de crise forment les entreprises pour les aider à anticiper les conséquences délétères sur les collaborateurs et mettre en place les pratiques managériales adaptées. Il s’agit notamment de sensibiliser l’équipe aux symptômes qui peuvent survenir après une agression. La tenue du document unique d’évaluation des risques professionnels fait également partie des outils à utiliser dans le cadre d’un plan de prévention.

Que faire après une agression ?

1. Ne pas laisser un salarié témoin ou victime d’un acte de violence seul dans les heures qui suivent.

2. Apporter rapidement une aide psychologique.

3. Déclarer l’agression en accident du travail.

4. Adresser au Conseil national de l’ordre des pharmaciens le formulaire de déclaration d’agression.

5. Analyser l’agression en interne.

6. Réévaluer le risque et si besoin adopter de nouvelles mesures de prévention.

CHIFFRES CLÉS

L’Ordre surveille

Depuis deux ans, l’Ordre national des pharmaciens a mis en place un observatoire qui recense et analyse les agressions subies au sein des pharmacies.

• 161 agressions ont été déclarées en 2013 (contre 142 en 2012).

• 51 % des agressions sont motivées par le vol (ou la tentative de vol) de la caisse.

• Les vols à main armée et les violences physiques représentent 40 % des agressions.

• 20 % des agressions ont entraîné un arrêt de travail et/ou une hospitalisation.

Source : « La sécurité des pharmaciens d’officine – Panorama 2013 », Ordre national des pharmaciens.

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